Disputatio

Réponses à mes critiques[Record]

  • François Recanati

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Gillon définit le contexte grammatical comme étant « l’ensemble des aspects de la situation de l’énonciation d’une phrase exigés par les mots qui forment celle-ci pour qu’elle acquière des conditions de vérité ». Il y a deux sortes de mots qui « exigent » ainsi quelque chose du contexte où ils sont prononcés. Les indexicaux ont leur valeur sémantique fixée par rapport à un aspect de la situation d’énonciation (aspect que, suivant Nunberg, j’appellerai « l’index ») et sont donc tels que, si l’index n’est pas déterminé, la phrase où ils figurent est inévaluable parce que l’indexical lui-même ne peut recevoir de valeur sémantique. Ainsi, le mot « demain » se définit par rapport au moment de l’énonciation (index) et a pour valeur sémantique le lendemain du jour où celle-ci a lieu. Si on ne fixe pas le moment de l’énonciation de la phrase, on ne peut déterminer la valeur sémantique de « demain » et la phrase, par conséquent, ne reçoit pas de conditions de vérité déterminées. Le moment de l’énonciation appartient donc au contexte grammatical, suivant la définition de Gillon. Il en va de même du lieu de l’énonciation, et de bien d’autres aspects de la situation d’énonciation par rapport auxquels sont déterminées les valeurs que prennent contextuellement les indexicaux. Ce que Gillon appelle le co-texte fait également partie du contexte grammatical. En effet, la valeur sémantique des expressions anaphoriques est fixée par rapport à un antécédent linguistique, de sorte que la phrase où elles figurent ne peut être évaluée comme vraie ou fausse (et ne reçoit donc pas de conditions de vérité) si un tel antécédent n’est pas donné dans le discours auquel appartient la phrase en question. Ces deux types de cas, que Gillon nomme respectivement « exophore » et « endophore », épuisent selon lui la dépendance des conditions de vérité des énoncés par rapport au contexte grammatical. Et Gillon me critique pour avoir soutenu le contraire. J’ai peine à comprendre la critique de Gillon. Je n’ai aucune objection à l’idée que l’indexicalité et l’anaphore épuisent la dépendance des énoncés par rapport au contexte grammatical. Car Gillon définit le contexte grammatical de telle façon que la dépendance vis-à-vis de ce contexte ne peut être que « de bas en haut », au sens où ce sont les mots eux-mêmes qui, en vertu de leur signification linguistique conventionnelle, rendent nécessaire l’appel au contexte pour fixer la valeur sémantique. Il y a une autre forme de dépendance contextuelle à laquelle mon livre est, pour l’essentiel, consacré, mais elle est « de haut en bas », c’est-à-dire qu’elle prend sa source non dans la signification conventionnelle des expressions linguistiques, mais dans le contexte lui-même. Parfois, le contexte nous conduit à donner aux mots une interprétation qui n’est pas l’interprétation conventionnelle déterminée par les règles du langage. Le rôle que joue le contexte dans ces cas-là est fondamentalement différent de celui qu’il joue lorsqu’il s’agit d’assigner un référent à une expression indexicale ou anaphorique. Gillon lui-même, dans son compte rendu, insiste beaucoup sur cette différence. Dans le second type de cas — lorsque, pour parler comme Gillon, la circonstance visée par le locuteur n’est pas celle que détermine la phrase en vertu de son contenu sémantique strict — le sens communiqué par le locuteur dépend bien du contexte, mais il ne s’agit pas d’une dépendance par rapport au contexte grammatical tel que le définit Gillon. Il semble qu’il y ait cependant un point de désaccord entre Gillon et moi, concernant la dépendance vis-à-vis du contexte grammatical. Gillon soutient que le contexte grammatical tel qu’il le définit inclut seulement la …

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