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Notice critique : Reconstructing Reason and Representation — Murray Clarke[Record]

  • Michael Bishop

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  • Michael Bishop
    Université de la Floride

Nul ne peut raisonnablement nier que nos esprits sont le produit de l’évolution. Le problème va au-delà de cette généralisation. La psychologie évolutionniste (PE) gère le problème en proposant une histoire très spécifique de la façon dont nos esprits ont été formés par l’évolution : quelque part au cours du Pléistocène, un évènement génétique s’est produit et a occasionné, chez certains de nos prédécesseurs chasseurs-cueilleurs, un module mental (un processeur computationnel) qui a efficacement contribué à relever les défis quant à leur capacité à survivre et se reproduire. Conséquemment, le module acquis par les chasseurs-cueilleurs leur a donné un avantage reproductif sur leurs contemporains qui en étaient privés, et donc, après plusieurs générations, il est devenu prévalent parmi nos ancêtres. Ce processus s’est répété de nombreuses fois pour produire chez nos ancêtres beaucoup (peut-être des milliers) de modules innés et spécialisés (Barkow, Cosmides & Tooby 1992). La sélection naturelle nous a légué des esprits massivement modulaires. Depuis environ une décennie, de sérieuses inquiétudes sur les fondements biologiques de la PE ont été soulevées (voir Buller, 2005). Le livre ambitieux et intéressant de Murray Clarke, Reconstructing Reason and Representation, ne soulève pas ces soucis à leur propos. Il vise plutôt à extraire de la PE un ensemble complet de perspectives sur la connaissance et l’esprit humain. Ce compte rendu mettra l’accent sur trois des thèmes principaux de Clarke : sa défense de la modularité massive, sa solution partielle au problème de la disjonction (ou erreur de représentation), et sa proposition selon laquelle la connaissance est fragmentée. Le cas standard de « l’effet lié au contenu » de la modularité massive commence avec la découverte empirique selon laquelle la valeur du raisonnement des agents cognitifs dépend du contenu de ses conditionnelles (Cosmides, 1989). Considérez ces deux règles conditionnelles (Clarke, 2004, 92) : En dépit du fait qu’elles partagent la même structure logique, les gens trouvent plus facile de raisonner correctement à propos de b que de a. Qu’est-ce qui explique cet effet lié au contenu? Une hypothèse veut que les humains aient un « module de détection des tricheurs », lequel est activé à chaque fois qu’un sujet identifie une situation sociale d’échange (Gigerenzer et Hug, 1992). Dans l’exemple ci-dessus, b déclenche notre module de détection des tricheurs (donc, nous savons qu’il faut vérifier l’âge du consommateur de bière et la boisson du mineur) mais a ne le fait pas (Clarke, 2004, 7-12, 90-98). L’objection la plus sérieuse à cet argument pose une hypothèse rivale : l’effet lié au contenu peut être parfaitement bien expliqué par des mécanismes généraux opérant sur des connaissances innées. En conséquence, la découverte de l’effet lié au contenu ne nous donne pas de bonnes raisons d’accepter que l’esprit soit massivement modulaire. Je crois que cette objection a été proposée explicitement pour la première fois par Richard Samuels (1998), bien que, comme celui-ci le note, elle soit implicite dans le travail de Carey et Spelke (1994). (Pour d’autres versions de l’argument, voir Fodor, 2000, et Buller, 2005.) Clarke défend que le problème de cette objection est qu’elle présuppose une version invraisemblablement forte de la modularité massive — nommément, que l’esprit est entièrement modulaire. Mais il insiste sur l’idée que la modularité massive est une hypothèse inclusive. Il maintient que l’esprit est « dominé » par les modules, mais il reconnaît la possibilité que certaines pensées d’ordre supérieur peuvent être le résultat d’un processeur général agissant sur des ensembles spécifiques ou généraux de connaissance (2004, 7, 36, 28-29, 138-140). Étant donné cette perspective sur la situation dialectique, Clarke souligne que l’hypothèse proposée par Samuels (comme Fodor et …

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