ÉditorialEditorial

LUCA, énigmatique cellule mère universelleLUCA, the enigmatic universal cell mother[Record]

  • Axel Kahn

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Les premières cellules vivantes apparaissent sans doute sur Terre il y a 3,5 milliards d’années, la fourchette d’incertitude restant grande : de plus de 3,8 à 3,2 milliards d’années. Les cellules originelles, comme leurs équivalents modernes, devaient être caractérisées par une membrane séparant un milieu intérieur d’un milieu extérieur ; une capacité de croissance par métabolisme de molécules extérieures, ce qui implique l’utilisation d’une source d’énergie ; une capacité pour la cellule de se diviser, et donc de proliférer ; et, enfin, un programme génétique assurant une certaine stabilité des propriétés biologiques de la cellule et leur transmission aux cellules filles. Une autre caractéristique de ce programme génétique des origines est de n’être pas recopié exactement à l’identique lors de la division des cellules. Il s’ensuit une diversité biologique, accrue par les transferts horizontaux de matériel génétique, qui constitue le substratum de l’évolution des espèces. Ceux des descendants d’un organisme parental ayant, par hasard, hérité de modifications ou, par transfert, de combinaisons de caractères nuisant à leur reproduction dans un écosystème donné en sont progressivement éliminés. À l’inverse, les êtres dotés de traits favorisant leur prolificité ont une descendance nombreuse, ce qui assure la large diffusion, et donc le succès des gènes et combinaisons de gènes conférant un tel avantage sélectif. C’est de ces premières protocellules qu’émergeront toutes les formes de vie que l’on connaît aujourd’hui. Depuis les travaux de Carl Woese, un bactériologiste de l’Illinois, à la fin des années 60, on distingue trois embranchements fondamentaux des formes de vie, les bactéries (ou eubactéries), les archaeas (archaeabactéries) et les eucaryotes [1]. Ces derniers sont pourvus d’un noyau, ce qui n’est pas le cas des bactéries et des archaeas qui sont des procaryotes. Initialement, l’observation selon laquelle certaines familles d’archaeas se trouvent vivre dans des conditions extrêmes de température, de salinité ou (et) de pH, suggéra qu’elles représentaient le rameau initial dont ont divergé les bactéries et les eucaryotes. Carl Woese avait fondé ses premiers travaux sur la comparaison de la séquence des ARN ribosomiques des êtres vivants, ce qui ne donnait strictement aucune indication quant à l’arbre évolutif qui a présidé à l’émergence de ces types de cellules. L’analyse génétique et biochimique d’un plus grand nombre de bactéries, d’archaeas et d’eucaryotes allait cependant jeter un sérieux doute sur la précession des archaeas. En effet, par certains côtés, les eucaryotes ressemblent plus aux archaeas qu’aux bactéries. Tel est le cas des enzymes de la machinerie de réplication et de transcription. De plus, l’ADN des archaeas forme des complexes avec des assemblées protéiques évoquant les nucléosomes eucaryotiques. En revanche, eucaryotes et bactéries présentent plus de similarités quant aux enzymes gouvernant le métabolisme. Globalement, les gènes codant les fonctions nucléaires ont tendance à évoquer plutôt les archaeas alors que ceux codant les étapes du métabolisme ont un type plutôt bactérien. Ces observations ont conduit à formuler l’hypothèse selon laquelle les eucaryotes dériveraient d’une symbiose datant d’il y a environ 2,6 à 2,8 milliards d’années entre une α-protéobactérie et une archaea méthanogène, expliquant à la fois l’origine double du génome eucaryotique et l’apparition des mitochondries [2, 3]. Selon ce schéma, la cellule originelle serait bactérienne ; elle aurait divergé pour donner les archaeas puis, après fusion de descendants des deux lignages dérivant de cet embranchement, les eucaryotes, d’emblée dotés de mitochondries qui auraient par la suite été perdues dans de rares rameaux. LUCA (Last Universal Common Ancester), le dernier ancêtre commun à toutes les cellules vivantes, serait par conséquent une bactérie. Les travaux de phylogénie moléculaire ne sont pas incompatibles avec ce schéma mais ne permettent pas de déterminer, dans l’hypothèse …

Appendices