Comptes rendus

Alan Thomas, Republic of Equals : Predistribution and Property-Owning Democracy, New York, NY, Oxford University Press, 2017, 472 pages[Record]

  • Gabriel Monette

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  • Gabriel Monette
    Université de Montréal

Cet ouvrage ambitieux et érudit de la plume du philosophe britannique Alan Thomas est une contribution significative à la recherche sur le libéralisme, et plus généralement à la philosophie de l’économie. Dans celui-ci, l’auteur offre non seulement une perspective originale sur l’oeuvre du philosophe libéral John Rawls en y joignant plusieurs concepts issus de la conception républicaine de la liberté développée par Philip Pettit, mais il y défend aussi une conception nouvelle provenant du mariage de ces deux approches : le libéralisme républicain. La pertinence de cet ouvrage est d’autant plus grande qu’il dépasse le seul intérêt du mariage entre le libéralisme et le républicanisme, car il présente aussi une analyse rigoureuse des enjeux économiques de l’égalitarisme libéral rawlsien et du républicanisme. À cela se mêle une étude exhaustive des nombreux enjeux qui sont soulevés par l’application des principes de justice et les questions de domination dans la sphère économique. C’est surtout un travail impressionnant offrant de nombreux outils à celles et ceux qui voudraient interroger les rapports entre libéralisme et républicanisme. Thomas aborde en effet de manière détaillée de très nombreuses contributions aux questions liées à la liberté et au pouvoir dans la tradition tant libérale que républicaine. Les propositions d’égalitaristes aussi divers de Roemer, Ackerman ou Tomasi sont discutées en détail en offrant le cadre du libéralisme républicain comme base d’analyse critique. Ce livre offre donc en premier lieu une étude du libéralisme rawlsien appliqué aux questions économiques, qui s’inscrit dans un renouveau illustré par la récente publication de John Rawls : Reticent Socialist par William Edmundson. Il est important de noter que le républicanisme intervient régulièrement dans l’argumentaire de Thomas, mais toujours dans le rôle d’auxiliaire à l’argumentation, forme de réponse au danger de la domination et à la dérive oligarchique. En effet, chaque chapitre présente le libéralisme comme cadre d’analyse et invoque les idées républicaines comme support. Cela n’est cependant pas le symptôme d’une méconnaissance des enjeux républicains. Sans brosser un portrait de toutes les approches républicaines, Thomas ne manque pas d’évoquer le républicanisme en entreprise (workplace republicanism) de Hsieh ou les perspectives critiques de McCormick. Il aurait pu être pertinent d’aborder cependant les travaux importants de Gourevitch sur le républicanisme du travail, ou les contributions de David Casassas et de Wispelaere. L’objectif du livre de Thomas est non seulement de développer cette approche qu’est le libéralisme, mais aussi de répondre à une question importante soulevée par Rawls dans Libéralisme politique. Dans cet ouvrage, Rawls se pose la question suivante : quelle est la structure économique qui peut réaliser la justice comme équité ? Il conclut fameusement que, autant un système économique « socialiste de marché » qu’une « démocratie des propriétaires » peut réaliser la justice comme équité. Selon lui, l’un ou l’autre serait capable de réaliser ses idéaux. C’est cette conclusion que Thomas souhaite remettre en question. La thèse de l’auteur est claire. Il entend montrer que le socialisme de marché n’est, en fait, pas cohérent avec cette conception de la justice. Pour lui, la seule structure économique cohérente avec le libéralisme républicain est la démocratie des propriétaires. Autrement dit, Thomas considère, avec Rawls, que les concepts classiques du libéralisme ne nous permettent pas, à eux seuls, de choisir entre ces deux systèmes économiques. C’est seulement avec l’aide du républicanisme, de ses outils conceptuels et de sa sensibilité aux rapports de pouvoir, et avec l’aide de la notion de domination, qu’il est selon lui possible d’y arriver. Il commence dans les trois premiers chapitres par une défense de Rawls en bonne et due forme. Ceux-ci présentent les concepts centraux qu’il espère …

Appendices