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Résistance du Plasmodium à la chloroquine : vers un ciblage de l’attaque ?Plasmodium chloroquine resistance : towards a specific attack ?[Record]

  • Dominique Labie

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  • Dominique Labie
    Inserm U.567,
    Institut Cochin,
    24, rue du Faubourg Saint-Jacques,
    75014 Paris, France.
    labie@cochin.inserm.fr

Un article de T.R. Wellems [1] attire l’attention sur un travail récent qui semble avoir identifié la base moléculaire de la résistance de Plasmodium falciparum à la chloroquine [2]. On ne saurait trop insister sur l’importance d’une telle mise au point, et le mot « catastrophe » employé par l’auteur est pleinement justifié en parlant de la résistance à la chloroquine de Plasmodium falciparum. L’introduction de la chloroquine dans le traitement du paludisme, il y a maintenant plus de 50 ans, a été un événement majeur. Le médicament était efficace et le nombre de décès a rapidement diminué de moitié. De plus, il était disponible, d’indication facile car de coût faible, et peu toxique. Cependant, il n’a fallu attendre que quelques années pour voir se développer une résistance, apparue entre 1957 et 1970 en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, avant de diffuser vers l’Afrique (où sévissent actuellement le plus grand nombre de formes létales) et être aujourd’hui presque universellement répandue. Aucun des produits employés en substitution ne présente, en effet, les mêmes facilités. Il était donc primordial de comprendre le mécanisme de cette résistance. La chloroquine agit sur le parasite à son stade intra-érythrocytaire, période au cours de laquelle s’exprime la maladie. Dans le globule rouge, le Plasmodium digère l’hémoglobine en libérant la molécule d’hème, hautement toxique. Pour éviter cette toxicité, le parasite provoque la polymérisation de l’hème en cristaux inertes d’hémozoïne. Dans cette vacuole digestive créée par le Plasmodium à l’intérieur du globule rouge, la chloroquine s’oppose à la cristallisation et forme avec l’hème un complexe toxique qui détruit le parasite. La résistance du parasite repose sur l’expulsion de la chloroquine hors de la vacuole digestive par une molécule de la membrane de cette vacuole, la PfCRT (Plasmodium falciparum chloroquine resistance transporter). Le transport requiert de l’énergie et est spécifiquement bloqué par le vérapamil [3]. Le déterminant de la résistance à la chloroquine est localisé dans un segment de 36 kb du chromosome 7 de P. falciparum et, à l’intérieur de ce segment, le gène pfcrt codant pour la protéine PfCRT a un rôle déterminant pour l’expulsion de la chloroquine hors de la vacuole. Cette protéine comporte 13 exons et 10 segments transmembranaires ; elle appartient à la superfamille des transporteurs métaboliques [4]. Un certain nombre de polymorphismes a été mis en évidence. Les différents haplotypes trouvés attestaient d’une origine multiple et indépendante de la résistance à la chloroquine. Deux mutations sont cependant retrouvées dans toutes les souches résistantes, dont la mutation K76T (Lys → Thr) dans le premier segment transmembranaire, qui s’accompagne d’une acidification de la vacuole digestive. Cette mutation K76T a pu être considérée, en épidémiologie, comme un marqueur de résistance. La transformation d’une souche sensible en souche résistante a été reproduite in vitro par transfection d’un plasmide muté, ces mutations étant responsables soit d’une modification de l’efflux de chloroquine, soit d’une réduction (liée à la diminution du pH) de la liaison de la chloroquine à l’hématine [5]. Le rôle précis qu’aurait PfCRT dans l’apparition de la résistance à la chloroquine a fait l’objet d’un travail plus récent [2] rapporté dans le commentaire de T.R. Wellems. Les auteurs sont partis du fait que la mutation K76T, en supprimant une charge positive, pouvait modifier le potentiel électrostatique qui inhibe l’efflux de chloroquine. Le vérapamil, chargé positivement, pouvait donc se fixer au mutant PfCRT, bloquer ainsi l’efflux de chloroquine et restaurer la sensibilité au médicament. Pour vérifier cette hypothèse, les auteurs ont, par des études de résistance croisée, étudié deux molécules : l’halofantrine (retirée de l’usage médical car à l’origine de troubles cardiaques) et …

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