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Des horloges du matin et du soir dans le cerveau de la drosophileMorning and evening clocks in the fly brain[Record]

  • François Rouyer

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  • François Rouyer
    Institut de Neurobiologie Alfred Fessard,
    CNRS UPR 2216,
    Neurobiologie génétique et intégrative,
    avenue de la Terrasse,
    91198 Gif-sur-Yvette Cedex,
    France.
    rouyer@iaf.cnrs-gif.fr

Des horloges circadiennes sont présentes dans l’ensemble du monde vivant et contrôlent les rythmes de nombreuses fonctions physiologiques et comportementales, telles que température corporelle ou cycles veille-sommeil [1]. Leur période, mesurée en conditions d’obscurité constante, est déterminée génétiquement et d’environ 24 h. En conditions naturelles, l’horloge contrôle la distribution de l’activité au cours du cycle jour-nuit, distribution qui s’avère bimodale chez de nombreux animaux. L’activité est ainsi concentrée à l’aube et au crépuscule, quand les conditions de température et d’humidité sont optimales, en particulier pour les espèces qui ne régulent pas leur température interne. Lorsque la durée du jour (photopériode) change en fonction de la saison, les pics d’activité se déplacent et restent ainsi calés sur l’aube et le crépuscule de la nouvelle photopériode. L’adaptation saisonnière implique donc une réponse opposée des pics du matin et du soir à la lumière, suggérant que deux oscillateurs différents contrôlent les rythmes veille-sommeil [2]. Cette hypothèse est étayée par le phénomène de splitting observé chez différents rongeurs, lorsqu’ils sont placés en conditions de lumière constante (LL). Après quelques jours dans ces conditions, certains animaux montrent alors une séparation du rythme d‘activité en deux composants : l’un à période courte et l’autre à période longue. C. Pittendrigh et S.A. Daan [2] ont proposé que ces composants reflètent l’existence de deux oscillateurs, un oscillateur matinal accéléré par la lumière, et un oscillateur vespéral ralenti par la lumière. Deux études ont récemment mis en évidence les bases neuronales de ces oscillateurs du matin et du soir chez la drosophile [3, 4]. L’horloge qui gouverne le rythme d’activité locomotrice est située dans le cerveau, où les quantités des produits des gènes period (per) et timeless (tim) oscillent dans une centaine de neurones par hémisphère cérébral répartis en plusieurs groupes dorsaux et latéraux [5]. Un sous-groupe ventral de neurones latéraux (LNv) exprime le neuropeptide PDF (pigment-dispersing factor), dont l’absence induit une arythmicité importante en conditions d’obscurité constante [6]. Afin de caractériser la contribution des différents groupes de neurones d’horloge à la rythmicité comportementale, les deux laboratoires ont utilisé le système Gal4/UAS qui permet de cibler l’expression de gènes dans certains groupes de cellules pour lesquels on dispose d’une séquence stimulatrice transcriptionnelle spécifique (enhancer). En bref, un transgène portant le facteur de transcription de levure Gal4 sous le contrôle d’un enhancer tissu-spécifique va diriger l’expression d’un gène d’intérêt placé derrière les séquences UAS de réponse à Gal4 dans un second transgène. Il avait été montré précédemment que l’expression d’un gène d’apoptose sous le contrôle de transgènes Gal4 spécifiquement exprimés dans les neurones à PDF provoque une ablation génétique de ces neurones et induit des défauts similaires à ceux observés chez les mutants pdf0 [6, 7]. Les neurones latéro-ventraux à PDF étaient donc de bons candidats pour être le siège de l’oscillateur principal contrôlant les rythmes veille-sommeil de la drosophile. En ciblant l’expression du gène per dans ces neurones chez des mouches dépourvues de gène per endogène (mutants per0), B. Grima et al. [3] montrent que les LNv sont capables à eux seuls d’engendrer une rythmicité comportementale de 24 h. Les LNv à PDF (une dizaine de cellules par hémisphère) constituent donc une horloge circadienne autonome. Ces mouches présentent cependant une avance de phase de plusieurs heures, la phase du rythme représentant la position du pic d’activité dans un cycle de 24 h. En conditions jour-nuit, les mouches n’exprimant la protéine PER que dans les LNv ne possèdent que le pic du matin (Figure 1), tandis que les mutants pdf0 n’ont au contraire que le pic du soir. En induisant l’ablation spécifique des …

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