Comptes rendus

Andler, Daniel. La silhouette de l’humain. Quelle place pour le naturalisme dans le monde d’aujourd’hui ? Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2016, 555 p.[Record]

  • Marc-Kevin Daoust

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Cet ouvrage de Daniel Andler pose une question simple mais importante : quelle attitude devrions-nous adopter face au naturalisme ? Par exemple, est-il judicieux d’admettre l’existence de phénomènes surnaturels dans une théorie scientifique ou philosophique ? Andler offre un regard renouvelé et approfondi sur cette thèse controversée telle qu’elle se déploie dans les sciences et les sociétés contemporaines. Le premier chapitre de l’ouvrage brosse un portrait plutôt historique du naturalisme (scientisme, positivisme logique, nouveau naturalisme, etc.) et se conclut par une recommandation provisoire en faveur d’un naturalisme critique. Les chapitres II à IV font l’état des lieux de programmes de recherche naturalistes contemporains comme les sciences cognitives, les neurosciences et la psychologie évolutionnaire. Dans ces chapitres, l’approche d’Andler consiste à exposer une théorie ou une méthode, à identifier les problèmes qu’elle a rencontrés, pour ensuite montrer quelles solutions ont été proposées pour les contourner. L’objectif des chapitres II à IV est donc d’établir un portrait clair des stratégies, forces et écueils qui caractérisent ces grands programmes de recherche naturalistes. Andler tire deux conclusions générales de cet état des lieux. D’une part, on ne peut plus faire fi des succès observés dans les programmes de recherche naturalistes, et d’autre part, les récents progrès en sciences cognitives, en neurosciences et en psychologie évolutionnaire montreraient à quel point nous avions, il y a quelques décennies, une compréhension fragmentaire et limitée de ces phénomènes. Pour ces raisons, pense Andler, la question est moins de savoir si l’on doit rejeter le naturalisme que de déterminer l’attitude correcte à adopter face à de tels succès. Le chapitre V confirme ce qu’Andler avait déjà accepté comme hypothèse probante au terme du premier chapitre : le naturalisme est une perspective théorique et méthodologique prometteuse, à condition qu’il soit ouvert à la critique. Dans l’ensemble, ce livre offre un excellent compte rendu des recherches récentes dans les sciences cognitives et les approches évolutionnaires. Il offre aussi un panorama détaillé des thèses qui touchent au naturalisme, défendues par différents philosophes, de Charles S. Pierce à Jerry Fodor, en passant par Willard V. O. Quine. C’est assurément un bon ouvrage de référence sur le sujet, qui intéressera les chercheurs et chercheuses en philosophie des sciences ou en philosophie de l’esprit. J’ai cependant quelques réserves en ce qui concerne la thèse défendue par Andler. Je consacrerai le reste de ce compte rendu à résumer et analyser la position d’Andler quant au naturalisme critique, principale contribution originale de l’ouvrage. La thèse d’Andler s’articule autour de deux concepts : le naturalisme (ontologique ou épistémique) et l’examen critique. Les trois compréhensions suivantes du naturalisme intéressent Andler : Formulée ainsi, la thèse (1) implique les thèses (2) et (3). En effet, supposons que l’on puisse connaître par des processus non naturels, ou encore que l’on puisse connaître par d’autres méthodes que celles employées pour connaître la nature. Cela impliquerait qu’il existe ou bien des processus de connaissance non naturels, ou bien des objets non naturels. Donc tout argument en faveur de (1) est aussi un argument en faveur de (2) et (3). Pour Andler, cela signifie que la question fondamentale du naturalisme est ontologique, puisqu’elle englobe les deux autres. C’est ce qui le motive à répondre à cette question en priorité. Andler suggère, à la fin du chapitre I, que l’on ne peut offrir une réponse concluante à la question du naturalisme ontologique, et ce, même si les programmes de recherche naturalistes rencontrent un succès manifeste. Il n’existe pas d’argument définitif en faveur de la thèse selon laquelle la nature est tout ce qui …

Appendices