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1. Introduction

1.1 Problématique

Les chercheur·e·s en sciences humaines s’accordent aujourd’hui pour reconnaître le rôle crucial des émotions dans l’apprentissage (Audrin, 2020). Au sein du contexte universitaire, les émotions vécues par les étudiants·e·s n’ont, toutefois, pas été l’objet d’intérêt premier de la pédagogie universitaire. En effet, la période de transition entre l’enseignement secondaire et supérieur a fait l’objet de recherches visant prioritairement à déterminer les facteurs «cognitifs» de réussite et d’échec des étudiant·e·s. Ce n’est que plus tard que le rôle des facteurs «émotionnels» dans l’adaptation et la réussite académique a été considéré (Chiang et Liu, 2014; Schmitz et Frenay, 2013).

Notre étude s’inscrit dans cette seconde mouvance et rejoint les développements de Pekrun sur l’importance des «émotions académiques[1]» des étudiant·e·s universitaires (Pekrun et al., 2002). En effet, nous nous focaliserons entre autres sur ce qui explique le vécu émotionnel des étudiant·e·s universitaires durant cette période charnière qu’est la préparation aux premiers examens.

L’étude de Fischer, Romainville et Philippot (2020) met en avant trois catégories émotionnelles ressenties chez les étudiant·e·s universitaires à cette période: d’abord, le stress et le manque de confiance, ensuite les émotions agréables telles que le plaisir d’apprendre ou l’intérêt pour les contenus à mémoriser, enfin des émotions désagréables telles que la culpabilité, la frustration ou encore, le découragement. Nous savons donc que des émotions diverses émergent chez les étudiant·e·s à cette période. Toutefois, nous n’en savons que peu sur ce qui les génère. La présente étude explorera empiriquement ce qui fait naître les émotions académiques chez les étudiant·e·s. Ensuite, nous nous centrerons sur ce qui pourrait influencer leur capacité à réguler ces émotions. À cette fin, nous investiguerons la manière dont les étudiant·e·s considèrent ces émotions et leur régulation à cette période (leurs «théories personnelles» sur celles-ci).

La présente étude se différencie des études antérieures ayant investigué les «facteurs émotionnels» en jeu dans la transition entre l’enseignement secondaire et supérieur sur différents points. Tout d’abord, ces études se sont, pour la plupart, focalisées sur le stress et l’anxiété des étudiant·e·s et non sur d’autres émotions académiques (Grebot et Barumandzadeh, 2005; Saklofske et al., 2012; Thompson, 2015). Ces études mettent en lumière que les étudiants qui voient cette transition comme une menace ressentent davantage d’anxiété et s’y ajustent plus difficilement (recours à des stratégies plus dysfonctionnelles telles que la consommation de substances, le refuge dans le sommeil, un comportement auto- ou hétéro-agressif, etc.), provoquant un risque de désengagement de l’étudiant·e dans ses études. Au sein de notre étude, nous considérerons que des émotions académiques variées (agréables et désagréables) (Fischer et al., 2020) peuvent être ressenties dans la période selon l’évaluation que fait l’étudiant·e de la situation. Le modèle de Scherer (2001) expliquant la genèse des émotions sera notre grille de lecture pour analyser nos données selon cette position.

En lien avec cette première différence, nous utiliserons le champ conceptuel plus englobant de la régulation émotionnelle (Philippot, 2011) plutôt que celui du coping. En effet, beaucoup d’études en pédagogie universitaire se fondent sur les théories du coping (Lazarus et Folkman, 1984). Elles mettent en lumière différentes stratégies de coping utilisées par les étudiant·e·s pour faire face à une situation perçue comme «menaçante» (Mazé et Verlhiac, 2013; Thompson, 2015). Ce champ ne nous semble pas totalement adéquat puisque nous souhaitons investiguer la genèse d’émotions académiques variées (et non uniquement du stress et de l’anxiété). En outre, notre second but est d’explorer les théories personnelles des étudiant·e·s sur les émotions académiques et leur régulation. Cette variable suppose une position «méta» de l’étudiant sur ses ressentis émotionnels et sa manière de les gérer. Nous n’avons pas identifié de variable de ce type dans les théories du coping alors que différents auteurs du champ de la régulation émotionnelle mettent en avant l’importance de ce type de croyances (De Castella et al., 2018; Tamir et al., 2007).

Pour finir, à notre connaissance, aucune étude n’a, à ce jour, exploré la préparation des premiers examens universitaires, la genèse des émotions académiques et les théories personnelles des étudiant·e·s dans ce contexte. Utiliser les théories psychologiques de la genèse des émotions et de leur régulation au profit de la pédagogie universitaire semble donc constituer une démarche innovante. En effet, peu d’études investissent la thématique de la régulation des émotions académiques (Leroy et al., 2013) malgré un nombre croissant d’arguments attestant de l’importance de celle-ci pour l’adaptation de l’étudiant·e au contexte universitaire et pour sa réussite académique (Andrés et al., 2017). En effet, la régulation émotionnelle aiderait notamment l’étudiant·e à dépasser les difficultés auxquelles il ou elle est confronté·e dans l’étude (par exemple, résister à la tentation de faire autre chose qu’étudier) et à focaliser son attention sur les contenus à mémoriser, permettant ensuite leur traitement.

Précisons un dernier élément lié au contexte de l’enseignement supérieur belge. Cette période de préparation des examens universitaires (nommée «blocus» par les étudiant·e·s) suit une organisation temporelle particulière: elle se condense en deux semaines en fin de quadrimestre, caractérisées par l’arrêt des activités d’enseignement et une focalisation (dans l’optimal) de l’étudiant·e sur les cours en vue de leurs évaluations.

1.2 Questions de recherche

Notre première question apporte du matériau empirique permettant de mieux comprendre ce qui génère les émotions académiques des étudiant·e·s durant la préparation des premiers examens universitaires. Plus concrètement, cette question investigue les composantes de la situation d’apprentissage visée qui sont évaluées par les étudiant·e·s selon le modèle de Scherer (2001) et qui provoquent les émotions:

  1. Quelles composantes du modèle de Scherer (2001) sont évaluées par les étudiant·e·s dans la situation visée?

Nous nous penchons ensuite sur les croyances que possèdent les étudiant·e·s sur ces émotions et leur régulation au sein de la période visée:

  1. Quelles théories personnelles possèdent les étudiant·e·s sur les émotions académiques et leur régulation au sein de cette période?

2. Cadre théorique

Ce cadre théorique présente d’abord la théorie de la genèse des émotions sur laquelle nous nous appuyons (Scherer, 2001). Ensuite, la régulation émotionnelle est définie et mise en lien avec le concept des théories personnelles sur les émotions et leur régulation.

2.1 La genèse des émotions académiques selon le modèle de Scherer (2001)

Dans cette recherche, la compréhension de la genèse des émotions se base sur le modèle de Scherer (2001). Ce modèle fait partie du courant des théories de l’évaluation cognitive. L’hypothèse sous-jacente à ce courant (et donc au modèle que nous privilégions) est que toute émotion résulte d’une évaluation continuelle de l’environnement par l’individu (Sander et al., 2005; Scherer, 1999). Ce modèle psychologique n’explique initialement pas le déclenchement des émotions académiques, mais il nous a semblé pertinent à utiliser dans notre contexte. En effet, il semble qu’il puisse permettre de mieux comprendre les dimensions d’évaluation générant des émotions académiques durant la période visée et, par conséquent, expliquer pourquoi une situation peut provoquer des émotions différentes d’un·e étudiant·e à l’autre. Notons que nous nous focaliserons prioritairement sur ce qui déclenche les émotions académiques dans cette situation (et moins sur leur nature) et sur les émotions ressenties durant la préparation des examens (et non en anticipation ou après celle-ci) (Pekrun et al., 2002).

Nous tissons maintenant des liens entre ce modèle (Scherer, 2001) et la situation de l’étudiant·e préparant ses premiers examens universitaires. Les émotions ressenties par l’étudiant·e dans cette situation résulteraient de l’évaluation de cinq composantes de cette situation présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 1

Évaluation des cinq composantes dans la situation visée (Scherer, 1999)

Évaluation des cinq composantes dans la situation visée (Scherer, 1999)

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Ces étapes d’évaluation ne seraient pas nécessairement toutes suivies dans toutes les émotions (par exemple, la surprise nécessite seulement l’évaluation du premier critère) et pourraient être automatiques. Ajoutons également que ce modèle ne propose pas de définition de ce qu’est une norme[2] (cinquième composante), mais s’en tient à l’illustration de ce concept.

Un autre modèle en pédagogie universitaire a également proposé une explication quant à la source des émotions ressenties dans l’apprentissage. Il nous semble toutefois moins complet. En effet, le modèle contrôle-valeur (Pekrun, 2006) met en avant uniquement deux dimensions que tout apprenant·e évaluerait dans son environnement d’apprentissage: le contrôle subjectif évalué par l’apprenant·e sur les activités, les tâches et leurs résultats ainsi que la valeur subjective de ces activités et de ces résultats. Selon Pekrun (2006), plus l’apprenant·e perçoit du contrôle, plus cela se traduit par une émotion agréable. En ce qui concerne la valeur perçue, elle serait liée à l’intensité des émotions ressenties. Par exemple, si l’examen (et sa réussite) est crucial pour l’étudiant·e, il ou elle lui attribue une forte valeur, l’émotion ressentie est alors intense (négative s’il ou elle perçoit un manque de contrôle dans la situation; positive dans le cas contraire).

En bref, selon notre hypothèse, cette situation de préparation aux premiers examens universitaires fait naître des émotions chez l’étudiant·e à la suite de l’évaluation qu’il ou elle fait de différentes composantes de la situation. Une fois l’émotion apparue, nous estimons que l’étudiant·e pourrait ressentir le besoin de la réguler, notamment si elle l’empêche d’assurer la continuité de ses buts de formation, ce qui nous mène au coeur de notre seconde interrogation.

2.2 La régulation émotionnelle et l’importance des théories personnelles des étudiant·e·s sur les émotions et leur régulation

Malgré son potentiel adaptatif (informer l’apprenant·e sur la satisfaction de ses besoins), l’émotion peut parfois nuire à l’apprentissage. Par exemple, si son intensité est disproportionnée, elle risque de dérober des ressources cognitives utiles à l’étudiant·e (Sander, 2019): ressources attentionnelles, mnésiques, etc. C’est la raison pour laquelle il nous semble crucial de mieux comprendre ce qui sous-tend la régulation émotionnelle en situation académique.

Philippot (2011) définit la régulation émotionnelle comme «les processus et comportements que l’individu peut mettre en oeuvre, consciemment ou non, afin de moduler ou de changer ses réponses émotionnelles (émotions régulées) ou son mode d’interaction (émotions régulatrices)» (p. 117). Cette régulation peut porter à la fois sur les émotions agréables et désagréables. Elle ne se limite d’ailleurs pas à un contrôle de l’émotion désagréable, mais s’ouvre à la capacité de l’apprenant·e à agir sur l’émotion dans le sens désiré, à savoir ici celui qui lui permet de poursuivre ses buts d’apprentissage[3]. Celle-ci est opérationnalisée par des stratégies de régulation émotionnelle que peut mettre en place (consciemment ou pas), l’apprenant·e pour moduler l’émotion. Ces stratégies, largement investiguées dans les recherches en psychologie clinique (Garnefski et Kraaij, 2007; Gross, 1998) correspondent au «comment» l’individu régule l’émotion.

La littérature est toutefois peu fournie sur «pourquoi» l’étudiant·e met en place cette régulation. C’est l’objet de notre seconde question de recherche. Différents facteurs antécédents de la régulation émotionnelle sont aujourd’hui mis en lumière, dont notamment l’importance des théories d’un individu sur ses émotions et leur régulation. En effet, Ford et Gross (2018) avancent l’idée que ces croyances sont capitales, car elles façonnent la manière dont une personne interagit avec son environnement. Ces théories guident ensuite la manière dont elle régule effectivement les émotions. Il nous semble donc pertinent d’investiguer les théories personnelles des étudiant·e·s sur les émotions et leur régulation puisqu’il s’agit d’une étape nécessaire pour avancer dans la compréhension de leur régulation émotionnelle effective.

Nous définissons les «théories personnelles sur les émotions et leur régulation» comme un ensemble de croyances reliées et organisées, que possède une personne à propos de ses propres émotions et de leur régulation (ou à propos des émotions d’autrui et de leur régulation). Selon nous, il ne s’agit pas uniquement de «croyances isolées», mais d’un ensemble de croyances qui forment un réseau. Le terme de «théorie» renvoie donc à cette idée et est inspiré de la littérature sur les «théories implicites» de l’intelligence (Dweck et al., 1995). Ensuite, ces théories sont personnelles, car elles sont construites par l’individu (même si elles sont influencées par son contexte socioculturel, familial, scolaire, etc.). Pour finir, elles peuvent porter sur divers «objets» émotionnels (caractéristiques des émotions, causes de celles-ci, régulation émotionnelle, etc.). Dans le cadre de cette étude, nous nous focaliserons sur ce que pensent les étudiant·e·s des émotions académiques qu’ils ou elles ressentent et sur leur régulation dans la période visée.

3. Méthode

3.1 Choix de l’outil d’analyse

Une analyse de contenu thématique a été réalisée sur la base de 23 entretiens semi-structurés réalisés avec des étudiants·e·s universitaires primo-arrivant·e·s. Ces entretiens visaient à explorer les théories personnelles des étudiant·e·s, leur propre manière de donner sens aux émotions et à leur régulation dans la situation ciblée. 

L’analyse de contenu thématique semblait particulièrement adaptée à l’investigation de l’expérience d’une première période de préparation à des examens, expérience certes commune à tous les étudiant·e·s primo-arrivant·e·s à l’université, mais qui ne se départit jamais d’une dimension émotionnelle éminemment personnelle. Dans cette optique, différents verbatim illustratifs étayeront notre analyse. De manière complémentaire à cette logique qualitative, nous mettrons en avant les fréquences indiquant les thèmes particulièrement prégnants dans nos données.

Pour clôturer, comme le propose Lejeune (2019), le ou la chercheur·e en analyse qualitative doit cultiver une «sensibilité théorique»: il ou elle doit connaître la littérature et s’en nourrir, mais veiller aussi à rester ouvert·e à l’inattendu émergeant des données. Nous partageons cette position et la concrétiserons en utilisant le cadre théorique présenté ci-avant comme grille d’analyse de nos données, tout en restant ouvert à ce qui émerge de surprenant au sein de ce que nous rapportent les étudiant·e·s. Précisons que la place accordée à la théorie sera différente pour répondre à nos deux questions (une place moindre est accordée à la théorie pour répondre à la seconde question, car les développements conceptuels sur les théories personnelles des étudiant·e·s n’en sont qu’à leur balbutiement).

3.2 Présentation des participant·e·s

L’ensemble des 23 étudiant·e·s interrogé·e·s étaient en première année dans une université belge francophone. Ils avaient marqué leur accord à l’occasion d’une étude précédente pour être recontacté·e·s pour un entretien. Au sein de ce groupe, la chercheure a constitué un échantillon comprenant des filles et des garçons issus de quatre facultés visées. Six étudiant·e·s étaient issus de la Faculté d’économie, 1 d’informatique, 5 de droit et 11 de philosophie et lettres. Neuf d’entre eux étaient des garçons et 14 des filles. Ils ou elles avaient entre 18 ans et 22 ans et venaient d’expérimenter la préparation aux premiers examens universitaires en décembre 2018 et janvier 2019 (l’entretien s’est déroulé en avril ou mai 2019).

3.3 Modalités de récolte des données

Un guide d’entretien a été réalisé notamment sur la base de la littérature scientifique et a été prétesté. Ce canevas, utilisé avec souplesse, permettait à la chercheure d’aborder les thématiques essentielles tout en laissant la possibilité de rebondir sur les informations amenées par le sujet. Les thèmes suivants ont notamment été abordés: questions introductives sur le vécu du quadrimestre, perception générale de la période de préparation aux examens, source des émotions académiques vécues, théories personnelles générales sur les émotions et leur régulation à cette période.

Au début de chaque entretien, la chercheure rappelait le but de l’étude, les modalités pratiques et les considérations d’ordre éthique. Chaque entretien a duré entre 45 minutes et une heure trente et a été enregistré. Les entretiens se sont déroulés dans un local de l’université, réservé à cet effet et situé dans un environnement calme.

Il a été demandé à chaque étudiant·e de décrire son état émotionnel à la suite de l’échange, conformément à la préconisation du comité d’éthique de l’université. Cette précaution a permis de s’assurer que l’étudiant·e sortait de l’entretien serein·e (sinon il était référé au centre médico-psycho-social). Les méthodes de récolte des données et l’ensemble de la méthodologie avaient préalablement été approuvées par les doyen·ne·s des différentes facultés ainsi que par le comité d’éthique en sciences humaines et sociales de l’université (le numéro de protocole éthique attribué est le 2018/7).

3.4 Traitement des données

Les entretiens ont d’abord été retranscrits par la chercheure dans leur intégralité ainsi qu’anonymisés (des prénoms d’emprunt sont utilisés). L’analyse de contenu de nos deux questions de recherche a été réalisée à l’aide du logiciel NVivo 12 selon la démarche de l’analyse de contenu thématique (Paillé et Mucchielli, 2005).

Tout d’abord, la chercheure a procédé à la lecture «flottante» des entretiens afin de s’immerger dans les données et de repérer les points intéressants et/ou surprenants en lien avec les questions de recherche. Ensuite, la phase principale de traitement des données a consisté à coder rigoureusement les entretiens, à savoir repérer les thèmes principaux qui en émergent et qui éclairent les questions posées. Cette étape de codage a été réalisée par deux chercheur·e·s indépendant·e·s. Elle a permis le passage des données brutes à des codes thématiques de niveaux conceptuels supérieurs (Yin, 2015), pouvant être inspirés de la littérature. Cette étape a permis d’aboutir à la création d’une grille de codage finale par question. Notons que les chercheur·e·s ont discuté ensemble de leurs zones d’incompréhension au sein des données pour stimuler la réflexivité et nuancer les pistes d’interprétation possibles.

4. Résultats

La présentation et l’analyse des résultats seront organisées en deux parties, découlant de nos questions de recherche.

4.1 Les composantes du modèle de Scherer (2001) évaluées par les étudiant·e·s dans la situation visée

Le tableau 2 présente les composantes de la situation visée qui ont été rapportées par les étudiant·e·s, comme liées au déclenchement des émotions académiques (elles sont reprises dans le tableau par ordre de fréquence). Le nombre d’étudiant·e·s qui ont fait référence à cette composante en lien avec l’émergence d’émotions académiques est présent dans la colonne de droite.

Tableau 2

Tableau de codage pour la question 1

Tableau de codage pour la question 1

Tableau 2 (continuation)

Tableau de codage pour la question 1

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En premier lieu, les étudiant·e·s perçoivent cette situation comme plus ou moins négative ou positive: ils ou elles en évaluent la valence. La préparation des premiers examens universitaires est perçue comme négative (7/23), positive (2/23) ou les deux à la fois (14/23) par les étudiant·e·s interrogé·e·s. Il est intéressant de constater que la majorité des étudiant·e·s voient cette période comme un «mélange» positif et négatif, dépassant ainsi une évaluation dichotomique de cette situation. En outre, les témoignages des pairs ou de l’enseignant·e à ce sujet ont, notamment, influencé l’évaluation qu’en ont fait les étudiant·e·s. Par conséquent, face à la nouveauté de cette situation, l’étudiant·e se réfère entre autres aux indices transmis par autrui pour s’en faire un jugement.

En deuxième lieu, l’évaluation du potentiel de maîtrise de l’étudiant·e sur la situation est largement présente au sein des entretiens également (22/23). Il semble que cette situation renvoie l’étudiant·e à sa capacité à faire face aux défis qu’il ou elle rencontre selon les ressources dont il ou elle dispose. Plus que de témoigner d’un contrôle ou d’un manque de contrôle perçu dans la situation, ces 22 étudiant·e·s ont rapportés de manière nuancée différents facteurs faisant varier le potentiel de maîtrise perçu dans cette situation. Tout d’abord, la manière dont l’étudiant·e se connaît lui-même ou elle-même en tant qu’apprenant·e fait varier le contrôle qu’il perçoit dans cette situation (par exemple, se connaît-il ou elle assez pour savoir comment rester motivé pour étudier sur une longue période?). Ensuite, les étudiant·e·s rapportent qu’ils ou elles perçoivent davantage de contrôle dans la situation lorsque l’enseignant ou les pairs leur communiquent des messages soutenants en lien avec cette période. Ce qui est communiqué oralement sur cette période influence également la valence perçue de la situation, comme expliqué ci-dessus. La perception de l’étudiant·e de disposer de bonnes stratégies méthodologiques (notamment en gestion du temps) est un autre facteur augmentant sa perception de contrôle, tout comme le fait d’avoir consenti à suffisamment d’efforts et de sacrifices durant le quadrimestre. Pour finir, le contrôle évalué dans cette période dépend également de l’adéquation perçue entre le contexte d’étude et les besoins de l’étudiant·e (par exemple, ne pas étudier seul·e si l’on craint la solitude). Ces facteurs nous semblaient intéressants à décrire puisqu’ils indiquent ce qui aiderait ou non les étudiant·e·s à se sentir plus en maîtrise de la situation et donc, à diminuer leurs émotions désagréables.

En troisième lieu, les étudiant·e·s tissent des liens entre les émotions académiques qu’ils ont expérimentées et les buts que la préparation aux examens universitaires a activés en eux (21/23). Différents buts sont rapportés comme «activés» par la situation de préparation des examens tels que «réussir son année», «faire un métier qu’on aime» ou encore «rendre fiers ses parents» (la réussite des examens est vue comme favorisant l’atteinte de ces buts). Les étudiant·e·s témoignent qu’ils ou elles perçoivent ces buts comme plus ou moins importants selon la valeur attribuée au but (Pekrun, 2006). En effet, ce n’est pas seulement le but, mais aussi l’importance qu’il revêt aux yeux de l’étudiant·e qui semble entrer en jeu dans l’évaluation de cette situation.

En quatrième lieu, les étudiants soulignent que la situation ciblée est une expérience nouvelle pour eux (19/23). Ils ou elles rapportent que cette période est vécue comme une première expérience, un test sur soi et que cette nouveauté est génératrice d’émotions. Ils ou elles disent prioritairement être confronté·e·s à l’inconnu vis-à-vis des attentes et des exigences aux examens universitaires. Ils ou elles expriment également être face à la nouveauté en ce qui concerne le déroulement concret de cette période et d’un examen universitaire. Douze étudiant·e·s sur 23 rapportent que cet «effet de surprise» lié à la première période de préparation des examens universitaires les rend démuni·e·s et diminue leur potentiel de maîtrise. On observe ici un lien entre l’évaluation de la «nouveauté» et du «potentiel de maîtrise». Le sens du lien observé dans nos données est le suivant: le caractère nouveau de la situation diminue la perception de contrôle de l’apprenant·e sur celle-ci. Par exemple, Fanny considère qu’elle aura moins de difficultés face aux examens de juin ou dans la suite de son bachelier (augmentation du potentiel de maîtrise), car elle saura quoi faire pour se préparer aux examens.

Enfin, une dernière composante se rapporte à l’évaluation de la situation comme en accord ou désaccord avec les normes de l’étudiant·e. Cette composante apparaît dans nos données lorsque l’étudiant·e fait référence à des standards externes à lui-même ou à elle-même (par exemple, la manière dont ses parents ou son groupe d’amis conçoivent la réussite ou l’échec à l’université) ou internes (ce qu’il ou elle juge acceptable de rater ou de réussir pour une première session universitaire, par exemple). Cette dimension est moins présente au sein des entretiens (6/23) que les autres dimensions. Il semblerait donc que les émotions académiques ne naissent pas prioritairement de l’évaluation que fait l’étudiant·e de cette composante (ou qu’il s’agit d’une composante qui émerge moins à sa conscience).

En conclusion, l’analyse des entretiens sur la base du modèle de Scherer (2001) nous mène à voir que les cinq composantes de ce modèle sont rapportées par les étudiant·e·s interrogé·e·s (à des fréquences différentes) dans la situation visée. Aucune autre composante, non attendue par ce modèle, n’émerge de nos données. Ce modèle semble donc offrir une grille de lecture complète pour mieux comprendre l’apparition d’émotions académiques à cette période. Outre le nombre d’étudiant·e·s qui font référence à la composante, l’analyse des entretiens avec ce modèle nous a aussi permis de découvrir que le potentiel de maîtrise était particulièrement décrit par les étudiant·e·s comme une source centrale de leurs émotions académiques à cette période. Pour rappel, si l’étudiant·e perçoit un faible potentiel de maîtrise, il ou elle ressentira davantage d’émotions désagréables (Pekrun, 2006). Cela peut expliquer pourquoi le stress et le manque de confiance (bien que l’expérience émotionnelle de l’étudiant·e ne s’y limite pas) sont ressentis le plus fréquemment à cette période (Fischer et al., 2020). Enfin, un lien entre le potentiel de maîtrise et la nouveauté de la situation apparaît au sein de nos données. Il met en évidence que certaines interactions dans l’évaluation de ces composantes peuvent avoir lieu pour expliquer la genèse des émotions académiques.

4.2 Les théories personnelles que possèdent les étudiant·e·s sur les émotions académiques et leur régulation au sein de cette période

Le tableau 3 reprend les contenus les plus fréquents permettant d’éclairer la seconde question de recherche sur les théories personnelles des étudiant·e·s vis-à-vis des émotions académiques (TP.EA) et leur régulation dans la situation visée (TP.REA).

Tableau 3

Tableau de codage pour la question 2

Tableau de codage pour la question 2

Tableau 3 (continuation)

Tableau de codage pour la question 2

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Premièrement, les théories personnelles les plus fréquentes que possèdent les étudiant·e·s sur les émotions académiques révèlent qu’ils ou elles estiment que l’émotion a un impact sur l’apprentissage (11/23). Comme Wendy en témoigne, les pensées négatives associées à certaines émotions envahissent l’esprit et empêchent alors l’étude. Philippine ajoute: «Le temps qu’elles [émotions désagréables] s’en aillent, je ne fais rien.» L’analyse des données nous permet d’attester que ces 11 étudiant·e·s rapportent des impacts généralement nuisibles de l’émotion sur la cognition lorsqu’ils ou elles étudient en vue de leurs examens.

Toutefois, les étudiant·e·s interrogé·e·s ne se limitent pas à concevoir l’émotion académique comme un obstacle. En effet, les théories personnelles rapportées ensuite mettent en lumière la valeur épistémique qu’ils ou elles attribuent aux émotions dans la situation visée. Elles mettent en avant qu’ils ou elles considèrent l’émotion comme porteuse d’un message (Mikolajczak et al., 2009). Aurélien, doutant de son choix d’orientation éducative, conclut que «parfois, les émotions négatives sont vraiment trop importantes par rapport aux positives, mais je trouve que c’est nécessaire parfois que les émotions négatives ressortent. Parce qu’on se rend compte de trucs». Selon huit étudiant·e·s, l’émotion agréable ressentie à cette période viendrait confirmer que la méthode de travail employée par l’étudiant est adaptée au contexte. À l’inverse, des émotions désagréables porteraient le message que les stratégies d’apprentissage sont à remettre en question. En outre, sept étudiant·e·s expriment la croyance que les émotions ressenties à cette période informent sur un choix d’études adapté ou non. Ils ou elles perçoivent les émotions agréables vécues comme centrales pour confirmer leur orientation et se projeter dans un futur métier. L’apparition d’émotions désagréables au sein de cette période n’est, quant à elle, pas liée à une remise en question de l’orientation dans le discours des étudiant·e·s, car ils ou elles jugent ce type de vécu «normal» à vivre dans l’étude pour leurs cours. Par conséquent, la présence d’émotions désagréables ne remet pas en question leur choix d’études, sauf pour quelques étudiant·e·s qui les ont vécues dans une intensité extrême.

Seules deux théories personnelles sur la régulation des émotions académiques émergent particulièrement de nos données en matière de fréquences, raison pour laquelle nous nous centrons sur celles-là. Tout d’abord, 15 étudiant·e·s sur 23 pensent que la REA s’apprend. Selon eux, apprendre à réguler ses émotions à l’université est un apprentissage nécessaire sur soi à cette période (bien que parfois jamais réalisé dans le parcours scolaire antérieur). «Parfois on gère d’une certaine manière certaines émotions dans notre vie en général, mais qu’on ne va pas réussir à gérer de la même manière pendant le blocus et ça, par exemple, je m’en étais pas rendu compte et personne ne m’en avait parlé au préalable» (Gena). La REA entre alors en jeu comme un but complémentaire à la poursuite des buts de formation dans cette situation, qui peut notamment se réaliser par «essai-erreur» de ce qui convient à l’étudiant·e pour réguler ses émotions, comme l’explique Denis: «À part une petite minorité qui aurait déjà eu l’habitude ou qui est de base déjà stressée, donc ils gèrent mieux que les autres, je dirais que la plupart des gens sont plus dans l’essai-erreur et dans l’apprentissage de comment gérer leur stress.» Le témoignage de Tania répond à celui de Denis de manière intéressante puisqu’elle explique avoir appris à apprivoiser un stress intense lors de compétitions sportives. Elle considère donc que l’apprentissage de la gestion du stress au profit de sa performance sportive peut l’aider à mieux gérer le stress vécu dans l’apprentissage bien que ces contextes soient différents.

Ensuite, 14 étudiant·e·s sur 23 conçoivent la régulation émotionnelle comme plus ou moins facile à mettre en oeuvre selon la situation. Ils ou elles soulignent le caractère contextuel de la régulation émotionnelle. Dans cette optique, ils ou elles citent une variété de facteurs personnels perçus comme influençant leur capacité à réguler les émotions académiques (par exemple, la nature, l’intensité de l’émotion à réguler, la familiarité avec l’émotion à réguler, sa compréhension, etc.). Yann explique, par exemple, être plus à l’aise pour réguler le stress, émotion plus familière, que la frustration qu’il ressent face à l’incompréhension de certains cours.

5. Discussion et perspectives

Nos résultats nous ont mené à voir que le modèle de Scherer (2001) offrait un regard utile à la compréhension de la genèse des émotions académiques chez les étudiant·e·s interrogé·e·s au sein de la période visée. L’investigation des différentes composantes de la situation évaluées par les étudiant·e·s permet en effet de mieux comprendre pourquoi cette période est génératrice d’émotions variées et intenses chez ceux-ci ou celles-ci (Fischer et al., 2020).

Nos résultats amènent une nuance au modèle concernant la valence de la période ciblée, jugée par la majorité des étudiant·e·s comme à la fois positive et négative (et non, soit positive, soit négative). Ensuite, un faible potentiel de maîtrise évalué par l’étudiant·e apparaît comme une dimension centrale pour expliquer un vécu émotionnel désagréable, ce qui rejoint les observations de Pekrun (2006). L’inconnu que représente cette situation contribue également à diminuer la perception de contrôle qu’ont les étudiants de cette période remplie de défis. Nous remarquons que parmi les facteurs que les étudiant·e·s rapportent comme influençant leur perception de contrôle sur la situation, seule la méthode de travail ainsi que le choix du contexte d’étude sont réellement sous leur contrôle dans la préparation de leurs examens.

De futures études pourraient explorer davantage ce qui fournit une perception de contrôle à l’étudiant·e dans la période investiguée puisque cela semble influencer de manière centrale les émotions vécues. Ces études permettraient de voir si nos données sont corroborées dans d’autres échantillons et quels autres facteurs émergent dans d’autres échantillons. En outre, il pourrait être intéressant d’investiguer les liens entre la genèse des émotions académiques à cette période et le concept d’auto-efficacité personnelle de l’étudiant·e, proposé par Bandura (1997). En effet, ce concept repose sur la notion d’agentivité, mettant également en avant l’importance que l’individu perçoive un contrôle et une possible régulation de ses actes (Rondier, 2004). Pour finir, de futures études pourraient appliquer le modèle de Scherer (2001) à d’autres situations académiques pour mieux comprendre les émotions qui y émergent (traitement d’un feedback, examen oral, travail de groupe, etc.).

Des perspectives d’intervention découlent également de ces résultats. Comme l’indiquent Pekrun et Perry (2014), les émotions académiques ne sont pas juste des épiphénomènes: elles peuvent influencer le bien-être et la performance des étudiant·e·s. Ouvrir l’accompagnement de l’étudiant·e universitaire aux dimensions émotionnelles nous semble crucial, notamment pour l’aider à comprendre ce qui fait naître chez lui des émotions profitables à ses apprentissages (le modèle de Scherer [2001] peut servir d’outil clinique à cette réflexion). Plus particulièrement, il semble pertinent de l’aider à repérer préventivement les facteurs sous son contrôle dans la situation de préparation des examens.

Notre étude explore, dans un second temps, un antécédent à la régulation émotionnelle encore peu connu dans la littérature: les théories personnelles des étudiant·e·s sur les émotions et leur régulation. Nos résultats soulignent deux visions différentes (mais pas forcément incompatibles) de l’émotion chez les étudiant·e·s interrogé·e·s : l’émotion vue comme parfois un «parasite» à la cognition; l’émotion vue comme une messagère (informant l’étudiant·e sur la qualité de ses méthodes d’apprentissage et/ou sur son orientation). Cette deuxième théorie personnelle met en avant une conception plus «fonctionnelle» de l’émotion, décrite par différents auteurs dont Desseilles et Mikolajczak (2013). Par ailleurs, nous avons analysé ce que pensent les étudiant·e·s de la régulation des émotions académiques. La majorité des étudiant·e·s partagent, tout d’abord, l’idée que réguler ses émotions est une qualité améliorable et contrôlable grâce à l’effort (et non une qualité liée à un don ou à un trait fixe). Cette vision de la régulation émotionnelle nous fait penser à la vision incrémentielle par Dweck et al. (1995) concernant les théories que se construisent les individus sur l’intelligence. Ensuite, partant de l’idée que la régulation émotionnelle est contextuelle, les étudiant·e·s ont rapporté des facteurs influençant leur perception d’être capable ou non de réguler les émotions académiques. Ce jugement sur leur capacité à réguler les émotions est nommé «sentiment d’auto-efficacité en régulation émotionnelle» dans la littérature (Caprara et al., 2008). Plus que de décrire les théories personnelles générales des étudiants sur la régulation, notre étude a donc aussi fait émerger des informations sur cette variable.

De futures recherches devraient d’abord investiguer la diversité des TP.EA et TP.REA (certaines théories personnelles sont-elles propres à certaines émotions, à certains contextes?) et leur organisation (certaines théories sont-elles incompatibles?). Ensuite, les chercheur·e·s pourraient analyser comment ces théories impactent les stratégies de régulation émotionnelle employées par l’étudiant·e. Cela permettrait de comprendre davantage pourquoi et comment les étudiant·e·s gèrent leurs émotions ainsi que les raisons de leurs difficultés dans cette gestion. Enfin, en connaître davantage sur le «sentiment d’auto-efficacité en régulation émotionnelle» dans la période ciblée pourrait aussi constituer une voie prometteuse de recherche (sentir que ses émotions sont totalement hors de contrôle pourrait, en effet, empêcher l’étudiant·e de savoir les réguler au profit de ses buts de formation).

Dans la lignée des perspectives d’intervention proposées ci-dessus, l’accompagnement des étudiant·e·s pourrait inclure l’exploration avec l’étudiant·e de ses TP.EA et de ses TP.REA et de l’impact de ces croyances sur ses apprentissages. Renforcer l’idée que la régulation émotionnelle s’apprend et fournir des pistes concrètes pour la développer nous semble être de nature à redonner du potentiel de maîtrise à l’étudiant en proie à des émotions académiques compliquées. De manière plus globale, nous estimons que ce type de pratiques aiderait l’étudiant·e à mieux se connaître en tant qu’apprenant·e. Si «mieux se connaître aide à mieux apprendre», il semble, en effet, urgent que nos systèmes éducatifs agissent en considérant le développement émotionnel et cognitif des apprenant·e·s, comme au service l’un de l’autre. La régulation des émotions pourrait ainsi constituer un but intrinsèque à l’apprentissage, y compris à l’université.

Différentes limites de cette étude peuvent être soulevées. Tout d’abord, un biais dans le profil des répondant·e·s est certainement observé. En effet, les étudiant·e·s interrogé·e·s étaient potentiellement à l’aise avec le fait de s’exprimer sur des thématiques émotionnelles. Cette limite permet de rappeler le «périmètre» de nos résultats: les données issues de cette étude proviennent d’étudiant·e·s de première année volontaires à la tâche d’expression émotionnelle qu’était l’entretien avec la chercheure. Une seconde limite a trait à un potentiel biais de reconstruction lié au délai entre la période visée et l’entretien. En effet, l’entretien s’est déroulé deux mois après la période de préparation des examens. Une reconstruction a pu être opérée par l’étudiant·e au moment de l’entretien (notamment, par exemple, selon les résultats obtenus aux examens de janvier). L’idéal aurait été de mener les entretiens «à chaud» durant cette période ou juste à sa suite (ce qui était infaisable dès lors que les étudiant·e·s étaient occupé·e·s à passer leurs examens). Une méthode avec des journaux de bord tenus directement par les étudiant·e·s pourrait diminuer ce problème. Une dernière limite est liée au caractère autorapporté de nos données: ce qui est exprimé oralement par l’étudiant·e ne constitue qu’une partie de l’expérience vécue (Sander et Scherer, 2014). Ces données ne peuvent donc circonscrire entièrement l’expérience émotionnelle d’une telle période. Elles devraient être complétées par d’autres types de mesures (par exemple, des observations des étudiant·e·s lors de la genèse des émotions dans cette situation).

6. Conclusion

Cette étude explore la dimension émotionnelle de l’apprentissage à l’université dans la période cruciale de préparation aux premiers examens. Une meilleure compréhension de la source des émotions académiques vécues à cette période est permise grâce au modèle de Scherer (2001). De plus, les théories que possèdent les étudiant·e·s sur ces émotions mènent à voir qu’ils ou elles perçoivent un impact de celles-ci sur leurs apprentissages. En outre, ils ou elles voient en majorité la régulation des émotions académiques comme contextuelle et comme un processus possible à apprendre. Des pistes théoriques prolongeant les résultats de cette étude exploratoire sont proposées, tout comme des perspectives pratiques visant l’accompagnement des étudiant·e·s universitaires primo-arrivant·e·s.