Faits et chiffresFeatures and Figures

Médicaments orphelins : bilan de 5 ans de législation européenneOrphan medicinal products : assessment after 5 years of European legislation[Record]

  • Pascale Borensztein

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C’est grâce aux conclusions du rapport « les orphelins de la santé » écrit par Annie Wolf en 1994 à la demande de Philippe Lazar que le Ministère des Affaires Sociales créa la Mission des Médicaments orphelins. Celle-ci fut dotée de deux objectifs, promouvoir une politique européenne de développement de médicaments orphelins et accompagner ce projet européen par des initiatives nationales. Plusieurs années d’efforts aboutirent à l’adoption, le 16 décembre 1999, par le parlement européen et le conseil, du règlement européen sur les médicaments orphelins [1]. Soulignons que l’Europe n’est pas pionnière en la matière : ce sont en effet les États-Unis qui légiférèrent les premiers en adoptant l’Orphan Drug Act [2, 3] dès 1983, suivis par le Japon en 1993, Taiwan en 1997 et l’Australie en 1998. S’il existe quelques différences selon les législations, l’objectif et les moyens utilisés sont bien les mêmes : inciter les industries pharmaceutiques, en leur accordant un certain nombre d’avantages, à développer des médicaments pour le traitement des maladies rares, dits médicaments orphelins. Précisons tout d’abord ce que l’on entend par médicament « orphelin ». Dans le cadre de cette loi, sont désignés « orphelins » les médicaments destinés à la prévention, au diagnostic ou au traitement d’une affection entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de 5 personnes pour 10 000 dans l’Union Européenne. Il s’agit donc ici d’une définition épidémiologique fondée sur la notion de prévalence de la maladie. Ainsi, aux États-Unis, une maladie est dite rare lorsqu’elle touche moins de 200 000 personnes (soit 7,5 personnes pour 10 000), au Japon le seuil de prévalence est de 4 pour 10 000 tandis qu’il n’est que de 1 pour 10 000 en Australie. Notons qu’à ces critères épidémiologiques s’ajoute une définition économique, un médicament peut en effet être désigné « orphelin » s’il s’applique à une maladie très grave et/ou invalidante, et qu’il est peu probable qu’en l’absence de mesures d’incitation, la commercialisation de ce médicament soit suffisamment rentable. Une telle définition s’applique en théorie aux médicaments pour les maladies dites « négligées » (neglected diseases) correspondant aux maladies, le plus souvent infectieuses, des pays pauvres. Nous verrons qu’en fait bien peu de médicaments ont été désignés « orphelins » selon cette définition. En Europe, la désignation de « médicaments orphelins » est accordée par l’agence Européenne des Médicaments (EMEA) après avoir obtenu l’avis d’une commission ad hoc créée en son sein. Il s’agit du Comité des Médicaments Orphelins (COMP) dont une des grandes caractéristiques est d’associer spécialistes du médicament et représentants des associations de malades. La désignation peut se faire à tous les stades de développement d’un médicament, elle n’équivaut en aucun cas à une autorisation d’utilisation, ni bien sûr à une recommandation d’utilisation, mais permet de bénéficier d’un certain nombre de mesures incitatives. Les médicaments désignés orphelins ont en effet un accès direct à une procédure centralisée d’autorisation de mise sur le marché passant par l’EMEA et bénéficient d’une exclusivité commerciale dans la Communauté Européenne de dix ans après l’octroi de l’AMM. Par ailleurs, les promoteurs peuvent bénéficier de réductions ou d’exonérations des droits d’enregistrement et d’une assistance à l’élaboration de protocoles et au développement, augmentant ainsi leurs chances d’obtenir l’AMM et d’en hâter son obtention. Plus de 500 dossiers ont été déposés à l’EMEA ; 315 médicaments ont été désignés orphelins, parmi lesquels 44 ont fait l’objet d’une demande d’AMM dont 22 ont abouti à une AMM par procédure centralisée (Tableaux I et II). Le bilan effectué jusqu’en avril 2005 (portant sur 458 dossiers) [4] montre que 90 …

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