Le dossier : Les pratiques pour contrer la violence : entre l’intervention, la prévention et la répression

Questionner les réponses à la violence[Record]

  • Lise Gervais,
  • Elizabeth Harper and
  • Sylvie Gravel

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  • Lise Gervais
    Relais-Femmes

  • Elizabeth Harper
    École de travail social
    Université du Québec à Montréal

  • Sylvie Gravel
    CRI-VIFF
    Université de Montréal
    sylvie.gravel@umontreal.ca

Ces dernières années, particulièrement depuis le 11 septembre 2001, la lutte contre la violence s’insère dans un contexte social qui s’est considérablement modifié. Jamais le sentiment d’insécurité n’aura été aussi exacerbé… surtout par certains dirigeants politiques. La recherche et l’innovation sociale visant à trouver des réponses adéquates à la violence dans toute sa diversité cohabitent avec cette morale ambiante et ce climat politico-sécuritaire, lesquels favorisent des réponses simples, parfois même simplistes, à des questions pourtant fort complexes. Depuis plus de trente ans, l’action des groupes communautaires et des groupes de femmes pour éradiquer la violence s’est définie selon des principes progressistes. Pour y arriver, la nécessité d’une articulation théorique entre les différentes formes de violence et les pratiques émancipatrices à mettre en place pour y répondre a suscité la réalisation de nombreuses recherches-actions. Parallèlement, des universitaires ont aussi étudié la question, cherchant à identifier les fondements théoriques sur lesquels les acteurs sociaux pourraient prendre appui pour développer de nouvelles réponses sociales à la violence qui soient porteuses de changement social et d’idéal démocratique. Toutefois, force est de constater que plusieurs des solutions mises de l’avant par les décideurs politiques en place actuellement vont à contre-courant de ce mouvement progressiste et favorisent d’abord et avant tout une approche répressive orientée sur le contrôle social dont l’argumentaire développé s’articule autour des besoins perçus de protection des victimes. Ce numéro de NPS se situe à la confluence des réflexions et actions des chercheurs et chercheures et des praticiens et praticiennes pour mettre sur la place publique les différents visages que peut prendre la violence et, conséquemment, favoriser le renouvellement et la transformation des pratiques. Il y a plus que jamais une nécessité de revisiter nos analyses et de réactualiser nos pratiques pour contrer la violence dans le respect des principes fondateurs de nos actions respectives. Cette réflexion commune est une des meilleures garanties que nous ayons d’éviter, dans un avenir prochain, le piège d’acheter des solutions dans le rayon du « prêt-à-penser » des partisans de « la loi et de l’ordre ». Voici un bref tour d’horizon des différentes facettes de la violence que nous vous proposons d’explorer dans ce numéro. L’article de Sophie Paquin sur le sentiment d’insécurité et la violence souligne que les médias alimentent la construction des risques urbains en accordant une place prépondérante aux événements catastrophiques, aux incidents criminels et aux faits divers. Ce faisant, ils suscitent un sentiment d’insécurité dans la population et particulièrement chez certains groupes sociaux comme les femmes et les personnes âgées. Ce sentiment d’insécurité n’est pas qu’une conséquence du danger de la violence, il constitue surtout une grille de lecture de la société et organise une vision du monde. Paradoxalement, le sentiment d’insécurité varie de façon indépendante, du moins en partie, des taux de criminalité réels. Dans ce texte, l’auteure nous fait part de deux études comparatives réalisées auprès de travailleurs et travailleuses de CLSC dans deux territoires urbains fort différents, un premier périphérique et un second, en plein centre-ville. Qu’est-ce qui influence leur lecture du danger ? Quels facteurs exacerbent ce sentiment d’insécurité ? Qu’est-ce qu’il faudrait améliorer pour sécuriser leurs pratiques ? Quelles sont les meilleures stratégies de protection ? Dans « Penser l’intervention féministe à l’aune de l’approche intersectionnelle », Christine Corbeil et Isabelle Marchand font état des critiques dont la pensée féministe a fait l’objet au cours des dernières décennies. Les féministes noires lui ont notamment reproché de représenter uniquement les expériences des femmes « blanches » et occidentales. Ce faisant, elles ont questionné la capacité du féminisme à prendre en compte l’hétérogénéité des statuts sociaux, des expériences …

Appendices