Abstracts
Résumé
La prédilection des ethnologues pour les enquêtes dans des milieux périphériques plutôt que dans les centres ne serait pas inspirée par un obscur appétit d’exotisme, mais correspondrait bien à la réalité des faits. Leurs observations révèlent que les populations minoritaires, résidant dans les marges, et, parmi ces dernières, celles qui auraient migré en nombre, conserveraient mieux et plus longtemps que dans le centre certaines pratiques culturelles provenant du lieu de leur départ et de l’époque de leur migration. Pour des raisons et dans des conditions qu’il reste à préciser, ces populations affichent, notamment dans des manifestations immatérielles, comme la langue, la littérature orale, les coutumes et les savoirs populaires, tout autant que dans des activités matérielles, comme les modes d’implantation, l’habitation et le travail, un conservatisme notoire. C’est ainsi qu’on a pu recueillir chez ces populations de la marge des témoignages vivants, perçus comme tardifs ou archaïques, d’usages parfois complètement disparus dans le centre; ce haut degré de rétention de la marge, parfois associé à une amplification, révèle que les populations du pays d’origine, celles des centres particulièrement, ont à l’inverse subi une érosion de leur patrimoine. C’est cette dynamique de résistance culturelle des marges, alliée à l’action centripète des intervenants en patrimoine, que le principe du limaçon voudrait expliquer à l’aide des recherches menées en Amérique française.
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Appendices
Note biographique
Ethnologue et professeur titulaire à l’Université Sainte-Anne, Jean-Pierre Pichette est chargé des cours d’ethnologie au département des sciences humaines. Il a enseigné la littérature orale au département de folklore et ethnologie de l’Université de Sudbury (Ontario, 1981–2004) et, depuis septembre 2004, il occupe une chaire de recherche du Canada pour l’étude de l’oralité et des traditions populaires des francophonies minoritaires (Cofram) dans cette université de la Pointe-de-l’Église (Nouvelle-Écosse), où il dirige également le Centre acadien. Au sein du Laboratoire de littérature orale, il travaille à son projet d’établissement d’un corpus de littérature orale (Éclore). Il est membre du Groupe de recherche en études acadiennes (Gréa) de l’Université Sainte-Anne et de la Société Charlevoix, qui est vouée à l’étude de l’Ontario français.
Notes
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[1]
Donatien Laurent, « La place du conte populaire français d’Amérique dans la tradition orale de la francophonie », dans L’oeuvre de Germain Lemieux, s.j. Bilan de l’ethnologie en Ontario français – Actes du colloque tenu à l’Université de Sudbury les 31 octobre, 1er et 2 novembre 1991 sous la direction de J.-P. Pichette, Sudbury, Prise de parole et Centre franco-ontarien de folklore, « Ancrages », 1993, p. 279.
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[2]
Id., p. 275–285
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[3]
Id., p. 276.
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[4]
Id., p. 278.
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[5]
Dans des mémoires de maîtrise et des thèses de doctorat dirigés par Luc Lacourcière : Hélène Bernier, La fille aux mains coupées (conte-type 706), Québec, Les Presses de l’Université Laval [PUL], « Archives de folklore » [« AF »] 12, 1971, xii-191 p.; Germain Lemieux, Placide-Eustache – Sources et parallèles du conte-type 938, Québec, PUL, « AF » 10, 1970, viii-214 p.; Nancy Schmitz, La mensongère (conte-type 710), Québec, PUL, « AF » 14, 1972, xiv-310 p.; Pauline Éthier, « Monographie du conte-type 590 A, L’épouse traîtresse dans la tradition canadienne-française », Québec, Université Laval, thèse de maîtrise ès arts, 1976, xiv-246 p.; Margaret Low, « L’oiseau mystérieux du château volant : monographie internationale du conte-type 708 A (462) », Québec, Université Laval, thèse de Ph.D., juin 1978, xxvi-473 p.
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[6]
J.-P. Pichette, L’observance des conseils du maître – Monographie internationale du conte type A.-T. 910 B précédée d’une introduction au cycle des Bons conseils (A.T. 910–915), Québec, PUF, « AF » 25; Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, « Folklore Fellows Communications » 250, 1991 (xx-672 p.), p. 570–571.
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[7]
Donatien Laurent, « La place du conte populaire français […] », op. cit., p. 285.
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[8]
Théodore Hersart de la Villemarqué (1815–1895), auteur d’un ouvrage fondateur, Barzaz-Breiz, chants populaires de la Bretagne (1839).
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[9]
J.-P. Pichette, « La découverte de la chanson traditionnelle française en Canada ou la fascination d’un folklore vivifié », dans La Bretagne et la littérature orale en Europe, textes réunis et publiés par Fañch Postic, Mellac-Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, Centre de recherche et de documentation sur la littérature orale, Centre international de rencontre des cultures de tradition orale, 1999, p. 261–289.
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[10]
Donatien Laurent, « La reddition du Foudroyant en 1758 – Un épisode naval de la guerre de Sept Ans à travers la chanson française de tradition orale en France et en Nouvelle-France », dans Entre Beauce et Acadie – Facettes d’un parcours ethnologique, études offertes au professeur Jean-Claude Dupont, textes réunis par J.-P. Pichette avec la collaboration de Jocelyne Mathieu, Richard Dubé et Yves Bergeron, [Québec], PUL, [2001], p. 260.
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[11]
J.-P. Pichette, « La diffusion du patrimoine oral des Français d’Amérique », dans Langue, espace, société – Les variétés du français en Amérique du Nord, sous la direction de Claude Poirier, avec la collaboration de Aurélien Boivin, Cécyle Trépanier et Claude Verreault, Sainte-Foy, PUL, « Culture française d’Amérique », 1994, p. [127]–143.
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[12]
Estimation française de Paul Delarue, Le conte populaire français, Paris, Éditions G.-P. Maisonneuve et Larose, 1957 (1976), tome premier, p. 34. Pour sa part, Luc Lacourcière évaluait à 9 000 « le nombre total des versions de contes retrouvées dans la tradition orale française nord-américaine » à la fin des années soixante, dans Germain Lemieux, Placide-Eustache – Sources et parallèles du conte-type 938, Québec, Presses de l’Université Laval, 1970, « Préface », p. viii.
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[13]
J.-P. Pichette, Le guide raisonné des jurons : langue, littérature, histoire et dictionnaire des jurons, Montréal, Les Quinze, « Mémoires d’homme », 1980, 305 p.
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[14]
Conclusion extraite de J.-P. Pichette, « Jurons franco-canadiens : typologie et évolution », dans Le statut culturel du français au Québec, Actes du congrès Langue et société au Québec, tome ii, textes colligés et présentés par Michel Amyot, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1984, p. 251.
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[15]
G. de Beaumont, Lettres d’Amérique 1831–1832, Paris, Presses universitaires de France, 1973, p. 122–123. Référence aimablement communiquée par Yves Lefier, professeur de littérature à l’Université Laurentienne. Pour d’autres remarques de même nature, voir J.-P. Pichette : « La découverte de la chanson traditionnelle française en Canada ou la fascination d’un folklore vivifié », dans La Bretagne et la littérature orale en Europe, textes réunis et publiés par Fañch Postic, Mellac et Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 1999, p. [261]–289.
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[16]
Louis Hémon (Brest, 1880–Chapleau, 1913), Écrits sur le Québec, avant-propos et postface de Chantal Bouchard, notes et variantes par Ghislaine Legendre et Chantal Bouchard, [Montréal], Éditions du Boréal, « Boréal compact classique » 52, [1993], 175 p. « Itinéraire de Liverpool à Québec » (p. 13–53), p. 53.
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[17]
Louis Hémon, Maria Chapdelaine – Récit du Canada français, présentation d’Aurélien Boivin, postface de Bernard Clavel, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1990, p. 194.
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[18]
Voir le chapitre 2 (« La langue des premiers Canadiens ») dans Le français au Québec – 400 ans d’histoire et de vie, publication du Conseil supérieur de la langue française sous la direction de Michel Plourde avec la collaboration de Hélène Duval et de Pierre Georgeault, [Montréal], Éditions Fides, [2003], p. 25–42, notamment les textes de Lothar Wolf, de Raymond Mougeon et de Jean-Denis Gendron.
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[19]
Lothar Wolf, « Les colons de Nouvelle-France », dans Le français au Québec, op. cit., p. 27.
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[20]
Jean-Denis Gendron, « Le français des premiers Canadiens », dans Le français au Québec,op. cit., p. 42.
-
[21]
Id., p. 41.
-
[22]
Hubert La Rue, « Les chansons populaires et historiques du Canada », dans Le foyer canadien, Québec, tome i, 1863, p. 328–329. La position de cet auteur est abordée dans J.-P. Pichette, « La découverte de la chanson traditionnelle en Canada français ou la fascination d’un folklore vivifié », La Bretagne et la découverte de la littérature orale en Europe, op. cit., p. 268–272.
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[23]
Marius Barbeau, Le Romancero du Canada, [Montréal], Éditions Beauchemin; [Toronto, Macmillan], 1937, 254 p. (préface de Marguerite Béclard d’Harcourt).
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[24]
Id., p. 16–17; pour les autres commentaires de ce type, voir les pages 123, 129, 168, 180, 200, 227, 240, 244 et 250.
-
[25]
Id., « Préface » datée de Paris, juin 1936, p. 7–11.
-
[26]
Id., p. [7].
-
[27]
Id., p. 11.
-
[28]
André Varagnac, « Le folklore canadien en France », dans Les archives de folklore, Montréal, Fides, vol. 4, 1949, p. 10–11.
-
[29]
. AFUL, fonds Luc Lacourcière, BP 3038, Coirault à Lacourcière, 20 janvier 1947, p. 2.
-
[30]
AFUL, fonds Luc Lacourcière, BP 3038, Lacourcière à Coirault, 28 janvier 1947, p. 3–4.
-
[31]
Articles publiés dans les Cahiers Charlevoix – Études franco-ontariennes, Sudbury, Société Charlevoix et Prise de parole : J.-P. Pichette, « “Danser sur ses bas” – Rémanence d’une sanction populaire dans le rituel du mariage franco-ontarien » (n˚ 5, 2002, p. 229–311) et « De La Mégère apprivoisée au Roman de Julie Papineau – Origines d’un rituel du mariage franco-ontarien » (n˚ 6, 2004, p. 195–248).
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[32]
Donatien Laurent, « La place du conte populaire français […] », op. cit., p. 285.
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[33]
L’article précité avait été devancé par une conférence publique « Un héritage du calendrier gaulois : le pèlerinage millénaire de la « troménie » de Locronan en Bretagne. L’espace et le temps réconciliés », en octobre 2000 à l’Université de Sudbury, dans la série des Conférences Laurent-Larouche; il fut suivi par un deuxième texte, cette fois dans le volume inaugural de la revue Rabaska, dont il est depuis la fondation membre du comité scientifique : « “La Belle qui fait la morte” – Emprunt et adaptation : les versions en langue bretonne » (Rabaska, Québec, Société québécoise d’ethnologie, no 1, 2003, p. 21–29); puis d’un troisième l’année suivante avec le concours de Georges Delarue : « Points de vue : Répertoire des chansons françaises de tradition orale. Comparaison des catalogues Coirault et Laforte » (Rabaska, vol. 2, 2004, p. 159–167). Entre temps, avec son collègue Jean-François Simon, autre collaborateur de Rabaska, il avait participé à la séance « Passages et échanges interculturels II » du congrès de l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore (Acef), à Sudbury en mai 2002; enfin, nous étions tous deux des « Premières Rencontres britto-franco-canadiennes. Traditions, revitalisations, créations », organisées par le Crbc à Brest, en juin 2006, en prévision du colloque de 2007.
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[34]
Mission à Brest et à Poitiers en mai 2000, à laquelle participèrent la regrettée Évelyne Voldeng†, D. Laurent, J.-F. Simon, F. Postic, D. Giraudon, au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de l’Université de Bretagne Occidentale, puis R. Labelle et A. Magord à l’Institut d’études acadiennes et québécoises de l’Université de Poitiers afin de rallier une équipe française; conférence et séminaires à Sudbury de Donatien Laurent en octobre 2000; mission à Brest et Paris en mars 2002.
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[35]
Congrès de l’Acef à Sudbury en mai 2002 (N. Schmitz, D. Sarny, J. Simard); voir le Bulletin de l’Acef, vol. 26, 2002, p. 16 : « Passages et échanges interculturels », Laurent, Simon, Pichette. Congrès de l’ Acef à Pointe-de-l’Église en mai 2005 (Y. Bergeron, R. Labelle, D. Lamontagne, J. Simard).
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[36]
Journées d’études à Pointe-de-l’Église en octobre 2005 et à Brest en juin 2006.
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[37]
J.-F. Simon, F. Lempereur, R. Labelle, J. Simard, J.-C. Dupont, G. Boudreau, J.-L. Robichaud, M. Laliberté, M. Lavoie, R. LeBlanc, G. d’Entremont.
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[38]
M.-A. Barbier, N. Blanchard, L. Guidroux, É. Guillorel, P. Kouraogo.
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[39]
En voir les comptes rendus dans La Mouvée n˚ 1, bulletin de la Cofram, Université Sainte-Anne, décembre 2005, p. 3–5, et dans La Mouvée n˚ 2, décembre 2006, p. 2–3.
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[40]
Exemples : la survivance de la « guignolée » au Missouri, tradition depuis longtemps disparue sous cette forme ailleurs au Canada français; le port de la ceinture fléchée par les Métis de l’Ouest, devenue aussi le symbole identitaire des Métis des Maritimes, etc.
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[41]
Ethnologie, histoire de l’art, de la littérature, de la religion, de la culture, linguistique, littérature, folklore, animation culturelle, histoire, anthropologie, archéologie, sociologie, théologie, éducation.
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[42]
Diéreville, « Relation des manieres tant des habitans que des sauvages de la Nouvelle France », dans Relation du voyage du Port Royal de l’Acadie, ou de la Nouvelle France suivie de Poésies diverses, édition critique par Normand Doiron, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, « Bibliothèque du Nouveau Monde », 1997, p. 216–218. Publié pour la première fois à Rouen en 1708, ce voyage a eu lieu du 20 août 1699 au 10 novembre 1700.
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[43]
L. du Hailly [pseudonyme d’Édouard-Polydore Vanéechout], Campagnes et stations sur les côtes de l’Amérique du Nord, Paris, E. Dentu, 1864, chapitre VI : « Les Acadiens et la Nouvelle-Écosse », p. 183–184.