Comptes rendus

Le mouvement de l’être : paramètres pour une approche alternative du traitement en santé mentale, Ellen CORIN, Marie-Laurence POIREL et Lourdes RODRIGUEZ, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2011, 198 p.[Record]

  • Gervais Deschênes

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  • Gervais Deschênes
    Département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Chicoutimi

Il existe au Québec une sagesse dans la gestion protocolaire en santé mentale par l’apport spécifique des ressources alternatives à ce champ de pratique, et qui comblent les lacunes des services publics devenus aseptisés en matière de psychiatrie. C’est ce que donne à réfléchir l’ouvrage de Corin, Poirel et Rodriguez (2011), soulignant l’importance d’adopter une approche philosophique caractérisée par des interventions ajustées favorisant les liens de confiance qui se tissent entre les usagers, les intervenants et les responsables de ces ressources alternatives par leur souplesse et leur exigence à caractère non institutionnel. Ces milieux de pratique se positionnent sur le plan socioéconomique dans des rapports complexes et souvent difficiles vis-à-vis de l’État puisqu’ils « revendiquent leurs différences et leur spécificité; [ils] refusent une complémentarité qui serait orchestrée par le système public, à partir de repères qui sont extérieurs aux modèles de pratique alternatifs » (p. 6). Les ressources alternatives défendent donc une position sociale non négociable contre la dualité que l’on impose aux usagers et qui rend imprévisibles les problématiques résurgentes en santé mentale. Loin de se contenter de poser une étiquette sur les psychiatrisés, les ressources de pratique alternatives en santé mentale préfèrent l’approche globale de la personne. Elles sont surtout sensibilisées aux effets négatifs de la souffrance psychique et s’inspirent davantage des travaux philosophiques et psychanalytiques de Jasper et de Lacan, qui ont marqué le « monde de la psychiatrie » à leur corps défendant par de nouvelles découvertes sur les profondeurs mystérieuses des univers des schèmes mentaux potentiellement retransmis à la communauté scientifique dans la visée d’atteindre une meilleure santé mentale. La première partie de l’ouvrage décrit la situation de ces ressources alternatives quant au traitement de la santé mentale au Québec et explique également leurs particularités créatrices, que les auteures réussissent à communiquer scientifiquement. Acteurs et actrices de ces milieux de pratique participent au processus de questionnement avec ou contre le champ institutionnalisé des services psychiatriques. Ici, l’option alternative est suggérée pour les personnes touchées par la « folie », pour un ailleurs et un autrement thérapeutique favorisant une approche de transformation progressive dans les rapports à soi, aux autres ainsi qu’à la collectivité, parce que c’est le citoyen d’abord qu’il s’agit de prioriser. Notons au passage que les services publics en psychiatrie sont sous l’influence du paradigme biomédical qui impose ses propres étiquettes symptomatiques chez les sujets vulnérables à partir de l’ouvrage spécialisé Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV/1994). Cet état de fait conditionne le « monde de la psychiatrie » pour des considérations avant tout socioéconomiques, comme le démontrent le puissant lobby des firmes pharmaceutiques et les effets funestes qu'il suscite par une pratique pharmacologique de masse qui, à quelque part, stigmatise davantage les personnes psychiatrisées. Celles-ci sont alors contraintes à respecter une prise de médicaments afin de demeurer en meilleure santé mentale aux yeux de la population. À titre d'exemple, le débat récent au Québec sur le suicide assisté semble annoncer des problèmes de fond quant au droit au refus de traitement ou de la prise minimale de médicaments refus qui pourrait être justifié dans les cas où l'on souhaite éviter l'intoxication volontaire. D'autant plus que les problèmes en santé mentale se traitent surtout, nous semble-t-il, par une approche psychosociale personnalisée et requierent ici et là des ajustements spécifiques dans la trajectoire de vie de la personne souffrante. Cet état de fait sur les services publics en psychiatrie, orchestrés par des professionnels qui enferment à leur insu des sujets vulnérables à l’intérieur d’un cercle infernal qui ne devrait pas être. Cette facticité solidifie les préjugés individuels tenaces du syndrome mécanique étant …

Appendices