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Un nouveau mécanisme de néphropathie

Des mutations dans les gènes codant pour des protéines s’exprimant dans les podocytes ont été identifiées dans des syndromes néphrotiques de l’enfant. La protéine associée à CD2 (CD2AP) est présente dans les pieds des podocytes. Son absence n’est pas compatible avec la vie, les souris dont le gène a été invalidé (CD2AP–/) mourant peu de temps après leur naissance dans un tableau de protéinurie massive. En revanche, les hétérozygotes (CD2AP+/) survivent, et la comparaison de ces animaux et des témoins sauvages (CD2AP+/+) au cours de leur première année de vie révèle des observations inattendues [1]. Même si aucune des souris étudiées ne développa de protéinurie, les reins des souris hétérozygotes présentèrent des signes de néphropathie dès le 9emois avec expansion mésangiale, hypercellularité et dépôts mésangiaux denses en microscopie électronique contenant des immunoglobulines, le tout évoquant les lésions de la glomérulosclérose segmentaire et focale humaine. Afin de savoir si les podocytes des souris CD2AP+/ gardaient leur capacité d’endocytose et de catabolisme des protéines filtrées, les auteurs injectèrent à ces souris par voie intraveineuse de la ferritine cationique dont le transfert fut suivi à travers la membrane basale glomérulaire en examinant les reins à différentes périodes. Contrairement aux constatations faites chez les témoins, l’injection de ferritine n’entraîna pas d’augmentation du nombre des vésicules d’endocytose chez les hétérozygotes. Cette altération dans le processus de dégradation des protéines fut confirmée par l’injection d’anticorps néphrotoxiques à faible dose, insuffisante pour produire une protéinurie chez les témoins, mais qui entraîne chez les souris CD2AP+/ une protéinurie massive et prolongée. La ressemblance des lésions histologiques avec celles de la glomérulosclérose segmentaire et focale humaine a conduit les auteurs à rechercher des mutations du gène de la protéine CD2AP chez les malades atteints de ce type de néphropathie. Des résultats positifs ont été constatés chez 10malades sur 45. Chez deux d’entre eux une mutation dans l’exon 7 entraînait un défaut de l’expression de la protéine. Ainsi peut-on conférer à la protéine CD2AP un rôle dans l’endocytose et la dégradation des protéines filtrées; l’accumulation de protéines dans le glomérule qui résulte d’un défaut de fonction par mutation de CD2AP conduisant au développement d’une néphropathie. Même si la plupart des glomérulonéphrites restent d’origine immunologique, voici donc démasqué un nouveau mécanisme, le défaut de clairance par les podocytes des protéines en voie de filtration.

Un anticorps recombinant spécifique d’une conformation spécifique

Les anticorps sont des outils de base de la biologie et de la médecine modernes. Le tour de force réalisé par Frank Perez et Bruno Goud (Institut Curie, Paris, France) réside dans l’obtention d’un nouvel anticorps recombinant isolé à partir d’une banque de phages, et qui reconnaît spécifiquement la forme liée au GTP de la petite GTPase Rab6 [2]. Les petites GTPases sont des cibles idéales de cette approche innovante. En effet, la forme liée au GTP correspond à l’état actif de la molécule, alors que la forme liée au GDP est inactive. Pouvoir suivre une petite GTPase dans son état actif renseigne sur son site d’activité et sur les signaux qui conduisent à son activation. L’anticorps obtenu au cours de ce travail peut être utilisé en immunofluorescence, mais il est surtout intéressant de l’exprimer dans les cellules. Les auteurs détectent ainsi la localisation subcellulaire de la forme active de Rab6 in vivo et en temps réel grâce à une étiquette fluorescente. Des expériences de vidéo-microscopie permettent de voir la formation de tubules membranaires issus de l’appareil de Golgi contenant la forme active de Rab6 et leurs mouvements dans les cellules [2]. Cet anticorps pourrait aussi avoir des applications dans la pratique médicale, car Rab6 est un facteur de mauvais pronostic dans certains cancers du sein [3]. D’autres molécules montrant des changements conformationnels importants sont aussi des cibles intéressantes pour cette approche innovante.

Tir Na Nog, terre de l’éternelle jeunesse

L’équipe d’Austin Smith [4] et une équipe japonaise [5] nous présentent, dans Cell, le gène nanog, fondamental au maintien de la pluripotence et de l’auto-renouvellement de l’épiblaste embryonnaire et des cellules ES, d’où son nom, tiré du celtique. Précédemment reconnu - dans une revue plus confidentielle [6] - comme proche de la famille des gènes Nk-2, il code pour une protéine de 305 acides aminés à homéodomaine. Identifié dans un crible d’indépendance des cellules ES à la voie LIF-STAT3, nanog est exprimé initialement dans la morula, puis sélectivement dans la masse interne du blastocyste et l’épiblaste, et s’éteint après l’implantation. Il est détecté dans les cellules ES et EG (embryonic germinal), que ce soit chez la souris ou chez l’homme. Son absence in vivo bloque toute prolifération de la masse interne du blastocyste et tout développement de l’épiblaste au-delà du jour 3,5, et les cellules ES nanog–/ se différencient exclusivement en endoderme extra-embryonnaire. Si la voie STA3, activée en réponse à l’activation de la gp130 par LIF (leukemia inhibitory factor), est cruciale dans l’autorenouvellement des cellules ES de souris, elle n’est indispensable ni in vivo, ni pour les cellules ES humaines (() m/s 2003, n°6-7, p.699), ce qui évoquait l’intervention d’un deuxième larron. La surexpression de Nanog pérennise effectivement l’auto-renouvellement des cellules ES sous forme indifférenciée même en l’absence de LIF, et ce indépendamment de la voie JAK-STAT. Toutefois, physiologiquement la protéine Nanog n’existe pas en quantité suffisante pour s’opposer au processus de différenciation que déclenche le retrait de LIF. D’une façon générale, Nanog s’oppose à la différenciation des cellules ES, et agit de concert avec OCT4, autre déterminant de la pluripotence des cellules ES, dont la quantité contrôle aussi de façon très précise l’équilibre entre autorenouvellement et différenciation dans les cellules ES. Oct4 s’oppose à la différenciation en trophectoderme des cellules de la morula et des cellules ES, Nanog s’oppose à leur différenciation en endoderme extra-embryonnaire, les deux facteurs privilégiant ainsi la pluripotence des cellules ES. Si l’expression transcriptionnelle de nanog est indépendante de celle de oct4, l’autorenouvellement des cellules ES contrôlé par Nanog requiert la présence continue de Oct4. Les voies de signalisation en aval de ces deux protéines ne sont pas encore connues, et une autre question brûlante est de savoir si ces gènes sont spécifiques d’un état embryonnaire. Ils ne sont en tout cas pas détectés dans des cellules souches adultes de type hématopoïétique ou neural, ni dans aucun tissu somatique dont les gonades. On sait que Oct4 est présente dans les cellules souches de type MAPC (multipotent adult progenitor cell) récemment décrites chez l’adulte et dotées d’un potentiel proche de celui des cellules ES embryonnaires (() m/s 2003, n°6-7, p.699)? Nanog l’est-elle aussi? La suite probablement en octobre…

Les hommes sont plus fragiles

Le risque d’accident cardio-vasculaire est plus grand chez l’homme que chez la femme. Est-ce en raison de la prévalence accrue des facteurs de risque (tabagisme, hypertension, obésité, diabète...) chez l’homme ou d’une susceptibilité particulière des vaisseaux à une atteinte pathologique? Uune équipe hollandaise a eu l’idée de rechercher une association possible entre la micro-albuminurie (dont on sait qu’elle reflète l’atteinte endothéliale, déterminante dans la genèse des accidents cardio-vasculaires) et les principaux facteurs de risque chez 7841sujets des deux sexes habitant Gröningen (Pays-Bas) et sans antécédents de néphropathie [7]. Trois points ressortent en première analyse: (1) la micro-albuminurie est environ deux fois plus élevée chez l’homme que chez la femme; (2) la prévalence des facteurs de risque est plus élevée chez l’homme pour l’hypertension et le diabète, plus élevée chez la femme pour l’obésité, semblable dans les deux sexes pour le tabagisme et l’hypercholestérolémie; (3) la protéinurie est corrélée positivement à l’âge, à la pression artérielle systolique et diastolique, à l’indice de masse corporelle, à la glycémie, à la cholestérolémie et à la clairance de la créatinine. Si l’on examine ensuite ces corrélations dans chaque sexe et que l’on reporte sur la même figure les courbes reliant la protéinurie à chacun des paramètres étudiés, on constate, chaque fois, que pour le même niveau de risque, la protéinurie est plus élevée chez l’homme. En outre, le sexe interagit avec l’âge, l’indice de masse corporelle et la glycémie de telle sorte que l’effet péjoratif du sexe masculin s’accentue aux valeurs les plus hautes des trois facteurs précédents. On peut donc conclure que l’homme supporte moins bien que la femme l’exposition à un facteur de risque cardio-vasculaire. Cette dernière est-elle protégée par les oestrogènes? Le travail ne répond pas à cette question puisque les femmes de 28 à 75 ans ont été incluses dans l’étude sans distinction de leur statut hormonal, et que certaines études montrent un effet nocif du traitement substitutif par les oestrogènes sur le risque cardio-vasculaire chez les femmes ménopausées [8] jettent le trouble sur ce qui paraissait être communément admis.

Protocole robotisé pour l’analyse de la voie de traduction du signal Hedgehog: une première

Un premier crible sur la transduction d’un signal extracellulaire à l’échelle du génome vient d’être achevé par le groupe de P. Beachy à Baltimore [9]. La technique d’interférence ARN a été utilisée pour cribler 43% du génome de Drosophila melanogaster (soit 5700 gènes) à partir de cellules en culture à la recherche de molécules impliquées dans la transduction du morphogène Hedgehog. Cette approche permet une analyse systématique de toutes les phases codantes identifiées dans le génome et évite la complexité de l’analyse phénotypique des animaux mutants pour les gènes concernés. En plus de composants connus de la voie Hedgehog, quatre nouveaux composants ont été clairement identifiés. L’absence de trois de ces molécules réduit la réponse au signal Hedgehog: (1) la protéine Dally-like qui appartient à la famille des héparanes sulfates et peut s’associer à Hedgehog. Elle pourrait être nécessaire pour la présentation du ligand à son récepteur ou pour concentrer localement le ligand; (2) les deux autres sont la protéine à homéodomaine Caupolican et une nouvelle protéine de surface qui contient des répétitions de type immunoglobuline. Le rôle de ces deux protéines est encore indéterminé. Le quatrième candidat identifié est la caséine kinase 1α dont l’absence provoque une augmentation de l’activité basale de la voie Hedgehog. Le rôle d’une activité caséine kinase dans l’inhibition du médiateur transcriptionnel Cubitus interruptus avait été identifié au préalable. En conclusion, ce protocole robotisé pourra être étendu à l’étude de la transduction d’autres signaux dans différentes espèces en se fondant sur les données de la génomique, une fois leurs génomes complètement annotés. Cette approche est plus performante qu’une approche génétique classique, le génome entier pouvant être criblé en quelques jours. Néanmoins l’invalidation génique induite par interférence ARN n’est pas toujours totale - il faut noter que, dans cette étude, elle n’a pas été testée systématiquement. L’expérimentateur peut donc manquer l’identification d’un gène nécessaire à la signalisation étudiée. De plus, il faut souligner que des cribles plus sophistiqués (par génétique classique?) seront nécessaires pour identifier les molécules impliquées dans la sécrétion, le transport et la stabilité du signal extracellulaire.

Avec le temps va tout s’en va... sauf Brm

L’évolution semble nous avoir fait perdre les formidables capacités régénératrices de beaucoup de nos vieux ancêtres, comme le triton ou l’hydre. Coupez la tête d’une hydre, pas seulement celle de Lerne, et elle se régénérera ! Si la plupart des tissus des mammifères ont perdu cette faculté, le foie l’a conservée. Mais, «avec le temps va tout s’en va...» et cette capacité régénératrice aussi! L’équipe de Timchenko vient de décrypter l’implication de C/EBPα dans cette perte avec l’âge de la capacité du foie à régénérer [10]. On savait déjà que le facteur de transcription C/EBPα assurait la quiescence des cellules du foie en inhibant des kinases dépendant des cyclines (cdk). Ainsi, les animaux dont le gène a été invalidé présentent un taux de prolifération hépatique augmenté. De même, la perte de la réponse proliférative des foies âgés après hépatectomie partielle est associée à une absence de diminution des taux de C/EBPα. Comment la persistance de ces taux élevés peut-elle influencer la capacité de régénération des foies âgés? Les auteurs ont tout d’abord montré que la majorité des protéines C/EBPα était liée à un complexe comprenant les protéines Rb, E2F4 et Brm (Brahma ou SNF2α) dans les foies âgés et non dans les foies jeunes. Parmi ces facteurs, seul Brm est augmenté dans le foie des animaux âgés. Le facteur C/EBPα a alors été incubé avec des extraits nucléaires de foies jeunes en présence de quantités croissantes de Brm. Ce dernier est alors capable de déplacer la liaison cdk2/ C/EBPα en faveur d’un complexe C/EBPα-Rb-E2F4-Brm. Contrairement aux foies jeunes, il n’y a pas d’induction de c-myc dans les foies âgés après hépatectomie partielle. Pour comprendre ce phénomène, les auteurs ont alors étudié l’occupation du promoteur dans le foie d’animaux en fonction de l’âge. Les résultats leur permettent de suggérer l’hypothèse suivante: dans les foies quiescents d’animaux jeunes, C/EBPα fixe cdk2 et l’inhibe. Après hépatectomie partielle, l’induction des cyclines E et A entraîne l’activation de cdk2 qui, par l’intermédiaire de la phosphorylation de Rb, permet l’expression de gènes inducteurs de la prolifération dépendant d’E2F comme c-myc. À l’inverse, chez les animaux âgés, l’induction de Brm, qui interagit avec la même région de C/EBPα que cdk2, déplace cette dernière. Le complexe C/EBPα-Rb-E2F4-Brm ainsi recruté dans le foie quiescent comme dans le foie induit bloque l’activation de promoteurs dépendant d’E2F comme celui de c-myc. Ce mécanisme n’est peut-être pas le seul responsable de cette diminution de la capacité proliférative du foie avec le temps, mais cette observation peut désormais ouvrir des pistes thérapeutiques...

Rougeole et infections secondaires, une immunosuppression multifactorielle

La rougeole reste, dans les pays en développement, une maladie grave, responsable d’environ un million de morts chaque année. Et pourtant, le virus MV (measles virus) n’est pas létal en lui-même, mais l’immunosuppression qu’il induit fait que les enfants meurent d’infections secondaires. Des chercheurs américains, d’Orégon et de Californie, ont exploré le mécanisme en cause dans cette pathogénie chez des souris transgéniques exprimant MV et son récepteur CD46 [11]. Ils ont utilisé Listeria monocytogenes (LM), injectée cinq jours plus tard à l’animal, pour l’étude de l’infection bactérienne, et ont, en effet, constaté une susceptibilité accrue à cette infection secondaire. LM permet, en effet, une analyse distincte des réactions d’immunité innée et d’immunité adaptative. Chez les souris LM, on a constaté une diminution de la réponse immunitaire innée avec retard de l’élimination bactérienne, non absolue cependant. On pouvait noter une diminution nette de la réaction des macrophages et des neutrophiles, un peu moins des cellules natural killer, le tout dû majoritairement à un défaut de prolifération des cellules plus qu’à une apoptose accélérée. L’effet de l’infection par MV sur la réponse immunitaire par médiation cellulaire a, par ailleurs, été exploré par le potentiel d’expression de la cytokine IFNγ (interféron) dans les lymphocytes T CD4+ et CD8+. L’interféron joue, en effet, un rôle critique dans la résistance de l’hôte à une infection par LM. Chez les animaux infectés simultanément par MV, cette production était réduite d’un facteur 3, environ, dans les cellules CD4+, et de façon sensible, quoique moins significative (~ 15%), dans les cellules CD8+. C’est donc bien une approche multifactorielle, exploitant immunité innée et immunité adaptative, qu’utilise le virus de la rougeole pour faire avorter la défense immunitaire de l’hôte vis-à-vis d’une infection secondaire.

Un monde inodore

Connu depuis un demi-siècle, le syndrome de Kallmann (ou de Morsier pour les francophones) se caractérise par une association originale: les hommes qui en sont atteints ont un hypogonadisme hypogonadotrope et une anosmie (perte complète de l’odorat). Le gène, porté par l’X, fut localisé (en Xp22) et isolé par l’équipe de Christine Petit [12]. Il code pour une protéine appelée anosmine, qui joue un rôle essentiel dans la migration de certains neurones, entre autres les neurones olfactifs et ceux qui synthétisent la GnRH (gonadotropin releasing hormone). Mais, indépendamment des formes liées à l’X (ou KAL1), des formes à transmission autosomique récessive ou dominante (KAL2) furent observées. De plus, dans de nombreux cas sporadiques, le gène KAL1 (encore appelé ADMLX, adhesion molecule-like from the chromosome X) était intact. Récemment, l’équipe française qui avait isolé le gène KAL1 vient à nouveau de trouver un gène dans des formes autosomiques (KAL2), grâce à deux malades non apparentés et porteurs de syndromes de gènes contigus voisins avec délétion en 8p12.p11 [13]. Il s’agit de FGFR1, codant pour le récepteur de type 1 du facteur de croissance fibroblastique. La famille des FGFR, on le sait, joue un rôle important dans l’embryogenèse et l’ossification, et l’on a donc désormais une meilleure idée du rôle de FGFR1 en pathologie humaine: les mutations avec gain de fonction entraînent une fusion prématurée des membranes (craniosynostose) (() m/s 1995, n°12, p.1748), tandis que les mutations avec perte de fonction résultent en une absence de bulbes olfactifs. De plus, chez certains malades atteints de KAL2, on observe parfois d’autres anomalies du développement: palais ogival, fentes labiale et/ou palatine, agénésie dentaire, ainsi qu’un trouble neurologique particulier: une synkinésie des deux mains. Cette synchronisation cinétique bimanuelle fut décrite chez les patients KAL1 si fréquemment qu’on supposait ce signe spécifique de la forme liée à l’X. Tout semble donc indiquer que FRGR1 et KAL1 interagissent au cours du développement dans des tissus du pôle céphalique où ils sont co-exprimés. Cette interaction expliquerait pourquoi les femmes sont si peu touchées, même dans les formes autosomiques dominantes. Le gène KAL1 semble en effet échapper partiellement à l’inactivation de l’X. Une quantité plus importante d’anosmine, en cas d’expression des deux allèles KAL1 chez des femmes, pourrait peut-être maintenir FGF au-dessus du seuil critique en cas d’haploinsuffisance de FGFR1. Mais d’autres gènes interviennent certainement dans la formation des bulbes olfactifs puisque sur 129 malades atteints de syndrome de Kallmann (91hommes et 38 femmes), des mutations hétérozygotes de FGFR1 n’ont été trouvées que 12 fois.

Mauvaise circulation entre le réticulum et le Golgi, et le sang coule

Des mutations du gène LMAN1 entraînent des défauts de coagulation, les altérations portant sur les facteurs V et VIII de la coagulation. Les facteurs V et VIII sont des protéines sanguines qui jouent un rôle dans la réaction en cascade de la coagulation déclenchée pour colmater la brèche en cas de lésion endothéliale vasculaire. Le gène LMAN1 code pour une protéine transmembranaire du réticulum endoplasmique et du compartiment intermédiaire de l’appareil de Golgi appelée ERGIC53 (endoplasmic reticulum Golgi intermediate compartment), suggérant que LMAN1 joue un rôle dans la voie de biosynthèse et de sécrétion des facteurs V et VIII [14]. Des équipes américaines, anglaise, israélienne, allemande et vénézuélienne montrent que des mutations du gène MCFD2 causent un phénotype identique à celui qu’entraînent les mutations de LMAN1. La protéine MCFD2 est localisée au niveau du même compartiment membranaire que LMAN1 et interagit avec cette dernière en présence de calcium [15]. Ce résultat important pour la compréhension des syndromes hémorragiques est aussi intéressant d’un point de vue fondamental, car il suggère que le complexe MCFD2-LMAN1 joue un rôle de récepteur dans le tri et l’export du réticulum endoplasmique de protéines sécrétées spécifiques comme les facteurs V et VII.

Les secrets du protéome

L’asynchronisme de réplication observé en phase S au cours du cycle cellulaire, n’est certes pas le fait du hasard, mais au contraire d’une organisation dont nous n’avons pas encore saisi toutes les règles [16]. Trois groupes de gènes à réplication asynchrone sont actuellement décrits: (1) ceux qui n’échappent pas à l’inactivation sur l’X à réplication tardive, connus depuis des décennies; (2) des gènes autosomiques soumis à empreinte parentale, s’accompagnant d’une réplication asynchrone, qui ont fait l’objet de nombreux travaux et ont permis de découvrir des pathologies humaines particulières, comme le syndrome d’Angelman ou de Prader Willi par exemple; (3) enfin, des gènes autosomiques, à transcription monoallélique, appartenant à certaines familles, parmi lesquelles celles qui codent pour les récepteurs des cellules T et des phéromones. Dans ce troisième groupe, à l’étude chez la souris, un seul des deux allèles - celui qui se réplique plus tôt - sera exprimé. Mais quelles sont les règles de ce phénomène épigénétique difficile à étudier, d’autant que ces gènes sont dispersés à travers tout le génome? Pour y parvenir, la réplication de gènes de récepteurs olfactifs, situés sur quatre paires de chromosomes (2, 6, 7, 11), a été suivie chez la souris en étudiant par FISH les signaux d’hybridation fluorescents sur noyaux en interphase. Les réplications (un signal avant réplication, deux signaux après réplication) sont analysées pour ces paires chromosomiques. Un asynchronisme de réplication est observé dans 40% des cellules. Il se produit simultanément pour des gènes distants portés par des chromosomes différents, ce qui impliquerait une coordination à distance de la réplication précoce des allèles choisis pour être transcrits. Selon les cellules, l’inactivation se fait au hasard, sur l’allèle tantôt maternel, tantôt paternel. Cette réplication asynchrone se produit très tôt au cours du développement et se maintient dans les cellules filles de manière clonale, comme pour l’inactivation de l’X. Dans le cas des gènes d’immunoglobulines, il est intéressant de noter que la réplication précoce correspond à l’allèle qui entreprend le réarrangement et qu’elle conditionne l’exclusion de l’autre allèle [17]. Chez la souris, la non-équivalence des paires apparaît clairement. Il est désormais essentiel de comprendre les mécanismes épigénétiques d’une régulation d’expression allant de pair avec un asynchronisme de réplication pour certaines familles de gènes. Après le génome, le protéome a encore beaucoup à nous apprendre.

Une nouvelle voie d’amplification de l’insulinosécrétion par les acides gras

Une équipe japonaise travaillant sur les récepteurs à 7 domaines transmembranaires s’est intéressée au récepteur orphelin (dont le ligand est inconnu) GPR40, en raison de la forte homologie des séquences peptidiques chez plusieurs mammifères [18]. Ce récepteur est quasi exclusivement exprimé dans le pancréas, et spécifiquement par les cellules β des îlots de Langerhans, à des niveaux élevés. Ces résultats ont conduit les auteurs à chercher le ligand de GPR40. Après transfection transitoire de l’ADNc codant pour GPR40 dans des cellules CHO, plus de 1000 composés chimiques ont été testés, leur effet étant mesuré sur les variations de concentration de Ca2+. Les acides gras saturés de longueur C12 à C16, les acides gras insaturés de longueur C18-C20 et certains eicosanoïdes se sont révélés être des activateurs de GPR40, ces résultats confirmant des résultats publiés quasi simultanément [19]. Dans une lignée de cellules β, les acides gras qui stimulent la sécrétion d’insuline sont les mêmes que ceux qui sont capables d’activer GPR40, et cet effet insulinosécrétoire disparaît après traitement par des ARN interférants (silencing RNA) spécifiques de GPR40. Ces résultats suggèrent que l’effet classique d’amplification de l’insulinosécrétion observé à court terme ne passe pas uniquement par l’activation de voies métaboliques dans la cellule β, mais aussi par l’activation de GPR40. Les deux équipes travaillant sur GPR40 sont liées à l’industrie pharmaceutique et devraient rapidement préparer des activateurs de GPR40, capables d’amplifier l’insulinosécrétion chez les diabétiques.

Un bec de belle couleur reflet d’une bonne santé

L’attrait de la beauté du mâle est bien connu. Les oiseaux font étalage de leur plumage, mais aussi de la couleur de leur bec. Deux études parues très récemment dans Science montrent que les femelles ne se trompent pas, et que ce détail du phénotype est un reflet très fiable de la santé du partenaire. Un groupe de Glasgow a étudié les chardonnerets (Taeniopygia guttata) [20], une équipe de Dijon le merle noir (Turdus merula) [21]. Dans les deux espèces la couleur du bec varie, de l’orange au rouge dans un cas, du jaune à l’orange dans l’autre, et la femelle préfère toujours la couleur la plus intense. Or cette couleur est due aux caroténoïdes que l’oiseau ne peut synthétiser de novo, et qui doivent donc être le fruit d’un apport extérieur. On connaissait depuis longtemps le caractère anti-oxydant et immunostimulateur des caroténoïdes. Pouvait-on rapprocher les observations et montrer l’effet sur le phénotype d’une pression sur le système immunitaire? Les chercheurs de Glasgow ont utilisé dix paires de chardonnerets mâles adultes. Dans une des séries d’animaux, une manipulation alimentaire des caroténoïdes a entraîné, par rapport à la série témoin, un changement de couleur du bec dès la quatrième semaine (p = 0,036), s’accentuant à la huitième (p = 0,007), en même temps qu’on observait une augmentation très nette de l’attrait sexuel pour les animaux supplémentés. Mais aussi, ces oiseaux réagissaient de façon plus intense à une injection de phytohémagglutinine, qui induit une réaction inflammatoire, et leur survie s’avérait plus longue. Le choix des femelles était le bon, le partenaire présentant moins de risques d’infection, il assurerait à la couvée un meilleur soin parental. La relation entre couleur du bec et état d’immunité a de la même façon été l’objet de l’étude des chercheurs de Dijon. Ils ont immunisé les merles noirs par des globules rouges de mouton. La comparaison avec un groupe témoin montrait un éclaircissement du bec (p = 0,0008) sans changement de poids du corps. La relation était évidente entre les besoins de la fonction immunitaire et l’évolution de ce caractère sexuel secondaire, plus rapide au niveau du bec qu’à celui des plumes, dont le renouvellement n’est qu’annuel [22]. Quand une femelle choisit un mâle de belle couleur, elle choisit aussi un système immunitaire puissant, son choix est sans erreur.

L’urotensine II: un nouveau système autocrine-paracrine rénal

L’urotensine II (U II) est un peptide de 11 acides aminés, synthétisé dans les motoneurones de la corne antérieure de la moelle et la medulla oblongata du cerveau. Il a été également détecté dans les tissus périphériques, essentiellement les reins. C’est le ligand endogène d’un récepteur orphelin couplé à une protéine G, le GPR14, lui-même exprimé dans les tissus nerveux et cardiovasculaire. L’U II est un vasoconstricteur puissant, mais dont l’efficacité varie selon le vaisseau et l’espèce étudiés. Son rôle physiologique chez l’homme et les mammifères est encore incertain. Matsushita et al. [23] viennent de montrer en utilisant une lignée de cellules dérivées du tube proximal de porc (LLCPK1), que l’U II était un facteur de croissance à caractère autocrin / paracrin. Cette conclusion se fonde sur la stimulation de la synthèse d’ADN qu’entraîne l’UII dans les cellules LLCPK-1 quiescentes, effet que suppriment les inhibiteurs des canaux calciques dépendant du voltage, ceux de la protéine kinase C et ceux de la MAP kinase kinase (MEK-1). L’U II augmente également la concentration du calcium cytosolique dans ces mêmes cellules, induit la phosphorylation des kinases ERK 1 / 2 de façon rapide et transitoire, et l’expression de l’ARNm du proto-oncogène c-myc. Ces mêmes cellules expriment les transcrits et la protéine U II et coexpriment l’ARNm du récepteur GPR14. Les cellules épithéliales du tube proximal de rein de porc synthétisent et sécrètent donc U II qui, à son tour, stimule la croissance de ces cellules en empruntant une voie de signalisation impliquant les canaux calciques dépendant du voltage, la protéine kinase C et les MAP kinases. Cela dit, le rôle physiologique de U II comme facteur de croissance des cellules épithéliales rénales, parmi tous ceux qui sont déjà connus tels que le facteur de croissance épidermique (EGF), reste à préciser.

Un catalogue de petites protéines G

Les petites GTPases sont des interrupteurs moléculaires très importants de chaque voie de signalisation de nos cellules. Afin d’établir la première classification des Rac, Rab, Ras, Ral, Rap, Rho, Arl, Sar, Rag (à répéter de plus en plus vite pour un bon exercice de diction) W.D. Heo et T. Meyer (Stanford, CA, USA) ont réalisé une étude exhaustive au cours de laquelle ils ont exprimé, dans des cellules NIH3T3, 100 des 150petites protéines G connues fusionnées avec une étiquette fluorescente [24]. Alors que 56 n’induisent aucun changement morphologique, l’expression des 44autres entraîne des phénotypes caractéristiques qui ont été classés en: arrondissement, filopodes, lamellipodes, fibres de stress, rétrécissement, multiples, polarisation, sourcils, étalement localisé. Les auteurs ont assemblé un algorithme pour prédire les positions des acides aminés qui peuvent être échangés d’une classe à l’autre pour permuter la fonction, et ont validé ce réseau en créant des mutants d’échange de fonction pour 6 petites G. Ils constatent que les acides aminés importants sont hors des surfaces d’interaction connues et loin les uns des autres. Ce tour de force post-génomique va certainement en inspirer d’autres avec diverses classes de molécules.

Nanisme et réparation de l’ADN

Le syndrome de Seckel est une maladie récessive autosomique rare caractérisée par un retard de croissance très sévère débutant dès la vie intra-utérine, associé à une microcéphalie et à une dysmorphie faciale caractéristique, avec un nez dit «en bec d’oiseau» dans un visage étroit au menton en retrait. Un locus a été trouvé en 3q22-q24 [25], région dans laquelle se trouve le gène ATR (ataxia-telangectasia and Rad3-related protein), jadis appelé FRP1 (FRAP-related protein1). Comme le gène ATM (dont l’altération est responsable de l’ataxie télangiectasie), le gène ATR code pour une protéine de réparation de l’ADN. Tout était donc réuni pour faire de ce gène un excellent candidat dans le syndrome de Seckel: hypotrophie sévère, survenue secondaire d’hémopathies, cassures chromosomiques, et enfin hypersensibilité à la chimiothérapie. Une lignée de fibroblastes établie à partir d’un malade a permis d’étudier la réponse aux radiations ionisantes et aux UV. Les UV, mais pas les radiations ionisantes, altèrent la phosphorylation de p53, Rad17, Nbs et H2AX (par comparaison avec des lignées d’ataxie-télangiectasie et de xeroderma pigmentosum) [26]. L’introduction d’un ADNc d’ATR dans la lignée de fibroblastes normalise la réponse aux UV, ce qui confirme la responsabilité du gène ATR muté. La mutation découverte (210A->G) ségrège avec la maladie dans les familles étudiées. Cette modification ponctuelle, observée à l’état homozygote chez les malades, est intéressante : elle entraîne l’utilisation de deux sites donneurs d’épissage cryptiques, situés dans l’exon 9. Ils ont pour effet d’introduire un codon stop à l’exon suivant. L’épissage normal n’est pas aboli, mais la quantité de transcrits et de protéines est très diminuée. Il s’agit donc d’une mutation synonyme (sans effet sur la traduction). On sait que le contrôle de la réplication de l’ADN est sous la dépendance des gènes ATM et ATR qui contrôlent le cycle cellulaire. Chez Saccharomyces cerevisiae, l’homologue d’ATR intervient dans la phase S et dans la recombinaison méiotique. ATR a été invalidé chez la souris. Les souris Atr+/ ne se distinguent pas des souris sauvages, mais les souris Atr–/ meurent peu après le stade blastocyste. Les cellules Atr–/ dégénèrent avec fragmentation des chromosomes. Cette découverte d’une mutation synonyme dans le gène ATR dans deux familles où ségrège le syndrome de Seckel démontre pour la première fois qu’il peut être impliqué en pathologie humaine. Il faut donc à présent rechercher si d’autres intervenants de la voie ATR peuvent aussi être responsables de certains syndromes de Seckel.

La neuroglobine, un neuroprotecteur?

Une globine exprimée dans les cellules neuronales, appelée neuroglobine (Ngb), a été décrite en septembre 2000 (() m/s 2000, n°12, p.1455). Il s’agit d’un monomère à forte affinité pour l’oxygène comme la myoglobine. Son rôle fonctionnel n’avait pas été précisé : transport de l’oxygène, détoxification vis-à-vis des espèces réactives de l’oxygène, détecteur d’hypoxie ? Une équipe californienne vient de montrer que cette dernière fonction est utilisée pour protéger le rat contre les accidents vasculaires cérébraux [27]. Les mêmes auteurs avaient déjà mis en évidence cette sensibilité à l’hypoxie dans des cultures de neurones, elle est inhibée par un nucléotide antisens de la Ngb, et augmentée par une induction accrue de la Ngb [28]. La sensibilité à l’hypoxie est commune à d’autres protéines, l’induction du facteur HIF-1 (hypoxia-inducible factor-1) ayant été démontrée après ischémie cérébrale chez le rat [29]. Différents gènes pouvant contribuer à cette tolérance ischémique ont par ailleurs été identifiés in vivo par RT-PCR après une ischémie de trois heures [30]. Le dernier travail démontre le rôle protecteur de la Ngb après une ischémie expérimentale par occlusion de l’artère cérébrale moyenne chez le rat. La taille de l’infarctus était augmentée de plus de 50% après infusion d’un oligonucléotide antisens de la Ngb dont la répartition a été contrôlée par fluorescence. L’introduction d’un vecteur AAV (adeno-associated-virus) ayant transduit la Ngb, en revanche, se traduisait par une diminution d’environ 50% du volume cérébral infarci. L’étude fonctionnelle de l’animal confirmait ces données. Une action neuroprotectrice était donc démontrée. Le mécanisme d’action reste encore de l’ordre de l’hypothèse. On a cherché des explications par analogie avec la myoglobine : diffusion de l’oxygène, captation de radicaux toxiques. L’expression de la Ngb est stimulée par le cobalt ou la desferrioxamine, suggérant un rôle possible du facteur HIF-1 [28]. Un prochain travail apportera sans doute une réponse. En attendant, pourra-t-on passer du rat à l’homme ? Les auteurs, évidemment, proposent la Ngb comme une cible pour de nouveaux abords thérapeutiques des accidents vasculaires cérébraux.

Les antagonistes de la ghréline: un nouvel outil contre l’obésité?

La ghréline, un peptide de 28 acides aminés n-octanoylé sur une sérine en position 3 a récemment été identifiée à partir de fundus gastrique de rat comme ligand endogène du récepteur des GH-sécrétagogues (GHS-R). Ce peptide intestinal apparenté à la motiline semblait donc potentiellement impliqué dans la régulation de la sécrétion de l’hormone de croissance (GH), mais également dans celle de l’équilibre énergétique et de la vidange gastrique (() m/s 2000, n°4, p.555 et 2001, n°5, p. 645). En effet, l’injection de ghréline augmentait non seulement la GH circulante mais entraînait également une prise de poids essentiellement due à une augmentation de masse grasse et de la prise de nourriture, en diminuant la lipolyse et la dépense énergétique. Le développement d’antagonistes du GHS-R a permis de clarifier quelque peu la situation en ce qui concerne le rôle de la ghréline endogène dans les différentes fonctions qui lui avaient peut-être été un peu vite attribuées. La première surprise a été qu’un antagoniste de la ghréline ne modifie pas les concentrations plasmatiques de GH chez le rat [31]. En revanche, la même molécule injectée en aigu chez la souris entraîne des effets anorexigènes très marqués [32]. De plus, les effets persistent si les injections sont répétées, et l’antagoniste diminue le poids corporel et les concentrations circulantes de glucose chez les souris obèses ob/ob; ces dernières pouvant être considérées comme un modèle d’obésité et de diabète insulinorésistant avec vidange gastrique accélérée. Ces résultats renforcent l’importance du rôle de l’estomac dans la régulation de la balance énergétique et laissent espérer que le système ghréline présente un intérêt thérapeutique potentiel, non seulement dans certains types d’anorexie/cachexie, mais également dans le cas de l’obésité et du diabète de type 2 dont la prévalence ne devrait pas cesser d’augmenter dans les prochaines années.

Le grand bleu

Le long des côtes de l’océan Indien, des groupes humains nomades à forte endogamie vivent sur des villages flottants et trouvent leur subsistance dans les fonds marins. Adaptés à la plongée libre en apnée, ils sont aussi capables de voir distinctement, sans masque ni lunettes de plongée, les coquillages qu’ils remontent à la surface. Or, on le sait, si les yeux de certains animaux (grenouilles, oiseaux, poissons) sont adaptés à la vision en milieu aquatique parce qu’ils ont subi des modifications (aplatissement de la cornée, pouvoir d’accommodation accru) [33], l’oeil humain est conçu pour la vision terrestre. Immergé dans l’eau - qui a à peu près le même indice de réfraction que la cornée et l’humeur aqueuse, il perd environ les deux tiers de son pouvoir de réfraction. Pour vérifier cette capacité optique étonnante, des chercheurs suédois viennent de faire une étude de la vision sous l’eau d’enfants appartenant à l’un de ces peuples de la mer vivant près des côtes occidentales de la Thaïlande: les Mokens, ou Silungs [34]. À l’aide d’un appareil conçu pour mesurer la vision sous l’eau à distance fixe, ils ont constaté que les enfants Mokens avaient une acuité visuelle deux fois supérieure à celle d’enfants européens se trouvant en vacances sur ces rivages thaïlandais. Or, les petits Mokens ne présentent ni myopie, ni aplatissement de la cornée, ni modification du cristallin, tous changements pouvant expliquer cette augmentation de la vision aquatique. En revanche, leur diamètre pupillaire, sous l’eau, est beaucoup plus petit (1,96 mm) que celui des pupilles des autres enfants (2,50 mm). Chez ces derniers, les pupilles se dilatent légèrement en raison de la diminution de la lumière, et il n’y a pas d’accommodation. Chez les enfants Mokens, au contraire, les pupilles se contractent à la limite de la performance humaine, qui se situe aux alentours de 2mm. Cette contraction entraîne une image plus nette sur la rétine et facilite l’accommodation. Elle se produit au moment de la plongée, mais on en ignore pour l’instant le mécanisme. Celui-ci résulte-t-il d’un simple entraînement physiologique accessible à tous les humains? D’un processus évolutif propre à ces populations qui pratiquent la plongée depuis des milliers d’années ? Ou d’un effet secondaire du réflexe de plongée, contrôlé par le système parasympathique, pour permettre une adaptation circulatoire ? Il serait intéressant de rechercher l’acuité visuelle sous l’eau chez d’autres peuples de la mer, comme les Samas, nomades marins des Philippines connus pour leurs extraordinaires performances de plongée en apnée.

Le baiser de la vésicule synaptique

Le mécanisme de la fusion membranaire présidant à la libération de neurotransmetteurs est le sujet de débats intenses sur la réalité du kiss and run, un mode de fusion au cours duquel la vésicule ne fusionne pas totalement avec la membrane plasmique [35]. Dans ce baiser furtif avec la membrane, un pore s’ouvre, permettant ainsi au contenu en neurotransmetteurs d’être libéré dans le milieu extracellulaire. Deux articles de Nature apportent de nouveaux arguments au débat. S.P. Gandhi et C. Stevens (The Salk Institute, La Jolla, CA, USA) identifient trois modes de recyclage des vésicules : un mode rapide (400-900 ms), un mode lent (8-21 s) et un mode dans lequel la vésicule fusionnée est abandonnée dans la membrane plasmique jusqu’à la prochaine stimulation. Les auteurs ont pour cela utilisé comme sonde la synapto-pHLuorine, une synaptobrévine (protéine des vésicules) portant dans sa partie intravésiculaire une protéine dont la fluorescence n’est émise qu’à pH neutre. Comme le pH d’une vésicule non encore fusionnée est acide, tout signal émis par la synapto-pHLuorine signifiera que l’intérieur de la vésicule est au contact du milieu extracellulaire. Outre ces trois modes de recyclage, les auteurs identifient une différence intéressante entre deux tampons, l’un seulement des deux inhibant la ré-acidification des vésicules après leur baiser furtif, suggérant un pore sélectif pour la taille. De plus, les synapses ayant la plus faible probabilité de libération opèrent préférentiellement dans le mode rapide, alors que celles qui ont une forte probabilité utilisent plutôt le mode lent [36]. A.M. Aravanis et al. (Stanford, CA, USA) utilisent quant à eux le FM1-43, une sonde fluorescente pouvant intégrer la membrane des vésicules, y demeurer après la fermeture du pore et son endocytose et la quitter après une nouvelle étape de fusion. Le suivi de vésicules uniques a permis aux auteurs de constater que l’intégralité du FM1-43 n’est pas toujours perdue à la suite d’une fusion déclenchée par un potentiel d’action. Cette observation est compatible avec le mode rapide kiss and run d’exocytose, qui envisage la possibilité d’une ouverture transitoire du pore de fusion [37]. Cependant, malgré ces deux nouveaux articles, on ne connaît toujours pas la nature (protéique ou lipidique?) du pore de fusion des vésicules synaptiques, et il manque encore une dissection moléculaire des différents modes de recyclage des vésicules synaptiques. Espérons que des mutants spécifiques du baiser furtif seront bientôt identifiés.