Recensions

Lahire, B. (2012). Monde pluriel. Penser l’unité des sciences sociales. Seuil[Record]

  • Aicha Taamalli

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  • Aicha Taamalli
    Faculté d’éducation, Université de Sherbrooke

Lahire pose la question des points de vue et des échelles d’observation au coeur de l’analyse du fait social. L’ouvrage s’amorce par la position du chercheur en sciences humaines et sociales en matière de perspective et de perception de la réalité sociale. L’hétérogénéité des points de vue et des intérêts de connaissance, ainsi que la pluralité des manières de faire des chercheurs se situent au centre des préoccupations actuelles des sciences humaines et sociales. C’est à cette question que Lahire rattache l’enjeu principal de son ouvrage en soutenant la légitimité d’étudier le monde social à des échelles variées en vue de saisir des niveaux de réalité sociale différents et analyser des dimensions variées des pratiques. Monde pluriel formule une tentative de distanciation par rapport à l’état actuel des travaux. La première partie, intitulée «La formule scientifique unificatrice», s’articule autour de la formule scientifique: «Dispositions + Contexte = Pratiques». L’auteur place les pratiques au croisement des dispositions et du contexte; entre dispositionnalisme et contextualisme. L’univers des significations que les différentes sociologies tentent de construire autour des pratiques repose sur la prise en compte d’un ensemble de dispositions et de compétences incorporées et sur le contexte spécifique de l’action. Cette formule est susceptible de se décliner en une infinité de travaux privilégiant à chaque fois un terme de l’équation et fonctionnant comme autant de «réalisations partielles» d’un programme plus global. La formule scientifique proposée s’inscrit dans une visée unificatrice des divers travaux en sciences sociales. L’auteur s’attache à prolonger le travail d’objectivation en spécifiant et en complexifiant certains concepts sociologiques. Les concepts d’habitus et de champ ne sont ainsi que des cas particuliers du possible. Tenir compte de la grande variabilité des cadrages dans l’appréhension des faits sociaux est susceptible de rendre plus discernables les enjeux des sciences sociales. La deuxième partie, «Penser la différenciation sociale», porte sur le mouvement de différenciation sociale dans lequel s’inscrivent les sociétés modernes et qui constitue un principe d’unité des différents courants sociologiques en dépit de leurs divergences. Penser la différenciation sociale revient à penser l’unité des sciences sociales. La pluralité des sphères d’activité, des registres d’action, des cercles sociaux, des champs, des sous-univers a modelé l’organisation du travail scientifique. La division des travaux en sciences sociales ne cesse d’épouser la forme du processus de différenciation lui-même. Dans la troisième partie, «Les limites du champ», le processus de différenciation sociale est abordé à travers un modèle théorique que Lahire considère d’emblée très général, celui de la théorie des champs. Se montrant assez critique à l’égard du concept de champ, il procède à l’analyse de ses propriétés spécifiques et essentielles et à l’examen critique de ses limites de validité en maintenant un dialogue avec la théorie des champs tel que la conçoit Bourdieu, elle-même inspirée de la sociologie de Weber. Lahire voit principalement en le champ une unité d’analyse et un choix parmi les intérêts de connaissance possibles. Dans la quatrième partie, «Contextualiser, l’échelle, le niveau et l’objet», l’auteur propose de prêter attention aux opérations de contextualisation, la restitution de l’objet à son contexte étant primordiale dans l’appréhension des faits étudiés. Fait et contexte sont à saisir en tant que deux entités indissociables. Contextualiser revient à établir des liens entre l’objet et l’ensemble d’existants qui l’encadrent. La contextualisation implique des choix d’échelles d’observation, de niveaux de réalité en fonction des objectifs de connaissance visés. Dans la conclusion, l’auteur entend repenser l’économie d’ensemble dans laquelle s’inscrivent les divers champs disciplinaires. Ce projet consiste à opérer des décloisonnements disciplinaires à travers des dispositifs transversaux de manière à les cultiver dans une configuration englobante. Le phénomène de …

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