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De la sérotonine dans les neurones à dopamine ?Une hypothèse intéressante sur le mode d'action des antidépresseurs, avec un sentiment de « déjà-vu »…Serotonin in dopamine neurons ? An interesting hypothesis about the mechanism of action of antidepressants with a feeling of « déjà-vu »…[Record]

  • Grégory Dal Bo and
  • Louis-Éric Trudeau

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  • Grégory Dal Bo
    Département de pharmacologie,
    Centre de recherche en sciences neurologiques,
    Faculté de Médecine,
    Université de Montréal,
    CP 6128, Succursale Centre-ville,
    Montréal, Québec, H3C 3J7
    Canada.

  • Louis-Éric Trudeau
    Département de pharmacologie,
    Centre de recherche en sciences neurologiques,
    Faculté de Médecine,
    Université de Montréal,
    CP 6128, Succursale Centre-ville,
    Montréal, Québec, H3C 3J7
    Canada.
    louis-eric.trudeau@umontreal.ca

Dans le système nerveux, les neurones communiquent par l'intermédiaire de messagers chimiques appelés neurotransmetteurs, tels que le glutamate, le GABA, la dopamine ou la sérotonine (5HT). On parle ici de neurotransmetteurs de petits poids moléculaires dits classiques. La plupart des neurones produisent un neurotransmetteur principal, mais synthétisent et libèrent aussi un ou plusieurs neuropeptides qui agissent comme neuromodulateurs. Récemment, des travaux ont montré que certains neurones dans le cerveau ont la capacité de synthétiser et de libérer plus d'un neurotransmetteur classique. Par exemple, des sous-populations de neurones dopaminergiques et sérotoninergiques utilisent le glutamate parallèlement à leur neurotransmetteur principal [1, 2]. Il s'agit d'un exemple de co-transmission. Une variation sur ce thème s'exprime par la capacité de certains neurones à « recycler » certains neurotransmetteurs qu'ils ne synthétisent pas eux-mêmes, mais qu'ils ont la capacité de capter dans leur milieu extracellulaire et de libérer, habituellement par exocytose, de la même façon qu'ils libèrent leur neurotransmetteur principal (Figure 1). Ce phénomène fait référence au concept de « faux neurotransmetteur » (false transmitter), qui a été introduit au début des années 1970. Dans un article publié récemment par F.M. Zhou et al. dans la revue Neuron [3], des chercheurs du Baylor College of Medicine (États-Unis) décrivent un cas particulièrement intéressant d'utilisation de « faux neurotransmetteur » où certains neurones produisant normalement de la dopamine sont en mesure de capturer et de libérer la 5HT. Dans le cerveau, le striatum reçoit une forte innervation dopaminergique. Les terminaisons de ces fibres axonales expriment le transporteur membranaire (DAT) qui sert à la capture de la dopamine après sa libération. Il existe aussi une innervation sérotoninergique plus modeste dont les terminaisons expriment le transporteur membranaire pour la sérotonine (SERT). La densité des DAT dans le striatum est plus importante que celle des SERT. Les auteurs ont montré que dans des conditions où les niveaux de sérotonine sont élevés dans le striatum, soit par application exogène, soit par l'action d'antidépresseurs inhibant les SERT, les neurones dopaminergiques ont la propriété d'emmagasiner de la 5HT grâce à leurs DAT. Par exemple, dans des tranches de cerveaux de souris incubées dans un milieu enrichi en 5HT, ils ont montré, grâce à des techniques immunohistochimiques, de HPLC et de voltamétrie cyclique, que les terminaisons dopaminergiques accumulent la 5HT par leurs DAT. La 5HT serait ensuite emmagasinée dans les vésicules via le transporteur vésiculaire des monoamines, puis libérée avec la dopamine. Cette recapture et cette libération de 5HT par les neurones dopaminergiques sont abolies par un traitement préalable avec un inhibiteur des DAT (le GBR12909). Finalement, l'application d'un antidépresseur, la fluoxetine, un bloqueur sélectif des SERT, induit aussi une accumulation de 5HT dans les neurones dopaminergiques. Les auteurs concluent que lorsque les SERT sont inhibés et que les niveaux extracellulaires de 5HT augmentent, il est possible d'observer une co-libération de 5HT et de dopamine, si les DAT sont actifs. Ils proposent que cette recapture de 5HT par les terminaisons dopaminergiques pourrait expliquer en partie le délai requis avant l'observation d'effets bénéfiques des antidépresseurs qui inhibent les SERT. Le travail effectué par F.M. Zhou et al établit une interaction intéressante entre les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques dans le striatum. Leurs résultats montrent clairement, sur les tranches incubées en présence de sérotonine, la colocalisation et la co-libération de 5HT et de dopamine par les terminaisons dopaminergiques. Cependant, les auteurs n'ont pas déterminé si cette libération de 5HT est soutenue dans le temps ou épuisée après une courte période de stimulation. Les résultats obtenus in vivo à la suite de l'utilisation de fluoxétine sont intéressants, mais, pour mettre en évidence une co-libération …

Appendices