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Introduction

L’objectif de cet article est de prouver en quoi l’intégration de nouveaux préposés aux bénéficiaires dans les organisations gériatriques de type Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHLSD) au Québec se définit comme un processus d’habilitation, c’est-à-dire de construction identitaire des nouvelles recrues par le groupe de pairs. Nous définissons le groupe de pairs comme l’ensemble des préposés travaillant dans un même service gériatrique. Deux phases spécifiques composent ce processus d’habilitation : les recrues vont être jugées et sélectionnées par les préposés expérimentés durant la phase dite d’ « orientation » selon leur capacité à supporter la lourde charge de travail.Sur la base de ce jugement, les recrues sélectionnées seront identifiées par les préposés expérimentés comme des membres du groupe de pairs, et se verront transmettre des compétences informelles nécessaires pour l’accomplissement du travail quotidien en CHSLD, qui n’ont pas été transmises durant la formation initiale. Ainsi, l’habilitation prend la forme d’une construction sociale du préposé compétent par les pairs. Cette attribution collective de compétences ne dépend pas uniquement du diplôme obtenu ou de la formation suivie, mais de l’adéquation de la pratique de la recrue aux exigences de la charge de travail dans les CHSLD.

Les préposés aux bénéficiaires, dans les organisations gériatriques de type CHSLD, sont les acteurs professionnels chargés de réaliser les tâches d’hygiène et d’assistance envers les résidents âgés, comme les toilettes, les bains, les transports à la salle de bain ou à la salle d’animation, les repas, etc. (Bigaouette, 2001). Ces tâches peuvent être identifiées sous le nom générique de care (Molinier, 2010), c’est-à-dire comme des activités reconnues comme domestiques et réalisées dans un environnement professionnel. Du fait du peu d’exigences en termes de qualifications, le métier de préposé est placé au bas de la hiérarchie organisationnelle et la pratique de ce personnel demeure sous la supervision des infirmières auxiliaires et des infirmières.

Les préposés travaillant dans les CHSLD possèdent différentes années d’expérience selon la date de leur entrée dans le métier et dans l’organisation (Grenier, 2008). Les plus jeunes recrues, ne détenant pas ou peu d’expérience professionnelle, sont intégrées très majoritairement dans l’organisation avec un statut de « temps partiel occasionnel », qui représente un statut d’emploi très précaire (« sur appel »). Les préposés plus expérimentés détiennent un statut plus stable, de type « temps partiel » (deux ou trois jours de travail assurés par semaine) ou « temps complet » (cinq jours assurés). La majorité des préposés intégrés en CHSLD actuellement détiennent un DEP, qui signifie diplôme d’études professionnelles en « assistance à la personne en établissement de santé ». Il s’agit d’un diplôme sanctionnant une formation courte, d’environ sept mois, constituée principalement de stages et d’un court apprentissage théorique. Notons que ce diplôme n’est pas obligatoire au Québec pour travailler dans une institution gériatrique en tant que préposé. Il est néanmoins reconnu comme un atout majeur, voire indispensable actuellement dans l’obtention d’un poste dans les CHSLD du secteur public.

Cet article tente précisément de démontrer que la dynamique d’intégration des nouvelles recrues par le groupe de pairs, et plus précisément par les préposés expérimentés dans les CHSLD, détient une importance fondamentale en termes de construction identitaire qui dépasse l’apport de la formation de type DEP. Après avoir replacé le problème que nous soulevons dans le contexte scientifique et social actuel, nous préciserons le cadre théorique que nous avons choisi, soit la théorie de l’habilitation (Stroobants, 1993). Puis, nous spécifierons la méthode que nous avons utilisée pour la réalisation de l’étude. Nous présenterons les résultats en identifiant les deux phases constituant le processus d’habilitation, soit le jugement de compétences de la recrue par le préposé expérimenté et la transmission des compétences informelles de celui-ci à celle-là. La partie de discussion aura pour objectif de démontrer que ce processus d’habilitation constitue la trame de la construction identitaire du nouveau préposé par le collectif de travail.

1. Problématique

L’intérêt d’une étude portant sur le processus d’intégration des nouveaux préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD au Québec est conditionné par plusieurs facteurs d’ordre structurel et institutionnel influençant fortement l’organisation du travail des préposés aux bénéficiaires dans ce type d’établissement.

Tout d’abord, les préposés aux bénéficiaires, identifiés comme le personnel le plus rapproché du résident (Arborio, 2001), sont confrontés directement aux modifications structurelles vécues actuellement en CHSLD : les dépenses publiques augmentent pour faire face au défi du vieillissement, mais une restriction budgétaire s’applique et empêche toute augmentation substantielle du nombre de préposés. Parallèlement, les caractéristiques médicales des résidents admis en CHSLD se sont largement transformées ces dix dernières années (Clément & Lavoie, 2005 :; les résidents sont davantage touchés par des problématiques de type physique (ex. : obésité) ou cognitif (ex. : maladie d’Alzheimer). Ainsi, les préposés aux bénéficiaires sont dorénavant responsables des actes d’assistance envers une population davantage touchée par une santé très fragilisée, sans pour autant que le ratio préposés / résidents âgés ne leur permette de bénéficier de suffisamment de temps pour que ces actes soient de très bonne qualité. Plus particulièrement, les préposés nouvellement intégrés peuvent donc rencontrer de nombreuses difficultés à devoir assister ainsi, lors de leurs premières journées de travail, une population aussi dépendante dans des délais serrés.

À ces données structurelles se rajoutent de nouvelles exigences institutionnelles en CHSLD. Des initiatives prônant les droits des patients se diffusent actuellement, particulièrement par l’application du modèle ministériel Approche milieu de vie (MSSS, 2003 ; 2004). Ce modèle est destiné à ce que les intervenants répondent de manière adéquate aux besoins des résidents. La formation AGIR (MSSS, 2008) permet actuellement l’application de l’Approche milieu de vie dans le cadre des CHSLD. Notons que ces exigences institutionnelles en termes de qualité de vie sont à replacer dans le cadre actuel fortement médiatisé des problématiques de maltraitance (Beaulieu, 2007). Ainsi, les préposés doivent mettre en oeuvre des compétences spécifiques afin que les besoins des résidents soient respectés. Si le bienfait d’un tel idéal n’est pas critiquable, nous pouvons néanmoins nous interroger sur les modalités par lesquelles l’institution gériatrique permet aux préposés d’atteindre cette finalité. Nous avons montré ailleurs (Aubry, Godin & Couturier, 2011) que des problématiques organisationnelles se posent à ce propos : les préposés disent manquer de moyens humains en termes de personnel pour parvenir à cet idéal. Nous pouvons postuler que cette critique est particulièrement audible de la part des nouvelles recrues, pour qui l’entrée dans le métier peut constituer un « choc de la réalité » (Freidson, 1984, p. 66), voire un désenchantement, comme cela a été montré dans le cadre des soins palliatifs en France (Castra, 2003).

Des conséquences organisationnelles sont inévitablement provoquées par ces multiples facteurs. L’effet contradictoire du manque de personnel et de l’augmentation des exigences en termes de qualité de vie (Aubry, Godin & Couturier, 2011), c’est-à-dire l’accentuation des contraintes quantitatives et qualitatives (Sainsaulieu, 2003), est ressenti par les préposés comme une épreuve majeure. Comment rester « bientraitant » (Beaulieu & Crevier, 2010) lorsque l’organisation gériatrique ne nous permet pas de réaliser des actes de qualité, pourtant imposées par les directions d’hébergement ? Les écrits en psychodynamique du travail (Molinier, 2010) et en ergonomie (Litim & Kostulski, 2006) ont permis de démontrer toute l’importance de l’intelligence collective comme voie de construction, de négociation et d’application de compétences informelles telles que les stratégies de régulation (Caroly & Weill-Fassina, 2004). Suivant le propos de l’ergonomie cognitive, la charge de travail prescrite serait respectée grâce à une création collective des compétences mises en oeuvre dans les situations professionnelles. Une stratégie de régulation collective éloquente, que nous avons présentée ailleurs (Aubry, sous presse), concerne l’ajustement temporel des rythmes de travail selon la proximité du préposé au corps du résident : au contact du résident, le préposé doit ralentir sa pratique tout en respectant le temps accordé collectivement pour la tâche effectuée (15 minutes pour une toilette, par exemple) tandis qu’il doit accélérer sa pratique durant les autres moments, hors de l’interaction avec les résidents. Cette stratégie peut paraître simple a priori, mais elle recèle de microcompétences situationnelles qui démontrent tout l’équilibre que doivent maintenir les préposés durant les situations d’interactions : discuter avec le résident en effectuant une toilette, savoir rapidement calmer une situation d’angoisse qui empêche un soin, etc.

L’appropriation de ces compétences informelles et de ces stratégies par les jeunes recrues pose précisément la question des modalités d’intégration de celles-ci dans les CHSLD. Peu d’études portent sur les situations d’intégration de nouvelles recrues dans des contextes hospitaliers, mis à part l’étude de Castra (2003) dans le contexte des soins palliatifs. Selon nos données, aucune étude ne prend comme objet de recherche l’expérience de l’intégration des préposés les moins expérimentés dans les organisations gériatriques. Pourtant, les données actuelles concernant les forts taux de roulement de personnel, de taux d’absences et de démissions de préposés dans le contexte québécois sont alarmantes (Grenier, 2008). Nous avons soutenu dans un autre article (Aubry, 2010) que le groupe de pairs détient une place essentielle concernant l’intégration des nouvelles recrues dans le contexte gériatrique français. Dans le cadre de cet article, il nous semble alors important de démontrer que, dans le contexte québécois, cette phase d’intégration pose des questions identitaires cruciales aux nouvelles recrues. L’analyse de leur intégration en termes d’habilitation peut nous aider à lever le voile sur les problématiques sociologiques en jeu durant cette courte période.

2. Cadre théorique

Nous utiliserons la théorie de l’habilitation (Stroobants, 1993) dans le cadre de cet article afin d’expliquer le processus de construction de l’identité professionnelle des préposés aux bénéficiaire durant leur phase d’intégration au CHSLD. Les postulats traditionnels de la formation professionnelle se basent sur le fait que la compétence est la simple conséquence de l’acquisition de connaissances théoriques ou pratiques acquises durant une formation. La théorie de l’habilitation permet de renverser la perspective en plaçant le jugement social comme la cause fondamentale de la compétence des acteurs (Stroobants, 1995). Il s’agit ainsi d’une théorie de la construction identitaire de l’acteur professionnel qui permet de comprendre la manière par laquelle celui-ci devient compétent non pas uniquement en fonction de la formation initiale qu’il a suivie, mais en fonction du jugement des pairs relativement à des critères informels nés des exigences du terrain. Pour reprendre Stroobants (1994, p.196), « le mot compétent est […] bien plus riche que l’usage qu’on en fait actuellement puisqu’il désigne à la fois le droit de connaître et la capacité de connaître ». Précisément, la théorie de l’habilitation donne au jugement une place décisive en définissant la compétence comme une construction sociale (Stroobants, 1991).

La théorie de l’habilitation se compose de deux phases principales, soit le jugement de compétence et l’acquisition des compétences informelles. Stroobants considère tout d’abord que la compétence ne peut pas se définir uniquement comme la seule possession de multiples compétences diverses que l’acteur professionnel aurait acquises durant la formation. C’est plutôt le jugement social des acteurs professionnels expérimentés qui est constructeur de compétences (Stroobants, 1999), c’est-à-dire le processus d’étiquetage, au sens de Becker (1985), de ces recrues : « Deviendra compétent celui qui est habilité à devenir habile dans un domaine de compétence » (Stroobants, 1994, p. 196-197). Ceci ne veut pas dire que les compétences acquises par les travailleurs durant la formation n’ont pas d’importance; mais le jugement social des pairs sanctionne une autre forme de compétence, celle requise pour répondre aux exigences du contexte de travail.

Suivant cette théorie, la compétence se définit donc moins comme un contenu à assimiler a priori qu’un attribut du sujet consécutif du jugement social (Stroobants, 1991). Nous retrouvons ici la seconde phase de l’habilitation. Le sujet attribué de compétences peut, en droit et en fait, acquérir des compétences spécifiques et informelles, en lien avec la réalité locale de l’activité, qui complèteront les compétences issues de la formation initiale : « l’habilitation […] cherche à analyser d’un seul tenant cette transformation qui, de droit, confère une habileté de fait » (Stroobants, 1993, p. 10). La logique de formation et d’acquisition est alors inversée : ce n’est pas la « mobilisation des compétences » (Stroobants, 2010, p. 81) transmises durant la formation qui permet d’être compétent. C’est davantage le droit de travailler et de connaître les formes collectives de travail, consécutif au jugement social des pairs expérimentés, qui permet l’acquisition, le développement et la mise en oeuvre de compétences spécifiques et informelles, visibles par les pairs (Stroobants, 1994). Stroobants (1993) parle d’ailleurs de « moule » pour illustrer son modèle. Le moule se définit comme une structure d’acquisition des compétences, c’est-à-dire comme un contenant, soit un produit du processus de socialisation ; par cette structure, les acteurs professionnels peuvent acquérir un contenu, soit des compétences qui ne dépendent pas de la formation initiale. Selon Stroobants (1993, p. 309), « ni l’assimilation par « décalque » d’une forme prélevée sur l’environnement ni le développement par « déclic » d’une compétence préformée ne permettent de comprendre comment peut s’acquérir une structure d’acquisition ». C’est que le jugement social détient un sens dépendant du contexte d’intégration; il est émis selon les compétences nécessaires à obtenir par les recrues, selon les exigences du contexte de travail. L’habilitation consacre alors une reconnaissance locale des compétences (Stroobants, 1994) : les préposés aux bénéficiaires ne seront pas habilités selon les mêmes critères en gériatrie et à l’hôpital. Nous préciserons, dans la partie réservée aux résultats, les critères effectifs du jugement de compétences par les pairs en CHSLD.

3. Méthodologie

Cet article s’appuie sur les résultats d’une étude qualitative réalisée dans le cadre d’un doctorat en sociologie, ayant comme thématique la dynamique de transmission des compétences professionnelles des préposés aux bénéficiaires entre préposés nouvellement intégrés et préposés expérimentés. Notre étude tentait précisément de définir le processus par lequel la nouvelle recrue s’intégrait à l’organisation et d’identifier l’écart entre les compétences transmises par la formation et celles transmises sur le terrain par le collectif de travail.

Nous avons réalisé 23 entrevues auprès de préposés aux bénéficiaires travaillant dans deux CHSLD publics du Québec. Ces préposés détenaient un nombre d’années d’expérience variant entre un et 28 ans; le choix de l’échantillon s’est réalisé sur un critère spécifique : nous avons interrogé environ 12 préposés ayant moins de cinq ans d’ancienneté et 11 préposés ayant plus de cinq ans d’ancienneté afin de récolter des témoignages auprès de personnel détenant un total d’années d’expérience différentes. Nous avons interrogé 21 femmes et deux hommes . Les entrevues furent semi-dirigées et de type « explicitation » (Vermersch, 2006); nous voulions par cela orienter le propos des préposés vers les thématiques structurant notre étude tout en leur laissant une liberté de parole. Une grille d’entrevue a été construite à ce propos. Par ailleurs, nous avons utilisé des données anonymes tirées d’entrevues dans le cadre même de notre article afin d’illustrer notre propos.

Des phases d’observation (Kohn & Nègre, 2003) ont également été effectuées. Nous avons réalisé environ 30 heures d’observation dans chaque CHSLD. Il s’agissait pour nous de suivre un préposé aux bénéficiaires expérimenté dans son travail quotidien afin de répertorier les moments de solidarité et de tensions durant les interactions avec ses collègues préposés. Nous avons particulièrement été attentifs aux périodes d’interaction entre préposés nouvellement recrutés et expérimentés. Nous avons choisi de réaliser des observations sur des quarts du matin et d’après-midi, qui sont ressentis par les préposés comme des périodes durant lesquelles la charge de travail est lourde. Le temps total d’observation a donc été de 60 heures, se décomposant en cinq heures d’observation sur six journées différentes par site.

Le codage et l’analyse thématique ont été effectués suivant les lignes directrices de la grille d’entrevue. L’analyse a suivi les étapes du processus inductif qualitatif selon Paillé et Muchielli (2008). Nous nous sommes donc inspirés de la « grounded theory » (Corbin & Strauss, 1990) afin de réaliser un aller-retour entre la collecte et l’analyse des données tirées des entrevues et des observations.

4. Résultats

4.1 La phase d’intégration comme phase de sélection de nouveaux préposés aux bénéficiaires

L’entrée dans le métier en tant que préposé apparaît pour les acteurs interrogés comme une expérience difficile. Plus particulièrement, deux épreuves sont présentées par les préposés comme des étapes déterminantes dans le processus d’intégration à l’organisation gériatrique : il s’agit, d’une part, de la confrontation à la souillure et à la mort et, d’autre part, de la lourde charge de travail à respecter. Surmonter les deux épreuves que nous présentons ici est une condition incontournable de l’entrée dans le métier.

Durant leur travail quotidien, les préposés doivent effectuer des tâches d’hygiène envers des résidents fortement dépendants. Ceci les oblige à se confronter aux aspects dégradants de l’assistance aux personnes âgées, notamment les vomissements, l’urine, les excréments, la vue et l’odeur des draps et des vêtements souillés, et l’expérience de la mort du résident. Les préposés qui débutent leur pratique dans les organisations gériatriques n’expérimentent pas pour la première fois cette épreuve ; en fait, c’est la période de stage durant la formation qui sert de première expérience concernant le dégoût que peut provoquer le travail autour de la souillure et de la mort. En effet, les préposés doivent suivre différents stages dans différents milieux de santé (CHSLD, hôpital, etc.) dans le cadre de leur formation en DEP durant lesquels l’environnement professionnel leur est présenté. Durant cette période, un proposé référent, possédant plusieurs années d’expérience, est chargé d’encadrer la stagiaire et de donner un avis sur sa capacité à travailler malgré la souillure et la mort. Par ce jugement, une sélection s’effectue déjà durant les stages entre ceux qui ne peuvent pas réaliser le travail par dégoût et ceux qui « tiennent » face à cette épreuve, comme le démontre le propos de ce préposé référent.

On a une élève stagiaire, actuellement, elle n’est pas du tout à sa place, la pauvre... Elle n’est pas capable, du moment qu’elle va laver, faire une toilette, du moment où il y a un petit peu d’urine dans la protection, elle est paralysée. (…) Ce n’est pas drôle, c’est sûr, mais une préposée doit savoir faire ca.

Préposé aux bénéficiaires, 22 ans d’expérience

Le stage se définit donc comme une période d’expérimentation du métier tout autant qu’une étape de présélection des futurs préposés en gériatrie. Ceux qui voudront tout de même devenir préposés, malgré un échec durant leur stage, pourront choisir d’autres milieux de travail moins difficiles émotionnellement, comme certains services de l’hôpital. Pour ceux qui, une fois diplômés, voudront revenir en gériatrie, ils devront se confronter à une seconde épreuve, soit l’acceptation de la charge de travail. Cette épreuve s’expérimente davantage durant la phase d’intégration dans l’organisation gériatrique lorsque les compétences apprises durant la formation ne semblent pas suffisantes face à la réalité du terrain.

La formation dans son ensemble est fortement critiquée par les acteurs. Le point central de cette critique concerne son inutilité au regard des exigences du terrain. En effet, selon les préposés, la formation ne donnerait pas une perception juste des rythmes de travail qui caractérisent leur pratique. Cette critique révèle la contradiction entre le rythme de travail tel qu’il apparaît pendant la formation et celui, beaucoup plus complexe, que les recrues découvrent lors de l’intégration au service du CHSLD. Les conditions de travail ne seraient que peu ou pas évoquées en formation.

En formation, on nous dit de faire attention, de prendre le temps qu’on a besoin... C’est pour ça que ce n’est pas possible...Quand on est préposé et qu’on entend ça, on se dit Crime, ils ne voient pas c’est quoi la réalité en CHSLD... On nous dit qu’on a 45 minutes par résident en formation, mais en fait on a 15 minutes, peu importe l’état de la personne

Préposé aux bénéficiaires, 4 ans d’expérience

Nos données nous permettent de postuler que la totalité des acteurs identifient la charge de travail qu’ils subissent comme une entrave à la qualité de leur travail et que l’expérience de cette épreuve durant les premiers moments de l’intégration est difficile : les rythmes de travail appris durant la formation ne coïncident pas avec les exigences temporelles vécues durant les pratiques quotidiennes. Étant donné le ratio préposé / résident et le plan de travail construit chaque matin par les préposés lors des périodes de transmission, le temps admis pour chaque interaction entre résident et préposé est fortement réduit. Ces exigences temporelles ne permettraient pas aux préposés de réaliser des actes d’assistance de qualité, mais de réaliser seulement un « minimum » de travail relationnel.

On n’est pas suffisamment nombreux pour faire des soins de qualité, alors on nous demande de faire de bien s’occuper des madames, on essaie de le faire, mais on n’est pas assez nombreux. Le service qu’on donne, je veux dire le service relationnel, c’est au minimum.

Préposé aux bénéficiaires, 10 ans d’expérience

Afin de respecter les deux exigences organisationnelles, soit la qualité de l’assistance et la charge de travail, les nouvelles recrues doivent donc savoir répondre à un double enjeu en termes de rythmes de travail: il s’agit de réduire le temps de l’assistance auprès des résidents afin de pouvoir réaliser un travail relationnel au « minimum » tout en effectuant les tâches d’hygiène ou d’alimentation. Le préposé doit donc tenir un rythme lent, celui du résident, sans pour autant perdre du temps durant sa pratique; il doit aussi accélérer le rythme de travail durant les autres périodes, hors du contact avec les résidents.

L’analyse de nos données nous a permis de constater que les préposés expérimentés détiennent une expertise à juger de la compétence des nouvelles recrues sur la base de ces enjeux. Les premiers temps de l’intégration des recrues sont consacrés à la phase dite d’orientation ou de training. Il s’agit d’une étape courte (de deux à cinq jours) durant laquelle la nouvelle recrue va travailler sous l’oeil du préposé expérimenté référent, responsable de l’encadrement de la recrue. Celui-ci va pouvoir rendre compte au chef d’unité de vie de la compétence ou de l’incompétence de la nouvelle recrue à réaliser le travail demandé; le chef d’unité de vie décidera, à la fin, du sort de la recrue, à savoir si elle est engagée ou non. Nous n’avons pas de données chiffrées à ce propos, mais, selon les propos des préposés référents, leur choix est largement respecté. Ainsi, les recrues sont jugées majoritairement sur cette capacité à mettre en oeuvre des compétences liées aux rythmes de travail auprès des résidents, non transmises durant la formation initiale.

Moi je suis chargé de l’orientation des nouvelles(…). On regarde la nouvelle travailler, on la voit faire quand elle commence, on voit ce qui se passe. On regarde si elle travaille bien, si elle sait s’y faire avec la personne, comment elle s’en occupe au moment des toilettes. Mais je te dirais que tout le monde ne l’a pas, parce que beaucoup de nouvelles n’ont pas le beat. Ca prend un certain rythme, c’est Go! Une toilette, go! Une autre… Toutes les nouvelles n’arrivent pas à suivre le rythme, surtout le matin, parce que c’est des moments rapides avec des moments lents quand tu dois suivre le rythme des résidents, parce que tu ne peux pas aller plus vite qu’eux

Préposé aux bénéficiaires, 16 ans d’expérience

Le même constat est émis par un jeune préposé, nouvellement intégré à l’organisation. Selon lui, ce qui a été jugé dans sa pratique concerne moins les compétences transmises durant sa formation que les compétences situationnelles relatives au respect des rythmes de travail découvertes au moment de l’intégration. Les premières situations de travail se présentent alors comme de véritables épreuves révélatrices de compétences.

Je me rappelle que ca [l’intégration] s’est bien passé[e] mais il fallait que j’aille vite, c’est surtout ca que j’ai remarqué… Parle moi pas de prendre du temps avec les personnes! En fait durant la formation tu as du temps. Tu fais tes toilettes tranquillement sur un mannequin, et durant les stages ce sont des vraies personnes. Mais ce n’est pas le même rythme qu’en vrai. Alors j’ai du faire plus vite, et je savais que j’en étais capable parce que ma référente me disait « T’es capable, tu as un bon rythme »

Préposé aux bénéficiaires, 2 ans d’expérience

La phase d’intégration a ainsi tout d’une phase de sélection, consécutive à la période de stage, qui prend ici une dimension normative. Les anciens préposés jugent rapidement la compétence des nouveaux sur les épreuves que constituent la rapidité des tâches matérielles à réaliser, mais également le passage à des gestes lents lorsque le corps de la personne âgée est manipulé. Ces compétences en termes de rythmes de travail ne sont pas apprises durant la période de formation, qui est davantage tournée vers la qualité des pratiques d’assistance. Les préposés doivent donner préalablement les preuves, visibles pour les anciens, qu’ils sont capables d’accomplir leurs tâches selon un rythme de travail déséquilibré. La sélection effectuée lors de la phase d’intégration a pour conséquence l’éviction hors du CHSLD d’un certain nombre de candidats diplômés qui ne répondent pas aux normes.

4.2 La phase d’intégration comme phase de transmission de compétences informelles

Nos données nous permettent d’avancer qu’il existe au sein des deux organisations gériatriques étudiées une véritable instance normative de régulation des tâches; nous voulons parler du groupe de pairs de préposés aux bénéficiaires qui sélectionne les « bonnes » recrues selon des normes collectives dont les préposés référents se font les porte-paroles. Selon nous, les préposés partagent une même représentation des exigences organisationnelles qu’elles subissent, soit une surcharge de travail qui naît de l’inadéquation entre la quantité de travail à réaliser, la qualité du service à fournir et les moyens humains mis à disposition par l’établissement. L’intensification du travail et la limitation du personnel sont particulièrement mal vécues dans les situations où le corps de la personne âgée doit être mobilisé. Par exemple, dans le cas des toilettes journalières qui s’effectuent le matin, nous avons pu observer que les préposés réduisent leur période de discussion avec le résident à la période de toilettes : malgré les injonctions au respect de la personne et de ses besoins de la part de la hiérarchie, il n’est pas question, durant les périodes de toilettes, de s’arrêter de travailler quelques minutes pour parler avec la personne. Un préposé nous illustre ce point :

On ne peut pas prendre plus de quelques minutes pour une toilette, je dirais 15 minutes, après on est en retard. On perd du temps. Et les autres nous le disent, et nous avec le temps on le sait. Alors il faut trouver des moyens de discuter avec la personne tout en la lavant, de gagner du temps comme tu peux

préposé aux bénéficiaires, 3 ans d’expérience

On remarque en quoi cette situation place les préposés devant une contradiction puisqu’ils doivent réaliser davantage de soins de qualité en respectant les besoins des résidents, sans pour autant avoir le temps de respecter cet engagement. Les préposés précisent que les compétences apprises durant leur formation ne permettraient pas de réaliser la charge de travail prescrite. D’autres compétences sont en jeu dans les situations concrètes de travail. Afin de parvenir à respecter ces obligations, les préposés mettent en oeuvre des compétences et des stratégies pour respecter ces directives contradictoires. Celles-ci sont de plusieurs ordres (relationnelles, techniques, etc.), et ont pour caractéristiques d’être informelles et collectives, puisqu’elles ne sont pas transmises par la formation, mais plutôt par le groupe de pairs. Nous pouvons prendre l’exemple de la gestion des cas complexes, quand un résident refuse d’être lavé. Une solution avancée dans cette situation consiste à ce que le préposé responsable de la toilette de ce résident sur le plan de travail journalier demande à un autre préposé reconnu pour détenir de meilleurs liens d’affinité avec cette personne d’échanger temporairement les résidents.

Sur le plan de travail, on ne choisit pas vraiment nos résidents, parce qu’on veut que tous les préposés s’occupent de tous les résidents. C’est correct. Mais parfois, on n’a pas le choix, on doit demander à tel préposé de venir s’occuper de telle personne parce qu’on peut rien faire, elle ne veut pas qu’on lui fasse la toilette, elle hurle, elle se bloque. C’est plus facile pour tout le monde de demander l’aide de quelqu’un qui saura la calmer rapidement

préposé aux bénéficiaires, 3 ans d’expérience

Le fait de demander l’appui d’un préposé détenant une bonne relation avec un résident récalcitrant est une compétence collective essentielle. De même, savoir apaiser l’état d’un résident est également une compétence relationnelle efficace, qui devient collective lorsque les préposés expérimentés tentent de transmettre cette compétence aux recrues.

On a une madame qui hurle quand on essaie de l’habiller le matin… Ce n’est pas une madame avec qui s’est facile de travailler, ca peut prendre du temps… moi et une autre préposé on sait s’en occuper, ca va, mais la jeune qui arrive, elle ne sait pas pantoute comment faire… Alors faut qu’on lui dise, qu’on lui apprenne, par exemple à ne pas crier fort même si elle ne répond pas, parce qu’elle est sensible de l’ouïe

préposé aux bénéficiaires, 12 ans d’expérience

Ces compétences relationnelles et collectives ne sont que deux exemples d’un ensemble de compétences informelles utilisées quotidiennement par les préposés pour respecter les enjeux organisationnels durant les phases de toilettes ou de bains. Durant le temps des repas, et afin d’accélérer la pratique sans pour autant être maltraitants ou faire preuve de négligence, les préposés peuvent utiliser une autre stratégie consistant à alimenter deux résidents à la fois.

Ce que moi je dis aux jeunes qui viennent ici, pour les repas, c’est de s’en occuper deux à la fois… ça m’est même arrivé d’en avoir trois. Tu les mets deux de chaque côté de toi, tu leur donne à manger à tour de rôle, et comme ça tu ne perds pas de temps

préposé aux bénéficiaires, 25 ans d’expérience

Cette stratégie est technique puisqu’elle permet au préposé de garder une attention soutenue pour les deux résidents, de respecter leurs rythmes biologiques tout en évitant les pertes de temps. Le caractère moral de leur utilisation pourrait amener à se questionner : Est-ce réaliser un travail relationnel de qualité que d’utiliser cette stratégie? Mais les préposés ne condamnent pas ce type d’acte puisqu’ils répondent, par ces stratégies, aux injonctions contradictoires en termes de qualité des pratiques et de quantité de travail. Ainsi, on constate en quoi le jugement des préposés référents durant la phase d’intégration permet de sélectionner les préposés capables moralement d’utiliser de telles stratégies résolvant les urgences du terrain. Les nouvelles recrues se voient donc imposer par les pairs des normes de travail et des compétences informelles radicalement différentes de celles qui sont enseignées lors de la formation. Selon nous, cet écart ne conduit pas seulement à l’acquisition de nouvelles compétences, mais à une véritable transformation identitaire occasionnée par l’inscription de la recrue dans un groupe de pairs, c’est-à-dire dans un collectif de travail.

5. Discussion

Nous avons montré comment la phase d’habilitation se réalise pour les nouvelles recrues dans le cadre des CHSLD. Précisément, nous avons vu que le jugement de compétences émis par un préposé référent durant la phase d’orientation détient une importance cruciale pour l’intégration de la recrue, puisqu’il favorise l’apparition d’une structure d’acquisition des compétences modelée selon les exigences organisationnelles en termes de qualité et de quantité de travail. Selon nous, la phase d’intégration peut être définie comme une phase centrale de la construction de soi par les autres, et plus précisément par les pairs. Dans le cadre de ce processus, et pour reprendre les termes de Dubar (2002), l’identité pour autrui, celle des préposés référents et, plus largement, du groupe de pairs, tend à déterminer l’identité pour soi, celle de la recrue. Nous pouvons donc parler ici d’une identité attribuée : le jugement social attribué à la recrue lui permet d’intégrer l’organisation du travail sous le regard favorable du collectif et d’acquérir des compétences informelles lui permettant de respecter les exigences organisationnelles. La nouvelle recrue est le moule - pour reprendre Stroobants (1993) - que le groupe de pairs façonne afin de lui imposer les normes et les compétences informelles que le nouvel acteur doit accepter s’il veut rester dans l’organisation.

La théorie de l’habilitation permet d’insérer la question identitaire dans la problématique de l’intégration des recrues par un collectif de travail. L’identité de la nouvelle recrue est une construction collective provenant du groupe de pairs, fruit du processus d’habilitation, puisque les préposés expérimentés jugent la capacité des recrues à faire face à la charge de travail collectivement subie, et que les compétences informelles sont collectivement partagées. Celles-ci sont conjointement acceptées et utilisées, et ce partage est une des bases de la construction identitaire des nouvelles recrues. Même si ces compétences peuvent paraître initialement immorales aux yeux des recrues, notamment lorsqu’elles remettent en cause la qualité du travail relationnel et l’éthique du métier transmise par la formation initiale, le processus d’habilitation provoque une occultation de cet aspect par la transformation identitaire de la recrue à travers son inscription à une communauté de préposés, soit le groupe de pairs. Durand (2009, p.333) a précisé l’idée selon laquelle l’identité au travail se constitue par l’intermédiaire du collectif de travail :

L’identité au travail est un processus jamais achevé et plus encore un processus collectif. Même si le sujet est le réceptacle et le porteur de ce processus et qu’il peut s’épanouir, se réaliser dans son travail ou bien qu’il peut se sentir en échec, isolé, rejeté, etc., il appartient aussi à un collectif. Le processus individué de construction de l’identité au travail ne saurait être détaché de l’inscription de chacun dans un collectif ou mieux encore dans un arrangement de collectif.

Le jugement formulé par l’ancien préposé détient alors une valeur très importante dans ce processus d’habilitation, puisqu’il permet à la recrue de passer du statut d’initié à celui d’acteur professionnel, par un processus de conversion identitaire (Strauss, 1992). Le préposé référent est davantage et autre chose qu’un simple critique de la compétence. Il est également un acteur symbolique de la phase d’intégration, une sorte de « passeur », porte-parole du collectif, comme dans l’exemple des cheminots du métro parisien que nous donne Bouvier (1989, p. 55-56) :

L’engagement dans le monde du travail ne se fait pas sans épreuves. Y sont convoqués d’une part les connaissances indiscutables des « passeurs », des sommités professionnelles, des grands prêtres des disciplines concernées, « chamans » ayant l’autorité de sanctionner les candidatures et d’autre part l’impétrant, le novice, le non-initié butant contre les tests, contre les mises à l’essai. Ce dernier doit montrer ses capacités à franchir le seuil, le passage, l’enceinte du travail, ce cercle qui le tenait à distance des initiés, des « professionnels ».

Cette phase d’intégration peut être identifiée comme un rite professionnel qui permet à la recrue d’intégrer un collectif grâce aux jugements des « passeurs » que sont les préposés référents. Si la notion de rite n’est pas utilisée dans les travaux de Stroobants, elle se laisse deviner, tant le processus d’habilitation illustre un processus de transformation identitaire d’un individu par un collectif. Le rite a précisément comme objet le passage d’un individu du domaine profane au monde sacré (Durkheim, 2007), celui-ci étant, par exemple, le monde professionnel. Devenir préposé aux bénéficiaire en gériatrie n’est pas seulement acquérir des compétences formelles issues de la formation, c’est réussir à intégrer un groupe de pairs qui, par son pouvoir d’habilitation, pourra imposer au nouvel intégré une représentation organisationnelle (par la transmission de compétences informelles) et morale (par le partage de normes informelles) de la pratique.

Néanmoins, l’habilitation d’une nouvelle recrue en gériatrie ne signifie pas que la même recrue puisse intégrer facilement un autre univers de santé tel qu’un centre hospitalier, par exemple. Le jugement de compétence ne portera pas sur les mêmes normes, et les compétences informelles ne seront pas de même nature. L’efficacité symbolique d’un tel processus dépend essentiellement des exigences organisationnelles locales, comme le précise Stroobants (1994) lorsqu’elle note l’importance de prendre en considération le processus de « reconnaissance locale » des compétences.

Conclusion

Nous avons montré dans cet article que l’intégration des nouvelles recrues en qualité de préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD au Québec pouvait être analysée en termes d’habilitation. Cette théorie met à l’honneur la notion de collectif : le groupe de pairs de préposés, pourtant peu élevé dans la hiérarchie organisationnelle du monde gériatrique, détient une capacité symbolique à sélectionner les recrues dignes d’être intégrées.

À la suite de nos résultats, deux conclusions nous semblent dignes d’intérêt. Tout d’abord, l’idée selon laquelle les collectifs sont brisées et que l’ère de l’individualisme au travail règne dans les sociétés occidentales (Coupechoux, 2009) n’est pas entièrement fondée. Bien sûr, ces collectifs peuvent être fragilisés, notamment en termes de transmission de compétences stratégiques reconnues nécessaires à l’effectuation du travail exigé : le nombre de journées d’absences et de démissions avant la première année d’expérience chez les préposés prouvent cette fragilité (Grenier, 2008). Mais le collectif reste, selon nous, une instance régulatrice importante dans bon nombre de contextes professionnels, et notamment dans les services de santé.

Notre seconde conclusion tient au fait que des compétences informelles transmises par un groupe de pairs sont nécessaires au bon fonctionnement organisationnel. Il semble indispensable que cette instance de régulation qu’est le collectif permette aux travailleurs de trouver un fonctionnement organisationnel permettant de réduire l’écart entre le travail exigé et les moyens humains accordés. À ce titre, plusieurs chercheurs, notamment américains (Yeatts et al., 2004; Cready et al., 2008), ont montré tout l’intérêt de développer des modèles de formation semi-autonomes, où les préposés seraient davantage formés sur le terrain par un groupe de pairs que par l’intermédiaire d’une formation, et ce, afin de construire un rapport collectif au terrain. Une telle étude mériterait d’être réalisée dans le cadre des CHSLD au Québec.