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Au printemps 2018, à l’occasion du colloque État des lieux de la recherche en théâtre de la Société québécoise d’études théâtrales, présenté à l’Université du Québec à Montréal, j’avais été vivement interpelée par une séance dédiée aux mises en scène de la parole féminine dans la littérature du XVIe au XVIIIe siècle. Élaborée par Louise Frappier, professeure à l’Université d’Ottawa, elle réunissait des chercheuses[1] dont les travaux étaient traversés par une réflexion sur la parole des femmes et sur la façon dont cette parole est mise en forme dans des textes dramatiques et des écrits littéraires comportant une composante liée au théâtre ou présentant des marques de théâtralité. Comment, à partir de diverses postures auctoriales et dans une pluralité de registres de fiction, s’élaborent les dispositifs d’énonciation des femmes? Quel(s) sujet(s) féminin(s) émerge(nt) de ces représentations discursives? Quelles formes de rapports au pouvoir et au politique ces oeuvres mettent-elles en jeu? Plusieurs pistes de réflexion avaient alors été esquissées par les participantes, non pour répondre de façon assertive à ces questions mais afin d’ouvrir – ouvrir un peu plus avant – un champ réflexif fécond (et jusqu’ici peu exploré) autour de ces écritures de l’Ancien Régime.

Aujourd’hui, quelque quatre années après la tenue du colloque, ce numéro de Percées reprend le fil de ces échanges, nourri des travaux qui ont été menés, depuis, au sein de l’équipe de recherche « Jeux et enjeux de la parole des femmes : l’écriture féminine en question (XVe-XVIIIe siècle) » dirigée par Diane Desrosiers et à laquelle contribue activement Louise Frappier[2]. Pour ce dossier, cette dernière s’est entourée de spécialistes qui, se penchant tout particulièrement sur la forme de la tragédie, s’attachent aux diverses façons dont le discours porté par les locutrices, au théâtre, est tout à la fois vecteur d’identité, support d’inscription sociale et instrument politique. Chacun des articles porte sur une oeuvre distincte mais, à travers de multiples échos, un dialogue poreux, et riche, s’établit entre ceux-ci. Cette mise en résonance se poursuit d’ailleurs dans la section « Documents » qui accompagne ce captivant dossier.

Aussi dans ce numéro

Dans la section « Parcours critique », dédiée à des contributions essayistiques portant sur un événement en arts vivants saisi au prisme de l’expérience subjective, Guylaine Massoutre propose une réflexion autour de la création chorégraphique Solos prêts-à-porter de Karine Ledoyen. À l’image de cette création qui invite à la déambulation dans la ville, son texte, tout en fragments, déplie une trajectoire sensible sur ce qui subsiste et peut encore surgir de la danse lorsque celle-ci, miniaturisée, et par le truchement de la vidéo, vient se déposer au creux de nos mains. Sous la rubrique « Notes de lectures », trois recensions critiques sont ensuite proposées : la première, élaborée par Kathrin-Julie Zenker, porte sur l’ouvrage L’interprétation du réel : théâtres documentaires au Québec codirigé par Hervé Guay et Sarah Thibault; la suivante, signée par Sarah-Louise Pelletier-Morin, est consacrée au livre collectif Le théâtre contemporain au Québec, 1945-2015 dirigé par Gilbert David avec la collaboration de Hervé Guay, Hélène Jacques et Yves Jubinville; la dernière entrée, qui clôt aussi ce numéro, est préparée par Marie-Josée Plouffe et aborde l’ouvrage Aristophane dans les banlieues : pratiques de la non-école de Marco Martinelli.

Du changement

En terminant, il me faut annoncer d’importantes modifications apportées dans les derniers mois à la composition de l’équipe éditoriale de Percées. Tout d’abord, après quatre ans passés à la codirection de la revue, et après plusieurs années à s’impliquer au sein du comité de rédaction, notre cher collègue et ami Jean-Paul Quéinnec cède aujourd’hui sa place. Au nom du comité de rédaction de la revue, et en mon nom propre, je mets ici en relief son exceptionnelle contribution à la revue : du temps de L’Annuaire théâtral, il a notamment participé activement à l’établissement, en ses pages, d’une section « Recherche-création », contribuant ce faisant à mettre en lumière la pertinence et la vitalité de la recherche-création en arts vivants; il a aussi été de toutes les initiatives de Percées, du passage de notre publication au format numérique et au libre accès, au changement de nom et jusqu’à la co-imagination, avec Marie-Christine Lesage, de notre plateforme multimodale L’Extension R&C. Je souligne qu’à ses qualités de visionnaire, et à sa rigueur et son inventivité, s’ajoutent des qualités humaines d’écoute et de bienveillance. Je le remercie ici pour son apport inestimable à la revue et pour les liens d’amitié tissés avec les membres de l’équipe éditoriale durant toutes ces années.

C’est Louise Frappier, professeure à l’Université d’Ottawa (et responsable du présent numéro) qui prend maintenant la relève à la codirection de la revue. Son arrivée coïncide avec l’élargissement de notre comité de rédaction qui accueille cette année deux nouvelles conseillères : Johanna Bienaise, professeure au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal, et Julie Burelle, professeure en Performance Studies à l’Université de Californie à San Diego. Nous leur souhaitons chaleureusement la bienvenue.

Bonne lecture!