Comptes rendus

George Khushf (dir.), Handbook of bioethics: Taking stock of the field from a philosophical perspective, Kluwer Academic Publishers, 2004, 573 pp.[Record]

  • Soumaya Mestiri

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  • Soumaya Mestiri
    Université de Tunis

L’ouvrage édité par G. Khushf se présente comme un panorama relativement exhaustif de la réalité de la bioéthique aujourd’hui, sous la forme d’une collection d’essais (vingt-six contributions, elles-mêmes classées en cinq sections) réunissant des philosophes et des médecins qui se proposent d’envisager les questions qui les interpellent selon une approche philosophique. Pour autant, et comme le souligne l’introduction du recueil, la tâche n’est pas mince, et qui s’y attelle doit d’abord affronter deux difficultés majeures conçues comme deux risques inhérents à la nature même de la bioéthique en tant que discipline de recherche. Le premier danger est celui d’une perte de repères: ceux qui rejoignent la bioéthique viennent d’horizons différents, de sorte qu’il est au final extrêmement malaisé de cerner des profils et de classer les intervenants, chercheurs et contributeurs comme appartenant à une discipline initiale (philosophie, théologie, sciences médicales...), puisqu’ils se définissent d’emblée comme bioéthiciens. Le second danger est celui de la spécialisation à outrance dans une question précise de bioéthique, en oubliant qu’il s’agit d’une discipline très étendue, qui couvre un champ très large dont les divers éléments doivent être en liaison continue les uns avec les autres. En ce sens, la création et le développement de pôles de spécialisation indépendants nuit à une vision synthétique des choses au sein d’une « discipline multiple », conçue comme un réseau aux nombreuses ramifications. L’approche du recueil, une approche philosophique, n’est pas, elle non plus, aisée à définir et à réaliser. Qu’est-ce approcher philosophiquement la bioéthique? Il s’agit, affirme Khushf, d’adopter et de faire sienne la rigueur formelle qui définit classiquement le raisonnement philosophique, tout en se démarquant de l’idée selon laquelle la philosophie, mère de toutes les sciences, est fondée à nous fournir les réponses à toutes les questions que nous nous posons. En somme, le rapport qui unit bioéthique et philosophie peut être résumé de la manière suivante: la bioéthique est une pratique bien établie, avec sa culture, ses normes et sa propre histoire; si elle ne la définit pas et si elle ne cherche pas à en offrir une reconstruction, la philosophie ne lui est cependant pas totalement étrangère puisqu’elle lui propose d’oeuvrer selon sa méthode et avec ses armes, usant à la fois du concept et du regard critique. La première section, « L’émergence de la bioéthique », recense une unique contri­bution, celle de Jonsen, et fait office d’introduction historique au présent volume. Jonsen énumère les différents facteurs qui ont permis l’émergence de la bioéthique et prend soin de démontrer que cette naissance n’est pas une naissance unilatérale, mais s’est accompagnée, conjointement, de la re-nais­sance des traditions et des disciplines qui ont permis l’édification de la bio­éthique. Plus particulièrement, une dialectique fructueuse s’est mise en place, et la philosophie, dans un retour de balancier qui lui fut à la fois bénéfique et salutaire selon Jonsen, s’est vue acculée à renouveler ses méthodes d’investigation et à sortir du positivisme logique alors en vogue pour entrer dans une sphère plus concrète d’inspiration aristotélicienne, voir pragmatiste, à la Dewey par exemple. La deuxième section, « La théorie bioéthique », regroupe sept contributions, deux d’entre elles étant écrites à quatre mains. Le point commun de ces contributions est l’idée selon laquelle aucune réponse, que l’on soit fémi­niste, adepte de l’éthique narrative ou autre, ne peut prendre la forme d’une solution définitive, indépassable, mathé­matique. Des différences d’approche émergent toutefois, prenant souvent la forme d’une alternative et requérant, de la part du bioéthicien, une prise de position ferme. Ainsi en est-il de la question de savoir si l’on doit mettre l’accent sur les actions ou l’agent lui-même, sur le mobile de …