Comptes rendus

Katia Genel (dir.), La dialectique de la raison. Sous bénéfice d’inventaire, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2017, 312 pages[Record]

  • Aurélia Peyrical

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  • Aurélia Peyrical
    Université Paris-Nanterre

Le volume La dialectique de la raison. Sous bénéfice d’inventaire, dirigé par K. Genel, rassemble les contributions du colloque international qui s’est tenu à la Sorbonne les 12 et 13 mai 2014 sous le titre « La Dialectique de la Raison, 70 ans après. Critique sociale, politique et esthétique ». L’ouvrage ne rend pas précisément compte du colloque tel qu’annoncé, puisque les contributions de J.-O. Bégot, A. Birnbaum et M. E. Rosen ne s’y trouvent pas. S’y ajoutent en revanche celles d’A. Allen, A. Grivaux et E. Buch. Aux quatre moments du colloque se substituent trois temps dans l’ouvrage publié : « Un modèle critique inédit », « Faire table rase et après ? Le modèle critique de la Dialectique de la Raison en question », « Au-delà de la critique : un autre discours rationnel ». Le choix d’une telle réorganisation ne nous paraît pas anodin. À un ensemble de thèmes — métaphilosophie, éthique et esthétique, sciences sociales, politique — est préféré un arrangement qui, en décloisonnant les questionnements, propose un cheminement progressif centré sur la question de l’actualité de ce texte phare de la seconde moitié du vingtième siècle. K. Genel souligne en introduction que l’intention d’une telle publication « est de restituer [au texte] ses ambivalences et de montrer que le diagnostic historique sur les Lumières s’articule à un discours sur l’usage même de la raison qui a gardé toute sa pertinence » (p. 10). L’enjeu correspond à l’idée que l’on se fait d’une théorie critique vivante, confrontée à des défis aussi inédits que multiples : ne pas clore définitivement les interprétations d’un texte complexe et à maints égards étonnant, ne pas prétendre parvenir à en aplanir les tensions multiples. Les contributions, dans leur diversité, semblent animées d’une même quête : dépasser la perplexité première sans la sous-estimer, afin d’aller au-delà tant des polémiques stériles les plus variées que d’une révérence hors de propos. Ni document historique ni monument intouchable, donc. Afin d’éviter ces écueils, les contributrices et contributeurs s’efforcent, par des réflexions elles-mêmes dialectiques, de susciter la (re)lecture de cet ouvrage difficile, alors même que certains ont voulu le discréditer en y voyant une « sorte d’autodestruction de la critique sous sa forme totalisante » (p. 10). Les contributions de la première partie brossent le portrait d’un texte qui n’en finit pas de surprendre. Sans aller jusqu’à assimiler la raison communicationnelle de Habermas à l’Aufklärung totalitaire décriée par Adorno et Horkheimer, A. Allen cherche à évaluer le dépassement promis par ce dernier. Elle propose de revisiter la Dialectique de la Raison pour y voir une source d’inspiration possible pour les développements actuels de la théorie critique, notamment les critiques postcoloniales. Son argument consiste à voir dans l’ouvrage, dans sa rhétorique et son style, non pas la volonté de résoudre le paradoxe de l’Aufklärung, mais le souci pérenne de présenter l’ambivalence de la raison sous forme polémique et incisive, d’en exposer ainsi la foncière ambiguïté. A. Demirovic s’interroge également sur la pertinence de la critique habermassienne lorsqu’elle discrédite l’entreprise de la Dialectique de la Raison au nom d’un échec à refonder la raison et ses prétentions à l’universel. Comme il le souligne à plusieurs reprises, pour les auteurs « [i]l n’est nullement besoin de refonder la raison, car celle-ci, dans la vie collective, ne cesse d’être exercée » (p. 93). Chercher un programme d’émancipation dans la Dialectique de la Raison revient à miminiser sa stratégie originale : analyser, à même l’exercice historiquement différencié de l’Aufklärung, le fossé entre ses tendances irrationnelles, qui résulte de son affinité avec …

Appendices