Comptes rendus

Repenser la solidarité :  l’apport des sciences sociales, Serge PAUGAM (dir.), Paris, Presses universitaires de France, 2011, 980 p.[Record]

  • Yvan Perrier

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  • Yvan Perrier
    Politologue, Cégep du Vieux-Montréal

L’ouvrage à caractère interdisciplinaire que propose Serge Paugam est à la fois impressionnant et imposant. On y retrouve pas moins de 50 articles signés par divers spécialistes qui oeuvrent en sociologie, en anthropologie, en histoire, en économie, en philosophie, en science politique, en droit et en études féministes. Les textes portent sur les huit thèmes suivants : la solidarité et la justice sociale; les solidarités familiales; les inégalités entre les générations; la crise du rapport salarial; les inégalités de genre et le racisme; les ségrégations urbaines et scolaires; l’action humanitaire (proche comme lointaine) et l’avenir de l’État-providence (ou l’État social) à l’ère de la mondialisation. Il s’agit donc d’un ouvrage collectif où les auteurs se sont donné la peine d’analyser les nouvelles inégalités sociales contemporaines. Au final, cela donne un livre qui atteint tout près de 1000 pages. On conviendra qu’un assemblage aussi volumineux peut avoir pour effet, à première vue, d’en rebuter plus d’un. Ici, le lecteur doit aller au-delà de ses premières impressions et il importe qu’il prenne le temps de lire l’ouvrage soit page par page, soit en se référant immédiatement aux sections ou aux articles qui l’intéressent. Sans égard pour le type de lecture retenu (de base ou sélective), le lecteur constatera qu’il a entre les mains un ouvrage incontestablement consistant portant sur les grandes remises en cause des mesures de solidarité sociale en France et dans certains pays du nord de l’Europe. Ce document, écrit par des auteurs qui « partagent une même éthique de la solidarité » (p. 6), a vu le jour à la suite d’un séminaire qui s’est déroulé en 2005-2006 au campus Paris-Jourdan de l’École normale supérieure. Ce colloque rassemblait des personnes actives dans la recherche et l’enseignement, et des « responsables associatifs engagés dans des actions diverses de solidarité » (p. ix). Les conférencières et les conférenciers étaient invités à « réfléchir sur les réformes à envisager pour permettre une plus grande efficacité aux politiques de réduction des inégalités et garantir ainsi le maintien du lien social entre les différentes composantes de la société » (p. ix). Le rassemblement d’un public de provenances aussi diversifiées a eu pour effet d’engendrer des textes à caractère certes théorique, mais aussi, dans certains cas, des articles d’analyse incluant des idées de réformes sociales concernant le type d’État-providence (ou d’État social) à mettre en place en ce début du troisième millénaire. L’ouvrage a donc, à certains endroits, un volet analytique très prononcé, tandis qu’à d’autres endroits, les textes s’accompagnent de propositions résolument réformistes. Au sujet de certaines réformes à mettre de l’avant pour consolider le solidarisme, Philippe Van Parijs plaide pour une « allocation universelle » (p. 144; idée inspirée des travaux de Thomas Paine). Jean-Claude Barbier s’intéresse aux mesures associées à la « flexicurité danoise » (p. 473 à 490). Robert Castel présente diverses propositions susceptibles de constituer « un nouveau compromis social » (p. 431) en vue d’assurer une « solidarité étendue » en faveur des personnes qui se retrouvent en situation « d’absence de travail » ou de « travail dégradé » (p. 415 à 433). Convenons ici qu’il est impossible, dans le cadre d’une recension comme celle-ci, de pouvoir rendre compte dans le détail des 50 articles. Puisqu’il en est ainsi, nous y allons de quelques remarques de portée générale. À l’ère de la « crise de la société salariale » (qui se caractérise par un manque d’offres d’emploi et par la dualisation du marché du travail) et de la montée du néolibéralisme, il importe au plus haut point, selon Paugam, de revenir au projet fondateur de la …