Recension

Rayou. P. (dir.) (2015). Aux frontières de l’école. Institutions, acteurs et objets. Saint-Denis : Presses Universitaires de Vincennes[Record]

  • Félix Morin

…more information

  • Félix Morin
    Université du Québec à Montréal

L’ouvrage dirigé par Patrick Rayou, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, s’intéresse aux reconfigurations contemporaines des frontières de l’école française. Depuis 30 ans, la massification du second degré (équivalent du secondaire au Québec) et de l’enseignement supérieur a suscité des interrogations sur la nature de l’école et sur ce qui «circule entre elle-même et le reste de la société» (p. 5). L’école républicaine a pu faire tenir la tension entre les modes de socialisation scolaire et non scolaire en faisant de l’école ce lieu où tous les enfants venaient pour apprendre et où leur réussite se faisait selon leur mérite et leur engagement. Or, cela a été vivement critiqué. L’une des dénonciations contemporaines des faiblesses de l’école serait la porosité de celle-ci aux influences externes. Cette idée comporte deux limites. La première est de ne considérer que ce qui entre dans l’école. La seconde limite serait d’oublier que ce qui entre et sort de l’école se fait au prix d’une altération de sa nature. À cette critique de la porosité de l’école s’ajoutent deux postures. La première, pessimiste, voudrait faire de l’école un sanctuaire par peur de la voir altérée. La seconde, optimiste, prône une ouverture plus large vers l’extérieur par peur que l’école soit «étrangère aux logiques et pratiques du monde réel» (p. 8). Or, l’école fait partie du social, et les deux postures n’ont pas à l’opposer à la société. S’appuyant sur la notion de «forme scolaire», le directeur de cet ouvrage avance que l’école républicaine s’appuyait sur une réduction de la société à l’État-nation et que cela a ébranlé ses fondements dans l’après-guerre. Comme il le mentionne, cet «échec qui marque toujours les débats contemporains sur l’école impose de poursuivre l’effort de découplage entre socialisation scolaire générale et socialisation spéciale […]» (p. 8). Ces différentes tensions ne sont pas étrangères à la forme scolaire. L’école n’a jamais été étanche au monde social. Cependant, elle doit aujourd’hui «composer davantage avec la partie du monde dont elle se distingue […]» (p. 9). Ainsi, la réduction des frontières internes et externes de l’école n’a rien à voir avec leur effacement. Elles sont même, selon l’auteur, «indépassables» (p. 11). L’idée de ce livre est de refuser le caractère naturel des différentes frontières de l’école pour mieux voir leurs usages dans le monde contemporain. Les auteurs de ce collectif veulent rendre compte des évolutions du rapport de l’école à la société tout autant qu’ils veulent rendre compte des rapports des différents acteurs aux différentes prescriptions. Les contributions de ce livre sont séparées en trois parties. La première partie traite «des frontières à l’épreuve». Le premier chapitre, de Robin, porte sur l’externalisation de l’école d’une partie du travail scolaire par les devoirs et sur ce que cela fait reposer comme pression de réussite sur les familles des milieux populaires. Le second chapitre, écrit par Rubi, porte sur le seuil que les élèves franchissent lorsqu’ils arrivent en 6e (équivalent de la 6e année au Québec) et sur les façons dont ils vivent ces réorganisations et accommodements à partir de dessins et de récits. Le troisième chapitre, de Périer, montre de quelle manière la classe devient de plus en plus perméable aux arrangements entre enseignant et élèves, mais que les parents jouent aussi un rôle important dans ces arrangements. Cette première section se termine par un texte de Moignard et Ouafki qui aborde les politiques publiques s’attaquant au désordre scolaire en les voyant comme un repli des frontières de l’école sur elle-même. La deuxième section porte sur les «lignes qui bougent». Le premier texte, de Rayou, présente les manières dont …