Comptes rendus

Sébastien Gandon et Ivahn Smadja (dir.), Philosophie des mathématiques : logiques, preuves et pratique, Paris, Librairie philosophie J. Vrin, 2017, 384 pages[Record]

  • Jeffrey Elawani

…more information

  • Jeffrey Elawani
    Université de Montréal

S. Gandon et I. Smadja réunissent, dans un second tome dédié à la philosophie des mathématiques, la traduction française de six publications anglophones relativement récentes. Si le précédent recueil, « Ontologie, vérité, fondements », adoptait une orientation classiquement philosophique sur le sujet, l’intitulé « Logique, preuve et pratique » de la nouvelle parution indique une plus grande proximité avec les mathématiques effectives. Partagés également en trois sections, les articles sont unis par leur confrontation à une attitude qui posait traditionnellement les problèmes de philosophie mathématique dans un cadre logique et ensembliste consensuel. Le présent tome porte en cela le projet du premier : celui d’introduire mathématiciens et philosophes à l’actualité de recherches originales mais ignorées du public francophone. Ses trois sections sont accompagnées de longues introductions puisque les deux présentateurs ne se cachent pas de la plus grande technicité de l’ouvrage, et de leur volonté de rendre la lecture abordable à l’amateur sérieux. La première des sections, qui regroupe les textes de Jamie Tappenden, « Concepts mathématiques et définition », et de Mark Wilson, « Peut-on se fier à la forme logique ? », est introduite par une présentation de l’inspiration philosophique qui anime les deux auteurs. L’extension naturelle d’une théorie en mathématiques semble supposer que les concepts possèdent un sens propre au-delà de la stipulation logique qui les définit dans tel système formel restreint. En proposant une lecture de type contextuel de la philosophie de Frege, Tappenden et Wilson prennent acte, d’après les présentateurs, de cette « croissance conceptuelle inhérente aux mathématiques effectives ». Si la discussion qui s’ensuit sur l’interprétation et l’héritage frégéens des auteurs est intéressante, il est cependant douteux que son intérêt aide à une meilleure intelligence de leurs articles. Ceux-ci se résument ainsi. Le texte de Tappenden traite de l’apport épistémologique des définitions en mathématique et promeut le concept de définition réelle. La réalité d’une définition vient, entre autres, de son pouvoir à saisir le bon trait explicatif dans une perspective d’approfondissement de la recherche mathématique. Par exemple, le symbole de Legendre, tel que défini en théorie élémentaire des nombres, paraît un moyen artificiel et économique, prima facie, de présenter le théorème de réciprocité quadratique. Pourtant, dans le cadre algébrique moderne, la loi de réciprocité quadratique sous la forme ramassée du symbole de Legendre est un cas particulier d’un théorème d’isomorphisme fécond entre certains groupes d’intérêts. Tappenden tire deux leçons de cet exemple : 1) que la seule forme logique ne renseigne pas sur la réalité ou l’artificialité d’une définition puisque le symbole de Legendre définit en apparence, par une fonction, une propriété de type disjonctive. Or ces propriétés, par exemple « Vleu », la propriété d’être vert ou bleu, se remarquent par une forme logique qui aiguille vers leur caractère artificiel ; 2) que des justifications mathématiques inhérentes sont nécessaires pour juger qu’une définition est réelle. Tappenden enchaîne que la découverte d’une bonne définition ne peut être réduite ni à un changement d’opinion eu égard aux propriétés de la chose définie ni à une simple convention linguistique nouvelle. Reste à avouer que la bonne définition nous fait progresser vers une meilleure connaissance de la chose définie. Le texte de Mark Wilson part du fonctionnement de l’inférence mathématique pour éclaircir certains aspects du langage et du raisonnement en général. L’auteur met en avant une distinction entre grammaire standard et grammaire active. La première relève de l’analyse logico-grammaticale inculquée à un locuteur en puissance lors de son premier apprentissage. La seconde est une compréhension postérieure que l’on tire de la pratique effective du langage, et des succès de certains modes de raisonnement …

Appendices