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Paludisme : et si l’on soignait les moustiques ?Curing mosquitoes to control malaria ?[Record]

  • Stéphanie Blandin and
  • Elena A. Levashina

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  • Stéphanie Blandin
    European Molecular Biology Laboratory,
    Meyerhofstrasse 1, 69117 Heidelberg,
    Allemagne.
    blandin@embl.de

  • Elena A. Levashina
    UPR 9022 CNRS, Institut de Biologie moléculaire et cellulaire,
    15, rue Descartes,
    67084 Strasbourg Cedex,
    France.
    E.Levashina@ibmc.u-strasbg.fr

Le paludisme est de loin la maladie transmise par les insectes qui affecte le plus d’humains. Elle est provoquée par un parasite eucaryote unicellulaire, Plasmodium, qui est transmis à l’homme par un moustique vecteur, Anopheles. Chaque année, près de 500 millions de personnes contractent le paludisme et près de deux millions en meurent, principalement des enfants. Plusieurs stratégies ont été mises en oeuvre pour tenter de limiter la transmission du paludisme, notamment par le contrôle des populations de moustiques à l’aide d’insecticides. Si ces campagnes ont été efficaces dans les pays tempérés, le paludisme sévit toujours en Afrique, et le problème risque de s’aggraver avec l’émergence, chez les moustiques, de résistances aux insecticides, le développement par Plasmodium de résistances aux médicaments antipaludéens et le réchauffement de la planète. D’autres tentatives se sont concentrées sur la prévention de la transmission de la maladie à l’homme par la vaccination. Cependant, à ce jour, aucun vaccin efficace n’a été mis au point. Et si, au lieu d’éliminer les moustiques ou de soigner l’homme, on essayait de soigner les moustiques ? En effet, si l’on arrive à guérir les moustiques, on rompt le cycle de transmission de la maladie. Des résultats obtenus récemment nous permettent de mieux comprendre au niveau moléculaire les interactions entre le moustique et le parasite. Au cours de son développement chez le moustique, Plasmodium subit de nombreuses pertes, en particulier lors de la transition oocinète-ookyste (24-72 h après l’infection) (Figure 1). De plus, dans le cas extrême de deux souches de moustiques réfractaires sélectionnées au laboratoire, le développement du parasite est bloqué à ce même stade par son encapsulation mélanotique [1] (Figure 2C) ou par sa lyse [2]. Ces observations indiquent, d’une part, que le moustique est capable de développer une réponse antiparasitaire et, d’autre part, que cette réponse est particulièrement efficace dans les premiers jours après l’infection. Restait à prouver que c’était en effet le cas et à découvrir les molécules impliquées dans la réponse immunitaire du moustique. Afin d’aborder ce problème, nous avons choisi d’étudier les protéines à thioester (TEP, thioester-containing proteins) de l’anophèle. En effet, chez les vertébrés, les membres de cette famille sont impliqués dans la reconnaissance des pathogènes et dans l’activation des effecteurs de la réponse immunitaire. On y trouve, entre autres, les facteurs C3, C4 et C5 du complément, qui se lient à la surface des pathogènes et favorisent ainsi leur élimination par phagocytose ou par lyse cellulaire. L’analyse du génome de l’anophèle [3] a permis d’identifier15 gènes TEP [4]. Leur comparaison avec les TEP d’un autre insecte, la drosophile, nous a permis d’identifier celles, parmi ces protéines TEP, qui sont spécifiques du moustique (n’ayant pas d’orthologue chez la mouche) : on retrouve toutes celles dont l’expression est inductible lors d’une infection. Il est probable que les protéines TEP spécifiques de l’anophèle se soient diversifiées en réponse à l’environnement pathogénique très particulier du moustique. L’analyse fonctionnelle de ces gènes devrait permettre de mieux comprendre la réponse antiparasitaire du moustique. De nombreux autres gènes potentiellement impliqués dans la réponse immunitaire du moustique ont été identifiés soit parce qu’ils présentent une homologie avec des gènes de l’immunité présents chez d’autres insectes, soit parce que leur expression est modulée lors d’une infection [5]. Cependant, leur rôle n’avait pas été confirmé par une analyse fonctionnelle. En effet, nombreuses sont les limitations inhérentes à la biologie des moustiques qui font obstacle à l’utilisation des méthodes classiques de génétique. Nous avons donc adapté la technique d’interférence par l’ARN chez l’anophèle afin d’inhiber spécifiquement l’expression des gènes et de pouvoir en déduire leur fonction [6]. Tout d’abord …

Appendices