Chroniques éponymesEponym Chronicles

Le baron Guillaume DupuytrenThe Baron Guillaume Dupuytren[Record]

  • Simone Gilgenkrantz

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Le 15 novembre 1833, durant sa leçon de clinique chirurgicale à l’amphithéâtre de l’Hôtel-Dieu, le professeur Dupuytren sentit que la partie droite de son visage, lèvres, paupières, se paralysait : il était victime d’une « attaque ». Il réussit à terminer son enseignement, mais la survenue de cet accident vasculaire ne lui laissait guère d’illusion sur la suite. Il n’avait que 56 ans. « Je m’étais toujours proposé de renoncer à 60 ans à cette vie dévorante, mais y renoncer avant ce temps, y renoncer par impuissance de la continuer, descendre de la première place, conquise au prix de tant de peines et d’efforts, voilà qui est douloureux au-delà de toute expression » [1]. Il avait rêvé en effet de s’arrêter à 60 ans pour se consacrer aux affaires publiques. Pour s’y préparer, il s’était présenté à la députation sous Louis-Philippe lors des élections censitaires de 1831, à Saint-Yrieix en Limousin, proche de son village natal. Mais malgré sa notoriété, et sans doute parce que l’option conservatrice qu’il avait choisie représentait l’ancien régime détesté de Charles X, il fut battu par un libéral, simple médecin de campagne qui plus est ! « Je suis bien désabusé des grandeurs et des vanités de ce monde. Je vais terminer dans le travail une carrière que j’ai été prêt à leur sacrifier ». Il est vrai que son activité avait été débordante. D’abord chirurgien de seconde classe à l’Hôtel-Dieu en 1802, il obtient le poste de chirurgien adjoint en 1808 et n’a de cesse de supplanter son chef, Philippe-Jean Pelletan, déjà âgé à l’époque de 68 ans. Il le fait destituer par des méthodes qui apparaissent indiscutablement peu déontologiques [3]. Ainsi arrivé à ses fins, pendant plus de 20 ans, il opère et enseigne de façon intensive. Les comptes rendus opératoires sont consignés par son ami et admirateur le Docteur Marx : près de 1 000 interventions par an qui vont des amputations aux ablations de tumeurs en passant par le traitement des fistules lacrymales et des cataractes (par abaissement du cristallin avec une aiguille qui porte son nom) [4]. Pendant les nombreux évènements sanglants de cette période agitée de l’histoire de France, il travaille sans relâche. Il acquiert ainsi une expérience incomparable : chirurgie viscérale, traumatologie… Au cours des combats sous les murs de Paris contre les Russes en 1814, il opère sur place de nombreux blessés, français et ennemis. Dans la nuit du 13 au 14 février 1820, il tente en vain de sauver le Duc de Berry qui venait d’être poignardé, en sortant d’une représentation à l’Opéra du « Carnaval de Venise » (Figure 1) : « la nécessité d’opérer fut aussitôt communiquée au Prince, qui y consentit avec courage. Une incision fut faite à la peau. Cette opération avait conduit à découvrir une ouverture dans toute la hauteur du 4e espace intercostal ; elle avait confirmé l’existence d’un épanchement sanguin, mais n’avait pas fait découvrir d’où le sang était parti. Il était dès lors évident qu’on ne pouvait fonder aucun espoir raisonnable sur la continuation de secours de ce genre… » [5]. Pendant les « Trois Glorieuses », lors de l’insurrection de 1830, des centaines de blessés affluent à l’Hôtel-Dieu ainsi qu’à Bicêtre et à la Salpêtrière où se trouvent des chirurgiens qui furent ses élèves. Très tôt, sa renommée lui vaut bien des honneurs. En 1816, le roi Louis XVIII lui confère le titre de Baron héréditaire [6]. Il reçoit la croix de chevalier de l’ordre de Saint-Michel et la croix de chevalier de la légion d’honneur. Après l’épidémie de choléra qui sévit en France …

Appendices