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1. Introduction

Parmi les courants théoriques qui cherchent à investiguer les savoirs professionnels des enseignants, on peut citer l’approche développée par les recherches en didactique de l’éducation physique et sportive (ÉPS) dont une des visées est de mettre en évidence la nature des savoirs utilisés par les enseignants quand ils conçoivent et animent une séance, mais également quand ils se livrent à une analyse rétrospective de leur séance.

Lorsque l’enseignant prend un certain nombre de décisions, il recourt à une théorie implicite composée de conceptions, croyances, valeurs, savoirs experts, etc. qui orientent sa pratique professionnelle. Cette théorie implicite peut constituer pour l’enseignant un ensemble de ressources mobilisables ou mobilisées pour l’action, dans l’action ou sur son action et relever de ce que Brousseau (1990) nomme l’épistémologie du professeur.

À la suite de Brousseau qui indique que l’épistémologie du professeur est avant tout spécifique aux savoirs enseignés, Sensevy (2007) parle d’épistémologie pratique afin de montrer que tout enseignant est doté d’une théorie d’action à usage professionnel qui peut avoir des conséquences pratiques sur le pilotage de la classe et plus particulièrement sur le système didactique lui-même. En cherchant ainsi à documenter l’activité enseignante et à enquêter sur les savoirs transmis et appris par les élèves, les recherches en didactique permettent d’accéder à cette épistémologique pratique et, de façon concomitante, de repérer les traces de certains savoirs mobilisés par les enseignants.

Cet article a pour objectif de montrer comment il est possible de mettre au jour l’épistémologie pratique des enseignants d’ÉPS en nous intéressant à la place qu’y occupent les savoirs experts. Dans un premier temps, nous tenterons d’éclaircir le concept d’épistémologie pratique tel qu’il est développé dans la théorie de l’action conjointe en didactique (Sensevy, 2007) en pointant le rôle que jouent les savoirs experts dans la construction de cette épistémologie pratique. Dans un second temps, à partir d’un recueil de données issu d’un dispositif de formation continue, au cours duquel neuf enseignants ont été confrontés à l’analyse d’enregistrements audio-vidéo de deux situations d’apprentissage en basket-ball, nous essaierons de cerner les contours des épistémologies pratiques à l’oeuvre dans ce travail d’analyse. Nous mettrons en évidence que les débats et controverses provoqués par l’analyse collective des situations d’apprentissage permettent d’identifier des épistémologies pratiques fondées sur des divergences de conceptions de l’enseignement des sports collectifs.

2. Cadre conceptuel

2.1 Épistémologie pratique et analyse didactique de l’activité enseignante

L’étude de l’épistémologie pratique de l’enseignant ne peut faire l’économie des réflexions initiées par Schön (1996) à propos de l’épistémologie de l’agir professionnel. En rupture avec le modèle de la rationalité technique, cette épistémologie convoque un ensemble de savoirs en cours d’action (knowing in action) qui caractérise le savoir pratique ordinaire. Nous situant par ailleurs dans le champ des recherches en didactique, le programme de recherche développé par Shulman (1986) sur le pedagogical content knowledge montre le rôle crucial du savoir dans le travail du professeur. L’enseignant doit ainsi à la fois maîtriser la connaissance du contenu (content knowledge) et la connaissance pédagogique du contenu (pedagogical content knowledge): «en d’autres termes on pourrait dire que la connaissance didactique (pedagogical content knowledge) nécessite la connaissance épistémique (content knowledge) et s’en nourrit, mais ne se réduit pas à celle-ci, puisqu’elle en suppose une transformation complexe et raisonnée à des fins d’instruction» (Sensevy et Amade-Escot, 2007, p. 95).

Nous avons souligné en introduction que l’enseignant mobilise dans l’action un ensemble de savoirs professionnels composites constituant une théorie implicite des savoirs enseignés qui agit plus ou moins directement sur le fonctionnement de la classe. Cette épistémologie pratique est alimentée par des références externes ou des ressources utilisées par l’enseignant qui fonctionnent comme des sources d’inspiration et comme moyen de contrôle épistémologique de ce qui se passe dans la classe (Schubauer-Leoni, 2008). L’épistémologie pratique des enseignants peut être appréhendée à partir des travaux issus de la théorie de l’action conjointe en didactique (Sensevy, 2011). Cette dernière procède d’une analyse ascendante de la transposition didactique qui cherche à décrire comment les savoirs mis à l’étude et enchâssés dans des dispositifs didactiques sont reconfigurés et reconstruits lors des interactions enseignant-élèves (Sensevy, 2007). Le chercheur s’intéresse donc au contenu de l’intervention de l’enseignant entendu comme le produit de l’action conjointe professeur-élèves autour d’objets de savoirs à transmettre et à apprendre. Dans cette perspective, les savoirs enseignés émergent en situation au fil des interactions enseignants-élèves, d’où l’importance d’étudier les modalités d’intervention didactique de l’enseignant afin de saisir comment ce dernier envisage et conduit le jeu didactique avec les élèves. L’enseignant peut être considéré comme celui qui gagne à partir du moment où le milieu didactique fonctionne de manière optimale, c’est-à-dire dire lorsque les élèves produisent eux-mêmes des stratégies gagnantes, en se prenant au jeu dans lequel l’enseignant les a installés (Loquet, 2007). C’est donc bien l’idée de co-activité qui caractérise le fondement de la théorie de l’action conjointe, les élèves ne jouant pas forcément le jeu de l’apprentissage. C’est le cas notamment des élèves qui sont peu enclins à s’engager dans les tâches scolaires parce qu’ils n’en perçoivent pas les enjeux du point de vue des savoirs visés (Bautier et Goigoux, 2004).

Afin d’étudier le fonctionnement du système didactique aux niveaux synchronique (le temps d’une séance, par exemple, ou d’un épisode considéré comme significatif par le chercheur) ou diachronique (plusieurs séances au cours d’un cycle d’apprentissage), la théorie de l’action conjointe utilise un certain nombre de descripteurs pour rendre compte:

  1. de l’action de l’enseignant: l’enseignant définit à quel jeu doivent se prêter les élèves pour parvenir à répondre à ses intentions didactiques, il régule en vue d’obtenir les réponses induites par la structuration du milieu didactique, il «dévolue» la responsabilité de leurs propres apprentissages aux élèves et il institutionnalise en reconnaissant dans les productions des élèves celles qui lui apparaissent légitimes;

  2. de l’action des élèves: par exemple leur rapport à l’apprendre qui pousse les élèves à se mobiliser ou pas sur les situations didactiques auxquelles ils sont confrontés;

  3. de l’action conjointe élèves-enseignant décrite à partir du triplet mésogenèse, topogenèse, chronogenèse: la mésogenèse concerne l’agencement du milieu didactique et ses transformations au fil des interactions enseignants-élèves, la topogenèse a trait à la manière dont enseignant et élèves se partagent les responsabilités vis-à-vis des savoirs mis à l’étude et la chronogenèse porte sur l’agencement du savoir au fil du temps didactique.

Notons que la description des modalités de la régulation didactique est au coeur de nombreuses recherches en didactique de l’ÉPS. En effet, l’analyse de ces régulations constitue un indice pertinent permettant de caractériser les gestes didactiques du métier (Brière-Guenoun, 2017). Ces régulations ne prennent sens que par rapport aux tâches proposées par l’enseignant, elles peuvent être caractérisées en fonction: de leur contenu (qui porte le plus souvent sur les techniques corporelles), de leur destinataire (un élève, un groupe d’élèves ou la classe entière), du moment choisi par l’enseignant pour réguler (pendant l’action des élèves ou après), de leur fréquence et de leur durée, des formes ou des façons dont ces régulations sont adressées aux élèves (Alin et Wallian, 2010).

L’usage de l’ensemble de ces descripteurs de l’action conjointe nécessite de recueillir un ensemble de données à partir desquelles il est possible d’inférer l’épistémologie pratique de l’enseignant. Ces données concernent:

  1. le discours que porte l’enseignant sur ses choix didactiques. Un entretien ante-séance permet de collecter des informations sur les traces de planification (projets de cycles, plans de séances qui peuvent être commentés par l’enseignant);

  2. des enregistrements audio-vidéo de séances qui constituent le matériau indispensable pour analyser le processus didactique;

  3. des données de verbalisation prélevées après la séance sous la forme soit d’un entretien post-séance soit d’un entretien d’autoconfrontation simple au cours duquel l’enseignant est amené à commenter les tracées filmées de son action. Selon Brière-Guenoun (2017), il est ainsi possible d’accéder à l’épistémologie pratique en explorant les modalités de réflexion sur l’action et, plus particulièrement, les verbalisations provoquées par le chercheur lors des entretiens, quelles que soient leur forme.

L’accès à l’épistémologique pratique suppose donc d’enquêter de façon minutieuse sur les modes d’intervention didactique de l’enseignant, ce que fait le chercheur en utilisant les descripteurs de l’action conjointe exposés précédemment (point de vue extrinsèque). Cela nécessite également de prendre en considération le point de vue de l’enseignant afin d’accéder au sens qu’il attribue à ses actes professionnels (point de vue intrinsèque). Le croisement de ces deux points de vue permet ainsi le travail d’interprétation du chercheur.

2.2 Épistémologie pratique et savoirs experts

Les travaux de recherche sur l’épistémologie pratique des enseignants d’ÉPS (Brière-Guenoun, 2008; Elandoulsi, 2011) interrogent la nature des savoirs enseignés en s’appuyant sur une vision élargie de la transposition didactique (Martinand, 1994). La notion de pratique sociale de référence, introduite par Martinand, pose ainsi la question des savoirs de référence dans une discipline comme l’ÉPS qui prend appui sur des pratiques physiques sportives et artistiques. Comme l’indique Léziart (1997), l’idée que cette discipline produit des savoirs savants est illusoire dans la mesure où ces savoirs ne sont ni unifiés ni reconnus par une communauté scientifique, ce qui n’est pas le cas d’autres disciplines scolaires telles que les mathématiques ou la physique. Dans cet article, nous nous intéresserons en priorité à un type de ressources pouvant alimenter l’épistémologie pratique de l’enseignant, il s’agit des savoirs experts. Selon Joshua (1996), ces savoirs experts se sont développés en dehors des institutions savantes, dans des communautés qui en garantissent leur légitimité. En ÉPS, ils sont mis à disposition des enseignants ou entraîneurs et font office de ressources pour les praticiens en leur procurant des connaissances utiles pour l’intervention. Robin (2003) souligne que ces savoirs experts se situent à la croisée de deux préoccupations fortes: d’une part, examiner les fondements de la pratique sociale prise pour référence et, d’autre part, déterminer la pratique scolaire visée (comment transposer la culture sportive ou artistique pour qu’elle puisse être enseignable à l’école?)

Dans le cadre de l’enseignement des sports collectifs, Brau-Antony (2001) montre que les savoirs experts ont pour but de modéliser le jeu et l’activité des joueurs en problématisant les relations situations d’apprentissage-match. La réflexion se concentre sur la formation du joueur et le choix des situations d’apprentissage permettant de favoriser la construction des compétences individuelles et collectives des joueurs. La façon d’envisager l’enseignement des sports collectifs en milieu scolaire fait néanmoins débat, elle est guidée par des présupposés théoriques parfois contradictoires (Kermarec et Roure, 2016) et se focalise autour de la question suivante: peut-on d’emblée confronter les élèves à des situations d’affrontement collectif dans lesquelles ils auront à satisfaire à des alternatives décisionnelles (Mérand [1976] qualifie cette approche de dialectique) ou faut-il d’abord privilégier la maîtrise d’habiletés gestuelles et/ou tactiques dans un environnement dénué d’incertitudes (perspective techniciste)? Brau-Antony (2001) précise que ces savoirs experts et les questions qu’ils engendrent constituent par conséquent une source d’inspiration pour les enseignants. Ces savoirs experts sont systématiquement reconfigurés en fonction de leurs conceptions personnelles de l’enseignement des sports collectifs.

Brière-Guenoun (2008) pointe par ailleurs le rôle crucial joué par les savoirs experts lorsque l’on observe les régulations didactiques des enseignants. Les savoirs experts déterminent en partie le choix des savoirs à enseigner ainsi que la compétence de l’enseignant pour décrire et analyser les conduites des élèves. Pour autant, ces savoirs experts ne sont pas systématiquement activés, ils dépendent notamment du contexte d’enseignement ou d’autres variables relevant des caractéristiques de l’enseignant, par exemple débutant/chevronné.

L’épistémologie pratique de l’enseignant renvoie donc à une théorie d’action personnelle guidée par une sorte d’arrière-plan ou système de ressources dans lequel les savoirs experts ont toute leur place. Cette épistémologie pratique est principalement décrite en utilisant des études de cas à partir de l’analyse des savoirs coconstruits in situ, grâce aux descripteurs de l’action conjointe (Brière-Guenoun, 2017).

Nous faisons l’hypothèse que l’on peut également se saisir de l’épistémologie pratique des enseignants en ne se contentant pas, comme on le fait habituellement, d’étudier les pratiques didactiques des enseignants quand ils «font la classe». Le dispositif de formation que nous présentons qui s’appuie sur l’analyse collective de situations d’apprentissage en basket-ball et les échanges qu’elle provoque sont susceptibles de dévoiler des épistémologies pratiques à l’oeuvre dans ce travail d’analyse. Les débats et controverses provoqués par l’analyse collective des situations d’apprentissage permettent ainsi d’identifier un certain nombre d’épistémologies pratiques en mettant au jour des divergences de conceptions de l’enseignement des sports collectifs.

3. Méthodologie

3.1 Un dispositif de formation support du recueil de données

Le recueil de données est issu d’une action de formation continue d’une durée de 60 heures sur l’enseignement des sports collectifs. Cette formation avait pour objectif de permettre aux enseignants de mobiliser des concepts didactiques et des savoirs experts fournis par le formateur pour analyser des situations d’apprentissage en sports collectifs. Les neuf enseignants d’ÉPS (quatre femmes et cinq hommes) ayant participé à l’action de formation ont entre 3 et 22 ans d’expérience d’enseignement. Ils n’ont pas la même expertise dans la pratique et l’enseignement des sports collectifs: quatre sont non spécialistes, cinq ont pratiqué un sport collectif à bon niveau et, parmi eux, deux ont exercé des fonctions d’entraîneur.

Deux types de données ont été collectés. Premièrement, l’enregistrement audio-vidéo de deux situations d’apprentissage en basket-ball mises en oeuvre par deux des neuf participants. Ces données sont issues de séances ordinaires d’ÉPS, elles ont été prélevées avant l’action de formation.

La première situation est une situation d’attaque/défense à deux attaquants contre un défenseur (cf. figure 1). Les deux attaquants partent sous leur panier, le défenseur est placé sur le côté. Les attaquants bénéficient d’un capital passes et dribbles de dix points. Chaque fois que l’attaquant dribble ou fait une passe, on enlève un point. Si le panier est marqué au bout de trois passes et trois dribbles, il vaut quatre points. Le défenseur a pour consigne de ne défendre que sur le porteur de balle.

Figure 1

Situation d’apprentissage 2 contre 1 en basket-ball

Situation d’apprentissage 2 contre 1 en basket-ball

-> See the list of figures

L’objectif de la situation énoncé par l’enseignant (enseignant 4: E4) est le suivant: il s’agit pour les non-porteurs d’aller se placer vers l’avant pour donner une solution et pour le porteur de temporiser l’action de dribble, c’est-à-dire voir s’il y a quelqu’un en avant, avant de partir en dribble (extrait de la préparation de séance).

La seconde situation (E7) est une situation d’attaque/défense à trois attaquants contre deux défenseurs en basket-ball sur un quart de terrain. Des plots précisent les positions de départ des attaquants et des défenseurs. Le lancement du jeu est effectué par un défenseur qui donne le ballon à un attaquant. La consigne est la suivante: les deux défenseurs, une fois le jeu lancé, doivent monter d’abord sur les deux non porteurs de balle. Une fois qu’une passe a été effectuée par l’attaquant, les défenseurs peuvent défendre librement sur les trois attaquants. Le dribble est interdit dans un premier temps, puis l’introduit dans un second temps.

Figure 2

situation d’apprentissage 3 contre 2 en basket-ball

situation d’apprentissage 3 contre 2 en basket-ball

-> See the list of figures

L’objectif énoncé porte ici sur les comportements de démarquage du non-porteur de balle. Ces comportements sont hiérarchisés selon une logique cumulative: le désalignement d’abord, l’espacement entre les attaquants ensuite, puis l’orientation du démarquage et enfin l’enchaînement d’actions passe/démarquage.

Le deuxième type de données a été recueilli pendant l’action de formation et concerne l’enregistrement de l’ensemble des échanges entre les neuf enseignants et le formateur qui font suite au visionnage de chacune des situations d’apprentissage. Ces échanges ont été systématiquement initiés par le formateur, dont l’intention était de susciter une activité d’analyse des situations d’apprentissage à partir des trois questions suivantes:

  1. comment sont formulées les intentions didactiques visées par les situations d’apprentissage?

  2. comment les situations d’apprentissage sont-elles agencées?

  3. y a-t-il régulation de l’activité des élèves, quel est le contenu de ces régulations et à quels moments se font-elles?

Le premier type de données a ainsi un statut de support pour la production des données principales constituées par les enregistrements des échanges.

3.2 Traitement des données

Dans le cadre de cet article, nous présentons l’analyse de deux moments d’échanges portant sur deux situations d’apprentissage en basket-ball. Le cadre dialogique du dispositif, organisant la confrontation entre les apports externes du formateur et les savoirs d’expérience des enseignants, doit ainsi permettre d’accéder à des éléments de l’épistémologie pratique des enseignants. Nous avons choisi de traiter ces deux situations, car elles nous semblent révélatrices, de façon assez caractéristique, d’épistémologies pratiques diverses .

Le traitement des données a consisté, dans un premier temps, à effectuer une analyse séquentielle des échanges (Adam, 2011) qui ont été transcrits intégralement. Ceux-ci sont en effet ponctués de changements de thèmes et/ou de stratégies des interlocuteurs (notamment en termes d’expressions d’accords, de consensus ou de divergences), donnant à chaque séquence une unité insérée dans une autre unité plus globale. L’analyse séquentielle des échanges a été élaborée en faisant la distinction entre objet de discours et objet de débat. L’identification des objets de discours renvoie à ce dont les enseignants parlent quand ils analysent les situations d’apprentissage, alors que les objets de débats font apparaître plus explicitement des controverses qui rendent visibles des éléments de l’épistémologie pratique des enseignants. Par exemple, l’enseignement de l’alternative passe-dribble peut constituer un objet de discours et nourrir les échanges entre enseignants. Cet objet de discours peut se transformer en un objet de débat (Clot, 2008) à partir du moment où s’expriment des désaccords sur l’aménagement de la situation d’apprentissage visant la maîtrise de cette alternative.

Dans un second temps, nous avons procédé à l’analyse didactique des échanges à partir des quatre descripteurs de l’action du professeur (définir, réguler, «dévoluer», institutionnaliser) de façon à mieux situer les expressions concrètes de ces épistémologies pratiques.

4. Résultats

4.1 Analyse de la première situation (deux contre un)

L’analyse séquentielle des échanges permet d’identifier six séquences: l’analyse des écarts entre ce qui est visé et ce que réalisent effectivement les élèves et plus particulièrement l’usage qu’ils font du dribble (Séquence 1); un débat sur la pertinence de l’agencement de la situation au regard de l’objectif (Séquence 2); un débat sur les effets des contraintes de la situation d’apprentissage sur les comportements des élèves (Séquence 3); un débat spécifiquement centré sur la pertinence de l’utilisation du capital passes-dribbles (Séquence 4); un déplacement de la réflexion de la question du capital passes-dribbles vers la question du rapport de force comme variable didactique (Séquence 5); une analyse de la seconde partie de la situation d’apprentissage avec une focale sur la question du rapport de force (Séquence 6).

La première séquence vise à poser les prémisses de l’analyse de la situation d’apprentissage en comparant l’objectif visé (l’alternative passe-dribble) et les indicateurs permettant d’identifier si l’objectif est atteint. Ces échanges, qui mobilisent principalement quatre enseignants (E2, E3, E5 et E6), débouchent sur le consensus suivant: la forte incitation à la passe due à la règle du capital passes et dribbles ainsi que l’obligation pour le défenseur de défendre sur le porteur de balle ne permettent pas de confronter les élèves à un véritable choix, la passe constituant la seule solution au problème posé. À ce stade des échanges, il semble que les enseignants partagent une conception similaire des transformations recherchées par la situation d’apprentissage et des conditions nécessaires à leur appropriation. Cette conception relève d’une approche dialectique privilégiant la construction par le joueur d’alternatives décisionnelles, ici l’alternative passe-dribble, l’agencement de la situation confrontant les élèves à cette alternative. Le consensus évoqué plus haut semble constituer un indicateur de ce partage de conception.

Pour autant, une rupture s’opère à partir de la seconde séquence où E4 tente de justifier ses choix didactiques. Les séquences suivantes vont montrer que les deux contraintes principales de cette situation (capital passes et dribbles et obligation pour le défenseur d’aller sur le porteur de balle) ne sont pas qu’une erreur de cohérence entre les visées et l’agencement de la situation, mais bien l’expression d’une épistémologie pratique de l’enseignant concepteur de la situation (E4) qui se démarque de l’approche dialectique de l’enseignement du basket-ball. L’objet de discours relatif à la structuration de la situation d’apprentissage est dès lors reconverti en objet de débat.

E4 avance ainsi un certain nombre d’arguments montrant que c’est la passe qui est prioritairement recherchée et non la pertinence du choix tactique. Le débat entre E4 et d’autres enseignants (notamment E2, E3 et E8) se manifeste tout d’abord dans l’activité de définition. Les consignes qui portent sur le système de points et sur les actions à réaliser par les défenseurs (aller sur le porteur de balle), ainsi que les contraintes de la situation, sont fortement orientées vers la valorisation de la passe en basket-ball. Une véritable hiérarchie de valeur est alors instaurée entre la passe et le dribble, le dribble étant avant tout considéré comme un obstacle à l’apprentissage et non comme une solution permettant de résoudre des problèmes tactiques. Après la première séquence d’apparence consensuelle évoquée plus haut, E4 tente de justifier son choix: il souhaite, d’une part, tenir compte des préconisations de l’approche dialectique (en même temps, je ne voulais pas supprimer le dribble) et, d’autre part, minimiser le dribble, car il considère que les élèves en font une utilisation excessive qui augmente les pertes de balle: au départ je voulais quand même partir du constat qui était réduire les dribbles, y avait beaucoup de dribbles inutiles; les gamins partaient tous seuls vers le panier. Tout se passe comme si E4 était face à un dilemme: il manifeste un intérêt vis-à-vis de l’approche dialectique valorisée par le formateur, mais il estime que le dribble constitue un problème dans le processus enseignement-apprentissage en basket-ball: on a le choix entre la passe et le dribble avec derrière l’idée de réduire les dribbles […] au départ je cherchais un moyen de stopper le dribble sans l’interdire. Clairement c’est ce que j’ai cherché à faire.

L’analyse de la situation d’apprentissage montre que si la liberté de choix entre dribbler et passer est permise, c’est uniquement la passe qui est attendue. Cette attente s’exprime notamment par la consigne donnée au défenseur d’aller directement sur le porteur de balle de façon à obliger ce dernier à effectuer une passe plutôt qu’un dribble, au risque d’amputer inutilement son capital points. Nous sommes ici en présence d’un phénomène bien identifié dans de nombreux travaux de recherche en didactique, il s’agit de l’effet Topaze (Brousseau, 1990). La situation d’apprentissage est structurée de telle façon que la réponse attendue ne donne pas l’occasion aux élèves d’avoir une réelle possibilité de choix: l’échange contre le dribble. Ainsi, les comportements de porteur de balle produits par les élèves indiquent que la dévolution est rendue difficile, voire inefficace: les élèves attendent sur place, balle en main, alors que leur partenaire est marqué par le défenseur; ils n’empruntent pas le couloir de jeu direct qui est libre pour aller vers le panier. De fait, les élèves ne peuvent véritablement se confronter à une activité décisionnelle, l’action à réaliser étant définie a priori par la contrainte imposée au défenseur et très fortement incitée par le capital passes et dribbles, où le dribble est considéré comme trop grand consommateur de points. Cette approche est ensuite confortée par une autre enseignante (E6) qui exprime une conception proche du technicisme. En s’intéressant au comportement du non-porteur de balle, elle précise: mais peut-être le truc positif par rapport au non-porteur de balle, ce qu’on a quand même vu, c’est je passe et je vais vers l’avant, ce qu’on ne voyait pas forcément. De la même façon que pour le porteur de balle, cette action n’est pas la conséquence d’un choix du joueur confronté à une alternative décisionnelle, mais l’application d’une consigne préalable. Cette dernière est renforcée par un agencement contraignant, le défenseur devant obligatoirement aller vers le porteur de balle. La dévolution est donc empêchée.

Par ailleurs, les régulations de l’enseignant continuent de privilégier l’échange, la passe, au détriment du dribble. Les passes réussies (au sens où la balle arrive dans les mains du non-porteur sans qu’elle soit perdue) font systématiquement l’objet d’un retour positif de l’enseignant, alors que les progressions en dribble font au mieux l’objet d’une absence de commentaire, parfois d’une régulation négative. Le dribble n’est pas perçu comme une adaptation pertinente alors même que le couloir de jeu direct est libre. Les conduites paradoxales évoquées précédemment chez les élèves porteurs de balle qui se sentent obligés, afin de ne pas diminuer leur capital-passes, de faire une passe alors que le panier est directement accessible sont dès lors renforcées. Néanmoins, l’enseignant introduit une nouvelle consigne en proposant aux élèves une réelle activité de choix. Il supprime la contrainte du défenseur obligé d’aller vers le porteur de balle pour favoriser la dévolution et ainsi donner la possibilité aux élèves de mobiliser des alternatives décisionnelles: au départ c’est réduire, après c’est plus choisir puisque la situation qui l’a fait évoluer prouve que justement avec l’alternative du défenseur qui peut aller soit sur le porteur ou sur le non-porteur que tu aies vraiment un choix qui soit moins imposé, moins dicté (E4) Or, cet ajustement didactique n’a pas produit de modification des réponses des élèves, la passe restant largement privilégiée par rapport au dribble. Nous pouvons faire l’hypothèse que l’insistance de l’enseignant à valoriser la passe au détriment du dribble en constitue la cause principale.

4.2 Analyse de la seconde situation (trois contre deux)

L’analyse séquentielle de la seconde situation fait apparaître six séquences abordant successivement les objets de discussion suivants: présentation-explicitation de la situation didactique (Séquence 1); les effets de la situation sur les conduites des élèves (Séquence 2); l’articulation entre les interventions de l’enseignant et les conduites des élèves (Séquence 3); l’importance des régulations didactiques dans l’enseignement de l’ÉPS (Séquence 4); l’agencement de la situation (lancement de l’action et suppression du dribble) (Séquence 5) et enfin le transfert d’apprentissage entre la situation d’apprentissage et le jeu total (Séquence 6). Au cours des deux premières séquences, les objets abordés ne se transforment pas en objets de débat, les enseignants restent sur des positions consensuelles, notamment à propos de l’objectivation des conduites des élèves (écartement des non-porteurs de balle, désalignement porteur de balle- défenseur-non-porteur de balle, changements de rythme des non porteurs pour se démarquer). À partir de la troisième séquence, chaque objet de discussion se transforme en objet de débat. Le débat est initié dans deux cas par un enseignant (Séquences 3 et 4) et dans deux autres cas par le formateur (Séquences 4 et 5).

Nous nous intéresserons plus particulièrement à la séquence 5. Cette séquence porte sur la structuration de la tâche proposée aux élèves, on y retrouve la question de la suppression du dribble, qui constituait le fil rouge de l’épisode précédent.

L’activité de définition se caractérise, dans la situation de 3 contre 2, par les trois éléments suivants:

  1. les objectifs visés. Ils sont hiérarchisés et concernent les critères suivants: le désalignement avec le porteur de balle et le défenseur; l’espacement optimal entre les attaquants; l’orientation du démarquage; l’enchaînement d’action passe-démarquage;

  2. les consignes données aux élèves: celles-ci sont relatives aux positions de départ des élèves (matérialisées par des plots); au lancement de l’action (signal donné par la passe de lancement d’un défenseur à un attaquant); à l’obligation pour les défenseurs de monter d’abord sur les deux non-porteurs de balle et à l’interdiction du dribble pour le porteur de balle;

  3. une variable didactique qui consiste à reculer le départ des défenseurs afin de faciliter l’action des attaquants.

Ces trois éléments sont simplement rappelés dans la première séquence sans susciter de débat ou de remise en cause des choix opérés.

Les échanges au cours des quatre premières séquences mettent en évidence une co-élaboration, par les neuf enseignants, d’une analyse des conduites de démarquage des élèves au regard des attentes énoncées précédemment. Un véritable consensus apparaît autour de la pertinence des objectifs au regard du niveau des élèves et de la logique tactique du jeu. Les comportements des élèves sont analysés à la fois du point de vue de leur pertinence tactique (E8: les non-porteurs faisaient une action d’avancer, de revenir en soutien, d’avoir des déplacements, je dirais cohérents par rapport au démarquage, mais le porteur de balle, soit allait trop vite dans ses passes ou n’était pas assez rigoureux dans ce qu’il faisait et donc il y avait quand même des pertes de balle alors que le démarquage était plutôt intéressant) et de leurs modalités de réalisation (E9: la différence entre les groupes se situait plus sur la capacité à changer de rythme, sur la vitesse de déplacement et puis sur la capacité à enchaîner les actions qui était plutôt inégale). Il semble alors que la conception partagée de l’enseignement du démarquage relève d’une approche dialectique et autorise une réelle dévolution que ne permettait pas la situation de 2 contre 1. Or, une intervention du formateur relance la discussion sur la suppression du dribble: quelles sont les raisons pour lesquelles tu as supprimé le dribble pour le porteur de balle? Il ressort, des réponses des enseignants, que le dribble est perçu comme un problème et non comme une véritable ressource pour la progression du ballon. L’enseignant (E7) concepteur de la situation reçoit ainsi le soutien de quatre autres enseignants (E1, E2, E3 et E4), qui développent un argumentaire autour de la contrainte excessive que représentait l’ajout du dribble, tel qu’il a été proposé dans un second temps. Cet argumentaire se déploie dans les deux exemples d’échanges suivants:

E4: Moi je trouve surtout qu’une fois qu’on a donné le dribble au porteur de balle, ça n’a pas modifié vraiment le jeu, c’est-à-dire qu’on a vu des dribbles, mais c’était surtout des dribbles de contrôle. C’est-à-dire que quand le gamin a récupéré la balle, il faisait un dribble de contrôle, mais il se retrouvait finalement dans la même situation qu’avant et…

E3: Il a perdu du temps.

E4: Voilà, il a perdu du temps et finalement ça n’a pas modifié tant que ça le jeu à part un ou deux élèves…

E1: Ça ralentit encore plus le jeu.

Cet échange impliquant trois enseignants traduit le sentiment que l’introduction du dribble au motif d’une plus grande authenticité de la situation n’apporte rien sur le plan des apprentissages visés chez les non-porteurs. Le deuxième échange, présenté ci-après, conforte cette position.

Formateur: Pourquoi le dribble, manifestement, a perturbé les élèves et a fait que la qualité des réponses était nettement moins intéressante que ce qui s’était produit dans le trois contre deux sans dribble?

E1: Et bien parce que ça ajoute un choix supplémentaire. Ça ajoute un choix.

E2: Une contrainte de choix surtout.

E3: Pour moi c’est un problème technique plus qu’autre chose et moi j’ai vu des gamins essayer de vouloir dribbler, ils essaient de faire le bon choix au départ et après c’est le ballon qui l’emmène plus qu’autre chose.

E1: Oui ça c’est vrai parce que…

E3: Et après il se retrouve dans des situations où finalement ça devient n’importe quoi.

E1: Mais c’est aussi que quelque part il est obligé de se dire: est-ce que je dribble ou est-ce que… Donc ça rajoute un choix.

E3: À ce moment-là ce n’est pas en modifiant la situation et en disant qu’on va réintégrer le choix pour le porteur de balle en le laissant dribbler que ça va forcément être efficace. C’est un autre problème.

E1: Oui ça fait travailler autre chose.

E3: L’échec il a une autre raison. Dans ce cas-là on n’est plus sur un travail plus technique on va dire de contrôle de balle, de capacité.

E4: …pour rejoindre un peu ce que tu dis, moi je trouve surtout qu’à ce niveau de jeu-là, l’espace étant réduit, le dribble est plus un problème parce que, finalement, tu dribbles quand tu as du champ devant toi et quand tu as un peu d’espace et pour progresser. Là, finalement, l’espace est tellement réduit que le dribble, tu en fais un, tu en fais deux et puis le défenseur est sur toi, donc c’est tout de suite un problème. Donc il n’y a pas à dribbler.

En conséquence, l’utilisation du dribble est reportée à «plus tard» selon E4 (suite des échanges), car elle empêche de se faire des passes. Le drible n’est donc pas travaillé, il est même dévalorisé. Pourtant, l’analyse du jeu des débutants dans la littérature experte montre que lorsque ceux-ci se font des passes, ils perdent autant ou plus de balles que lorsqu’ils dribblent. Le savoir qui est en jeu est marqué par la volonté de E7 de voir apparaître des comportements indiquant que les élèves participent au jeu collectif en se démarquant et en se faisant des passes, souvent au détriment de l’efficacité, quitte à adopter des conduites inappropriées à la gestion du rapport de force. L’activité de régulation de l’enseignant concepteur de la situation s’inscrit dans cette optique, toutes les interventions portent en effet sur les conduites des non-porteurs. L’introduction, dans un second temps, de l’autorisation de dribbler se fait sans que la dimension de coordination des actions entre le porteur de balle et les non-porteurs ne soit abordée, alors que cela constitue un élément important de l’approche dialectique des sports collectifs.

5. Discussion

Un certain nombre d’autres travaux que ceux cités dans le cadre conceptuel investiguent plus ou directement l’épistémologie pratique des enseignants d’ÉPS. Ils infèrent l’épistémologie pratique ou des éléments de celle-ci à partir d’études de cas de situations ordinaires d’enseignement-apprentissage. Ainsi, Buznic, Terrisse et Lestel (2008) étudient le poids de l’expérience personnelle de l’enseignant dans une activité physique, sportive et artistique sur son enseignement effectif. Ils tentent ainsi de «montrer combien ces expériences, principalement l’expérience personnelle dans l’Activité Physique, Sportive et Artistique, déterminent les enjeux subjectifs de l’enseignant inscrit dans le didactique et par conséquent le déroulement du processus didactique» (p. 77). De leur côté, Poggi et Brière (2015), en associant didactique et sociologie, cherchent à «appréhender les tensions qui s’exercent entre intentionnalité de l’acteur et dispositions incorporées, et leur mobilisation sélective (une partie d’entre elles) en situation» (p. 90).

L’apport original de cet article se situe, nous semble-t-il, dans la méthodologie utilisée pour documenter l’épistémologie pratique des enseignants. Nous avons fait l’hypothèse que les débats suscités dans un dispositif de formation, au cours duquel les enseignants sont amenés à faire une analyse didactique de situations d’apprentissage, pouvaient permettre de dévoiler des éléments relatifs à cette épistémologie pratique. Cette hypothèse semble se confirmer dans la mesure où c’est dans les moments de controverses qu’apparaissent plus explicitement les conceptions des enseignants contrastant avec les points de vue en apparence consensuels des premiers moments d’analyse.

Par ailleurs, c’est à travers un dispositif de formation long (60 heures de formation dans le dispositif présenté) qu’il est possible d’envisager de mettre au jour des évolutions dans les épistémologies pratiques des enseignants. Ainsi, l’observation, pour la première situation d’apprentissage (2 contre 1), d’une conception fortement teintée de technicisme, et, pour la seconde situation d’apprentissage (3 contre 2), de conceptions plus composites où des propositions didactiques technicistes côtoient des propositions plus orientées vers une approche dialectique semble étayer cette hypothèse. Les 14 mois séparant les moments d’analyse que nous avons exposés (le 2 contre 1 puis le 3 contre 2) peuvent sans doute, en partie, expliquer cet effet. Il s’agit néanmoins de rester prudent quant aux déterminants de ces évolutions et ne pas négliger un éventuel effet de désirabilité sociale (Paulhus, 2002) entendu comme le biais qui consiste à vouloir se présenter sous un jour favorable à son interlocuteur (le formateur et/ou ses collègues enseignants) et, par là même, à faire des propositions didactiques intégrant les apports fournis par le formateur.

6. Conclusion

Cet article présente une façon originale d’étudier les épistémologies pratiques des enseignants d’ÉPS. Cette originalité réside dans la tentative d’inférer ces épistémologies pratiques à partir des débats et controverses organisés dans le cadre d’un dispositif de formation continue. Dans ce dispositif, les enseignants étaient incités à réaliser une analyse didactique de situations d’apprentissage en basket-ball. Nous avons ainsi montré que les débats provoqués par ce travail d’analyse permettaient le dépassement des consensus de surface pour accéder à l’épistémologie pratique des enseignants grâce à l’utilisation des descripteurs de l’action conjointe.

Si cette contribution permet d’identifier des épistémologies pratiques à l’oeuvre dans des situations d’apprentissage et dans des débats à propos de l’analyse de ces situations, elle ouvre par ailleurs un champ d’investigation des conditions de construction et d’évolution de ces épistémologies pratiques, notamment par le biais des apports externes en formation tels que les savoirs experts. Nous avons ainsi pu observer un processus d’appropriation progressif et partiel des apports externes fondé sur une logique de compromis (Grosstephan, 2010). Des éléments issus de ces savoirs experts sont alors intégrés aux conceptions didactiques des enseignants selon un dosage qu’ils considèrent comme acceptable. On assiste ainsi à une sorte de compromis entre ces apports externes et leurs conceptions initiales. Mis en regard des conditions dans lesquelles ces apports externes ont été réalisés, ces résultats ouvrent des perspectives de réflexion sur les dispositifs de formation visant à contribuer à la transformation des épistémologies pratiques des enseignants.