Au début du XXe siècle, et 20 ans avant la découverte de l’insuline par Banting et Best (1922), Bayliss et Starling (1902) puis Moore et al. (1906) s’étaient rendu compte que l’injection d’un extrait intestinal, à des animaux de laboratoire, pouvait contrôler l’hyperglycémie. Cet effet était dépendant de l’intégrité du pancréas dans l’organisme et, en abaissant la glycémie, pouvait ainsi être utile au traitement du diabète. À la fin des années 1960, il a été démontré qu’une charge orale de glucose stimulait la sécrétion d’insuline plus efficacement que la même charge réalisée par voie intraveineuse [1]. Le concept d’hormone gluco-incrétine était né, définissant l’action d’un facteur intestinal sur la stimulation par le glucose de la sécrétion d’insuline (Figure 1). Dans la décennie qui suivit, le GIP (gastric inhibitory peptide) [2] et le GLP-1 (glucagon like peptide-1) furent découverts. Le GLP-1 et le GIP sont issus de la protéolyse différentielle et spécifique d’un pro-peptide sécrété par les cellules L et K, respectivement, de l’épithélium intestinal. Les effets insulinotropiques de ces peptides ont alors été très largement et rapidement étudiés. La propriété remarquable de ces peptides est de ne stimuler la sécrétion d’insuline qu’en conditions hyperglycémiantes [2,3]. Fondés sur les propriétés de ces peptides, le GLP-1 fait l’objet de nombreux essais cliniques dont certains sont prometteurs pour le traitement du diabète. Aujourd’hui, un nombre croissant de travaux relatent le rôle extra-insulinotropique du GLP-1 dans le contrôle de l’homéostasie glucidique (pour revue, voir [6]). En effet, cette hormone de 30 acides aminés diminue la sécrétion de glucagon, la motilité gastrique, la prise alimentaire mais augmente l’hypertension si elle est administrée directement dans le cerveau (Figure 1). Le rôle du GLP-1 sur les systèmes nerveux, central et autonome, pourrait rendre compte d’une partie de l’action insulinotropique du GLP-1 observée in vivo. Nous avions précédemment montré que les systèmes cellulaires de détection des variations glycémiques, nommés détecteurs de glucose de la veine hépatoportale nécessitaient le récepteur au GLP-1 pour transformer l’information nutritionnelle glucose en effet physiologique de stockage du glucose par les muscles [4]. Ces arcs régulateurs nécessitent un relais par les systèmes nerveux autonome et central [5] et la présence d’un transporteur de glucose de haute affinité GLUT2 [6]. Des résultats récents de notre groupe montrent que la sécrétion d’insuline en réponse à une charge gastrique de glucose nécessite également la présence du récepteur au GLP-1 dans le cerveau [7]. En effet, l’injection cérébrale d’un antagoniste du récepteur du GLP-1, l’Exendine, précédant une charge intragastrique de glucose, réduit fortement la sécrétion d’insuline et consécutivement le stockage du glycogène dans le foie, ce qui suggère que le GLP-1 est sécrété dans le cerveau en réponse au glucose intestinal (Figure 2). En parallèle, le GLP-1 cérébral diminue l’utilisation du glucose par les muscles. Cette nouvelle fonction du GLP-1, qui semble paradoxale au cours d’une situation physiologique telle que la prise alimentaire, pourrait s’expliquer par le principe d’épargne énergétique. La masse musculaire étant largement plus importante que la masse du foie, il est important pour l’organisme de stocker le glucose préférentiellement dans le seul organe capable de produire suffisamment de glucose au cours du jeûne : le foie. Ainsi, le GLP-1 cérébral permettrait de mettre en réserve l’énergie glucose sous forme de glycogène dans le foie dans l’attente du repas suivant. Ainsi, une partie des effets anorexigènes du GLP-1 pourrait également s’expliquer par l’augmentation des stocks énergétiques hépatiques. L’effet du GLP-1 sur le cerveau n’est observé qu’en présence d’hyperglycémie. Cela suggère que des cellules spécialisées de l’organisme doivent détecter le glucose pour être contrôlées par le GLP-1. Les principaux …
Appendices
Références
- 1. Perley M, Kpnis D. Plasma insulin responses to oral and intravenous glucose : studies in normal and diabetic subjects. J Clin Invest 1967 ; 46 : 1954-62.
- 2. Drucker DJ. Glucagon-like peptides. Diabetes 1998 ; 47 : 159-69.
- 3. Holst JJ, Gromada J. Role of incretin hormones in the regulation of insulin secretion in diabetic and nondiabetic humans. Am J Physiol Endocrinol Metab 2004 ; 287 : E199-206.
- 4. Burcelin R, Dolci W, Thorens B. Portal glucose infusion in the mouse induces hypoglycemia. Evidence that the hepatoportal glucose sensor stimulates glucose utilization. Diabetes 2000 ; 49 : 1635-42.
- 5. Burcelin R, Crivelli V, Perrin C, et al. GLUT4, AMP kinase, but not the insulin receptor, are required for hepatoportal glucose sensor-stimulated muscle glucose utilization. J Clin Invest 2003 ; 111 : 1555-62.
- 6. Burcelin R, Dolci W, Thorens B. Glucose sensing by the hepatoportal sensor is GLUT-2 dependent. In vivo analysis in GLUT-2null mice. Diabetes2000 ; 49 : 1643-8.
- 7. Knauf C, Cani P, Perrin C, et al. Brain glucagon-like peptide-1 increases insulin secretion and muscle insulin resistance to favor hepatic glycogen storage. J Clin Invest 2005 ; 115 : 3554-63.
- 8. Marty N, Dallaporta M, Foretz M, et al. Regulation of glucagon secretion by glucose transporter type 2 (glut2) and astrocyte-dependent glucose sensors. J Clin Invest 2005 ; 115 : 3545-53.
- 9. Pellerin L. How astrocytes feed hungry neurons. Mol Neurobiol 2005 ; 32 : 59-72.
- 10. Vega C, Pellerin L, Dantzer R, Magistretti PJ. Long-term modulation of glucose utilization by IL-1 alpha and TNF-alpha in astrocytes : Na+ pump activity as a potential target via distinct signaling mechanisms. Glia 2002 ; 39 : 10-8.