Entretiens

Des chemins d’humanitéEntretien avec Yves Guilbault, psychologue clinicien en réadaptation[Record]

  • Benjamin Gagnon Chainey,
  • Léonore Brassard and
  • Catherine Mavrikakis

Yves Guilbault, psychologue clinicien à l’Hôpital de réadaptation Villa Medica, Montréal

La réadaptation est une phase intensive de soin suivant la phase aigue. Des patient.e.s ayant subi différents types de problèmes de santé y sont admis.e.s, afin d’améliorer le plus possible leur fonctionnement physique et, dans certains cas, langagier et cognitif. Par l’entremise d’évaluations et de traitements individualisés, intensifs et interdisciplinaires (physiothérapie, ergothérapie, orthophonie, psychologie, neuropsychologie, travail social, nutrition, soins infirmiers et médecine), le but de la réadaptation est de retrouver un niveau d’autonomie permettant le retour à domicile et, lorsque cela est possible, la reprise des activités professionnelles et personnelles antérieures. L’Hôpital de réadaptation Villa Medica, fondé en 1964 à Montréal, fait partie de ces établissements de soin offrant des services de pointe dans des programmes de neurologie et d’orthopédie, ainsi qu’aux personnes amputées et aux grands brûlés. Yves Guilbault, psychologue clinicien, travaille auprès de patient.e.s de tous les programmes à Villa Medica. Dans le cadre du présent dossier, il a accepté l’invitation de MuseMedusa à un entretien autour de son expérience et de sa vision de l’accompagnement, en contexte de bouleversements personnels et existentiels suite à un accident ou une maladie. L’accompagnement implique une ouverture à l’autre, ainsi qu’une écoute intérieure de ce qui résonne en nous, au contact de l’autre. Il m’est arrivé que des gens étaient là, tout tranquilles, et prétendant aller plutôt bien. Et puis, je les écoutais en me disant : « mais tant mieux s’ils vont plutôt bien ! », puis, tout à coup, des larmes me venaient aux yeux. J’avais capté quelque chose, face à cette personne qui se défendait de sa souffrance. L’accompagnement implique aussi une référence à la liberté de la personne. Cela implique d’être ouvert et respectueux de ce que la personne considère être sa liberté, son équilibre, sa façon de vivre. Il me faut donc voir ce qui la limite sur le plan physique, mais aussi sur le plan psychique. La personne me raconte sa vie, mais elle en privilégie certains aspects. Forcément, elle utilise des images, et pour moi, cela en suscite d’autres. À un moment, j’aurai l’impression de tomber sur des structures, des schémas de vie qui me diront que la personne peut se trouver bloquée dans telle ou telle sphère de sa vie, et qu’elle en souffre. Je pourrai peut-être l’aider. Ou peut-être pas beaucoup. Mais minimalement, elle ne sera pas seule. Ce qu’elle ressent et qu’elle veut exprimer trouvera une écoute. Elle ne sera pas isolée face à sa souffrance, puisque le fait de s’exprimer et de se voir validée viendra lui assurer une signification, une signification humaine. Parler à quelqu’un, c’est espérer pouvoir métaboliser quelque chose dans le processus de communication. J’essaie donc d’être là, attentif, attentif au mouvement. Si la personne « ne bouge pas », je ne « bouge pas ». Si elle se mobilise davantage, je l’accompagne autrement. Il y a un rythme à respecter. Il faut parfois être un peu devant, à son côté, ou alors derrière, mais à proximité ! Je trouve que l’essentiel de mon travail, c’est d’être un peu comme un papier d’aquarelle. De me laisser imbiber par quelque chose qui est dans le propos, mais aussi qui est au-delà du propos, qui est dans le non-verbal de la personne. À certains moments, je peux réagir aux propos partagés d’une façon en apparence tout à fait intellectuelle, puis à d’autres moments, par l’entremise d’une répartie qui va surprendre la personne, mais qui est reliée à quelque chose de tacite que j’ai capté dans sa parole. Durant les séances, j’essaie de nommer avec la personne des choses de caractère affectif, et bien souvent, la personne ne saura …