L’entrevue

De la marge citoyenne : bilan d’une expérience d’autogestionEntrevue avec Max[Record]

  • Michel Parazelli

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  • Michel Parazelli
    École de travail social
    Université du Québec à Montréal

Mieux connu sous le nom de « Max », Maxime Courtemanche est l’un de ces jeunes qui a contribué, et qui contribue encore, au développement de l’émancipation sociale des jeunes que l’on qualifie de « marginaux » ou de « marginalisés ». Se considérant lui-même comme un ancien jeune de la rue d’appartenance punk (de 1989 à 1996), Max dit avoir squatté un peu partout en Europe, aux États-Unis, mais surtout à Montréal et à Toronto. Max a été cofondateur, président puis vice-président d’un organisme autogéré par des jeunes appelé « l’X » qui a ouvert ses portes dans le centre-ville-est de Montréal le 8 mai 1998. Il y a joué un rôle notamment à titre d’agent de développement communautaire jusqu’en 2003. C’est en 1996 que l’X a été conçu par et pour des jeunes marginalisés comme une organisation collective en réponse aux interventions de répression municipales ainsi qu’aux réactions de frustration des jeunes dont les interventions étaient perçues par eux comme des injustices à plusieurs égards. En ce sens, l’X représente une contribution originale à l’animation urbaine du Faubourg Saint-Laurent. Dès le départ, il s’agissait de mettre sur pied et de gérer un centre d’expression, de création et de diffusion punk et underground qui permettrait aux jeunes de réaliser un certain nombre de projets imaginés par et pour eux.

Actuellement, Max est personne-ressource à l’Ensoleilvent, un organisme communautaire de Drummondville qui vient principalement en aide aux personnes itinérantes et aux jeunes marginaux. Nous nous sommes donc intéressé à sa démarche ainsi qu’à son point de vue dans une perspective citoyenne se situant hors du cadre étatique et communautaire proprement dit.

Il y avait déjà plusieurs années que j’étais fier de faire partie de la « scène » punk de Montréal. J’étais tout le temps là quand il se passait quelque chose d’intéressant (shows, partys, festivals, etc.), d’autant plus que ça faisait longtemps que j’étais à Montréal et que j’étais très familier avec la réalité de la rue. Mes expériences de vie dans la rue m’avaient conduit à penser que notre solidarité (quand elle était là !) était la chose la plus importante que nous pouvions avoir entre nous ; ce qui m’a donné envie de trouver des idées qui honoraient ce principe-là. De plus, il y avait déjà un bon moment que je méditais avec quelques amis autour d’une idée de projet qui ressemblait pas mal à ce que l’X a été appelé à devenir plus tard. Ce qui a vraiment précipité l’action, c’est l’émeute de mai 1996, lorsqu’un groupe de punks a tout cassé sur la rue Saint-Laurent en sortant d’un bar où plusieurs s’étaient fait refuser l’accès à un spectacle qu’ils avaient déjà payé. Ça a dégénéré avec les « doormen », puis la police s’en est mêlé en arrêtant du monde. Cet événement a été la goutte de trop. Étant donné que cet incident a fait les manchettes, le maire a choisi d’inviter publiquement « les jeunes » à le rencontrer pour lui soumettre des idées, des propositions d’actions. Certains des jeunes ont sauté sur l’occasion pour le rencontrer lors d’une journée « portes ouvertes » à l’hôtel de ville pour lui signaler qu’ils avaient effectivement des propositions ; ce qui a amorcé des discussions avec des fonctionnaires de la Ville. À partir de ce moment-là, nous nous sommes organisés en faisant d’abord des réunions pour mettre en commun les idées de tous et toutes. Lors des premières réunions, nous étions environ une douzaine de personnes de notre groupe à se présenter, mais il est aussi arrivé qu’une cinquantaine de jeunes soient présents. Dès le début, un organisateur communautaire nous a approchés pour nous offrir de l’aide dans nos démarches, puis une travailleuse communautaire s’est jointe à nous. Du côté de la Ville de Montréal, on nous a présenté une première fonctionnaire, puis on a rencontré le maire. Ensuite, nous avons été invités à rencontrer plusieurs fonctionnaires de la Ville, des représentants des deux gouvernements, puis des agents des relations communautaires du SPCUM ; la « police communautaire » n’existait pas encore à l’époque. À la suite de tout ça, nous avons formé notre comité d’implantation constitué de six ou sept d’entre nous, des deux travailleurs communautaires qui nous accompagnaient depuis le début et de trois fonctionnaires de la Ville. Ce fut ainsi jusqu’à l’ouverture de l’X, où le comité a été dissous parce que le conseil d’administration a pris la relève. Pour ce qui est de nos objectifs tels qu’ils sont décrits dans notre charte, il s’agissait d’établir, de gérer et d’administrer un lieu propice à l’implication, au développement d’un sentiment d’appartenance, à la création, à l’expression et à la diffusion de spectacles associés à la « scène » punk et underground. Autrement dit, favoriser le développement social et personnel des jeunes qui s’identifient à la « scène » punk, ou à tout autre courant ayant des valeurs similaires. Il était aussi question d’encourager le sens de l’autonomie, de l’esprit d’équipe et de la coopération au moyen d’activités d’information et de formation adaptées à leurs goûts et à leurs besoins, le tout dans le respect des différences culturelles et individuelles. Ces objectifs impliquaient de concevoir, développer et soutenir toute initiative, activité ou projet à caractère social, …