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Toutes les procréations artificielles sont dans la natureAll artificial procreations are in nature[Record]

  • Jacques Testart

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  • Jacques Testart
    Inserm U.566, SV-DRR,
    route du Panorama, BP 6,
    92265 Fontenay-aux-Roses, et laboratoire d’AMP,
    Hôpital américain,
    63, boulevard Victor-Hugo,
    92200 Neuilly-sur-Seine,
    France.
    jacques.testart@cea.fr

Ce texte correspond à une communication lors des Ves journées d’AMP de l’Hôpital Américain (Neuilly, France, 26 novembre 2004) sur « Les effets dérivés de l’AMP ».

Depuis 25 ans, on entend certains déplorer que l’assistance médicale à la procréation (AMP) s’oppose à la nature, tandis que d’autres s’extasient de son inventivité. En réalité, les manoeuvres nécessaires à l’AMP dans l’espèce humaine peuvent être considérées comme des adaptations de procédés existant dans diverses espèces animales, si bien que les acteurs de l’AMP ne sont ni réellement des démiurges, ni absolument des renégats ou des olibrius. Ils sont seulement les techniciens de désirs humains, commettant des « artifices naturels » sans le savoir. En énumérant les techniques mises en oeuvre dans l’AMP et surtout dans la fivète, nous allons proposer, pour chacune d’entre elles, des analogies avec des pratiques en cours dans la nature [1-3]. Puis nous évoquerons des procédés naturels qui n’ont pas (encore ?) été recopiés pour un usage dans l’espèce humaine. L’espèce humaine fait partie des rares espèces mono-ovulantes, mais les stimulations hormonales exogènes amènent les ovaires de la femme à produire une dizaine d’ovules. Cette réponse ovarienne est voisine de celle de nombreux mammifères, dont le plus prolifique semble être le tenrec, un insectivore de Madagascar pouvant mettre bas 32 petits par portée. Malgré le développement récent de nouvelles technologies (gonadotropines purifiées ou recombinantes, analogues de la gonadolibérine - GnRH), nous sommes encore bien en retrait de la grenouille (environ 5 000 ovules) ou de nombreux poissons. Il est vraisemblable que c’est seulement par culture in vitro de prélèvements ovariens qu’on pourra induire la production simultanée de plusieurs dizaines d’ovules [4]. Sur les oeufs de poule, on peut lire « pondu le … ». Dans le cadre de l’AMP, qu’il s’agisse de l’insémination artificielle (IA) ou de la fivète, la fécondation doit être planifiée dans le temps pour survenir au moment favorable : celui où les ovocytes viennent de subir leur maturation en ovules. D’où un délai de 36 heures à observer, après l’induction de cette maturation par l’hormone ovulante LH/hCG (hormone lutéinisante/gonadotropine chorionique humaine), pour recueillir les gamètes au sein des follicules. Le respect de cette chronologie dans l’AMP favorise la fertilité car, dans la situation naturelle, les partenaires d’un couple humain ne se soucient pas du cycle ovarien pour décider du moment de leurs rapports sexuels. Tous les animaux ont pourtant déjà résolu ce problème de façon plus ou moins rigide. À l’exception des grands singes plus fantasques, les femelles de mammifères annoncent au mâle leur période fertile grâce à l’oestrus (les chaleurs), et se refusent à folâtrer inutilement hors de cette période. Certaines font mieux, en n’ovulant qu’à l’issue du rapport sexuel (chatte, lapine, furette…), et même en ajustant le moment de la rupture folliculaire de façon à ce que la maturation ovocytaire complète se trouve juste achevée quand les spermatozoïdes parviennent au lieu de la fécondation : c’est-à-dire aussi précisément que ce que font les fivétistes. De même, chez les amphibiens ou les poissons, la ponte des ovules hors du corps est souvent induite par l’accouplement, ou est chimiquement signalée aux mâles qui n’ont plus qu’à libérer leur sperme sur demande, comme en fécondation in vitro (FIV). La fécondation en milieu aquatique est largement pratiquée au sein du monde animal, soit par des animaux vivant dans l’eau (poissons, échinodermes), soit par des animaux rejoignant l’eau à cette fin (amphibiens). Chez l’oursin, les ovules lâchés dans l’eau de mer émettent une substance qui libère, puis attire les spermatozoïdes. L’émission des gamètes est alors simultanée dans les deux sexes (ce que mime la FIV), et l’attraction des spermatozoïdes favorise la rencontre gamétique, un résultat recherché par l’utilisation d’un faible volume de milieu de culture en FIV. Le cas particulièrement sophistiqué proposé par …

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