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Les montagnes russes du clonage thérapeutiqueUps and downs of therapeutic cloning[Record]

  • Bertrand Jordan

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  • Bertrand Jordan
    Marseille-Nice-Génopole,
    case 901,
    Parc Scientifique de Luminy,
    13288 Marseille Cedex 9,
    France.
    brjordan@club-internet.fr

Comme chacun le sait depuis un article très médiatisé paru en février de cette année [1], des scientifiques coréens ont obtenu de nombreux embryons humains clonés, et ont même établi une lignée de cellules souches à partir de l’un d’eux. Ce résultat important était assez inattendu compte tenu des difficultés récemment décrites pour le transfert nucléaire chez les primates [2]. À l’évidence, il relance les espoirs et les polémiques sur le clonage thérapeutique - et, au-delà, sur les perspectives de clonage reproductif humain. Depuis la naissance de Dolly, et après les relatifs succès du clonage animal (une bonne douzaine d’espèces clonées à ce jour, bien que le « rendement » reste faible et que les animaux obtenus présentent souvent des anomalies), l’application de cette technologie à l’espèce humaine a été envisagée [3]. Elle peut prendre deux formes : le clonage reproductif, presque universellement condamné, et ce que l’on a appelé clonage thérapeutique, même si pour certains [4] cette appellation est abusive ((→) m/s 2002, n° 4, p. 503). Il s’agirait dans ce cas de constituer un embryon à partir d’un ovule énucléé et d’une cellule somatique provenant de la personne dont l’état nécessite une greffe cellulaire. Après développement de l’embryon in vitro jusqu’au stade blastocyte, on prélèverait les cellules souches pour les multiplier au laboratoire puis les pousser à se différencier vers le type cellulaire nécessaire pour traiter le patient par une greffe - a priori bien acceptée puisque génétiquement autologue. La seule véritable publication dans ce domaine était jusqu’ici celle de l’entreprise Advanced Cell Genetics [5], parue en 2001 dans une revue en ligne d’audience modeste. Les résultats obtenus n’étaient pas merveilleux : le développement des embryons construits par transfert nucléaire n’avait pas été au-delà de six à huit cellules, très loin donc du point permettant d’espérer l’obtention d’une lignée de cellules souches. La même firme avait ensuite annoncé, début 2004, être allée jusqu’au stade de 16 cellules, mais sans que ceci fasse l’objet d’une publication. De son côté, Panos Zavos, l’un des rares scientifiques affirmant tenter un clonage reproductif humain, avait publié en avril 2003 (et dans une autre revue en ligne assez confidentielle) un très bref article présentant un embryon obtenu par transfert nucléaire et qui s’était développé jusqu’à comporter 8 à 10 cellules [6]. Début 2004, il annonçait l’implantation d’un tel embryon chez une femme, puis, deux semaines plus tard, l’échec de cet essai : la grossesse n’avait pas « pris ». Indépendamment des objections de principe au clonage reproductif humain, soulignons le caractère irresponsable d’une telle tentative, compte tenu du risque très élevé d’anomalies embryonnaires et de l’impossibilité de s’assurer réellement du bon état de l’embryon avant implantation. Elle a au moins le mérite de nous rappeler une fois encore que clonage reproductif et clonage thérapeutique débutent exactement de la même manière - ce qui est une des raisons de l’opposition au second, car sa mise au point favoriserait le passage au premier… La relative modestie de ces succès pouvait faire penser que le clonage humain restait une perspective lointaine. Cela d’autant plus que, fin 2003, des études effectuées sur le singe Rhésus avaient identifié une difficulté propre aux primates [2]. Rappelons que le clonage de singes, à partir de cellules embryonnaires, avait été annoncé dès 1997 [7], mais jamais confirmé ni reproduit, et que divers commentaires faisaient état de graves anomalies chromosomiques apparaissant dès les premiers stades du développement embryonnaire. Dans cet article, les auteurs montraient que le fuseau mitotique était très anormal dans les cellules des embryons obtenus par transfert nucléaire, et que deux protéines impliquées dans ce fuseau et son …

Appendices