Article body

Artemis dévoile ses atours

Indépendamment de ses prérogatives au sein de l’Olympe, Artemis joue un rôle fondamental, chez nous, mortels, dans le développement du système immunitaire. Au cours de la maturation des lymphocytes T et B, les gènes codant pour les immunoglobulines et les récepteurs T de l’antigène (TCR) sont réarrangés par le processus de recombinaison V(D)J, assurant ainsi une large diversité à ces récepteurs antigéniques. Artemis est un des facteurs de la machinerie de recombinaison, également impliquée dans les processus de réparation des lésions de l’ADN; son altération entraîne un arrêt de la maturation des lymphocytes conduisant à un déficit immunitaire combiné sévère (DICS) [1]. Quatre communications parues au cours des dix derniers mois ont révélé certaines particularités intéressantes d’Artemis.

(1) Artemis exerce une activité endonucléase capable d’ouvrir les épingles à cheveux (hairpins) produites lors de la phase précoce de la recombinaison V(D)J par les facteurs RAG1 et RAG2 [2]. Cette faculté requiert l’association d’Artemis à la DNA-PKcs (dont la mutation est responsable du phénotype des souris scid [severe combined immunodeficient], et sa phosphorylation par cette dernière. En l’absence de DNA-PKcs, Artemis possède une activité exonucléase intrinsèque, compatible avec son appartenance à la famille des métallo-β-lactamases [3]. L’activité de résolution des hairpins par Artemis a par ailleurs été confirmée, in vivo, puisque ces structures s’accumulent dans les thymocytes immatures des souris dont le gène Artemis a été invalidé [4]. (3) Les effecteurs de la recombinaison V(D)J et de la réparation de l’ADN représentent des gardiens de l’intégrité du génome (caretaker) et leur inactivation, dans des modèles murins particuliers, s’accompagne du développement systématique de lymphomes pro-B chez ces souris. Nous avons récemment identifié quatre patients présentant des mutations hypomorphes d’Artemis permettant le développement d’un faible nombre de lymphocytes T et B [5]. Chez deux patients, ces mutations étaient associées à une instabilité génétique et au développement de lymphomes B EBV (Epstein-Barr virus) très agressifs. Cette observation confère donc également à Artemis un rôle de caretaker. Fred Alt arrive à la même conclusion qui observe une instabilité génétique chez des souris dont le gène Artemis est invalidé [4]. Si Artemis nous dévoile quelques-uns de ses secrets, nous en savons encore bien peu sur sa fonction précise dans les processus de réparation des dommages de l’ADN, ou sur sa responsabilité dans le développement de certains cancers lorsqu’elle est altérée

Les cellules de Schwann sont aussi atteintes dans le diabète de type 1

Il est communément admis que le diabète de type 1 résulte de la destruction par un mécanisme auto-immun des cellules β des îlots de Langerhans sur la même ligne ne pas couper, mais que les autres populations présentes dans les îlots de Langerhans sont épargnées. Ce paradigme vient d’être ébréché par un travail qui montre que les cellules de Schwann péri-insulaires, qui enveloppent les îlots et expriment des marqueurs neuronaux, sont une cible précoce de la maladie auto-immune [6]. Cette attaque des cellules de Schwann n’est ni nécessaire, ni suffisante pour l’activation de la réponse immune dirigée contre les cellules β, mais elle fait intervenir des antigènes communs aux cellules de Schwann péri-insulaires et aux cellules β, comme la décarboxylase de l’acide glutamique (GAD, glutamic acid decarboxylase), un antigène majeur de la maladie auto-immune conduisant au diabète. Une question cruciale, à laquelle ne répond pas ce travail, est donc de savoir si la réponse auto-immune dirigée contre les cellules de Schwann précède celle qui est dirigée contre les cellules β et lui sert de déclencheur, ou si c’est la situation inverse qui prévaut, ou si les deux événements sont indépendants. Les auteurs décrivent ce processus chez la souris NOD (non obese diabetic), mais il s’applique probablement aussi à la maladie humaine, puisqu’on peut détecter des auto-anticorps dirigés contre des déterminants antigéniques spécifiques de ces cellules de Schwann chez des patients diabétiques ou ayant un facteur de prédisposition à développer la maladie. La découverte d’autres cibles cellulaires au sein des îlots de Langerhans va certes entraîner une enquête approfondie à la recherche des coupables (et potentiellement à la recherche de cibles thérapeutiques), mais on ne comprend toujours pas pourquoi les autres cellules endocrines pancréatiques (cellules synthétisant le glucagon et la somatostatine) sont épargnées.

Mutations du récepteur du PDGF ou de ckit, il faut choisir

L’inactivation, par des antagonistes spécifiques dont le chef de file est le Glivec®, de l’activité tyrosine kinase (TK) excessive et déréglée de récepteurs mutés est sûrement un des progrès thérapeutiques majeurs de ces dernières années en cancérologie. Le Glivec® neutralise la fonction de deux protéines dont l’activité tyrosine kinase est à l’origine d’une prolifération inappropriée: la protéine chimérique Bcr-Abl, produit de la translocation t(9 ;22) qui caractérise la leucémie myéloïde chronique, et le récepteur c-kit (dont le ligand est le stem cell factor) dans les tumeurs mésenchymateuses gastro-intestinales. Une mutation activatrice du gène c-kit est présente chez 85 % des patients atteints d’une tumeur mésenchymateuse gastro-intestinale, mais, chez les 15 % restants, c-kit est normal et la concentration du récepteur est même anormalement basse. Une équipe américaine vient d’identifier, chez 30 % des patients ayant un gène c-kit normal, des mutations d’un autre récepteur à activité tyrosine kinase, le PDGF-R [7]. Les conséquences biologiques sont les mêmes qu’il s’agisse de mutations activatrices de c-kit ou du récepteur du PDGF. Plusieurs points sont intéressants dans cette étude: (1) les mutations sont situées dans la boucle activatrice du PDGFRA, une localisation également ciblée par les mutations activatrices non seulement du gène c-kit, mais aussi de FLT3, dont P. Dubreuil nous rappelait récemment l’importance dans la pathogénie des leucémies aiguës myéloblastiques ((→) m/s 2003, n° 2, p. 133), et qu’un article de Cancer Cell vient de confirmer dans les leucémies aiguës lymphoblastiques présentant une translocation de l’oncogène MLL [8] ; (2) aucun patient atteint de tumeur mésenchymateuse gastro-intestinale ne présente d’altération simultanée des deux récepteurs, c-kit et PDGFRA; (3) les mutations de PDGFRA, comme celles de c-kit, représentent un événement précoce, les anomalies chromosomiques accompagnant secondairement la progression tumorale. La distribution tissulaire du PDGFRA est très large, ce qui stimule la recherche de mutations activatrices de ce récepteur dans d’autres cancers, puisqu’ils seraient accessibles à une thérapeutique efficace par le Glivec®. Cela renforce l’espoir mis dans la mise au point d’antagonistes puissants de ces récepteurs dont le dysfonctionnement est à l’origine de redoutables cancers.

Un mécanisme commun essentiel pour l’activation des intégrines β1, β2 et β3

Deux maladies se caractérisent par un défaut d’expression des intégrines, dû à des mutations des gènes correspondants: dans le cas de l’immunodéficience LAD-1, la sous-unité β2 des intégrines majeures des polynucléaires neutrophiles (PN), LFA-1 (leukocyte function-associated antigen), Mac-1 et p150,95, impliquées dans l’adhérence à l’endothélium, la migration et l’ingestion de micro-organismes est absente de la surface cellulaire, d’où un défaut important des fonctions des PN [9]. Cependant, l’absence d’infections virales sévères suggère une compensation fonctionnelle des β2-intégrines par la sous-famille des β1-intégrines dans les lymphocytes. Dans la thrombasthénie de Glanzmann (GT), maladie plaquettaire hémorragique, c’est le complexe αIIb/β3 (intégrine majeure de la plaquette) qui ne s’exprime pas à la surface plaquettaire, entraînant un défaut d’agrégation, mécanisme nécessitant la fixation du fibrinogène sur son récepteur, l’intégrine αIIb/β3 activée [10]. Plus rarement, certaines mutations du gène β3, entraînent, non pas un défaut d’expression, mais un défaut d’activation inside-out de l’intégrine ((→) m/s 2001, n° 2, p. 155) qui provoque les mêmes symptômes [11]. Récemment, McDowall et al. [12] rapportent le cas clinique d’une petite fille cumulant les caractéristiques des deux maladies, LAD et GT. Les intégrines des sous-familles β1, β2 et β3 sont normalement exprimées par les plaquettes, les PN et les lymphocytes, mais leur fonction est altérée. Les auteurs ont donc émis l’hypothèse d’un défaut moléculaire commun à ces trois types cellulaires et touchant la voie de signalisation inside-out d’activation de ces intégrines. Plus précisément, c’est une altération du mécanisme de regroupement latéral des intégrines dans la membrane plasmique qui pourrait être à l’origine du trouble fonctionnel. En effet, les complexes LFA-1 des lymphocytes du sujet sont constitutivement regroupés dans la membrane, alors que, normalement, ce n’est qu’au cours de l’activation de l’intégrine que cette étape se produit. Vraisemblablement, le dysfonctionnement résulte donc d’un problème de réorganisation du cytosquelette, commun aux trois types cellulaires, plaquettes, neutrophiles et lymphocytes. Compte tenu du rôle clé des intégrines et de la réorganisation du cytosquelette dans ces cellules, l’identification précise du mécanisme sera un grand pas de plus dans la connaissance de la physiopathologie plaquettaire et leucocytaire.

Se polariser sans indication avec Cdc42

La polarité cellulaire est une propriété fascinante et toujours aussi mal comprise. Comment un domaine de la cellule acquiert-il des propriétés morphologiques et biochimiques différentes du reste? Cette question est au coeur de la biologie cellulaire et de la biologie du développement parce que l’organogenèse est intimement liée à l’acquisition, par certains types cellulaires, notamment les cellules épithéliales, d’une polarité. Il est clair que des indications émanant de l’extérieur de la cellule jouent un rôle dans la polarité: c’est le cas des gradients de molécules chimioattractantes qui orientent la polarité des neutrophiles. Cependant, la polarité cellulaire est aussi observée dans une direction aléatoire en l’absence d’indications ou de signaux extracellulaires ou dans un environnement sans gradients moléculaires. Cela pose la question de l’organisation autonome de la cellule et des organismes. La levure haploïde Saccharomyces cerevisiae est un bon modèle de cellule polarisée. Pour qu’il y ait polarisation cellulaire, il faut que se crée un site de polarisation vers lequel la croissance cellulaire est orientée sous la forme de l’apparition d’un bourgeon. Le trafic membranaire s’organise de telle manière que l’exocytose a lieu à la pointe du bourgeon et le fait croître. L’organisation du cytosquelette d’actine vers ce site implique la GTPase Cdc42p. L’équipe de Rong Li (Harvard Medical School, Boston, MA, USA) présente de nouvelles données et un modèle mathématique qui lui permettent de proposer une explication à la capacité des cellules de se polariser en l’absence d’indicateur [13]. L’expression d’une forme constitutivement active de Cdc42 est en effet suffisante pour induire la polarisation des cellules avec la formation d’une calotte de Cdc42. La localisation de cette calotte est indépendante de toute indication évidente au niveau de l’organisation des microtubules ou des lipides, mais elle dépend du transport le long des filaments d’actine utilisant une myosine de type V et de l’exocytose. Les auteurs suggèrent, sur la base d’un modèle mathématique, qu’un enrichissement aléatoire en Cdc42 en un site de la membrane plasmique stimule la formation de câbles d’actine et le transport de vésicules contribuant à l’ajout supplémentaire de Cdc42. Cela induirait une boucle de rétroaction positive entraînant la polarité de la cellule. Ce mécanisme intervient certainement dans la polarité répondant à une indication extracellulaire, cette dernière envoyant le signal initial qui induit la concentration de Cdc42.

La vimentine est sécrétée

La vimentine est un composant des filaments intermédiaires, une famille de constituants du cytosquelette dont la taille est comprise entre celles de l’actine et de la tubuline. La fonction des filaments intermédiaires est bien moins connue que ne l’est celle de l’actine et de la tubuline. On a supposé que les filaments intermédiaires stabilisent l’architecture cellulaire, mais cela n’est pas clairement établi. Les résultats de l’équipe de D.M. Markovitz (University of Michigan Medical Center, Ann Harbor, MI, USA) ne font qu’accroître le mystère en montrant que la vimentine est sécrétée par les macrophages. Une quantité importante de vimentine radioactive est récupérée dans le surnageant de cellules après marquage métabolique, ce qui n’est pas le cas de l’actine. La sécrétion de vimentine est augmentée par l’acide okadaïque, un inhibiteur de phosphatases, et le TNFα (tumor necrosis factor α) et bloquée par un inhibiteur de la protéine kinase C (PKC), ainsi que par l’interleukine-10, qui inhibe la PKC. Enfin, des anticorps anti-vimentine diminuent la capacité des macrophages à tuer des bactéries in vitro. On reste un peu sur sa faim car on ne comprend pas à ce stade comment la vimentine, dépourvue de peptide signal ou de domaine membranaire, peut être à la fois dans le cytosol et dans la voie de biosynthèse des protéines sécrétées. Les auteurs n’ont pas exploré la possibilité que la vimentine soit libérée via des exosomes, des petites vésicules créées dans les endosomes tardifs et qui incorporent des protéines cytosoliques. Cette observation intéressante et originale ouvre néanmoins la voie à de nouvelles hypothèses sur la biologie de la vimentine.

Les hommes volent au secours des mouches

Au commencement, les gènes DAZ étaient portés par des autosomes. C’est au cours de l’évolution des primates qu’ils ont migré sur l’Y. Comme leur nom l’indique (délétés dans les azoospermies), ils sont responsables de troubles de la spermatogenèse chez l’homme (dans 10 à 15 % des cas environ). Ils codent pour des protéines de liaison à l’ARN synthétisées spécifiquement dans le testicule [15]. Mais il reste des vestiges du passé sur les autosomes: un gène DAZ-like a été trouvé sur le chromosome 3, et, récemment, un autre homologue des DAZ a été identifié en 3q24. L’étude des homologies de séquence a montré que ce gène était très proche du gène boule de la drosophile, uniquement exprimé dans le testicule. Ce dernier contient un motif de séquence de reconnaissance de l’ARN qui conditionnerait l’entrée en méiose des cellules germinales. L’évolution moléculaire de ces homologues, très conservés dans l’évolution (Saccharomyces cerevisiae, Caenorhabditis elegans, souris, macaque, chimpanzé, homme) vient d’être étudiée par une équipe de San Francisco (USA) [16]. Elle suggère qu’à partir de boule, gène unique chez les invertébrés, DAZL serait apparu par duplication chez les vertébrés, pour se dupliquer encore en formant DAZ chez les primates. Chez la drosophile, les mutants boule mâles sont stériles par blocage de la méiose. Pour démontrer à la fois la conservation et le caractère fonctionnel du gène BOULE humain, des mouches transgéniques ont été créées. Une étude comparative de la spermatogenèse des mouches transgéniques (mutées pour boule et ayant reçu les transgènes boule ou BOULE) avec des mouches normales et des mouches mutantes donne les résultats suivants: dans les testicules des drosophiles normales, tous les stades de la spermatogenèse sont représentés et la production de sperme est continue; les mutants boule n’ont pas de spermatozoïdes, ni de spermatides. Leurs testicules ne contiennent que des cellules somatiques et des cellules souches arrêtées au stade de spermatocytes pré-méiotiques; quant aux mutants ayant reçu un transgène, la spermatogenèse est restaurée, et il n’existe aucune différence entre la restauration produite par le gène boule de la drosophile ou celle produite par le gène BOULE humain. Le gène BOULE est donc bien l’orthologue de boule. Cette remarquable conservation est exceptionnelle, elle ne s’observe pas pour les gènes pré- et post-méiotiques. La machinerie méiotique ressemblerait plutôt à la machinerie de réparation de l’ADN dont les gènes sont eux aussi fort bien conservés. Le recours à des mouches transgéniques pour étudier le mécanisme d’action de BOULE et pour rechercher d’autres gènes « méiotiques » se justifie donc pleinement.

Quand s’envolent les dinosaures

Bien que le premier dinosaure ait été découvert à Maastricht (Pays-bas), c’est en Chine, dans la province de Leao-ning où se trouvent de très riches gisements de fossiles, que de nombreuses espèces de l’époque du crétacé sont mises à jour et vont sans doute résoudre d’importantes interrogations sur l’origne des oiseaux et les mécanismes qui leur ont permis de voler. Parmi ces fossiles, des dinosaures à plumes, appartenant aux thérapodes, avaient déjà été décrits ((→) m/s 2001, n° 10, p. 1093). La découverte récente de spécimens très bien conservés d’une nouvelle espèce de Microraptors, appelées Microraptor gui, en l’honneur du paléontologiste chinois Gu Xhiwei, fournit de précieux indices sur l’origine des oiseaux et sur le passage de la locomotion terrestre au déplacement aérien [17]. Ce « chaînon manquant », intermédiaire entre la marche et le vol, était attendu, puisqu’en 1915, William Beebe avait déjà imaginé un animal pourvu de quatre ailes et capable de planer d’arbres en arbres, qu’il avait appelé Tetrapteryx [18]. Microraptor gui est un petit droméosaure (environ 77 cm de long) datant de 128 millions d’années, couvert de plumes et possédant effectivement quatre ailes. Comme les membres supérieurs, les membres inférieurs sont équipés de plumes implantées de façon asymétrique, sur plusieurs rangées, et capables de s’éployer pour former de grandes ailes. La queue, très longue, porte aussi des pennes disposées en éventail. Pour l’équipe chinoise qui a découvert Microraptor gui, les droméosaures et les ancêtres des oiseaux les plus anciens possédaient quatre ailes et pouvaient planer. Puis, le déplacement dans les airs évoluant, les battements des ailes antérieures devenant plus puissants ainsi que la capacité d’envol plus facile, les ailes inférieures auraient disparu, et ce avant l’avènement du plus ancien oiseau reconnu comme tel, Archeopteryx [19]. Pourtant, il ne semble pas que des vestiges d’ailes aient été observées aux membres inférieurs de cet oiseau préhistorique. Comment Microraptor gui se déplaçait-il? Comme l’albatros de Beaudelaire, ses ailes inférieures, avec leurs plumes beaucoup plus longues que ne l’avait prévu W. Beebe, devaient l’empêcher de marcher. Des études plus détaillées seront nécessaires pour comprendre comment les membres inférieurs étaient disposés pendant le vol et quels types de battements ce droméosaure était capable de faire. La cinématique de leur vol risque d’être plus complexe encore que celle des oiseaux d’aujourd’hui comme les pies et les colombes qui font l’objet d’intéressantes études fondées sur la taille des ailes, l’amplitude et la rapidité des battements [20]. Mais jusqu’à présent, pour le vol à quatre ailes, nous ne connaissions que… les papillons.

De petites molécules inhibent in vitro la formation d’amylose de la transthyrétine

L’amylose de la transthyrétine est la principale forme d’amylose héréditaire autosomique dominante. Dans cette variété, les dépôts amyloïdes sont formés d’agrégats de monomères de transthyrétine (TTR), une protéine qui circule dans le plasma sous forme d’homo-tétramère. Le mécanisme de l’agrégation passe par une déstabilisation du tétramère, favorisée par une mutation ponctuelle (le plus souvent V30M) dans un monomère. Cette déstabilisation conduit à la formation d’un intermédiaire monomérique amylogène, prélude à l’auto-agrégation. La stabilisation du tétramère de TTR pourrait donc être un objectif thérapeutique prioritaire dans cette variété d’amylose. Les médecins portugais avaient remarqué que les malades hétérozygotes composites V30M/T119M avaient une forme modérée de la maladie, voire étaient asymptomatiques, suggérant un effet protecteur du monomère T119M. En effet, Hammarstrom et al. ont ultérieurement démontré in vitro l’effet stabilisateur de l’incorporation d’un monomère T119M dans le tétramère V30M [21] ((→) m/s 2001, n° 12, p. 1352). La même équipe vient de montrer que de petites molécules, dont certaines sont déjà utilisées comme médicament, ont aussi un effet stabilisateur sur le tétramère. On savait que la fixation d’un des ligands naturels de la TTR, la thyroxine, sur un site délimité par le tétramère, stabilise cette protéine. Hammarstrom et al. viennent maintenant de montrer que de petites molécules qui se fixent sur le site de la thyroxine, augmentent la stabilisation du tétramère en élevant l’énergie d’activation associée à sa dissociation [22]. Ce type de traitement « thermodynamique » pourrait s’appliquer à d’autres formes de maladies associées à une anomalie de la conformation des protéines, notamment à d’autres formes d’amylose. Il offre l’avantage d’agir en amont du processus d’agrégation et de ne pas comporter le risque d’entraîner l’apparition d’oligomères potentiellement toxiques, comme le font les molécules qui visent à dissoudre les agrégats amyloïdes déjà formés. L’amylose de la transthyrétine apparaît cependant d’emblée comme une forme très originale et privilégiée, car la protéine en cause est un tétramère et parce que ses ligands physiologiques sont connus.

Pourquoi faut-il que l’X se démasculinise?

Le dimorphisme sexuel, dont les manifestations sont parfois somptueuses comme la queue du paon, ou parfois encombrantes, comme les bois des cerfs, ne peut être le fait de l’Y puisque ce petit chromosome ne contient que très peu de gènes fonctionnels. En fait, ces dimorphismes résultent de l’expression différentielle de certains gènes en fonction du sexe, les uns à expression préférentielle mâle, les autres à expression préférentielle femelle. L’étude des gonades est particulièrement instructive car ces gènes sont souvent spécifiques de tissus, mais pas uniquement. Chez Drosophila melanogaster, dont le génome est désormais connu, il est donc possible, par analyse génomique comparative, de repérer les gènes à expression sexuelle préférentielle dans divers tissus. C’est ainsi qu’une équipe de Bethesda (USA), qui a analysé par hybridation compétitive 14142 transcrits, apporte la confirmation que de nombreux gènes ont une expression biaisée en fonction du sexe chez la mouche du vinaigre [23]. Les gènes à expression préférentielle femelle sont également répartis entre l’X et les deux autres chromosomes. En revanche, les gènes à expression préférentielle mâle sont nettement sous-représentés sur l’X. Comment expliquer cette sous-représentation? Pour tenter de l’évaluer à l’échelle de l’évolution, les auteurs ont fait la comparaison avec les gènes à expression mâle de l’anophèle (Anopheles gambiae), dont le génome est lui aussi connu dans sa totalité. Si de nombreux gènes portés par l’X sont bien les mêmes chez la drosophile et chez l’anophèle, ce n’est pas le cas des gènes à expression préférentielle mâle: ceux qui étaient présents sur l’X de la drosophile ont quasiment tous disparu chez l’anophèle (< 5 %). C’est uniquement l’X qui est en cause puisque les gènes à expression préférentielle mâle portés par les autosomes sont assez bien conservés (> 40 %). Pour expliquer cette « démasculinisation » de l’X, trois hypothèses sont proposées: (1) les gènes « mâles » seraient plus fréquents sur les autosomes car ils proviendraient de rétrotransposons, eux-mêmes étant des insertions d’ARNm qui se font plus volontiers sur les autosomes, comme cela a été démontré récemment chez la drosophile [24]; (2) un déplacement des gènes « mâles » à partir de l’X vers les autosomes se produirait dans l’évolution; (3) enfin, les gènes mâles portés par l’X auraient tendance à disparaître. Ce dernier présupposé semble peu probable car les mâles n’ayant qu’un seul X, les gènes portés par le chromosome X et utiles pour les mâles devraient au contraire être conservés [25]. Pour pouvoir trancher, l’étude de la localisation des gènes « mâles » d’autres espèces à génome connu (Caenorhabditis elegans par exemple [26]) sera nécessaire. Mais dès à présent, il est clair que ce nouveau chapitre de génomique fonctionnelle nous réserve de nombreuses et passionnantes surprises.

Maladie de Refsum et PEX7

La maladie de Refsum se caractérise par une rétinite pigmentaire, une neuropathie périphérique et une ataxie cérébelleuse. Surdité, dysplasie squelettique, ichthyose, cataracte et arythmie font aussi partie du tableau clinique. Ces anomalies apparaissent vers l’adolescence et sont dues à une déficience enzymatique entraînant une accumulation progressive d’acide phytanique. Le gène déficient, codant pour l’enzyme peroxysomale phytanol-CoA hydroxylase (PhyH) a été identifié sur le chromosome 10 en 10pter-p11.2. Des mutations ont été retrouvées chez la plupart des malades [27]. Mais, chez quelques familles atteintes de cette maladie récessive autosomique, un autre locus avait été pressenti en 6q22-24. Le gène en cause vient d’être isolé. Il s’agit de PEX7, déjà connu pour être impliqué dans la chondrodysplasie rhizomélique ponctuée de type I ou RCDP, une autre maladie récessive avec anomalie du squelette portant surtout sur la racine des membres, avec images radiologiques caractéristiques [28]. Dans cette affection, un certain nombre de fonctions peroxysomales sont déficientes, en particulier l’activité PhyH, mais la biogenèse des peroxysomes est normale. Le gène PEX7 code pour la peroxine 7 qui intervient dans l’importation dans le peroxisome de protéines ayant un signal cible de type 2 (PST2). La déficience en peroxine 7 aboutit à une accumulation cytosolique de PhyH, d’alkyl-dihydroxy-acétone phosphate synthase et de thiolase. Alors que chez les sujets atteints de RCDP, les mutations doivent entraîner une absence de peroxine 7, chez les malades atteints de maladie de Refsum, une activité résiduelle est conservée, comme l’attestent les études biochimiques effectuées sur les fibroblastes des malades. Ainsi, les mutations de PEX7 pourraient couvrir un large éventail de manifestations cliniques allant des formes sévères de RCDP de type 1, diagnostiquées très précocement, jusqu’à des formes de maladies de Refsum dont les premières manifestations apparaissent dans la deuxième décennie de la vie. De même, les autres maladies peroxysomales vont des formes sévères de syndrome de Zellweger à des formes moins graves de syndrome de Refsum infantile ((→) m/s 2001, n° 3, p. 377). C’est pourquoi, devant tout malade ayant une rétinite pigmentaire, avec ataxie et neuropathie, une étude soigneuse des fonctions peroxysomales est recommandée.

On n’est jamais mieux… phosphorylé que par soi-même

Le chef d’orchestre de la réponse cellulaire à des cassures double-brin de l’ADN (CDB) est la kinase ATM qui, lorsqu’elle n’est pas fonctionnelle, est à l’origine d’une maladie génétique autosomique récessive, l’ataxie-télangiectasie (AT). L’activité kinase d’ATM est induite très rapidement par des radiations ionisantes (RI), et résulte en une cascade d’événements moléculaires et cellulaires permettant la réparation des CDB. Les résultats publiés très récemment par Bakkenist et Kastan [29] constituent une réelle avancée dans la compréhension du mécanisme d’activation de la kinase ATM. Ainsi, ces chercheurs ont observé que la kinase ATM était phosphorylée in vivo et in vitro en réponse à un traitement des cellules par des RI et que, in vitro, cette phosphorylation était strictement dépendante de la présence d’une kinase ATM active et de conditions expérimentales compatibles avec une auto-phosphorylation de la kinase ATM. Encore fallait-il le démontrer et identifier le(s) site(s) de phosphorylation. Un peptide contenant une sérine phosphorylée de novo avait été repéré par analyse en électrophorèse à deux dimensions des produits de digestion à la trypsine de la protéine ATM radiomarquée, mais les tentatives d’identification de ce peptide à l’aide de plusieurs approches classiques (séquençage automatique, spectrométrie de masse, mutagenèse de toutes les sérines du domaine kinase d’ATM…) avaient échoué. Les auteurs ont alors soumis le phosphopeptide tryptique à divers traitements (protéase V8, bromure de cyanogène, dégradation d’Edman) et déterminé que ce peptide contenait un acide glutamique, ne contenait pas de méthionine, et que la sérine phosphorylée se trouvait à 8 ou 9 acides aminés en carboxy-terminal d’une lysine ou d’une arginine. Seul un peptide localisé en position 1974-1992 correspondait à ces critères, ce qui a permis de suspecter la sérine 1981 comme étant le site majeur d’autophosphorylation de la kinase ATM. La confection et l’utilisation d’anticorps spécifiques de cette sérine phosphorylée ont permis de confirmer que la sérine 1981 était bien phosphorylée par la kinase ATM elle-même. Le remplacement de la sérine 1981 par une alanine a montré que, bien que l’activité kinase d’ATM ne soit pas abolie in vitro, cette construction n’était plus capable de complémenter in vivo des cellules AT déficientes en protéine ATM, et inhibait toutes les activités cellulaires d’une protéine ATM endogène par effet dominant-négatif. Les auteurs ont alors montré que le domaine kinase et le domaine de phosphorylation d’ATM interagissaient de manière stable, que cette interaction était inhibée par le remplacement de la sérine 1981 par un acide aminé mimant une sérine phosphorylée, et que, dans des cellules non « stressées », ATM existait sous forme de dimères voire de multimères qui sont dissociés par une faible dose de RI. Enfin, ils ont observé que l’activation par autophosphorylation de la kinase ATM était induite par un très faible nombre de CDB, mais également par des drogues modifiant la structure de la chromatine. Sur la base de l’ensemble de ces résultats, Bakkenist et Kastan proposent un modèle selon lequel la kinase ATM serait sequestrée dans les cellules sous forme de dimères ou de multimères. Sous cette forme complexée, la protéine ATM ne serait pas capable de phosphoryler ses substrats. La production de quelques CDB induirait des modifications de structure de la chromatine qui déclencheraient l’activation de la kinase ATM par autophosphorylation en trans, et libèrerait des monomères d’ATM capables de phosphoryler leurs différents substrats.

Turning blood into brain… Helen et Eva persistent et signent

En 2002 la revue Science publiait deux articles des groupes de E. Mezey et H. Blau révélant la contribution, après une transplantation de moelle osseuse à des souris irradiées, de cellules du donneur aux populations neuronales et gliales du cerveau du receveur. Cette affirmation se fondait sur l’expression, en immunohistochimie, de marqueurs spécifiques de neurones ou de cellules gliales par des cellules identifiées comme provenant du donneur (chromosome Y, produits des transgènes GFP, ou lacZ) [30, 31]. Ces deux observations ont été depuis abondamment (et violemment) discutées (voir Science du 21 février 2003), parfois infirmées, mais, il faut bien le dire, rarement confirmées. Surtout, beaucoup plus qu’une hypothétique « transdifférenciation », c’est la possibilité d’une fusion cellulaire entre une cellule d’origine hématopoïétique (macrophage ou microglie) et un neurone ou une cellule gliale (ou un hépatocyte ou une cellule musculaire si on étudie la contribution de cellules médullaires à la réparation hépatique) qui hante maintenant les esprits de tout chercheur dans ce domaine. Après leur étude chez la souris, les groupes d’E. Mezey et H. Blau publient quasi simultanément dans Proc Natl Acad Sci USA les résultats de l’analyse histologique post-mortem du cerveau de patientes femmes ayant reçu une greffe de moelle osseuse d’un donneur de sexe masculin pour une indication hématologique et qui étaient décédées quelques mois après la greffe [32, 33]. Dans la première étude [32], de très rares cellules exprimant un antigène spécifique des neurones (neuN) et le chromosome Y ont été identifiées dans l’hippocampe et le cortex. Pour être plus précis, chez deux patientes, sur 182 000 et 196 700 cellules analysées, 519 et 1 842 étaient positives pour le chromosome Y et respectivement 19 et 5 doublement marquées, ce qui suggère que 1/2-4 000 neurones provenait des cellules médullaires greffées. La seconde étude [33] s’est limitée à l’analyse des neurones de Purkinje dans le cervelet, parce que ceux-ci ont le double avantage d’être de grande taille et organisés en une couche régulière aisément identifiable dans le cortex du cervelet. Sur 5860 cellules de Purkinje analysées, 4 se révèlent positives pour le chromosome Y, dont 2 contiennent plusieurs chromosomes sexuels X et Y. Cette image de fusion est peut-être sous-estimée car le contenu de seulement 20 % des noyaux peut être rigoureusement et complètement analysé sur coupe histologique. S’il existe donc bien chez l’homme, comme chez la souris, de très rares neurones exprimant des marqueurs du donneur de moelle osseuse dans le cerveau de patients ayant reçu une transplantation de moelle osseuse, le mécanisme est encore bien obscur, il est probable qu’une fusion cellulaire entre un macrophage d’origine hématopoïétique, provenant donc très logiquement du donneur chez ces patientes irradiées, explique certaines de ces images. Existe-t-il, en dehors de cette explication, une réelle différenciation de certaines cellules médullaires en neurones? Rien ne peut être affirmé et la prudence est, maintenant, de mise, ce d’autant que la genèse des neurones de Purkinje est terminée à la naissance, et qu’aucune prolifération de ces cellules n’a été démontrée. Il sera intéressant d’un point de vue fondamental, de déterminer dans quelle mesure une fusion avec une cellule totalement différente peut corriger un dysfonctionnement neuronal, mais il est maintenant très probable qu’aucune perspective thérapeutique ne naîtra de ces données.

… et embrassent une joue chimérique!

Mais bon sang mais c’est bien sûr, comment n’avait-on pas pensé plus tôt à analyser le potentiel épithélial de cellules souches issues de la moelle osseuse, ou de cellules CD34+ circulantes, en examinant le chimérisme des cellules de la muqueuse buccale! Encore Eva Mezey! Qui démontre que 2 à 12 % des cellules épithéliales de la muqueuse buccale de femmes ayant été greffées comme précédemment pour une indication hématologique avec des cellules d’un donneur mâle - cellules médullaires ou cellules CD34+ de cytaphérèses - ont un génotype mâle [34]. La proportion est étonnamment élevée: peut-être parce que ce tissu a un renouvellement particulièrement rapide (tous les 8 jours)? Toutes les critiques sont balayées sans appel: le microchimérisme persistant des femmes ayant accouché d’un garçon est éliminé, une fusion cellulaire est exceptionnelle (2 sur 9700 cellules examinées). Il faut se rendre à l’évidence, les cellules CD34+ circulantes peuvent se différencier en cellules épithéliales. Il y a quand même une question non résolue, est-ce la même cellule qui produit les cellules hématopoïétiques et les cellules épithéliales? Une troisième laron(ne), Diane Krause, avait répondu par l’affirmative dans une étude de transplantation chez la souris en situation clonale [35] ((→) m/s 2000, n° 8-9, p. 936). On finit par y croire.

Changement de programme: il était une fois, un foie qui se changea en… pancréas!

Foie et pancréas proviennent de régions adjacentes de l’endoderme antérieur embryonnaire. Des études d’explants ont démontré qu’en l’absence de mésoderme cardiaque ou de FGF (fibroblast growth factor), les cellules précurseurs de cette région expriment un programme pancréatique alors qu’en sa présence, on observe une différenciation hépatique. Par ailleurs, seul un petit nombre de gènes est impliqué dans cette détermination vers l’une ou l’autre voie, suggérant que l’interconversion entre les deux tissus est possible. De fait, la conversion pancréas-foie a été obtenue dans différentes conditions expérimentales comme la déplétion en cuivre ou l’ajout de glucocorticoïdes au milieu du culture. Un seul gène suffit à induire cette conversion: le facteur de transcription C/EBPβ. En revanche, le tour de magie inverse a été beaucoup plus difficile à réaliser. Seule une équipe israélienne avait montré, il y a environ 2 ans, que le transfert in vivo du gène pdx-1 dans le foie de souris entraînait la production de pro-insuline par une petite proportion d’hépatocytes permettant de corriger partiellement un diabète induit [36] ((→) m/s 2002, n° 4, p. 467). Une réelle transdifférenciation n’était cependant pas démontrée et aucun résultat semblable n’était obtenu en culture. PDX-1 est une homéoprotéine dont le déficit entraîne une agénésie du pancréas. Il semble qu’une interaction avec d’autres protéines comme PBX, dont l’absence entraîne également une hypoplasie du pancréas, soit nécessaire pour la détermination vers un destin pancréatique. L’équipe de Jonathan Slack (Bath, UK) démontre dans Current Biology [37] que le changement de phénotype d’une cellule hépatique en une cellule pancréatique est possible par l’expression du seul facteur PDX-1 mais à la condition sine qua non qu’un domaine d’activation constitutif lui soit adjoint. Dans ce cas, le transgène utilisé, sous la dépendance du promoteur hépato-spécifique de la transthyrétine, consistait en la fusion du domaine d’activation de VP16 à l’extrémité carboxy-terminale de l’homologue de xénope du facteur Pdx-1, le rendant constitutivement actif. Ce même transgène porte par ailleurs le marqueur fluorescent GFP (green fluorescent protein) sous la dépendance du promoteur de l’élastase, spécifiquement actif dans le pancréas. Plus de 60 % des xénopes transgéniques obtenus présentent une région fluorescente à l’emplacement habituel du foie. Ce pancréas ectopique apparaît alors que le foie des embryons exprime déjà des produits de différenciation, suggérant, mais sans le démontrer formellement, qu’il s’agit d’un changement phénotypique et non d’une différenciation de quelques cellules indifférenciées. Des prélèvements de cette région révèlent une expression d’insuline et de glucagon, produits respectivement par les cellules endocrines β et α du pancréas et d’amylase, produite normalement par le pancréas exocrine. Observation plus pertinente encore, une expression transitoire de pdx-1 suffit à induire cette modification puisque les marqueurs hépatiques, dont notamment la transthyrétine, sont rapidement réprimés dans ce pancréas ectopique. Les auteurs ont confirmé cette observation dans une espèce plus… évoluée que le xénope, la lignée d’hépatome humain HepG2, et ce avec le même transgène. Nul doute en tout cas que cette voie continuera d’être explorée dans le cadre d’une thérapie cellulaire du diabète!

Les gros bébé joufflus sont protégés de l’hypertension

La pression artérielle croît avec l’âge chez l’enfant. Deux articles récents démontrent qu’à l’âge adulte, la pression artérielle est inversement proportionnelle au poids et à la taille de naissance [38] et que l’impact d’un faible poids à la naissance est potentialisé par une rapide prise de poids à l’adolescence [39]. Le premier travail se fonde sur l’analyse de 500 sujets issus d’une cohorte de 7 086 individus nés à Helsinki (Finlande) de 1924 à 1933 et dont le poids et la taille à la naissance furent enregistrés. Chez les 213 sujets considérés comme hypertendus, la taille à la naissance des hypertendus et le poids du placenta étaient significativement plus petits que ceux des sujets à pression artérielle normale. Un accroissement d’un kilo du poids de naissance s’accompagnait d’une diminution significative de la pression artérielle systolique. La seconde étude concerne 2 026 adolescents des Philippines, de 14 à 16 ans, et confirme que les risques de pression artérielle élevée diminuent significativement avec l’augmentation du poids de naissance, mais seulement chez les garçons. Les risques les plus grands d’hypertension artérielle dans les deux sexes se rencontrent chez les sujets qui étaient maigres à la naissance et gros à l’adolescence. La période la plus critique est celle de 8 à 16 ans: un adolescent ayant un poids important a un risque accru d’hypertension artérielle, qui s’accroît encore s’il était maigre à la naissance. Ces deux études suggèrent que la pression artérielle à l’âge adulte est conditionnée par la croissance in utero et le rattrapage d’un poids de naissance faible par une croissance rapide, même sans obésité, à partir de 8 ans. Une conclusion supplémentaire découlant de l’étude finnoise est que la pression artérielle des sujets dont le poids de naissance était faible est relativement difficile à contrôler sur le plan thérapeutique.

Deux lipases, c’est bien… Trois lipases, c’est mieux

L’équilibre des différentes fractions lipidiques dans le sang est un élément déterminant dans le développement de l’athérosclérose. En particulier, le risque d’athérome est d’autant plus élevé que la concentration plasmatique d’HDL est basse. Les concentrations de lipides circulants sont contrôlées en partie par une famille d’enzymes qui comprend la lipase hépatique et la lipoprotéine lipase, et qui s’est récemment enrichie d’un nouveau membre, la lipase endothéliale. Des données obtenues in vitro suggéraient que cette dernière pourrait jouer un rôle déterminant dans le métabolisme du HDL-cholestérol. Trois équipes indépendantes viennent de confirmer cette hypothèse in vivo chez la souris, deux par invalidation du gène Lipg codant pour la lipase endothéliale [40, 41], la troisième par inhibition de l’activité de cette enzyme par des anticorps spécifiques injectés par voie intraveineuse [42]. Dans tous les cas, la perte d’activité de la lipase provoque une augmentation plasmatique significative des concentrations de cholestérol total, de HDL-cholestérol et de phospholipides, la concentration de triglycérides étant peu modifiée. L’augmentation de HDL-cholestérol est directement corrélée au nombre de gènes invalidés: de 42 à 57 % d’augmentation chez les souris Lipg-/- contre 22 à 28 % chez les animaux Lipg+/-, selon l’étude et le type de régime imposé aux animaux. À l’inverse, chez des souris trangéniques qui expriment la lipase endothéliale humaine, la concentration de HDL-cholestérol est diminuée de 19 % par rapport aux souris de type sauvage [40]. Selon les études, la variation concentration de HDL-cholestérol a été associée à une augmentation du nombre de particules lipoprotéiques [40], de leur taille [41, 42], de leur structure [41], et à un ralentissement de leur clairance de la circulation [41]. Ces observations font de la lipase endothéliale un déterminant majeur de la concentration, de la structure et du métabolisme des HDL, mais ne préjugent pas pour autant de son rôle dans l’athérogenèse, qui reste à démontrer. Ces résultats doivent de plus être confirmés chez l’homme, dont le métabolisme lipidique est différent de celui de la souris. L’identification, dans une population humaine bien caractérisée, d’une concentration élevée de HDL-cholestérol circulant et d’une mutation ponctuelle polymorphique dans le gène Lipg [41] constitue un résultat encourageant dans cette direction.

Syndrome de DiGeorge, del22q11: enfin la clé de l’énigme?

Parmi les syndromes microdélétionnels observés chez l’homme, celui qui touche la région 22q11 est l’un des plus fréquents (1/4 000 nouveau-nés) et des plus énigmatiques. La plupart des malades atteints de syndrome de DiGeorge (hypoplasie du thymus et des parathyroïdes, malformations cardiaques, dysmorphie faciale) sont porteurs de cette délétion, entraînant un trouble du développement embryonnaire de la région des poches pharyngées. Toutefois, cette del22q11 se traduit par un éventail phénotypique extrêmement large: simples malformations cardiaques, syndrome cardio-vélo-facial (avec fente palatine), syndromes de Shprintzen, de Takao, ou de DiGeorge… Pendant plus de dix ans, les nombreux gènes candidats proposés furent tour à tour éliminés, jusqu’en 2001 où l’énigme parut alors résolue: le gène TBX1 (codant pour un facteur de transcription à boîte T) fortement exprimé à proximité des artères des arcs pharyngés, pouvait, en cas d’haplo-insuffisance, rendre compte des anomalies cono-troncales observées chez les malades [43, 44]. Toutefois, comme Marc Lipinski l’avait suggéré dans son excellente nouvelle faisant le point sur le sujet ((→) m/s 2002, n° 8-9, p. 904), il subsistait des interrogations. D’une part, la variabilité des phénotypes observés chez les souris dont le gène Tbx1 est invalidé suggérait que d’autres facteurs devaient intervenir et, d’autre part, chez les malades cliniquement typiques mais dépourvus de délétion chromosomique, aucune mutation ponctuelle de TBX1 n’avait pu être retrouvée. Un important travail publié par une équipe internationale apporte peut-être enfin la clé de l’énigme [45]. Le VEGF (vascular endothelial growth factor) interviendrait comme modificateur, de façon différente selon ses isoformes. Chez la souris, il existe au moins trois isoformes: Vegf120, Vegf164 et Vegf188. Or, les souris Vegf120/120 et Vegf188/188 présentent des anomalies tout à fait comparables aux symptômes du syndrome de DiGeorge. Chez les souris Vegf120/120, l’expression de Tbx1 est réduite dans les arcs branchiaux. Chez le poisson zèbre, une diminution de la quantité de VEGF aggrave les malformations artérielles induites par l’invalidation de tbx1. Chez l’homme, enfin, une analyse préliminaire (316 témoins et 91 sujets del22q11) semble montrer qu’un des allèles de VEGF (-1154G->A) est préférentiellement lié aux cas de del22q11 ayant les anomalies cardiovasculaires les plus sévères. Ce travail est exemplaire: c’était ailleurs - en l’occurrence en 6p12, dans ce régulateur majeur de l’angiogenèse qu’est VEGF -, qu’il fallait chercher l’explication de la grande variabilité phénotypique des syndromes del22q11. Certes, il faut encore rester prudent car les recherches moléculaires ont été jusqu’alors bien décevantes, mais tout semble indiquer qu’on soit cette fois sur la bonne piste.

De la mémoire épisodique à l’activité synaptique

Le BDNF (brain-derived neurotrophic factor) est une neurotrophine qui a la particularité d’être adressée dans la voie réglée et d’être sécrétée en fonction de l’activité synaptique dans les neurones de l’hippocampe. Cette propriété en fait une des molécules dont le rôle dans la plasticité synaptique, l’apprentissage et la mémoire ont été le plus étudié chez l’animal. Cependant, il existait peu d’arguments pour une implication directe du BDNF sur la mémoire et le fonctionnement de l’hippocampe dans l’espèce humaine.

Une publication récente du groupe de Weinberger comble ce manque [46]. Dans ce travail emblématique de ce que sont les neurosciences (de la neuropsychologie à la neuro-anatomie en passant par la clinique, la génétique et l’imagerie), les auteurs démontrent que le polymorphisme val66met dans la partie 5’pro-peptide du BDNF interfère avec trois indices de l’activité fonctionnelle de l’hippocampe chez l’homme: un test de mémoire épisodique verbale (version révisée de l’échelle de Wechsler), une mesure de l’activation hippocampique par imagerie de résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) dans une tâche de mémoire de travail, et une mesure de N-acétyl-aspartate (NAA) en imagerie spectroscopique de résonance magnétique du proton, qui évalue l’intégrité de l’hippocampe et la quantité de synapses. Dans le test de mémoire épisodique, le score des sujets sains porteurs de l’allèle Met du gène pro-BDNF est inférieur à celui des sujets porteurs de l’allèle Val, l’effet étant plus net pour les homozygotes. En revanche, dans un autre test de mémoire verbale dans lequel l’intervention du cortex préfrontal prédomine sur celle de l’hippocampe, l’effet n’est pas significatif. L’analyse en IRMf pendant une tâche de mémoire de travail indique une activation bilatérale hippocampique plus marquée chez les individus sains val/met par rapport aux sujets homozygotes val/val. Enfin, une diminution (modeste) des taux de NAA dans l’hippocampe est également observée, qui est fonction du nombre d’allèles met (à condition toutefois d’ajouter aux groupes de sujets sains un groupe de schizophrènes et leurs apparentés). L’article serait déjà remarquable s’il s’arrêtait là. Mais ce qui le rend exceptionnel est la suite de ce travail. En effet, les auteurs ne se sont pas contentés d’observer les effets chez l’homme mais ils en ont recherché les causes dans un modèle expérimental simplifié. Ils ont analysé (microscopie confocale couplée à l’utilisation de marqueurs des différents compartiments cellulaires) le devenir intracytoplasmique de protéines val-BDNF et met-BDNF, étiquettées par la green fluorescent protein, après transfection des ADNc correspondants dans des neurones hippocampiques d’embryons de rat en culture. Les formes moléculaires met-BDNF restent essentiellement concentrées au niveau des corps cellulaires et du réseau transgolgien, alors que les formes val-BDNF se localisent dans les neurites et des vésicules sécrétoires. Enfin, si le polymorphisme n’influence pas la sécrétion constitutive de BDNF, en revanche, la dépolarisation neuronale induit une sécrétion plus importante de val-BDNF que de met-BDNF. L’hypothèse la plus simple est que ce défaut d’adressage lors du transit intracytoplasmique, à l’origine de la diminution de la sécrétion dite « réglée », par opposition à la sécrétion constitutive, serait associé au polymorphisme val66met du pro-BDNF. Cette étude prouve qu’il est possible d’étudier in vivo chez l’homme l’effet de gènes spécifiques sur la mémoire et le fonctionnement de l’hippocampe, même si cet effet à une faible amplitude, Elle confirme l’importance des modèles animaux simplifiés sur lesquels étaient fondées les hypothèses testées dans l’étude. Elle permet d’envisager l’impact du polymorphisme du gène du BDNF sur le déclenchement des maladies qui font intervenir l’hippocampe et la mémoire. En ce sens, il est intéressant de noter que l’hypothèse de départ des auteurs était l’association d’un génotype BDNF avec la schizophrénie, hypothèse qu’ils ont pu infirmer dans leur étude…

Le secret de la longévité? Rester mince en mangeant autant!

On sait que les voies de signalisation de l’insuline et/ou de l’IGF-1 (insulin growth factor-1) sont associées à une augmentation de la longévité chez les invertébrés. Récemment, l’équipe parisienne de Martin Holzenberger a découvert que les souris femelles, porteuses d’une seule copie du gène du récepteur de l´IGF-1, présentaient une augmentation de l´espérance de vie très marquée (33 %) [47] ((→) m/s 2003, n° 3, p. 295). Cette fois-ci, c´est après invalidation sélective du récepteur de l´insuline dans le tissu adipeux que des résultats comparables sont décrits par le groupe de Ron Kahn, à Harvard (USA) [48]. Ces souris présentent une réduction marquée de la masse grasse, sans diminution de la prise alimentaire. Elles sont protégées de la survenue d´une obésité avec l´âge et des anomalies métaboliques ultérieures comme l’intolérance au glucose. Contrairement aux souris parisiennes, l’augmentation moyenne de la durée de vie des souris bostonniennes est la même dans les deux sexes. Elle est de 134 jours (+18 %, de 753 à 887 jours) avec une augmentation parallèle des durées de vie médiane et maximale. En résumé, c’est donc la minceur, et non la restriction calorique, qui apparaît comme la clé de la longévité chez la souris invalidée pour la signalisation du récepteur de l’insuline dans le tissu adipeux. On aurait aimé savoir ce que devient l’IGF-1 chez ces animaux...

À quoi sert le glucagon?

Le glucagon est produit par les cellules α des îlots de Langerhans du pancréas. Ses fonctions physiologiques principales s’expriment pendant le jeûne et s’opposent à celles de l’insuline. Le glucagon est produit à partir d’un pro-peptide qui, dans les cellules L de l’intestin, donne naissance au glucagon-like peptide 1 (GLP-1) et au GLP-1 amide. Le GLP-1 stimule la sécrétion d’insuline et inhibe celle de glucagon.

Des souris dépourvues de récepteur du glucagon viennent de voir le jour et expriment un phénotype très discret mais surprenant [49]. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, la glycorégulation de ces animaux n’est que peu modifiée. Leur glycémie moyenne est plus basse que celle des animaux témoins, mais sans que les souris mutantes ne fassent d’hypoglycémie, d’une part, ou ne soient plus sensibles à l’action de l’insuline, d’autre part. Cela suggère que le taux basal de glucagon participe au maintien de la glycémie, mais que les mécanismes de protection de l’hypoglycémie impliquant les glucocorticoïdes, les catécholamines ou l’hormone de croissance peuvent parfaitement compenser l’absence de signal glucagon. Le phénotype le plus remarquable de ces animaux est observé au niveau du pancréas sous la forme d’une hyperplasie considérable des cellules α, productrices de glucagon. La responsabilité dans ce phénotype de l’absence du récepteur du glucagon, et celle de l’expression accrue du gène du glucagon, et donc du GLP-1, n’est pas claire et est en grande partie similaire à celui qui est observé chez les souris déficientes en pro-hormone convertase 2 (PC2), l’enzyme majeure de la maturation du glucagon. Il est enfin notable qu’un phénotype similaire a été observé chez un homme ayant une mutation du récepteur du glucagon.

Des virus adaptés aux contacts membranaires

Le premier rétrovirus endémique humain identifié est le virus de la leucémie lymphocytaire T de l’adulte, ou HTLV-1 (human T lymphoma/leukemia virus type 1). Le mode de propagation de HTLV, qui paraît produire peu de particules infectieuses extracellulaires, reste mal connu. Les images associées aux infections virales restaient le plus souvent celles des virus lytiques à dissémination dite « explosive ». L’infection par ces virus passe généralement par les voies respiratoires ou par transmission oro-fécale et est assurée par des particules virales produites sans aucune autre attache avec la cellule hôte que des débris issus de la lyse cellulaire. De telles particules virales, dites « libres », sont propulsées à l’assaut de nouveaux hôtes dans les excrétions biologiques dans lesquelles elles s’accumulent en grand nombre jusqu’à constituer des amas aisément détectables de virions en cristaux. Ces virus lytiques non enveloppés (adénovirus, picornavirus, rotavirus, etc.) ou enveloppés (paramyxovirus, orthomyxovirus, coronavirus, etc.) sont typiquement responsables des grandes endémies virales humaines. Notre perception de la virulence reste donc souvent associée aux images de ces virus qui envahissent en grand nombre de nouvelles cellules cibles. Dans un article récent, Igakura et al. [50] présentent des images de l’infection par le rétrovirus HTLV-1, dont la transmission semble s’accommoder d’une quasi-absence de virions infectieux libres. HTLV, comme tous les rétrovirus, est un virus enveloppé à ARN dont des copies ADN vont s’intégrer dans le génome de la cellule hôte. Cette propriété, qui fait du rétrovirus un résident permanent du génome cellulaire, permet une production chronique de virions dans l’organisme et compenserait l’absence de production massive de virions. La question reste cependant posée des modalités précises de leur transmission en l’absence de dissémination explosive. L’importance de la transmission directe de certains virus de cellules infectées à cellules non infectées avait déjà été soulignée [51]. Dans l’article d’Igakura, nous pouvons véritablement contempler les images, réalisées dans le laboratoire de Gillian Griffiths, des effets de la rencontre entre des lymphocytes T primaires isolés à partir de patients infectés par HTLV et des lymphocytes non infectés. Le contact entre les deux types cellulaires entraîne une polarisation du cytosquelette de la cellule infectée au point de contact, suivie de l’accumulation en ce point des protéines de la capside et de l’enveloppe du virus, rassemblées autour de son acide nucléique. Les produits viraux semblent se rassembler à proximité, sans juxtaposition, de zones riches en protéines d’adhérence et en taline. De façon tout aussi spectaculaire, les auteurs sont arrivés à rassembler des images de la transmission d’une cellule à l’autre de l’ensemble des composants du virion, ARN viral et protéines virales de capside et d’enveloppe. La transmission naturelle des rétrovirus de mammifères emprunte des voies (sang, sperme, voire allaitement) qui impliquent le transfert de cellules infectées plutôt que de virions libres. Les images présentées dans cet article donnent du poids à ce type de transfert et remettent en question l’image d’Épinal que nous avons encore de la transmission rétrovirale, sous la forme d’un virion isolé atterrissant sur une cellule cible. On peut tout aussi légitimement se demander, avec les auteurs, si ces images de transmission du HTLV ne seraient pas l’apanage du seul HTLV, ou si ce mode de transmission peut survenir dans toute infection naturelle de lymphocytes par les rétrovirus, dont le VIH.

Le destin intestinal du précurseur pancréatique dépend de Ptf1a

La protéine Ptf1a, ou p48, est l’une des trois sous-unités du facteur de transcription Ptf1. Elle est exprimée spécifiquement dans des lignées cellulaires pancréatiques de type exocrine. Les animaux Ptf1-/- présentent bien des cellules endocrines pancréatiques mais pas de développement acinaire. Ces observations ont attribué à Ptf1a un rôle dans la détermination du pancréas vers le lignage exocrine. Néanmoins, certaines zones d’ombre subsistaient quant à l’expression et la fonction de ce facteur, notamment au cours de la formation précoce du pancréas. En effet, dans l’endoderme pré-pancréatique, seule l’expression de deux facteurs de transcription à homéoboîtes, Hlbx9 et Pdx1, précède la formation du bourgeon. Pourtant, aucun des deux ne semble indispensable au développement du pancréas. En l’absence d’Hlbx9, seul le bourgeon pancréatique ventral se forme. Pdf1, quant à lui, est requis pour la morphogenèse et la croissance du bourgeon pancréatique mais pas pour sa formation. Afin de mieux comprendre le rôle de Ptf1a, l’équipe de Wright (Nashville, Tenessee, USA) a créé des souris transgéniques knock-in pour ptf1a, ptf1a-Cre et les a croisés avec les animaux R26R, dans lesquels l’expression du gène lacz est inhibée par une cassette stop flanquée de sites Lox, qui seront excisés par la recombinase cre [52]. C’est une approche désormais classique pour suivre des cellules, notamment au cours du développement embryonnaire, puisque la levée de l’inhibition de l’expression Lacz dans une cellule est définitive et persiste dans sa descendance. Chez les animaux double-transgéniques (ptf1a-Cre x R26R,) le marquage n’est pas limité aux cellules acinaires, mais s’étend à la plupart des cellules des îlots de Langerhans et des cellules ductulaires. De plus, l’expression de Pdx1 sous la dépendance du promoteur Ptf1a peut complémenter le phénotype des animaux Pdx1-/-, ce qui confirme la co-expression de Ptf1a et de pdx1 dans la plupart des progéniteurs pancréatiques. Ptf1a serait donc un marqueur précoce de ce lignage. Quant aux cellules exprimant LacZ des animaux dépourvus de Ptf1a, elles sont intégrées à l’épithélium intestinal dans les cryptes en développement et le long de la muqueuse des villosités. Les animaux hétérozygotes ptf1a+/- ne présentent pas ce marquage. On peut donc, à partir d’un précurseur endodermique commun, retracer les trois destins possibles: en présence d’une co-expression de pdx1 et de ptf1a, les cellules suivront un destin pancréatique alors que l’absence de ptf1 orientera la cellule vers un destin intestinal. Enfin, ce précurseur endodermique acquiert une détermination hépatique en cas d’influence positive du mésoderme cardiaque avoisinant.

Ces travaux démontrent une fois de plus que les études de lignage cellulaire vont devenir incontournables pour compléter les études d’invalidation génique dans la compréhension de la fonction des gènes au cours du développement.

Tropheryma whipplei : une bactérie parasite

La maladie de Whipple est une maladie infectieuse rare, caractérisée par l’infiltration, par des macrophages infectés, de certains tissus de l’organisme, en particulier la muqueuse duodénale. Elle touche majoritairement les hommes vers la quarantaine et peut être létale en l’absence de traitement. Elle semble favorisée par un terrain génétique encore inconnu associé à un déficit du système immunitaire. Le diagnostic est difficile en raison du tableau clinique hétérogène: arthralgies, diarrhées, perte de poids, fièvre, parfois atteintes du système nerveux central et cardiopathies. Bien que la maladie ait été décrite il y a presque un siècle, c’est seulement en 1991 que la bactérie pathogène Tropheryma whipplei a été identifiée. Il fallut encore dix années pour mettre au point des conditions de culture de cette bactérie à Gram positif dont le temps de doublement est de… 18 jours! Aujourd’hui, une nouvelle avancée importante est réalisée avec le séquençage complet de son génome, qui présente plusieurs caractéristiques inhabituelles [53]. Avec seulement 0,9 Mb et 784 séquences codantes, T. whipplei est le plus petit génome bactérien séquencé à ce jour. Cette petite taille est due à l’absence de nombreux gènes impliqués dans le métabolisme énergétique et la biosynthèse des acides aminés, mais on trouve 47 gènes codant pour des transporteurs, un ensemble de propriétés caractéristiques des micro-organismes strictement adaptés à leur hôte. Parmi les séquences codantes, 74 % peuvent être identifiées par homologie avec des séquences connues et 11 % sont hypothétiques. Parmi les 15 % restant, les trois quarts ont des caractéristiques de protéines de l’enveloppe ou de protéines sécrétées. Cette étonnante proportion de protéines localisées à la surface de la bactérie pourrait refléter l’importance des interactions avec l’hôte. De plus, plusieurs de ces protéines de surface montrent des variations de séquences qui résulteraient de mécanismes spécifiques d’adaptation de la bactérie à son hôte, ce qui pourrait expliquer la résistance de la maladie de Whipple à certains traitements antibiotiques. Ces données moléculaires devraient permettre la mise au point de nouveaux tests de détection de cette maladie dont l’incidence est sans doute sous-estimée et le diagnostic souvent trop tardif, en moyenne huit ans après l’apparition des premiers symptômes.