Débat

La transformation éthique de l’adoption internationale[Record]

  • Anne-Marie Piché

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Le profil de l’adoption internationale évolue beaucoup depuis les dernières années : le nombre d’adoptions de ce type baisse, alors que l’âge et les besoins spéciaux des enfants confiés à l’adoption augmentent. Simultanément, les lois qui encadrent les adoptions locales comme internationales dans les pays d’origine des enfants changent sous l’impulsion de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (CLH-93) conclue le 29 mai 1993 à La Haye. Ce traité international encadre la surveillance des pratiques autour de la circulation des enfants et la coopération entre les pays d’origine et d’adoption. À ce jour, 87 États contractants ont ratifié ce traité. En regard de la position présentée par St-Amand (2013) dans ce débat, nous croyons plutôt que l’adoption internationale doit se poursuivre au bénéfice des enfants qui en ont le plus besoin et pour qui aucune autre solution viable n’a pu être trouvée. La CLH, par son importance et grâce à son application rigoureuse par les pays membres, fait déjà son oeuvre pour une protection des droits des enfants et de leurs familles d’origine, malgré les limites qu’elle rencontre et que nous analyserons. Aussi, nous insisterons sur le fait que l’arrêt ou la réglementation, tout comme la déréglementation de l’adoption, ont historiquement comporté leur lot de conséquences négatives pour les enfants (ce que néglige de dire l’auteur). Bien que nous soyons tout à fait d’accord avec lui pour reconnaître les grandes limites de l’adoption internationale et pour dénoncer ses dérives très évidentes, nous croyons qu’il est nécessaire de corriger certaines inexactitudes dans les faits qui sont présentés dans cet article, et de déconstruire les représentations faussées de l’adoption et des familles adoptives qui y figurent. Au-delà de la posture polarisée « contre » l’adoption qui y est défendue, nous proposerons des pistes de solution à plus long terme qui tiennent compte des améliorations comme des limites actuelles des systèmes et conventions structurant l’adoption internationale. Au Québec, le nombre d’adoptions internationales chute de manière importante depuis 2004 (SAI, 2010). Suivant la tendance observable dans le reste du Canada et les autres pays d’adoption, et contrairement à l’impression que donne le premier article de ce débat, une constante diminution des adoptions a eu lieu au Québec au cours des cinq dernières années. Citoyenneté et Immigration Canada a aussi observé une nette diminution des adoptions internationales depuis 2006 (Canada, 2006); en effet, pour cette année seulement, elles avaient chuté de 18 %. Cette diminution inverse le mouvement des adoptions hors Québec, qui avait effectivement été à la hausse de manière marquée depuis les années 1970 : seulement dans la décennie 1990, le Secrétariat à l’adoption internationale du Québec (SAI) dénombrait 7 899 adoptions, avec une moyenne de 790 par année. La moyenne atteignait 898 adoptions pour 1998 et 1999, de sorte que l'adoption internationale représentait 70 % des adoptions réalisées au Québec. Cet essor coïncidait avec un mouvement de déréglementation qui facilitait l’accès aux démarches pour les nombreux candidats à l’adoption à l’étranger. Le phénomène n’était pas unique au Québec; une hausse de 42 % entre 1998 et 2004 a été calculée pour cette période, par moyenne établie dans vingt États d’adoption, dont le Canada (Selman, 2009a). Au Canada, les adoptions internationales ont été stables pendant 11 ans jusqu'à 2006, variant de 1 800 à 2 200 par an (Canada, 2006). La fluctuation récente des adoptions est attribuable à plusieurs facteurs légaux et politiques. Premièrement, la modification de la législation dans plusieurs pays d’origine des enfants a favorisé les adoptions locales. Les efforts de maintien des enfants dans leur milieu d’origine peuvent être vus comme une …

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