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1. Introduction

L’absence de diplomation résultant de l’abandon scolaire est un problème préoccupant pour plusieurs pays industrialisés (d’Ortun, 2009), et ce, d’autant plus que les jeunes sans diplôme ou qualification reconnue courent davantage de risques d’exercer des emplois précaires, moins bien rémunérés et aux conditions de travail médiocres (Lemire, 2010; Vultur, 2009). Les jeunes Québécois n’échappent pas à cette réalité. Ainsi, depuis quelques années, le Québec s’est doté de toute une série de programmes et de mesures d’aide orientés sur la formation qualifiante et l’insertion professionnelle des jeunes. Ces dispositifs sont particulièrement attrayants pour les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), qui mettent normalement trois années de plus que les autres élèves pour obtenir une première diplomation (Schifter, 2011) et qui vivent souvent des difficultés plus importantes que leurs pairs lors de leur insertion socioprofessionnelle (Kortering et Christenson, 2009).

Devant cette situation préoccupante, la mise en place du Parcours de formation axée sur l’emploi (PFAE) à l’intérieur du Programme de formation de l’école québécoise par le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (Gouvernement du Québec, 2008b), suscite l’intérêt. Au travers de parcours diversifiés offerts dès le 2e cycle du secondaire, la structure du PFAE sous-tend une alternance travail-études qui mène directement au marché du travail, en amenant l’élève à développer des compétences lui permettant d’y accéder plus facilement en y étant mieux préparé, qu’il soit inscrit à la Formation préparatoire au travail (FPT) ou à la Formation menant à l’exercice d’un métier semi-spécialisé (FMS). Dans le but de contribuer à une première réflexion sur les retombées des deux voies de formation de ce parcours, une étude longitudinale a été réalisée de 2009 à 2012 dans sept écoles du Québec[1]. Le présent texte expose une partie des résultats de cette étude se rapportant aux trajectoires des élèves inscrits dans le PFAE, au regard notamment des taux de diplomation, du recours aux passerelles entre la FPT et la FMS, et entre la FMS et la formation professionnelle, des taux de certification des jeunes ainsi que de leur perception à l’issue de cette expérience de formation.

2. Contexte de la recherche

Au Québec comme ailleurs, la diplomation est un enjeu social et économique majeur, notamment en raison de la nécessité de main-d’oeuvre pour certains secteurs et de ses impacts sur les taux d’activités de l’emploi (Commission européenne, 2010). À cet égard, la situation de la main-d’oeuvre au Québec, les conséquences de la non-diplomation et les programmes et services orientés vers l’insertion professionnelle des jeunes méritent une attention particulière.

2.1 Situation de la main-d’oeuvre au Québec

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2005) souligne qu’une distribution équitable des compétences dans la population a des effets positifs sur les performances économiques globales: «l’amélioration des compétences de base de l’ensemble des individus peut avoir un effet plus prononcé sur la croissance économique que l’investissement dans le perfectionnement des compétences d’un groupe choisi de personnes très qualifiées» (p. 17). Les indicateurs publiés de manière périodique par l’OCDE et par les institutions nationales spécialisées portent un intérêt particulier au taux d’emploi et au taux de chômage selon le niveau de diplôme, notamment pour illustrer l’efficacité de l’investissement en éducation. Selon Vultur (2006), les résultats de ces études, considérés dans une perspective comparative, valident la théorie du capital humain: le taux d’emploi possède des valeurs d’autant plus élevées que le niveau de formation est élevé, tandis que le taux de chômage est inversement corrélé avec le niveau du diplôme. Cependant, d’autres méthodes telles que l’approche diachronique font ressortir des résultats plus contrastés du lien diplôme-emploi-chômage (Vultur, 2006). Dans le même ordre d’idées, Bourhis (2007) mentionne qu’un des facteurs pouvant expliquer le taux de chômage élevé chez les jeunes est leur faible niveau de scolarité, car selon des études statistiques, par exemple celle de Statistique Canada (Gouvernement du Québec, 2012a), les chances de se trouver un emploi augmentent avec le niveau de scolarité.

Malgré tout, les jeunes de 15 à 29 ans qui n’ont aucun diplôme et qui ont décroché de l’école se retrouvent avec un taux d’emploi de 40 %, comparativement à leurs pairs diplômés du même groupe d’âge dont le taux d’emploi est de 69 % (Gouvernement du Québec, 2014). En outre, les non-diplômés sont plus souvent affectés que les diplômés lors de pertes d’emploi reliées à des secteurs ou à des entreprises (Petit, 2008). Selon cette auteure, «on assiste à une forte croissance de l’emploi hautement qualifié et à un déclin de l’emploi peu qualifié» (p. 11), ce qui nuit à l’intégration des personnes peu scolarisées sur le marché du travail puisqu’il y a moins de perspectives d’emplois. Les non-diplômés sont d’ailleurs plus nombreux à se retrouver au chômage pour de longues durées, à avoir des emplois moins stables et plus à temps partiel, à ne pouvoir profiter d’une convention collective et à avoir des conditions de travail revues à la baisse (Lemire, 2010). Vu sous un angle économique, le décrochage ou le taux de «sans diplôme» met en péril la vigueur économique du Québec en privant la société québécoise de travailleurs qualifiés. En effet, le Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec (2009) évalue les pertes économiques liées au décrochage à 120 000 dollars par décrocheur ou à 1,9 milliard de dollars par cohorte annuelle. Ce montant correspond aux taxes et impôts perdus et aux services sociaux additionnels que requièrent les personnes ayant décroché.

2.2 Conséquences de la non-diplomation

La non-diplomation est souvent mise en corrélation avec le décrochage scolaire qui, comme l’indique Blaya (2010), «dépend de la conjonction de plusieurs facteurs de risques personnels, scolaires, environnementaux et familiaux» (p. 46). Or, selon l’auteure, les facteurs les plus déterminants sont les problèmes rencontrés par le jeune à l’école, problèmes si importants pour lui qu’il finira par abandonner. Les élèves ayant des difficultés souffriraient davantage que leurs pairs sans difficulté de cette conjonction de facteurs. Ils sont ainsi deux fois plus nombreux à décrocher de l’école que les autres (Lemire, 2010). Pour ces jeunes, la poursuite des études sans interruption constitue d’ailleurs un facteur de succès sur le plan de l’accessibilité à la diplomation (Lapointe, Archambault et Chouinard, 2008). Dans une autre perspective, Brault-Labbé et Dubé (2008) considèrent que la difficulté des élèves à faire face aux exigences de la vie scolaire s’exprime par des taux élevés de décrochage, par une prolongation des délais pour terminer les études et aussi par des niveaux moins élevés d’obtention des diplômes. Ibrahima (dans Gouvernement du Québec, 2012b) montre par une analyse de l’évolution du taux de sortie sans diplôme du secondaire dans le réseau public que ce phénomène est aussi préoccupant chez les garçons que chez les filles, et ce, quelle que soit la région de résidence au Québec. De plus, d’une façon générale, le taux de sortie sans diplôme est plus élevé au sein des territoires où la vulnérabilité socioéconomique des jeunes est plus élevée.

Selon Savoie-Zajc et Lanaris (2005), parmi les jeunes qui quittent l’école avant d’avoir terminé un programme d’études secondaires se trouve un bon nombre d’élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage ou de comportement, accompagnées d’un sentiment de démotivation et d’une perception négative d’eux-mêmes. De plus, bien que l’utilisation des codes d’élèves en difficulté entraîne la mise en place de services complémentaires, la forte proportion de non-diplomation chez ces élèves permet de s’interroger sur son efficacité (Rousseau, Tétreault, Bergeron et Carignan, 2007). Pour plusieurs chercheurs, par exemple Baby (2005) et Vultur (2005), ces jeunes sont généralement des élèves qui présentent des besoins différents et auxquels les matières scolaires, les pratiques pédagogiques et les conditions d’apprentissage de l’école, bref la «tournure d’esprit» de l’école, pour citer Baby (2005), ne répondent pas.

Les conséquences de la non-diplomation jumelées aux défis qu’entraînent les difficultés vécues à l’école expliquent l’intérêt porté à la mise en place de divers dispositifs (programmes, services, etc.) qui ont pour objectifs de favoriser l’obtention d’un diplôme ainsi que de susciter la motivation et l’intérêt des jeunes, tout en étant adaptés à leur réalité (Gouvernement du Québec, 2007b).

2.3 Programmes et services orientés vers l’insertion professionnelle

Depuis près d’une quarantaine d’années, le système scolaire québécois a procédé à d’importants changements dans le but de faciliter le cheminement scolaire des jeunes Québécois, dont ceux ayant des difficultés (Gouvernement du Québec, 2007a). Les gouvernements québécois et canadien ont ainsi développé plusieurs dispositifs d’aide à l’insertion à mi-chemin entre programmes de formation et politiques d’emploi, qui fournissent aux jeunes de multiples services liés à l’orientation professionnelle, à la formation ou à la mise en situation de contexte de travail, etc. Au total, plus de 300 dispositifs ont été ajoutés afin d’aider l’insertion professionnelle des personnes qui se retrouvent normalement exclues du marché du travail (Vultur, 2009). Parmi celles-ci, on retrouve deux fois plus d’élèves ayant des difficultés (Kortering et Christenson, 2009). D’ailleurs, différentes études ont montré des difficultés plus grandes pour les EHDAA d’obtenir un premier diplôme. Ainsi, une étude rétrospective visant à analyser le cheminement de trois cohortes d’élèves de la Mauricie ayant commencé la maternelle en 1983, 1988 et 1992 (12 000 jeunes au total) jusqu’en 2004 ou à leur sortie du système scolaire, révèle des écarts de diplomation importants entre les EHDAA et les élèves considérés comme sans difficultés. Ces derniers obtiennent des taux de diplomation allant de 67 % à 92 %, comparativement aux EHDAA dont les taux varient entre 10 % et 38 % (Rousseau et al., 2007; Rousseau, Tétreault et Vézina, 2006). Les résultats indiquent également une prépondérance de diplômes professionnels (attestation de formation professionnelle [AFP], certificat de formation en entreprise et récupération, attestation de spécialisation professionnelle [ASP] et diplôme d’études professionnelles [DEP]) obtenus par les EHDAA, et ce, pour les trois cohortes à l’étude. Enfin, selon Rousseau et Tétreault (2012), l’obtention d’un diplôme avant l’âge de 18 ans constitue un réel défi (2,6 % à 10,3 % des EHDAA). De telles données incitent à porter une attention particulière à la mise en place d’un dispositif comme le PFAE (Gouvernement du Québec, 2008b), un parcours de formation qualifiante destiné aux élèves à risque et aux EHDAA.

2.3.1 Parcours de formation axée sur l’emploi

Le Parcours de formation axée sur l’emploi (PFAE) s’inscrit dans la diversification de la formation du 2e cycle du secondaire en réponse à la préoccupation de la réussite pour tous (Gouvernement du Québec, 2008a). Plus qu’une simple formation orientée sur l’obtention d’un diplôme de niveau secondaire, le PFAE a aussi pour objectif de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des jeunes d’au moins 15 ans, majoritairement des garçons, dont le rapport à l’école est difficile. Le parcours se décline en deux voies de formation: alors que la FPT (durée de trois ans) cible les élèves n’ayant pas atteint les objectifs de formation des programmes d’études de l’enseignement primaire, la FMS (durée d’un an) s’adresse plutôt aux élèves qui n’ont pas obtenu les unités de 1er cycle de l’enseignement secondaire. Ces deux voies de formation permettent aux élèves de vivre une situation scolaire en alternant le travail et les études, en leur offrant diverses possibilités de stages à réaliser pendant les heures scolaires de manière à développer leur employabilité et à apprendre à mieux se connaître personnellement et professionnellement (Gouvernement du Québec, 2008b). Le PFAE est d’autant plus intéressant comme dispositif à étudier qu’il y aurait une corrélation positive entre les programmes préparatoires au travail et l’insertion professionnelle des jeunes EHDAA (Shandra et Hogan, 2008).

Considérant les visées du PFAE à l’égard des EHDAA, sa mise en oeuvre, voire son opérationnalisation, suscite certaines interrogations. Ainsi, en 2009, une étude longitudinale s’échelonnant sur une période de trois années a été entreprise au sein de huit écoles secondaires présentant des caractéristiques régionales différentes. Les résultats de cette analyse présentés dans cet article prennent appui sur plusieurs questions de recherche.

2.4 Questions de recherche

Les questions de recherche sur lesquelles le présent article prend appui sont les suivantes: quelles sont les trajectoires empruntées par les élèves à l’intérieur du PFAE? Quels sont les taux de diplomation de ces élèves et dans quelle mesure utilisent-ils les différentes passerelles accessibles? Quels sont les taux de certification des élèves inscrits au PFAE, en fonction de leur région, de leur historique scolaire et de leur genre? Finalement, comment les élèves du PFAE vivent-ils cette expérience scolaire?

3. Cadre théorique

La réussite scolaire et l’insertion socioprofessionnelle des jeunes Québécois sont des préoccupations importantes pour l’ensemble des acteurs scolaires et les décideurs politiques. Il est donc pertinent de bien définir les concepts de diplomation et de non-diplomation et d’aborder leurs impacts pour mieux saisir les visées du PFAE.

3.1 Diplomation, impacts et facteurs d’influence

La diplomation, selon Legendre (2005), serait un terme à utiliser dans des contextes de comparaison au regard du taux de réussite d’un groupe. Dans le présent article, l’expression réfère plus précisément au taux de réussite scolaire de populations d’élèves s’étant vu remettre une attestation certifiant qu’ils ont complété avec succès un programme d’études. La diplomation renvoie en ce sens au diplôme lui-même, qui peut prendre la forme d’une certification, voire d’une qualification reconnue faisant foi qu’un programme ou une formation ont été dûment complétés.

Les impacts de la diplomation sont multiples bien que variables selon le diplôme obtenu. De façon générale néanmoins, la diplomation permet de se placer plus avantageusement sur le marché du travail. Selon Deschenaux (2009), les titulaires d’un diplôme peuvent postuler pour une plus grande variété de postes, en plus d’être en mesure de convoiter des emplois mieux rémunérés, assujettis à de meilleures conditions de travail. L’auteur révèle en outre que non seulement les diplômés accèdent à des emplois de plus grande qualité, mais également qu’ils se considèrent comme plus satisfaits de leur insertion socioprofessionnelle. La diplomation aurait donc un impact positif tant sur l’identité professionnelle que sur l’identité sociale. Les travaux de Vultur (2009) abondent également en ce sens et font conclure à l’auteur à une incidence certaine de la diplomation sur l’épanouissement personnel des jeunes.

Les facteurs favorisant la diplomation et, en l’occurrence, la persévérance seraient généralement de deux ordres: les facteurs liés au jeune et à sa situation familiale, et les facteurs liés au système scolaire et à son fonctionnement (Théberge et Rousseau, 2009). Le cheminement scolaire de l’élève et le type de services offerts dès son entrée au secondaire joueraient aussi un rôle important. De ce fait, «les élèves inscrits en classe ordinaire dès le début réussissent à s’y maintenir plus longtemps que ceux d’abord regroupés en cheminement particulier de formation temporaire» (Gouvernement du Québec, 2006, p. 7), et ils ont cinq fois plus de chance d’obtenir un diplôme que ceux qui commencent leur secondaire au cheminement particulier de formation temporaire. La classe inclusive présenterait ainsi un pourcentage d’efficacité supérieur à celui des classes dites spéciales et regroupant uniquement des élèves aux difficultés identifiées (Norwich et Kelly, 2005; Walther-Thomas, Korinek, Mclaughlin et Williams, 2000, dans Rousseau, 2010). Une étude de cohorte arrive également à la même conclusion, alors que les EHDAA ayant fréquenté la classe ordinaire ont de cinq à sept fois plus de chance que leurs pairs des classes spéciales d’obtenir un diplôme de niveau secondaire (Rousseau et Tétreault, 2012).

Pour d’Ortun (2009), les facteurs qui inciteraient un jeune à demeurer aux études jusqu’à l’obtention d’une qualification reconnue seraient: 1) le diplôme convoité lui-même, 2) le désir d’obtenir un meilleur emploi, 3) l’intention de se qualifier pour d’autres formations, ou 4) une réponse à l’injonction de parents. Pour Lapointe et al. (2008), ces facteurs relèvent davantage des pratiques pédagogiques des enseignants et des enseignantes liées aux stratégies de motivation des élèves, aux stratégies de regroupement, d’évaluation des apprentissages et de gestion de classe. Enfin, en ce qui a trait aux EHDAA, la présence d’activités parascolaires accessibles – incluant les options qui relèvent des goûts et des intérêts des jeunes – jouerait un rôle dans la poursuite des études (Carter, Swedeen, Collen et Matthew, 2010) et serait donc à considérer comme facteur contribuant à la diplomation.

3.2 Non-diplomation, impacts et facteurs d’influence

La non-diplomation fait généralement référence à l’absence de diplôme ou de qualification reconnue, ce qui entraîne des conséquences indéniables sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Selon Lemire (2010), les jeunes sans diplôme se retrouvent plus marginalisés, en plus d’être davantage affectés lors de pertes d’emploi reliées à des mouvances économiques. Outre ces impacts au plan socioprofessionnel, ces jeunes sont aussi plus nombreux à afficher des difficultés d’écriture – liées justement à leur faible scolarisation –, qui risquent d’affecter leur contribution parentale à l’égard de la réussite scolaire de leurs propres enfants (Lemire, 2010). D’après cette auteure, il en va de même de leurs capacités, toute leur vie durant, à conserver leur emploi, à s’adapter à des changements impromptus ou encore à user de leurs droits civiques et sociaux. Comme facteurs d’influence à la non-diplomation, on retrouve le fait d’avoir accumulé un retard sur le plan académique se rapportant à des difficultés d’apprentissage ou de comportement (Lemire, 2010). Aussi, le fait d’être identifié comme un élève à risque ou un EHDAA augmente d’emblée la difficulté à obtenir une première diplomation (Gouvernement du Québec, 2002; Rousseau, Tétreault, Fréchette et Théberge, 2012).

Comme autres facteurs associés à la non-diplomation identifiés dans le cadre d’études sur le décrochage et l’abandon scolaires, on retrouve le statut socioéconomique familial des élèves, mais aussi leurs enseignants et enseignantes durant les premières années de leur scolarité, le taux d’absentéisme, le fait d’être à la charge d’un parent assumant seul les responsabilités familiales ou d’être en famille d’accueil, l’abandon scolaire d’un frère ou d’une soeur aînés, et des problèmes de discipline vécus en classe (Bowers, 2010). À ces facteurs, ajoutons également les problèmes de drogue, de délinquance, le manque d’habiletés sociales, le manque de motivation et d’intérêt pour l’école de même que le peu d’adhésion aux valeurs éducatives (Fortin, Marcotte, Potvin, Royer et Joly, 2006, dans Dumont, Leclerc et McKinnon, 2009). Pour Lemire (2010), il est possible de regrouper ces facteurs d’influence selon trois types d’obstacles majeurs: 1) les obstacles de nature dispositionnelle, soit les croyances, attitudes ou connaissances de l’individu à l’égard de l’éducation ou de l’apprentissage; 2) les obstacles de nature institutionnelle, soit ce qui relève de l’accessibilité des programmes, de leur nature, des politiques, etc.; 3) les obstacles intrinsèques, qui font référence aux caractéristiques personnelles de nature à entraver sa participation et ses apprentissages.

À ce jour, il existe peu d’écrits portant spécifiquement sur le contexte du PFAE puisqu’il s’agit d’un dispositif relativement nouveau. Les études recensées abordent les services complémentaires déployés dans ce parcours de formation (Fréchette et Rousseau, 2016), les compétences et exigences liées à la santé et la sécurité au travail (Laberge, 2011), la supervision des stages par les formateurs en entreprise (Bergeron, Samson et Rousseau, 2009; Charbonneau, Samson et Rousseau, 2014; Laberge, Vézina, Calvet, Lévesque et Vézina-Nadon, 2012), l’analyse de la qualité de situations d’apprentissage et d’évaluation en lecture (Martel, 2011), et la motivation des élèves (Cormier, 2015). Contrairement aux écrits existants, cet article présente les résultats d’une étude ayant un objectif principal duquel découlent trois objectifs spécifiques. L’objectif principal de l’étude vise à décrire les trajectoires d’élèves à l’intérieur du PFAE. Le premier objectif spécifique qui en découle consiste à identifier les taux de diplomation ainsi que le recours aux passerelles (de la FPT à la FMS, de la FMS au DEP) des jeunes inscrits au PFAE. Le second objectif spécifique vise à analyser les taux de certification en fonction des régions, de l’historique scolaire ainsi que du genre des élèves. Finalement, le troisième objectif spécifique consiste à documenter l’expérience vécue par ces jeunes dans le PFAE.

4. Méthodologie

La recherche longitudinale réalisée repose sur un devis d’étude de cas descriptive multisite. En effet, alors que l’étude de cas favorise à la fois une description et une analyse d’un phénomène ancré dans un contexte authentique (Merriam, 1998), l’étude de cas multisite permet d’accroître la compréhension du phénomène et d’étudier sa complexité (Hlady Rispal, 2002; Yin, 2014). Le phénomène qui nous préoccupe est l’étude des trajectoires des jeunes inscrits au PFAE dans un contexte authentique d’intervention au secondaire (caractéristiques fondamentales similaires) dans différentes régions du Québec (complexité régionale/commissions scolaires accueillant de 7 300 élèves à 75 000 élèves). Deux grandes fonctions sont associées à l’étude de cas: une fonction de compréhension et une fonction de validation (Van der Maren, 2003). Dans le cas présent, la fonction de compréhension touche l’expérience des jeunes qui y sont inscrits (aspirations à l’entrée au PFAE et expérience scolaire à l’intérieur de ces voies de formation), alors que la fonction de validation touche les retombées attendues du PFAE (taux de diplomation, recours aux passerelles entre la FPT et la FMS et entre la FMS et la formation professionnelle).

4.1 Participants

Les 168 participants comprennent les élèves inscrits en première année de formation dans le PFAE, soit à la FPT ou à la FMS de sept écoles volontaires (dont un Centre de formation en entreprise et récupération [CFER]) issues de six commissions scolaires réparties dans cinq régions du Québec (Mauricie, Saguenay, Montérégie, Gaspésie, Chaudière-Appalaches)[2] afin de tenir compte des disparités régionales. En ce qui concerne la FPT, seules quatre des cinq régions mentionnées précédemment offrent cette voie de formation (Mauricie, Saguenay, Gaspésie et Chaudière-Appalaches). La majorité des participants sont des garçons (73,8 %, n = 124). Pour leur part, les filles représentent 26,2 % (n = 44) de l’échantillon. On retrouve 38,1 % (n = 64) d’élèves inscrits à la FPT et 61,9 % (n = 104) d’élèves inscrits à la FMS. Précisons que les élèves inscrits au PFAE sont tous âgés de 15 à 18 ans et ont minimalement deux ans de retard scolaire. Des données spécifiques quant à la nature de leur difficulté n’ont pas été recueillies dans le cadre de cette étude.

4.2 Instruments de collecte de données

Misant sur la flexibilité inhérente aux choix des outils de collecte de données dans la réalisation d’une étude de cas (Merriam, 1998), cette recherche repose sur des données quantitatives descriptives et qualitatives. Un tableau affichant la répartition des participants selon leur région et les outils de collecte de données ayant été utilisés auprès d’eux est présenté à la fin de cette section (tableau 1). Il est à noter que certaines données n’ont pu être recueillies en Gaspésie pour des raisons météorologiques.

Les données quantitatives concernent uniquement la documentation administrative relative aux trajectoires des élèves. Ainsi, avec la collaboration de chaque direction d’école, nous avons documenté sur une période de trois ans une série de variables, dont l’obtention ou non d’un certificat (certificat de formation préparatoire au travail [CFPT] ou certificat de formation à l’exercice d’un métier semi-spécialisé [CFMS]), l’utilisation des passerelles, la poursuite ou l’abandon des études et la raison d’abandon (le cas échéant).

Les données qualitatives, pour leur part, ont été recueillies à l’aide d’une fiche individuelle, d’une entrevue de petits groupes et d’une entrevue individuelle téléphonique. La fiche individuelle permet d’obtenir des informations relativement à la classe d’origine de l’élève (classe ordinaire, de l’adaptation scolaire ou incertain) et de s’enquérir des intentions de formation au PFAE (compléter le CFPT et/ou CFMS, utiliser la passerelle vers le DEP, incertain, autre). Quant au protocole d’entrevue de petits groupes, il aborde l’expérience scolaire au PFAE au cours de la première année de formation (Pour vous, le PFAE c’est…; Pourquoi?; Donnez un mot ou une image qui décrit l’aide que vous recevez au PFAE; Expliquez). Enfin, l’entrevue individuelle téléphonique explore la nature de l’expérience scolaire au PFAE à l’issue de l’arrêt de formation (avec ou sans diplôme) de même que les raisons motivant cet arrêt.

Tableau 1

Répartition des jeunes selon leur région et les outils de collecte de données ayant été utilisés

Répartition des jeunes selon leur région et les outils de collecte de données ayant été utilisés

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4.3 Méthode d’analyse des résultats

L’analyse inductive des données s’est effectuée à partir des transcriptions des entrevues suivant la démarche d’analyse par réseau (Cohen, Manion et Morrison, 2000) qui comprend quatre étapes successives, soit l’identification d’unités de sens issues des verbatims, l’attribution d’un code à chacune de ces unités, le regroupement de ces unités en catégories, et enfin l’identification de thèmes qui unissent ces catégories. Les données quantitatives ont subi une analyse descriptive avec le logiciel d’analyses statistiques SPSS Statistics 22. Des comparaisons entre des variables dichotomiques ont été effectuées à l’aide d’analyses de chi-carré. Les analyses ont permis de constater s’il existait ou non des différences significatives entre les taux d’obtention de certificat et les régions administratives, l’historique scolaire et le genre.

5. Résultats

Les trajectoires des élèves de sept écoles participantes sur une période de trois ans ont fait l’objet d’une analyse.

5.1 Cheminement des élèves à l’intérieur du PFAE

Pour répondre au premier objectif spécifique de cette étude, un suivi de cohortes est effectué. Pour la FPT, 64 élèves commencent l’an 1. Dès l’an 2, seuls 44 des 64 élèves inscrits poursuivent leur seconde année de formation, alors que 7 abandonnent, 7 autres utilisent la passerelle vers la FMS, 3 quittent pour la formation aux adultes, 2 reprennent leur FPT de la première année et 1 élève se fait expulser du programme. À l’an 3, 5 élèves obtiennent leur CFPT, 19 poursuivent toujours leur formation, 12 utilisent la passerelle vers la FMS et 15 abandonnent. Au terme de ces trois années de suivi, 22 élèves sur les 64 inscrits ont abandonné, soit 34 %. Pour la FMS, on constate dès l’an 1 que 86 des 104 élèves inscrits obtiennent une première certification. À l’an 2, 28 des 87 élèves certifiés s’inscrivent dans un second FMS et 15 d’entre eux complètent avec succès une deuxième certification, alors que 43 élèves font usage d’autres contextes scolaires (p. ex. des programmes préparatoires à la formation professionnelle [pré-DEP], la formation aux adultes). À l’an 3, 4 élèves entreprennent une troisième FMS, tandis que 7 élèves s’orientent vers le pré-DEP. Au terme de la troisième année de suivi, 88 élèves obtiennent le CFMS, 72 se dirigent vers des programmes pré-DEP, 12 poursuivent leurs études à la formation des adultes, 41 (39 %) abandonnent l’école, et 14 choisissent l’école secondaire régulière ou l’école de raccrocheurs (moins de 18 ans). Un portrait visuel et détaillé des trajectoires est présenté en annexe.

Dans le cadre de la FPT, c’est donc plus du tiers des jeunes qui quittent l’école sans certification. Dans le parcours FMS, il est possible de noter de plus hauts taux d’obtention de certification ainsi qu’un recours à un centre d’éducation des adultes ou à un centre d’éducation pour les 16 à 18 ans, et ce, même à la suite d’une certification.

5.2 Variation d’obtention de certificats au PFAE

Pour répondre au deuxième objectif spécifique de cet article, une analyse de la variation des taux d’obtention de certificats est réalisée selon la région administrative, l’historique scolaire et le genre de l’élève. Une attention particulière est portée aux deux types de programmes disponibles, soit la FPT et la FMS.

5.2.1 Variation de l’obtention des certificats en fonction de la région administrative

Pour le programme FPT, le taux d’obtention du CFPT varie entre 0 % et 14,3 %. Il n’existe pas de différence significative (χ2 = 4,49; p = 0,21) entre les quatre régions offrant ce programme (Mauricie, Saguenay, Gaspésie et Chaudière-Appalaches). Le taux d’obtention du CFMS varie de 71,4 % à 100 % d’une école à l’autre. Parmi les quatre régions administratives (Mauricie, Saguenay, Montérégie et Gaspésie) qui offrent le programme de FMS, de nouveau, aucune différence significative n’est observée entre les régions (χ2 = 3,77; p = 0,29). Somme toute, on constate un faible taux de certification à la FPT comparativement à la FMS, bien que, dans les deux cas, la région où le programme est offert n’ait pas d’incidence sur le taux d’obtention d’une certification.

5.2.2 Variation de l’obtention des certificats en fonction de l’historique scolaire

Parmi les 156 élèves[4] interrogés dans le cadre de la recherche, 111 proviennent de l’adaptation scolaire (71,2 %) et 45 de la classe ordinaire (28,9 %). Le tableau 2 montre la répartition des taux d’obtention d’une certification (FPT ou FMS) selon l’historique scolaire de l’élève.

Tableau 2

Répartition des taux d’obtention de CFPT et CFMS selon l’historique scolaire

Répartition des taux d’obtention de CFPT et CFMS selon l’historique scolaire

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Des distinctions caractérisent les élèves en fonction de leur historique scolaire (classe ordinaire ou adaptation scolaire). Les résultats révèlent que les élèves provenant de la classe ordinaire obtiennent significativement plus de certification que ceux provenant de la classe d’adaptation (χ2 = 27,34, p = 0,000). En effet, les élèves provenant de la classe ordinaire obtiennent deux fois plus de diplômes que les élèves provenant de l’adaptation scolaire, soit 88,6 % et 42,3 % respectivement.

5.2.3 Variation d’obtention des certificats en fonction du genre

Parmi les 168 élèves qui ont participé à cette étude, rappelons que 73,8 % d’entre eux sont des garçons et 26,2 % sont des filles. Le tableau 3 montre la répartition des taux d’obtention de certificats selon le genre.

Tableau 3

Répartition des taux d’obtention de CFPT et CFMS selon le genre

Répartition des taux d’obtention de CFPT et CFMS selon le genre

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Les résultats montrent que les filles sont significativement plus nombreuses à avoir atteint leurs objectifs de formation (ou sont en voie de les atteindre), puisque 70,5 % d’entre elles, comparativement à 49,2 % de garçons, obtiennent une certification.

5.3 Que pensent les jeunes du PFAE?

Le troisième objectif spécifique de cette étude vise à documenter l’expérience scolaire des élèves inscrits dans le PFAE à l’aide d’entretiens de petits groupes. Les résultats provenant de l’analyse qualitative montrent que, pour les participants, le PFAE est perçu comme un parcours de formation plutôt traditionnel qui génère majoritairement une appréciation plutôt négative. Dans leurs explications, les jeunes évoquent, entre autres, la perte de temps en classe, le fait qu’ils refont toujours les mêmes apprentissages, qu’ils ne font que travailler dans des modules sans avancer réellement, qu’il y a un manque d’encadrement, de règles, que le climat de la classe est mauvais, démotivant, ou encore que c’est une formation qui t’empêche de réussir avec juste trois jours d’école [sur une semaine]. Cela dit, ils reconnaissent l’importance accordée au marché du travail et l’utilité de l’aide reçue par les acteurs scolaires qui gravitent autour d’eux. Bref, ces jeunes semblent peu apprécier les éléments de la formation générale, contrairement à ceux de la formation pratique.

L’aide reçue est surtout évocatrice d’expressions positives liées à un sentiment de satisfaction (bien, grande aide, etc.). De fait, plusieurs jeunes ont fait part de leur appréciation de l’aide reçue dans le parcours en évoquant qu’ils apprennent beaucoup durant les stages, que c’est de belles étapes qui mènent au marché du travail, tandis que d’autres ont exprimé leur satisfaction de l’aide apportée au regard de la disponibilité, la patience de l’enseignant, voire du bon encadrement qu’il leur offre. Malgré l’appréciation de cette aide, plusieurs jeunes la jugent insuffisante. Certains ont ainsi évoqué que l’aide reçue dans le parcours permet pas [sic] d’avoir un diplôme de 5e secondaire, que le parcours ne donne pas d’emploi, que les CFER sont pas [sic] connus du public, que les employeurs sont peu disponibles [pour eux], si ce n’est les enseignants eux-mêmes ou encore en raison du fait qu’on leur fait faire des choses pas agréables dans les stages, soit les tâches plus ingrates dont les employés en place semblaient heureux de se décharger.

Les élèves s’attribuent une part de responsabilité dans leur présence au PFAE. S’ils pouvaient changer quelque chose, près de la moitié modifieraient leurs attitudes et comportements passés, parce qu’ainsi ils auraient pu être au régulier, auraient eu un meilleur avancement, auraient manqué moins de classe à cause des retenues, tandis que d’autres travailleraient l’assiduité en classe, encore une fois pour faire le régulier, parce qu’ainsi [ils] aurai[ent] fini leur secondaire plus vite, aurai[ent] été ailleurs qu’ici [au parcours]. Enfin, d’autres souhaiteraient changer une situation passée ou une compétence actuelle (ancienne école, mieux lire), les choix scolaires qu’ils ont faits ou se sont vu imposer, voire tout dans leur cheminement scolaire; cela, une fois de plus, parce qu’ainsi ils aurai[ent] pu rester au régulier, ne se retrouverai[ent] pas là où ils sont actuellement, [se] serai[ent] évité des problèmes, ou encore ils n’aurai[ent] pas perdu des années de [leur] vie, serai[ent] rendus plus loin.

6. Discussion

Le nombre d’écrits scientifiques portant sur le PFAE est plutôt restreint. Dès lors, cette étude longitudinale permet d’éclaircir certains aspects de ce parcours en donnant des précisions sur ses deux voies de formation, soit la FPT et la FMS. Ayant comme objectif général de décrire les trajectoires des élèves du PFAE, l’étude comprend trois objectifs spécifiques, soit, rappelons-le: 1) identifier les taux de diplomation et le recours aux passerelles; 2) analyser les taux de certification des deux voies de formation; et 3) documenter l’expérience vécue par ces jeunes au PFAE.

Le PFAE offre aux jeunes ayant des difficultés scolaires une occasion d’obtenir une certification, que ce soit dans le cadre de la FPT ou de la FMS. L’analyse des trajectoires des jeunes inscrits à la FMS (programme d’une durée d’un an) montre que la majorité d’entre eux obtiennent une certification et que, malgré tout, une grande proportion de ces derniers poursuivent leurs études en recourant à une deuxième FMS ou à d’autres possibilités de formation, dont l’éducation des adultes, l’école de «raccrocheurs» et les filières pré-DEP. Ce type de phénomène a été répertorié dans d’autres recherches, dont celles de Rousseau et al. (2007) et Rousseau, Dumont, Samson et Myre-Bisaillon (2009), où les jeunes ont recours à différentes alternatives de formation menant à l’obtention d’un premier diplôme de niveau secondaire et où le diplôme d’études secondaires (DES) et le DEP continuent d’être convoités. Se pourrait-il qu’aux yeux des jeunes, le CFMS constitue ainsi un diplôme transitoire?

Pour leur part, les élèves inscrits à la FPT (programme d’une durée de trois ans) ont une trajectoire parsemée d’adaptations. Ces jeunes, qui n’ont pas les acquis du 3e cycle du primaire, éprouvent donc des difficultés scolaires très importantes. Le taux de certification dans cette formation est peu élevé. Ces élèves sont donc plus nombreux à avoir changé de trajectoire en cours de route, ce qui peut expliquer en partie le faible taux de certification. Les résultats révèlent en outre que plusieurs d’entre eux décrochent de l’école et ne s’inscrivent pas dans une formation subséquente. Il y a là raison de s’inquiéter de l’avenir de ces jeunes puisque les impacts professionnels de la non-diplomation sont considérables (Deschenaux, 2009; Lemire, 2010). De plus, à l’ère de la mondialisation, où les environnements de travail sont en continuel changement, tant l’obtention du diplôme que la préparation au travail sont nécessaires pour appréhender ces nouvelles réalités (Liew, 2015).

À la suite de l’analyse des résultats, il est également possible de constater que la région de scolarisation n’a pas de lien significatif avec les taux de certification. L’historique scolaire des jeunes est toutefois lié à ces taux. En effet, les jeunes provenant de l’adaptation scolaire sont significativement moins nombreux que ceux issus de la classe ordinaire à réussir le PFAE, que ce soit en FPT ou en FMS. D’autres études montrent aussi les faibles taux de réussite des EHDAA dans ce type de formation (Gouvernement du Québec, 2006). Par ailleurs, les élèves ayant des difficultés scolaires maintenus en classe ordinaire vivent davantage de réussites (Norwich et Kelly, 2005; Walther-Thomas et al., 2000, dans Rousseau, 2010). De plus, nous observons des différences en ce qui a trait au genre; les filles réussissent davantage que les garçons.

Les données relatives à l’expérience subjective des jeunes laissent entrevoir une appréciation mitigée de leur passage au PFAE. Ainsi, on retrouve des jeunes tantôt satisfaits de l’aide reçue (surtout sur le plan de la formation pratique, soit les stages), tantôt insatisfaits quant à cette aide (notamment en matière de retombées du programme). L’importance accordée à l’aide reçue par les élèves du PFAE ne surprend guère, alors que ceux ayant d’importantes difficultés scolaires manifestent le besoin d’être soutenus (Espinosa, 2016; Rousseau et al., 2009). De plus, l’appréciation relative à la formation pratique est peut-être tributaire des apports associés à l’alternance travail-études qui caractérisent, du moins en partie, la mise en oeuvre du PFAE. En effet, de nombreux écrits ont mis en évidence l’attrait pour cette formule par les jeunes du secondaire, de la formation professionnelle et du collégial (Landry et Mazalon, 2002), notamment parce que l’alternance leur permet de développer une expérience agissant ensuite comme référence dans le sens donné aux apprentissages et connaissances à acquérir (Mazalon, Beaucher et Langlois, 2010; Mazalon, Gagnon et Roy, 2011). Qui plus est, la formation en réel contexte de travail invite les jeunes à s’engager activement à travers la réflexion, la participation et la communication (Boon Huat, 2015). Ce faisant, selon l’auteur, l’apprentissage en milieu de travail, contrairement à ce qui se vit souvent à l’école, ne repose pas uniquement sur un engagement cognitif associé à une tâche décontextualisée, mais plutôt sur un engagement cognitif associé à une tâche complexe nécessitant le recours à la résolution de problèmes en relation avec l’autre.

Les résultats relatifs à l’expérience des jeunes mettent également en évidence que ces derniers semblent s’attribuer une part de responsabilité relativement à leur situation scolaire. Ce constat serait-il tributaire d’un écart entre les attentes à l’entrée au programme et la situation vécue, ou le résultat d’un sentiment souvent partagé au fait que le PFAE serait, de toute façon, peu reconnu par les employeurs? Si tel est le cas, le sentiment de ces jeunes n’est peut-être pas sans fondement. En effet, Ofoegbu et Azarmsa (2010) constatent que le tiers des jeunes diplômés, à la suite de la réussite d’un programme de formation professionnelle, c’est-à-dire tournés vers le marché du travail et l’insertion en emploi, sont sans emploi. Les auteurs précisent également que lorsque le travail est en alternance avec les études, ce pourcentage passe à 43 %. En outre, chez les jeunes qui demeurent sur le marché du travail, on observe des changements d’emploi, ce qui laisse présager une instabilité et une précarité professionnelles. Cela dit, fait étonnant, malgré les difficultés rencontrées par les jeunes à s’insérer sur le marché du travail, 78 % d’entre eux estiment que le programme de formation les a aidés à obtenir un emploi. Autre élément intéressant, les travaux de Baugher et Nichols (2008) ont permis de mettre en évidence qu’une insertion socioprofessionnelle réussie des élèves ayant des difficultés serait influencée par la mise en place d’une collaboration étroite avec la communauté. Ainsi, il s’avère essentiel que les employeurs de ladite communauté offrent des opportunités de réalisation aux jeunes après leur passage au secondaire. Explicitement, les employeurs qui reçoivent les stagiaires de la FMS et de la FPT engagent-ils ces derniers à l’issue de leur formation? Par ailleurs, la mise en oeuvre de programmes de transition systématique et planifiée entre l’école et les ressources de la communauté peut soutenir cette étroite collaboration et l’insertion socioprofessionnelle de ces jeunes. À cet égard, de nombreux programmes offerts par les Carrefours Jeunesse-Emploi du Québec visent notamment à assurer une transition harmonieuse entre l’école et le milieu du travail chez les moins de 30 ans, dont les jeunes qui vivent des difficultés scolaires ou qui doutent de leurs compétences (p. ex. Provencher et Tremblay Roy, 2013).

7. Conclusion

L’étude des trajectoires des élèves inscrits dans le PFAE au regard des taux de diplomation, du recours aux passerelles entre la FPT et la FMS et entre la FMS et la formation professionnelle, ainsi qu’au regard des taux de certification et de l’expérience vécue par les élèves, laisse présager la nécessité de réfléchir sur cette offre de formation. D’une part, l’étude révèle des écarts importants du taux d’obtention du certificat de FMS d’une école à l’autre (71,4 % à 100 %). Ce constat rappelle l’importance des pratiques pédagogiques des enseignants et des enseignantes en matière de persévérance et de réussite scolaires (Lapointe et al., 2008). D’autre part, l’obtention du CFPT semble encore plus problématique que l’obtention du CFMS, et ce, de façon généralisée (0 % à 14,3 %). Enfin, soulignons qu’au cours des trois années de collecte de données, aucun jeune n’a eu recours à la passerelle entre la FMS et la formation professionnelle. Cette passerelle permet aux élèves ayant un CFMS de s’inscrire à des programmes de formation professionnelle dont les préalables sont de catégorie 2 (p. ex. fleuristerie, boulangerie, service de restauration) (Gouvernement du Québec, 2016). Seul l’accès à des programmes préparatoires à la formation professionnelle (pré-DEP) a été observé. Voilà une autre piste de réflexion à exploiter, notamment par les directions d’établissement. En effet, quelles démarches organisationnelles favorisant les passerelles entre la FMS et la formation professionnelle ont été déployées? Quelle information relative à ces passerelles a été communiquée? Quels métiers semi-spécialisés ont été ciblés par ces passerelles? Le recours systématique au pré-DEP par certains finissants de la FMS laisse présager qu’un travail entourant la préparation des jeunes et le fonctionnement de ces passerelles reste à faire.

Certes, cette étude contribue à la réflexion sur le PFAE et l’atteinte de ses objectifs. Cela dit, il apparaît judicieux ici d’identifier une limite importante de l’étude, soit la réalisation de cette dernière, alors que la mise en oeuvre du parcours en était encore à ses débuts. La réalisation d’une étude similaire aujourd’hui pourrait peut-être mener à des résultats différents, et ce, tant en matière de certification et d’utilisation des passerelles vers la formation professionnelle qu’en matière d’expérience des jeunes au sein du PFAE.