Recensions

Proulx, J.-P. (en collaboration avec Christian Dessureault et Paul Aubin) (2014). La genèse de l’école publique et de la démocratie scolaire au Québec. Les écoles de syndics 1814-1838. Québec : Presses de l’Université Laval[Record]

  • Jean Gabin Ntebutse

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  • Jean Gabin Ntebutse, Ph. D.
    Professeur agrégé, Faculté d’éducation, Université de Sherbrooke

Dans un ouvrage très bien écrit, fort documenté, Jean-Pierre Proulx, en collaboration avec Christian Dessureault et Paul Aubin, expose les racines de l’école publique et de la démocratie scolaire au Québec. L’ouvrage comprend deux grandes parties et a pour objectif d’expliquer, d’une part, comment et pourquoi est née l’école des syndics au Québec et, d’autre part, la démarche de sa mise en oeuvre. La première partie, intitulée «Projet politique», situe le contexte démographique, économique, social et politique à travers lequel se sont créées et développées les écoles de syndics. Le lecteur y apprendra notamment comment l’explosion démographique, en raison de la puissante fécondité des couples et de l’immigration anglo-étatsunienne, a contribué à poser la question de l’équilibre politique et économique en faveur des Bas Canadiens et comment la scolarisation était envisagée comme un rempart de la modernisation de l’agriculture, pilier du développement économique à cette époque. Il y découvrira également comment ce projet des écoles de syndics a marqué le début du conflit entre l’Église et l’État dans le contrôle de l’éducation publique et comment il a aussi constitué, sur le plan idéologique, un terrain de confrontations des courants libéral et conservateur. Les titres des cinq chapitres qui composent l’ouvrage donnent des indications sur les péripéties de ce projet politique: 1) Le Bas-Canada au temps des premières législations scolaires, 2) Un chapelet d’échecs (1814-1827), 3) L’essor et l’effondrement des écoles de syndics (1829-1837), 4) Les idéologies et 5) Les influences extérieures. Dans la deuxième partie, celle de la mise en oeuvre, l’auteur et ses collaborateurs présentent à la fois les différentes modalités administratives, organisationnelles, managériales et pédagogiques des écoles de syndics et les innombrables écueils rencontrés lors de leur implantation. De façon particulière, on notera au chapitre des défis majeurs rencontrés le recrutement d’institutrices et d’instituteurs compétents et l’absence sur le plan pédagogique d’un cadre général autre que celui reposant sur la tradition. Les huit chapitres qui composent cette partie apportent au lecteur un éclairage pertinent sur ces différentes modalités et écueils: 1) Les élections, 2) Les élus, 3) Les maisons d’école, 4) Les instituteurs et les institutrices, 5) La pédagogie, 6) La gouvernance et la gestion des écoles, 7) Le financement et 8) Un épilogue dédié aux vains sursauts. Cet ouvrage est sans contredit d’une grande valeur historique. Il permet de situer les fondements du système éducatif québécois, de même que le contexte sociopolitique, économique et démographique à travers lequel il s’est bâti à ses origines. Il renseigne aussi sur le rôle joué par les communautés locales en général et les institutions religieuses dans la fondation du système éducatif du Bas-Canada. En jetant un regard sur le système éducatif québécois actuel, on pourrait dire que les écoles de syndics ont laissé un certain héritage. En effet, l’existence des conseils d’établissements dans la gouvernance actuelle des écoles n’est pas sans rapport avec l’esprit des écoles de syndics d’accorder un pouvoir aux communautés locales dans la gestion des établissements scolaires. Par ailleurs, la défense du droit à l’éducation, très enracinée dans la société québécoise peut être considérée comme un autre héritage important des écoles de syndics, car ces dernières étaient d’ardents défenseurs du droit à l’éducation pour tous, indépendamment des appartenances sociales, religieuses ou ethniques. Dans l’ensemble, l’ouvrage démontre, comme le mentionnent à juste titre l’auteur et ses collaborateurs, que l’école des syndics, loin d’être un simple épisode dans la chronologie des événements au coeur du développement de l’école publique québécoise, en a plutôt constitué le fondement.