L’entrevue

Promouvoir le développement des familles au Québec en entrecroisant le sociocommunautaire et le sociopolitiqueEntrevue avec Jacques Lizée[Record]

  • Lucie Fréchette

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  • Lucie Fréchette
    Centre d’étude et de recherche en intervention sociale
    Université du Québec en Outaouais

Dans un numéro consacré au thème de la famille, la revue Nouvelles pratiques sociales ne pouvait faire l’économie d’une entrevue avec Jacques Lizée, qui a été à la barre de la Fédération des unions de familles (FUF) pendant 29 ans. L’entrevue a eu lieu à un moment charnière, à la fois dans la vie de Jacques Lizée et dans celle de la FUF. D’une part, monsieur Lizée entamait une nouvelle aventure à la direction générale du Carrefour action municipale et famille (CAMF) et, d’autre part, la FUF devenait la Fédération québécoise des organismes communautaires familles (FQOCF).

Lors du premier congrès provincial des Maisons de la famille, en 1991, Jacques Lizée affirmait que « les risques et les défis de la collaboration inter-organismes ont une prémisse de première importance : la solidarité. Sans elle, l’action des organismes familiaux est vaine. Elle ne peut se limiter à un exercice technique qui consisterait à mettre ensemble des services et des actions. C’est davantage une action concertée de solidarité humaine entre des personnes concernées par une cause commune, qui peut générer véritablement la qualité de vie recherchée  ». Le parcours professionnel de Jacques Lizée est jalonné de solidarités tant dans le secteur communautaire que dans le secteur public. Des solidarités qu’il cherche à créer autour de la famille dans des univers qui n’ont pas toujours la cohabitation facile, voire compatible. Bâtir un Québec proche de ses familles est le projet qui a marqué la carrière de Jacques Lizée.

Je dirais que ma vie personnelle et ma vie professionnelle m’ont toutes les deux propulsées vers les questions relatives à la famille. Je me suis marié en 1967 à une époque où la condition féminine émergeait du modèle traditionnel. J’étais de ces hommes qui voulaient sortir du seul rôle de pourvoyeur. Quand notre première fille est née, déjà, je voulais être un père qui profiterait de ses enfants avec sa conjointe. Ma famille me tenait à coeur. Sans employer ce vocabulaire, ma conjointe et moi discutions déjà de ce que l’on nomme, aujourd’hui, le partage des tâches et les rôles homme / femme. En ces mêmes années, après des études dans le domaine social, j’ai commencé à travailler en service social scolaire. Là aussi, un déclic s’est fait. J’ai vite pris conscience qu’aider l’enfant sans soutenir ses parents réduisait la portée de mon intervention. L’école se préoccupait de l’absentéisme scolaire, mais ne travaillait pas réellement à soutenir les parents dans leur rôle parental. J’en suis venu à penser que l’absentéisme n’était qu’un symptôme de la distance grandissante entre l’école et les parents. Je devenais convaincu que, au-delà de l’aide aux enfants, il fallait chercher à arrimer davantage la famille au milieu scolaire. La même année, un de mes anciens professeurs, Desève Cormier, m’invita à prendre la direction du Centre d’action familiale de Sherbrooke. Ce fut également une décision déterminante dans mon engagement. J’y ai découvert que l’action sociale en faveur de la famille avait un lieu et une voix. J’ai commencé à croire qu’il était possible de créer des lieux de solidarité et d’entraide pour les parents. J’ai commencé à m’engager dans la voie du développement du pouvoir politique des parents et ce centre m’en a donné l’occasion durant quelques années, jusqu’en 1973. Pendant ce temps, nous avons vécu cette époque d’heureuse ébullition des années 1960, de la Révolution tranquille et puis celle des années 1970 où de nombreux organismes communautaires participaient à la mise en place des CLSC. Finalement, toujours en 1967, j’ai été mis en contact avec l’Union internationale des organismes familiaux (UIOF) lors de leur congrès international à Québec. Ça a été pour moi l’occasion de connaître la Fédération des unions de familles, qui était membre de l’UIOF depuis 1960. J’ai découvert un organisme qui, déjà, est engagé dans les représentations pour le développement de politiques familiales. Il y avait entre autres un comité sur la question des allocations familiales, ce qui m’a attiré, car j’y voyais un moyen d’améliorer la condition de vie des familles. Ça m’a grandement intéressé de voir qu’un mouvement familial se dessinait à l’échelle du Québec, non seulement pour créer des services, mais pour obtenir des politiques en faveur des familles. Dans ma région, je me suis engagé dans diverses actions et comités pour travailler avec les parents à promouvoir la place de la famille : création d’une ACEF et d’associations de familles monoparentales. C’est probablement un peu tout ça qui a fabriqué Jacques Lizée, le papa, le travailleur social, le militant, qui a accepté, en 1973, le poste de secrétaire général de la FUF. On disait alors encore secrétaire général plutôt que directeur général, car le langage du temps se modelait sur celui du milieu syndical. On le voit avec le terme « Unions de familles », lui aussi, un héritier direct du syndicalisme étroitement lié aux mouvements d’action catholique du Québec de cette époque. Le mouvement familial est fait de plusieurs types d’organisations centrées sur la vie des familles. Au fil de son histoire, on a connu les Cours de préparation au mariage, le Service d’orientation des foyers, des …

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