L’entrevue

Le processus de guérison des Premières NationsEntrevue avec Richard Kistabish, Vice-président de la Fondation autochtone de guérison[Record]

  • Lilyane Rachédi and
  • Réjean Mathieu

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Richard Kistabish est très engagé dans les activités sociales et dans « les phénomènes du désordre social », comme il le déclare. Dès les années 1970, il commence à s’interroger sur les réserves, le sort des Autochtones et, en particulier, sur les pensionnats. À la suite d’une rencontre avec un leader de sa communauté, sa conscience a été « réveillée ». Agent de liaison en éducation, il travaillait alors aux Affaires indiennes ; il était chargé d’obtenir les consentements des parents autochtones « à donner leurs enfants à la protection de la reine ou à son représentant ». Considérant cet acte comme un véritable abandon, il a décidé de démissionner de ce poste. Progressivement, il est devenu une voix forte dans la communauté. « Éduqué en blanc », comme il le souligne, il est devenu chef, puis grand chef. Il décidera de quitter la carrière politique pour s’engager davantage dans l’action auprès des communautés autochtones. Le dossier des pensionnats lui a toujours « collé à la peau » et le gouvernement fédéral lui a alors proposé de faire partie d’un conseil d’administration pour gérer les sommes accordées pour établir des processus de guérison dans différentes communautés à travers le Canada. Chargé de l’évaluation et de l’analyse des projets qui favorisent les moyens alternatifs comme la guérison, il occupe encore ce poste aujourd’hui.

En 1975, j’avais pris un engagement personnel de faire connaître l’histoire des pensionnats. Je voulais aussi m’assurer que ce genre d’histoire ne se répète plus jamais sur la planète. Ça ne devrait plus jamais se reproduire. Jamais, à aucun moment. Je me suis engagé à prendre toutes les tribunes qui me seront offertes pour faire connaître cette histoire-là. C’était mon engagement, la bataille de ma vie. C’est ce qui m’a amené à me tenir debout C’est ce qui m’a amené à assumer mes responsabilités, mon devoir, mes obligations. Je souhaitais faire en sorte de modifier les choses nécessaires pour corriger cela. C’était le plus fondamental dans ma démarche. Je pense que j’ai reçu les dons nécessaires pour le faire. En effet, j’ai été élevé déjà pour être un conteur d’histoires quand j’étais tout petit. J’ai utilisé ce cadeau-là, pour transmettre aux autres cette histoire. Non, je n’ai pas eu ce genre de tribune, parce qu’au cours des dix dernières années nous devions travailler à parfaire notre intention. Il fallait chercher comment on allait procéder pour arriver à trouver nos solutions, des moyens qui pourraient faciliter le travail des intervenants dans la communauté. Vous savez que le pensionnat c’était l’aboutissement d’un processus. Le point final d’une politique de dépossession : d’abord la dépossession territoriale, puis la dépossession des noms, la dépossession de notre spiritualité, de notre culture et de notre langue. Finalement, c’était la conséquence d’une dépersonnalisation de l’individu. De sorte que quand on n’a plus d’attache, qu’on n’a plus de points de repère pour ce que nous sommes, il vient un moment où on se lance de tous côtés, on se lance un peu partout pour savoir comment arriver à survivre. On te dit pourtant que tu es un Indien, mais tu ne l’es plus. On te dit que tu dois rester à tel endroit, mais tu ne te sens pas bien à cet endroit, c’est-à-dire sur une réserve. Alors tu te poses souvent des questions comme : « pourquoi sommes-nous devenus ce que nous sommes ? » Tant et aussi longtemps qu’on ne trouve pas de réponses à ces questions fondamentales, il y a nécessairement des actions qui visent à essayer de noyer la réponse, à essayer de nous empêcher de trouver la réponse. On est perdus. Et ce n’est pas nécessairement une simple perte de situation géographique, mais c’est aussi une perte de l’âme. Moi, j’appelle cela des grands brûlés de l’âme. Nous sommes devenus des grands brûlés de l’âme. En étant des grands brûlés de l’âme, il y a des médicaments qu’on peut prendre, il y a des approches qu’il faut utiliser pour essayer dans un premier temps de calmer la douleur et, dans un deuxième temps, de donner des soins qui sont continus, des soins appropriés. Il y a toutes sortes de moyens pour y arriver. Il y a des professionnels qui ont pris conscience de la nécessité d’aller vers les rites anciens, vers les cérémonies, vers la tradition. Et ils vont aussi sur le terrain, c’est-à-dire dans le bois pour aller faire des thérapies, qu’elles soient individuelles ou familiales. Il y a des professionnels qui accompagnent le processus de cette façon-là, sans nécessairement prendre le leadership de l’action. Mais tout simplement en étant à l’écoute, en n’arrivant pas comme un professeur ou comme un maître, mais plutôt comme un aide, un aidant au processus. Cette personne-là devrait être en mesure d’analyser parfaitement où en est le processus de guérison commencé. Ensuite, cette personne s’adapte à ce processus, à cette manière de faire les choses. Une fois qu’il ou elle a compris cela, que cette approche …

Appendices