Abstracts
Résumé
Le rôle joué par les religieux tant dans la collecte que dans la valorisation des traditions orales n’est pas spécifique à la Bretagne ni au Canada francophone : les religieux sont tout aussi présents parmi les folkloristes et ethnographes d’autres régions de l’Europe. Et les mêmes questions peuvent être posées sur leur implication dans la culture populaire : leur investissement a-t-il à voir avec leur vocation religieuse (ou était-ce simplement un résultat fortuit chez une personne cultivée au fait des tendances littéraires qui vit en étroite relation avec la culture rurale) ? Comment ont-ils surmonté l’hostilité religieuse pour certains éléments douteux de la culture populaire, et l’association du populaire et de la superstition ? Y avait-il notamment des réseaux cléricaux autour des savoirs populaires qui diffusaient des modèles de comportement en matière de collecte ? Y avait-il une conception spécifiquement catholique ou protestante de la valeur du folklore ? Comment la position d’autorité des prêtres au sein de la communauté a-t-elle influé sur leur pratique de collecte ? Comment ont-ils répondu à la politisation de la religion ? Quel est l’impact de toutes ces considérations sur les matériaux qu’ils ont recueillis et sur la façon dont ils les ont diffusés auprès du public ? Après un court résumé de la place des religieux dans la collecte folklorique en Europe depuis le dix-huitième siècle, ce chapitre considère trois motifs qui ont poussé les religieux à s’intéresser à la culture vernaculaire : le sens du merveilleux ; le problème de survivances païennes, et les savoirs linguistiques au service des missions. Pour conclure on prend l’exemple du père Louis Pinck, l’un des religieux les plus redoutables dans le Reichsland Elsass-Lothringen, et personnage controversé dans l’histoire mouvementée de l’Alsace et de la Lorraine entre les deux guerres. Si les cinq volumes du Weisen Verklingende de Pinck sont l’un des grands monuments de la collecte de la chanson folklorique en France au xxe siècle, leur forme doit beaucoup à l’influence de ses préoccupations religieuses et sacerdotales. La Lorraine présente un point commun avec la Bretagne et le Canada francophone : la politique linguistique y a également été au centre des activités de collecte.