Comptes rendus

Claude Romano, La Liberté intérieure, une esquisse, Paris, Hermann, 2020, 100 pages[Record]

  • Yoann Malinge

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  • Yoann Malinge
    Professeur agrégé de philosophie, Lycée Bellevue, Le Mans

Dans La liberté intérieure, une esquisse, Claude Romano instruit le problème de la liberté. Il formule ce dernier sous la forme d’une alternative dès les premières pages de son essai : « La liberté est-elle ce pouvoir neutre et indifférencié de choix et d’action qui est octroyé à tout individu, et qu’il exerce identiquement avec tout autre, ou n’est-elle pas plutôt une capacité qui n’échoit qu’à lui seul d’accomplir son être propre dans ce qu’il a d’unique ?  » (p. 6-7). La thèse qu’il entend soutenir dans son livre est qu’être libre, c’est être autonome. Or, C. Romano propose une définition particulière de l’autonomie, à savoir que la volonté et la décision d’une personne « expriment l’être » de celle-ci et « manifestent un accord de cet être avec lui-même » (p. 7). Dans un premier chapitre, l’auteur explique sa thèse de l’autonomie par opposition à deux thèses opposées qu’il distingue de la sienne. Il poursuit son analyse en étudiant la liberté comme capacité à faire ce que l’on veut vraiment. Puis, dans un troisième et dans un quatrième chapitre, C. Romano propose sa définition de l’autonomie qui doit être recherchée pour devenir l’expression de soi dans l’action, ce dont il donne une illustration par son analyse du roman La Princesse de Clèves, qui fait l’objet du dernier chapitre de son livre. Tout au long de son essai, C. Romano déploie sa thèse en l’opposant à celles de différents adversaires, certains dont il suit les analyses assez précisément et d’autres dont l’approche est plus sommairement évoquée. Une des thèses principales à laquelle il s’oppose est celle qui consiste à établir une hiérarchie des états mentaux « pour placer au sommet ceux avec lesquels nous avons tendance à nous identifier » (p. 8), en particulier ceux qui sont rationnels. Cette hiérarchie des états mentaux serait, selon C. Romano, celle qui « s’impose en Occident […] des stoïciens à Descartes, de Kant à Sartre et même à Frankfurt » (p. 16). Dans son introduction, rappelant la tripartition de l’âme proposée dans le livre III de la République, il montre comment Platon accorde au noûs un rôle fondamental pour établir l’harmonie de l’âme et permettre à la personne d’être maîtresse d’elle-même, de s’identifier à ses décisions. Une telle approche « dénie à la sensibilité et à l’affectivité toute contribution à l’autonomie » (p. 15), souligne C. Romano. Toutefois, c’est précisément cette dimension de la vie psychique qu’il entend réhabiliter pour l’intégrer à ce dont le sujet doit tenir compte pour prendre une décision qui soit l’expression complète de ce qu’il est. Selon C. Romano, « la liberté intérieure n’est pas à penser sur le modèle d’un pouvoir sur soi-même qui pourrait être dévolu à une faculté maîtresse ». « Le véritable gouvernement de soi est à penser en termes holistes, comme une fidélité à la totalité des mouvements qui nous guident, à notre propre complexité intérieure » (p. 17). Dès lors que la compréhension de la liberté fait droit à la complexité de nos états mentaux sans les hiérarchiser, les rapports de ces états mentaux entre eux ne doivent plus être considérés comme un conflit à résoudre, par exemple avec le triomphe d’une faculté mentale sur une autre (la raison contre la partie désirante de l’âme, comme chez Platon). La liberté consiste en « la disparition du conflit, l’état de paix intérieure » (p. 18). Mais cet accord avec soi n’est pas sous le pouvoir de la volonté. C’est plutôt un effet secondaire par essence, un « by-product » ainsi que le conceptualise C. Romano avec Jon Elster (p. 19). Après …

Appendices