ÉditorialEditorial

Les avancées de la génétique : quels bénéfices pour les patients ?Advances in genetics : which benefits for the patients ?[Record]

  • Arnold Munnich

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  • Arnold Munnich
    Département de Génétique,
    Hôpital Necker-Enfants Malades,
    149, rue de Sèvres,
    75743 Paris Cedex 15,
    France.
    munnich@necker.fr

Quels bénéfices pour les patients ? Si vous posez la question à la sortie d’une classe de terminale ou d’un cours de faculté, la réponse qui vous sera faite est assurée : « la thérapie génique et le clonage »… Fascinés – non sans raison – par ces perspectives futuristes, nos contemporains tendent à ignorer tout à la fois l’essor des thérapeutiques conventionnelles aujourd’hui disponibles et l’impact de la prise en charge symptomatique sur la qualité et l’espérance de vie des personnes atteintes de maladies génétiques. Ce n’est pas de l’ingratitude. C’est un problème d’information dans un contexte médiatique simplificateur où les rêves l’emportent sur la réalité et le sensationnel sur le concret. Alors, tentons de rendre à César ce qui lui appartient et de faire loyalement l’inventaire de ce qui est d’ores et déjà du domaine du possible. à la lumière de quelques exemples, demandons-nous si le remplacement d’un gène – dont l’identification est si nécessaire à la compréhension d’une maladie – est véritablement la panacée pour le traitement des maladies génétiques… Rendre à César ce qui lui appartient, c’est déjà se souvenir qu’on n’a pas attendu l’ère de la génétique moléculaire pour traiter des maladies génétiques. On n’a pas attendu le clonage du gène de la phénylalanine hydroxylase pour traiter la phénylcétonurie par un régime hypoprotidique. Je dirais même que l’impact de la génétique sur le traitement de cette maladie est nul… Et pourtant, depuis les années 70, plus de 20 millions de Français ont été testés à la naissance – sans le savoir – et 7 000 d’entre eux, dépistés et traités tôt, ont échappé à une arriération mentale certaine, et sont aujourd’hui des adultes bien portants et des parents à leur tour. Idem pour bien d’autres maladies génétiques du métabolisme où la soustraction diététique d’un substrat toxique (comme l’acide phytanique dans la maladie de Refsum) ou l’adjonction d’un produit a transformé l’existence des enfants (le régime riche en glucose dans les glycogénoses ou les anomalies de l’oxydation des acides gras, par exemple). Du reste, le traitement diététique des maladies métaboliques n’a pas dit son dernier mot, comme l’illustre l’exemple du déficit de glycosylation des protéines CDG1B. Ici, la compréhension du mécanisme de la maladie (l’absence de dimérisation du fructose en mannose) est synonyme de guérison pour le patient : la supplémentation diététique en mannose lui sauve la vie. Il en va de même des rares mais non exceptionnelles formes vitamino-dépendantes des maladies métaboliques comme le déficit des carboxylases sensibles à la biotine, l’homocystinurie sensible à la pyridoxine, les aciduries organiques sensibles à la cobalamine, les pseudo-Friedreich répondant aux tocophérol ou les myopathies lipidiques et cardiomyopathies sensibles à la carnitine. Là encore, il ne se passe pas d’année sans que l’élucidation du mécanisme d’une maladie métabolique ne suggère une riposte thérapeutique. À preuve, les rares mais spectaculaires formes de maladies mitochondriales curables par les quinones et les retards mentaux et syndromes autistiques résultant d’un déficit de synthèse de la créatine et curables par l’administration orale de créatine. On voit bien que le véritable défi d’aujourd’hui n’est pas de traiter tant de maladies métaboliques si différentes par un régime ou l’adjonction de co-facteurs, mais plutôt d’identifier, parmi tous ces enfants, celles et ceux qu’on peut soigner… Pour ceux-là la vie va changer… Rendre à César ce qui lui appartient, c’est aussi se souvenir que ce n’est pas notre génération, mais bien celle de nos Maîtres qui, la première, a traité les néphropathies héréditaires par la transplantation rénale (syndrome d’Alport, néphronophtise et polykystose), les atrésies biliaires par transplantation hépatique, les cardiopathies congénitales par la transplantation cardiaque et les déficits …