Introduction

Quelle place pour les fondements de l’éducation dans le travail éducatif aujourd’hui ?[Record]

  • Lucie Roger

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  • Lucie Roger
    Université du Québec à Montréal, 405 Rue Sainte-Catherine Est, Montréal, QC H2L 2C4
    Roger.lucie@uqam.ca

Décrire, analyser et comprendre le travail éducatif dans les professions de l’humain invite à une lecture d’un agir professionnel en situation intégrant dialectiquement la saisie de plusieurs processus ; anticipation, conception, action, réflexion critique. Le travail éducatif vise à créer les conditions d’un apprentissage transformateur chez autrui. Il convoque différents savoirs. Mais quels fondements sont à l’origine de ces savoirs sollicités par les professionnels du travail éducatif ? Les doctrines et conceptions éducatives comme les idées pédagogiques traversent l’histoire de ces professions et les histoires de ceux et celles qui les exercent. Or, force est de constater que ces conceptions ou doctrines éducatives, ces idées ou théories pédagogiques s’accompagnent souvent de deux ambitions : l’innovation et l’efficacité. Ces deux ambitions soulignent sans doute la part d’utopie constitutive de tout projet d’éducation et dès lors de tout travail éducatif. Mais elles nous encouragent aussi à déceler en elles l’origine patrimoniale de leurs thèses ou propositions. Nous proposons dans ce numéro une lecture de quelques conceptions éducatives et idées pédagogiques exprimant ces ambitions d’innovation et d’efficacité que nous souhaitons soumettre au double regard critique, celui des penseurs de l’éducation et celui des pédagogues que sont les professionnels de l’humain. Mathilde Cambron-Goulet propose de comprendre les prémisses de l’enseignement à distance à partir de l’étude des pratiques épistolaires d’Épicure. Les textes d’Épicure sont annonciateurs d’idées fortement situées depuis dans le vocabulaire de l’ingénierie des formations à distance : individualisation de la formation, prise en compte des dimensions cognitives du formé, développement d’une communauté apprennante. Stéphane Martineau et Alexandre Buysse mettent en tension les systèmes éducatifs actuels et les conceptions rousseauistes de l’éducation. Les systèmes éducatifs actuels cherchent-ils à développer l’autonomie et la liberté de chacun ? Cherchent-ils à faire des élèves des citoyens conscientisés et prêts à agir dans la société ? Si les sociétés changent et évoluent, les valeurs fondamentales de l’Éducation défendues par Rousseau sont-elles encore présentes dans nos systèmes éducatifs post-modernes ? Marc Boutet, à partir d’un récit d’expérience, nous invite à redéfinir l’approche éducative par projet selon John Dewey. Les projets dont parle Dewey prennent appui sur les intérêts des élèves. Ces intérêts expriment leurs expériences. Chez Dewey, le projet est au service du développement individuel de l’enfant. Il sert l’objectif de contribuer au développement d’une communauté d’apprentissage comme une configuration de la démocratie. Philippe Maubant analyse l’usage du concept d’alternance en formation. Il montre combien les liens entre culture et éducation, sous le regard de trois penseurs de l’Éducation Nouvelle, Pestalozzi, Freinet et Dewey, permettent de repenser l’alternance au-delà de nos lectures habituelles, souvent enfermées par le modèle de l’ingénierie de formation. L’alternance, pensée comme rapport dialectique entre culture et éducation, se présente alors comme une pédagogie au service du développement humain. Lucie Roger s’intéresse à la présence de la culture dans deux curricula : celui de l’école québécoise et le curriculum de la formation des enseignants au Québec. Elle propose une lecture anthropologique des rapports entre culture et éducation à partir d’une analyse de ces deux documents curriculaires. Elle cherche à définir ainsi le construit de maître cultivé et à en identifier les contours à des fins de modélisation en convoquant les travaux de Gaston Bachelard. Un maître cultivé, pour l’anthropologie culturelle, c’est avant tout un maître qui sait contribuer au développement, chez l’élève, d’une compréhension critique du monde, un monde qu’il habite et qu’il contribue à construire. Enfin, Malgozarta Piasesca expose les défis de l’éducation européenne à travers l’analyse de l’articulation de trois perspectives : intégrer le monde, habiter l’Europe et être bien chez-soie. Les racines mythico-historico-culturelles de l’idée d’européanité font de l’idée d’éducation européenne un …