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Introduction

L’engouement pour les coopérations entre organisations s’inscrit depuis les années 1980 et 1990 dans un contexte général d’évolution « centrifuge » de l’économie (Koenig, 2004), des institutions et des politiques publiques (Papadopoulos, 1995). Cette tendance touche également le système éducatif . D’aucuns avancent même l’idée d’une « révolution post-bureaucratique » de la gouvernance (Maroy, 2005). Avec cette évolution, différents modes coopératifs entre l’école et des acteurs exogènes, dont le partenariat est une forme, vont être encouragés, et ce afin de faire face à de nouveaux enjeux socio-éducatifs (Zay, 1997). Cependant, pour les promoteurs de la formation en alternance le partenariat n’est pas simplement un moyen de résolution de problèmes socio-éducatifs. Il constitue, pour certains auteurs, le système consubstantiel d’une alternance réellement éducative (Clénet & Gérard, 1995), car il permettrait de réguler les antagonismes institutionnels, pédagogiques, didactiques, identitaires entre la formation et le travail (Geay, 1998). Néanmoins, il nous semble important de distinguer dans ces assertions, ce qui relève des intentions des concepteurs de dispositifs, de ce qui relève des effets réellement observés. Aussi, afin d’affiner cette analyse du phénomène, nous aurons recours au concept de reliance (Balle de Bol, 2003). Car il permet de différencier dans le partenariat, le système institué, des liens sociaux effectivement créés entre les acteurs. Au-delà de cette dimension, nous nous demandons si le partenariat, en tant que construit de reliances potentielles, est la condition sine qua non du développement professionnel de jeunes formés en alternance comme le préconise la littérature pédagogique prescriptive. Afin d’élucider ce questionnement, nous analyserons des dispositifs un peu atypiques issus de l’enseignement universitaire. Dans cet article, nous nous proposons dans un premier temps d’analyser les questions soulevées par le partenariat éducatif en général. Dans un second temps, nous préciserons les enjeux et les modalités du partenariat dans la formation alternée. Dans un troisième temps, nous illustrerons empiriquement notre propos en interrogeant la notion de partenariat à partir du concept de reliance.

1. Les approches du partenariat en éducation

Le terme partenariat n’est apparu que très tardivement dans la langue française (Zay, 1998). En effet, ce n’est qu’au milieu des années 1980 qu’il est entré dans le dictionnaire. Le mot partenaire remonte quant à lui au XVIIIe siècle. Il vient de l’anglais partner, lui-même provenant du vieux français parçonnier qui voulait dire propriétaire indivis, copartageant. Cependant, parçonnier provient de parçon qui voulait dire partage, butin, puis du latin partitio, partage, division, répartition. Ainsi, en termes étymologiques, le partenariat est porteur de deux idées contradictoires : l’association et la division. Cette ambiguïté sémantique reflète le caractère paradoxal, interactif et évolutif de la relation partenariale (Mérini et de Peretti, 2002).

1.1 Le partenariat éducatif dans l’enseignement scolaire

La question du partenariat n’est entrée que très récemment dans les discours institutionnels et scientifiques en l’éducation, et ce, bien que les pratiques coopératives avec des acteurs de l’environnement existaient depuis longtemps dans l’enseignement agricole, technique et/ou catholique. Cependant, pour des questions historiques, l’idée de partenariat est restée en France longtemps étrangère à l’école laïque et républicaine. Néanmoins, dans les années 1980 et 1990, plusieurs phénomènes concomitants vont favoriser son intrusion dans les pratiques et les discours éducatifs (Zay, 1998). Nous assistons à la fois à l’amplification de problèmes socio-éducatifs : échecs scolaires, exclusion sociale et professionnelle des jeunes, révoltes urbaines, et à des évolutions institutionnelles, idéologiques et culturelles importantes : évolution néolibérale de l’économie, décentralisation des services publics, transformation sociologique du corps enseignant et déclin des idéologies contestataires. Une exigence d’efficacité beaucoup plus forte est demandée à l’école par les parents, par les milieux politiques et par les acteurs économiques. Selon Zay (1998), en France notamment, les partenariats éducatifs qui se sont développés depuis peuvent être classés selon leur domaine d’applications (culturelles, sociales, économiques ou internationales). Les acteurs impliqués et les modes de fonctionnement peuvent aller d’un simple échange d’informations à la réalisation d’un projet en commun. Néanmoins, la sociologie de l’éducation va interroger cette pratique du partenariat.

1.2 Les limites du partenariat éducatif

En effet, une étude empirique menée par Mérini et de Perriti (2001), sur des partenariats d’éducation à la santé, tend à démontrer que les acteurs externes sont souvent plus considérés par les établissements scolaires comme des « sous-traitants » de séquences éducatives que comme des partenaires partageant un projet. Certains sociologues de l’éducation vont s’intéresser aux possibles effets pervers du partenariat. Pour Charlot (1997), le partenariat éducatif, trahit un double mouvement paradoxal de « pédagogisation » du social et de « déscolarisation » de l’école, avec le risque de provoquer un appauvrissement général des fonctions éducatives au sein de la société. Pour Zay (1998), les partenariats risqueraient de provoquer un affaiblissement d’une éducation culturelle au profit d’une vision utilitariste à court terme de la formation. Ils pourraient également inciter au développement d’un communautarisme ethnique ou régional en défaveur d’une conception républicaine française de l’intégration par l’école. Selon cette auteure, les partenariats pourraient entraîner également une rupture de l’égalité du service public entre régions, villes, quartiers, etc...

Néanmoins, comme l’affirment d’autres auteurs, l’école ne fonctionne déjà plus comme une institution homogène. En effet, la massification scolaire au niveau secondaire a eu pour effet pervers de renforcer l’inégalité de l’offre éducative sur le territoire français (Dubet, 1994). De ce point de vue, il n’a pas fallu attendre les démarches partenariales pour se rendre compte que l’école est loin d’être un système fermé en dehors de la société. Le concept d’effet établissement (Cousin, 1993; Dubet, 1994; Dumay, 2004) confirme bien cette différentiation. A contrario, dans la formation en alternance, l’ouverture de l’institution éducative est un préalable et le partenariat semble être une condition de la réussite des dispositifs.

2. Le partenariat dans la formation en alternance : un construit de reliances

Les rapports entre le monde économique et le monde éducatif ne se sont pas institutionnalisés de la même façon dans tous les pays développés. En effet, selon Dubar (2001), ces relations sont souvent influencées par des caractéristiques historiques et sociétales (Dubar, 2001). Aussi, il n’est pas étonnant que dans certains contextes où les relations institutionnelles éducation-économie sont plus distantes, le partenariat devienne un enjeu pour la formation professionnelle en alternance.

2.1 La contingence culturelle des relations-école-entreprise

Ainsi, le modèle ou système dual, qui est souvent cité en exemple comme système de formation professionnelle en alternance, semble avoir bénéficié d’un contexte institutionnel favorable à son développement. En effet, l’Allemagne des années 1960 se caractérisait par une forte décentralisation politique, par une culture du compromis dans les relations entre syndicats et patronats et par une organisation de la formation professionnelle centrée sur les métiers (Maurice, Sellier & Sylvestre, 1982). Dans une étude comparative entre le Québec et la Belgique sur les relations-école-entreprise dans des formations en alternance, Maroy et Donnay (2001) mettent en évidence pour leur part des différences culturelles comme variable explicative des différences de modèles partenariaux. En effet, selon ces auteurs, l’investissement interorganisationnel serait beaucoup plus important dans les établissements belges que dans les équivalents québécois. Pour ces auteurs, cette différence s’explique par un clivage « symbolique », et idéologique moins grand entre l’école et l’entreprise dans la société québécoise que dans la société belge francophone. Alors qu’un mode de régulation contractuel suffit au Québec, en Belgique, les acteurs sont obligés de mettre en place des instances de régulation afin de coordonner leurs actions. En France, la formation professionnelle des jeunes a souvent fait l’objet d’enjeux politiques et idéologiques. Ainsi, dans le sillage de la Révolution française, en 1791, les lois Le Chapelier, en supprimant les corporations ont mis fin au compagnonnage et à l’apprentissage. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Loi Astier réinstaure l’apprentissage afin de faire face à la pénurie de main-d’oeuvre. Néanmoins, après la Seconde Guerre mondiale, l’intégration de la formation professionnelle au sein de l’Éducation nationale sera massive et généralisée , ce qui biaisera, d’après Charlot (1993), les rapports école-entreprises. Schwartz (1997), figure historique de l’éducation permanente, qui fût l’un des promoteurs au début des années 1980 en France du retour à la formation professionnelle en alternance, évoque à plusieurs reprises les réactions vives qu’ont engendrées dans les milieux éducatifs et syndicaux, ses différentes prises de position et ses actions. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le partenariat soit considéré par beaucoup de pédagogues français ou belges comme le préalable d’une alternance réellement éducative (Malglaive, 1975 ; Bourgeon, 1979 ; Lerbet, 1995 ; Tilman & Dervaux 2000 ; Meirieu, 2011).

2.2 Le partenariat afin de réguler la fonction polémique de l’alternance

Aujourd’hui, les institutions éducatives concernées par l’alternance dans le contexte français sont issues de l’enseignement secondaire, de l’enseignement supérieur ou de la formation des adultes. Nous pouvons considérer ces institutions comme des organisations ouvertes (Crozier, 1995 - Dubet, 1994) pouvant être soumises à un environnement évolutif possiblement source de désordre (Atlan, 1979). Il semble que l’alternance puisse participer à ce désordre organisationnel au sein de ces institutions éducatives, et ce pour différentes raisons. Tout d’abord, la transformation identitaire des apprenants formés en alternance peut bousculer les routines pédagogiques, notamment dans certains établissements de l’enseignement supérieur (Cohen-Scali, 2000 ; HEC, 1994). Cette évolution des publics peut nécessiter une évolution de la professionnalité des enseignants (Massip, 2000). Ainsi, les formateurs de centres de formation de l’AFPA[1] engagés dans des dispositifs d’insertion par l’alternance, fortement finalisés sur l’emploi, ont dû faire face à cette même complexité (Mathey-Pierre, 1998). Forts d’une tradition de formation par simulation pédagogique, les coordonnateurs et les formateurs de ces centres AFPA ont dû inventer, à l’occasion de la mise en place de l’alternance, de nouveaux rôles et de nouvelles pratiques, souvent en décalage avec les routines et les procédures de leur propre organisation. Citons ici quelques exemples :

  • l’accompagnement pédagogique, mais aussi personnel et social des alternants ;

  • la régulation permanente de tensions entre les différents acteurs : hiérarchie de l’entreprise, tuteurs, alternants, formateurs ;

  • la conception de compromis didactiques entre des référentiels de diplômes nationaux structurants et les demandes évolutives des entreprises.

Le phénomène, décrit à travers cette expérience de l’AFPA, est la conséquence de ce que Schwartz (1977) a nommé la « fonction polémique » de l’alternance. Selon lui, une alternance vraie est celle qui favorise cette mise en tension des logiques de production (entreprise), des logiques d’apprentissage (celle de l’élève) et des logiques de transmission du savoir (celle de l’école). Cette mise en tension qui peut bousculer les routines pédagogiques est, selon Chartier (2003), une condition sine qua non du développement professionnel des apprenants. Quels sont les dispositifs développés par les acteurs pour réguler cette « fonction polémique » ?

2.3 Les modèles de partenariat dans la formation en alternance

2.3.1 Les composantes d’un partenariat dans la formation en alternance

La sociologie de la traduction d’Akrich, Callon et Latour (2006) peut nous donner un cadre de compréhension du partenariat dans la formation en alternance. L’un des moyens de traduire les enjeux de production, de transmission et d’apprentissage est de centrer la conception du système de formation sur l’apprenant et son projet de développement de compétences (Geay, 1998). La co-élaboration d’un parcours de professionnalisation progressif entre l’institution éducative et les entreprises autour de situations professionnelles de référence peut permettre le développement de significations partagées entre les différents acteurs. Ainsi, ces différents outils de référentialisation (Astier, 2007) et d’articulation du travail et de la formation (Astier, 2007) peuvent constituer des objets-frontières (Star, 1989, Vinck & Trompette, 2009). Ils peuvent être définis de la façon suivante : « Il s’agit d’objets, abstraits ou concrets, dont la structure est suffisamment commune à plusieurs mondes sociaux pour qu’elle assure un minimum d’identité au niveau de l’intersection tout en étant suffisamment souple pour s’adapter aux besoins et aux contraintes spécifiques de chacun de ces mondes » (Vinck & Trompette, 2009, p. 8). Au-delà de cette composante instrumentale, ces partenariats peuvent intégrer également des composantes organisationnelles, ou plutôt interorganisationnelles qui ont une fonction de régulation. Ces éléments peuvent prendre différentes formes.

Cela peut être des instances décisionnelles : comité de pilotage, réunions de tuteurs… ou des démarches pédagogiques à visées régulatrices : double tutorats, académique, professionnel, visites de stages, séances d’analyse de pratiques, accompagnement individuel ou collectif… Si nous reprenons le modèle de Le Moigne (1995), nous pouvons faire l’hypothèse qu’un partenariat permet la régulation du dispositif en alternance quand il prend la forme d’une organisation dite d’interface qui dispose de sous-systèmes opérationnel, informationnel et décisionnel en interaction.

Figure 1

Les sous-systèmes de partenariat école-entreprise

Les sous-systèmes de partenariat école-entreprise

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2.3.2 Le partenariat pour les Maisons Familiales Rurales (MFR) : un cadre associatif

Les Maisons Familiales Rurales (MFR) sont un mouvement d’éducation populaire créé dans les années 1930 qui est à l’origine de la pédagogie de l’alternance dite « intégrative ». L’organisation partenariale prescrite par les MFR s’inscrit dans le cadre de la gouvernance associative issue de la Loi de 1901. Des représentants des employeurs et des familles sont intégrés aux différentes instances. L’organisation d’interface prescrite par le mouvement (Clénet & Gérard, 1994) va comprendre un sous-système de pilotage à travers le directeur de l’association et le conseil d’administration. Pour la création d’un nouveau dispositif, il est préconisé d’organiser un comité de pilotage paritaire entre formateurs et professionnels. Le sous-système d’information prend la forme d’instances exécutives et législatives (réunion d’équipe pédagogiques et bureau), ainsi que la mise en place d’un objet frontière : « le plan de formation » qui vise à organiser la formation en fonction de thèmes partagés par les formateurs et par les tuteurs professionnels. Ce système opérant comprend à la fois tous les acteurs (tuteurs, formateurs, apprenants) ainsi que les instruments de l’alternance à visée intégrative (plan d’étude, cahier d’exploitation, séances de mise en commun).

2.3.3 Le partenariat dans l’alternance à visée d’insertion : l’opération « nouvelles qualifications », une démarche de recherche – action

L’opération « nouvelles qualifications » fut expérimentée en France entre 1983 et 1992 sous la tutelle du Ministère du travail et de la formation professionnelle afin de répondre à deux enjeux : d’une part, aider des entreprises à faire face à des changements (nouveaux processus de production, technologies nouvelles, métiers en émergence…) et, d’autre part, assurer la qualification de jeunes en échec scolaire et d’adultes en recherche d’emploi. La coopération débutait par la négociation d’une « cible professionnelle » (Beaujolin, 1999), c’est-à-dire par la définition du contenu du métier exprimé en termes d’activités et de compétences afin de caractériser la part formatrice de l’entreprise (Geay, 1998). Cette cible professionnelle a la fonction d’un objet-frontière. Car elle est construite par des représentants des deux mondes. Ce document servira de base de suivi, de négociation de la formation et d’évaluation dans les différentes instances de régulation créées ad hoc et inspirées par la recherche-action (Schwartz, 1997). Différentes structures seront instituées : un groupe pilote (coordinateur de la formation et dirigeants des entreprises), un groupe action (formateurs et tuteurs d’entreprise) et un groupe porteur (coordinateur de la formation, dirigeants d’entreprise et financeurs publics). Ces dispositifs expérimentèrent une pédagogie du « dysfonctionnement » inspirée par les principes de l’éducation permanente. Les deux principales caractéristiques de la gestion partenariale dans l’opération « Nouvelles qualifications » (Sage-Ripoll, Ulisse, 1992) sont :

  • le développement d’une fonction de formateur-coordonnateur qui assure le pilotage de l’action dans toutes ses dimensions. La conception récursive de la formation et la négociation permanente sont engagées avec l’ensemble des acteurs (formateurs, tuteurs, hiérarchie, apprenants…), ainsi que la majorité du face-à-face pédagogique ;

  • la formation-action qui est concomitante des tuteurs, des jeunes, mais aussi de la hiérarchie de l’entreprise.

Si ce système de formation en alternance a eu une efficacité très forte, il a eu beaucoup de difficultés à être généralisé sur tout le territoire français et à s’institutionnaliser. Il n’a pas dépassé le stade d’expériences-pilotes, même si celles-ci ont été nombreuses.

2.3.4 Les formations d’ingénieurs en partenariat : de la coopération à la sous-traitance ?

Les formations d’ingénieurs en partenariat (FIP) est la nouvelle appellation des nouvelles formations d’ingénieurs (NFI) créées en 1989 suite au constat de l’époque d’une pénurie d’ingénieurs de production diplômés dans le secteur industriel. Ces formations ont comme caractéristiques centrales le partenariat et l’alternance sous différents statuts : étudiant, apprenti ou stagiaire de la formation continue. Ce partenariat doit concerner un opérateur pédagogique (école d’ingénieurs classique public, privée ou universitaire) et une branche professionnelle. Ces partenariats ont comme structure porteuse le plus souvent une association créée ad hoc, plus rarement un groupement d’intérêts publics (GIP) ou un groupement d’intérêts économiques (GIE), ou une autre forme contractuelle. Nous avons observé une FIP (Boudjaoui, 2000) qui avait le statut d’association. En termes de pilotage, elle disposait d’un conseil d’administration composé de représentants de l’opérateur pédagogique et de représentants de la branche professionnelle et des entreprises industrielles partenaires. Elle participait également à une conférence nationale des écoles labellisées par la branche professionnelle. Au niveau de la régulation opérationnelle, il existait des rencontres périodiques sur site entre tuteurs académiques et tuteurs industriels. Par ailleurs, l’école avait adopté quelques attributs de l’organisation industrielle : certification ISO 9001 et avait créé une fonction de régulateur interne qualité. Cette formation d’ingénieurs a été conçue à travers un cahier des charges établi par la branche professionnelle. Selon nous, cet instrument ne constitue pas un objet-frontière, car il est imposé à l’opérateur pédagogique par la branche professionnelle. Les stratégies pédagogiques sont classiques : pédagogie transmissive et pédagogie active à travers des activités de simulation pédagogique de projets industriels. Quelques unités d’enseignements sont animées sous forme de situations d’apprentissage par problème (APP). Le lien de certains enseignements avec la recherche permet parfois des transferts de technologie. Pour certains auteurs (Bousquet & Grandgérard, 1996), le partenariat dans ce type d’écoles dérive parfois vers une forme de sous-traitance où la relation école-entreprise s’établira davantage sur un mode client-fournisseur que sur un mode collaboratif. Pour Bousquet et Grandgérard (1996), dans ce type de partenariats, nous n’assistons pas à une transformation d’une logique de l’offre, en une logique de la demande, mais à une dérive vers une logique de la commande. Pour ces auteurs, ce pilotage par l’aval, c’est-à-dire par la branche professionnelle, entraînerait la formation vers la définition de contenus très instrumentaux et des formes de régulations qualitative et quantitative à court terme. Comme nous le voyons à travers ces différents exemples, l’émergence et l’institutionnalisation d’un partenariat dans le cadre d’une formation en alternance peuvent prendre différentes formes en fonction des contextes.

3. Le partenariat dans l’alternance en éducation comme construits de reliances : la condition d’un développement professionnel des apprenants ?

Nous avons traité jusqu’à présent du partenariat dans la formation alternée principalement sous un angle organisationnel. Le concept de reliance de Bolle de Bal (2003) peut nous aider à l’appréhender avec un autre regard.

3.1 Le partenariat dans l’alternance entre reliances et déliances sociales

Bolle de Bal (2003) définit la reliance comme la création ou la recréation de liens entre une personne ou plusieurs personnes, et un système dont elle fait partie, ou l’un de ses sous-systèmes. La reliance sociale concerne donc l’ensemble des liens créés entre une personne et un autre acteur individuel (personne) ou un collectif (groupe, organisation, institution). Bolle de Bal (2003) va distinguer trois dimensions à la reliance sociale : la reliance-procès, la reliance-structure et la relance-lien. La reliance-procès est le processus par lequel des médiations qui relient les acteurs sont instituées. La reliance-structure est le système plus ou moins institutionnalisé qui relie les acteurs entre eux. La reliance-lien est le produit résultant des systèmes médiateurs dont les acteurs font partie. Autrement dit, Bolle de Bal (2003) distingue ainsi les actes de reliances, du construit de reliances et des liens sociaux effectivement créés. De ce point de vue, la littérature prescriptive en matière de partenariat éducatif dans le cadre de l’alternance va principalement s’intéresser au construit de reliance, et moins aux actes et à ses effets. La question sous-jacente au partenariat dans le cadre de l’alternance porte sur les déliances, c’est-à-dire sur la destruction du lien social, entre l’apprenant, la formation et le travail que le partenariat peut prévenir, voire anticiper à travers son organisation et par les comportements des acteurs qu’il génère. Bolle de Bal (2003) s’est intéressé aux formes de déliances entre l’individu et le travail qu’on pourrait étendre aux relations entre un apprenant et son entreprise d’alternance. Mais, nous pouvons également penser aux différentes formes de déliances scolaires ou universitaires qui peuvent aussi toucher des apprenants en alternance : décrochage, perte de sens, etc... Pour notre part, nous avons analysé les effets d’une pédagogie active, l’APP, systématisé auprès d’apprentis ingénieurs formés en alternance (Boudjaoui, 2003). Ces apprentis ingénieurs étaient soumis à la double contrainte d’un investissement professionnel important dans leur entreprise d’accueil et à une forme d’activisme pédagogique en formation. Cette situation entraînait chez ces apprentis ingénieurs une perte de sens, des comportements de biais (méthodes pédagogiques détournées, consignes contournées…) et une dévalorisation des savoirs dans certaines matières lors des périodes tendues de la formation. Malgré des instances de régulation vivantes avec les acteurs professionnels et une pédagogie fortement interactive, le système a provoqué quelques déliances avec les apprenants. Nous émettons ici l’hypothèse qu’un construit de reliance comme le partenariat dans la formation en alternance n’est pas toujours la garantie de la création de liens professionnels et académiques dynamisants pour l’apprenant. Qu’en est-il des effets sur le développement professionnel des apprenants, c’est-à-dire sur leur développement de compétences et sur leur construction identitaire (Barbier, Chaix & Demailly, 1994) ?

3.2 Partenariat en alternance et développement professionnel

D’après Cohen-Scali (2000), une déliance entre l’apprenant formé en alternance et l’entreprise peut fragiliser sa construction identitaire. En effet, pour le même dispositif, l’auteure a comparé des apprentis formés en alternance avec d’autres étudiants formés à temps plein (Cohen-Scali, 2000). Elle a observé que dans des situations de bonne intégration en entreprise, les apprentis développent une plus grande autonomie et gèrent leur transition professionnelle de manière plus proactive, par anticipation, alors que les autres étudiants restent plus passifs. Par contre, les apprentis ont tendance à être plus fragilisés d’un point de vue identitaire en cas de faible intégration en entreprise. Dans cette situation, nous voyons qu’un déficit de processus de reliances avec l’entreprise peut entraver le développement professionnel d’apprenants. Ce constat interroge les médiations concrètes instituées par le partenariat. A contrario, parfois, le contournement de la modalité du construit de reliance peut aider le développement professionnel d’apprenants. Ainsi, Veillard (2011) démontre que dans une formation alternée d’ingénieurs, quand les tuteurs professionnels appliquent à la lettre la progression prescrite par l’école, les apprentis ingénieurs avaient tendance à se maintenir dans des professionnalités de techniciens alors qu’inversement, quand les tuteurs professionnels n’appliquent pas cette programmation, ils développent plus facilement des profils de cadres ou de chefs de projet. En effet, dans ces situations, ces derniers étaient plus facilement confrontés à des évènements organisationnels formateurs. De ce point de vue, la progression préconisée par l’école des apprentissages de terrain n’avait pas les fonctionnalités d’un objet-frontière et pouvait parfois induire des médiations tutorales inadaptées. Mayen (1999, 2012) fait un constat analogue en observant que beaucoup de dispositifs alternés ne prennent pas en charge en termes didactique les différents « écarts » vécus par les apprenants : théorie-pratique, action et discours sur l’action, pratique routinière et pratique d’exception, compréhension concrète et compréhension abstraite, etc... À partir de l’analyse de l’activité de jeunes apprentis (ouvriers en travaux publics, viticulteurs, agriculteurs, facteurs…), il démontre que les apprentissages par imitation sur le terrain sont en général très insuffisants, notamment quand il s’agit de comprendre le schème d’action derrière le geste professionnel (Vergnaud 1997). Sans médiations efficaces des tuteurs et des enseignants, avant et après l’action professionnelle, et ce aussi bien pour l’acquisition des concepts pragmatiques que scientifiques, les dispositifs de formation en alternance peuvent générer des apprentissages limités, voire trompeurs (Mayen, 2012). De ce point de vue, Wittorski (2009) nous propose une typologie des formes d’accompagnement qui favorisent des processus de développement professionnels : (1) la professionnalisation par l’action, (2) la professionnalisation par la combinaison de la réflexion et de l’action, (3) la professionnalisation par la réflexion sur l’action, (4) la professionnalisation par la réflexion pour l’action, (5) la professionnalisation par la traduction culturelle de l’action et, (6) la professionnalisation par l’intégration/assimilation de savoirs théoriques ou méthodologiques. Cette typologie nous donne des indicateurs de développement professionnel pouvant être induits ou entravés par un partenariat éducatif et les reliances qu’il permet.

3.3 La comparaison de deux partenariats atypiques

3.3.1 Méthodologie

Notre stratégie de recherche s’est orientée vers la méthode des cas que nous définissons comme l’étude spatiale et temporelle d’un phénomène complexe (Wacheux, 1996) dont la singularité peut être représentative d’un contexte (Yin, 1994). Nous avons ici choisi deux cas opposés de dispositifs de formation en alternance. Le premier est une formation de niveau licence (baccalauréat, bachelor) dans une faculté de sciences infirmières (FSI) d’une petite université publique en Espagne (Boudjaoui, 2014 ; Boudjaoui, 2015). Ce cas représente une forme « fusionnelle » de partenariat entre un milieu universitaire et un milieu professionnel. En termes de recueil de données, nous avons opté pour une démarche collaborative (Bourassa et Boudjaoui, 2012) à travers laquelle nous avons « triangulé » plusieurs types de méthodologies qualitatives : six entretiens de groupe dont un était destiné à la restitution, avec différentes catégories d’acteurs (l’équipe pédagogique, des enseignants professionnels, des étudiants de chaque année), l’observation directe d’une formation par simulation, trois entretiens qualitatifs avec des tuteurs terrain. Le second est une formation de niveau master dans une faculté en sciences du sport d’une université publique française (Boudjaoui, 2012). Ce cas représente une forme juxtaposée de partenariat entre un milieu universitaire et un milieu professionnel. Notre méthode de recherche s’inspire de l’ethnographie. Nous avons mené 27 entretiens qualitatifs avec des étudiants de master 1 et master 2, et l’observation participante d’un enseignement pendant plusieurs années. Comme le recueil de données n’est pas équivalent sur les deux terrains, nous considérons notre approche comme conjecturale.

3.3.2 Un modèle fusionnel qui fragilise la construction identitaire d’étudiants : le cas d’une faculté en sciences infirmières en Espagne

Description du cas

Historiquement cette FSI est une ancienne école professionnelle issue d’un établissement hospitalier de la ville qui a été intégrée à l’Université, il y a une vingtaine d’années. La majorité des enseignants sont d’anciens praticiens des services de soins partenaires de la FSI. La FSI est soumise à un référentiel de diplôme national et contrôlée par une tutelle ministérielle. Mais elle est un complément autonome pour la conception des outils pédagogiques et une occasion d’articulation du travail et de la formation (livret d’apprentissage, journal de bord, portfolio…). Le parcours de professionnalisation des étudiants sur le terrain est sécurisé, car il comprend un double tutorat : tout d’abord, un superviseur qui est un professionnel de soins expérimenté. Il est payé comme vacataire par l’université qui organise les apprentissages sur le terrain selon une progression décidée par la FSI et la tutelle. Il anime sur site des séances d’analyse de pratique avec les étudiants infirmiers en stage. Second tutorat, un tuteur de proximité, professionnel confirmé de soins qui encadre au quotidien l’étudiant infirmier. L’alternance sur le terrain comprend un stage d’observation de douze jours en première année en dispensaire ou en maison de retraite, un stage de sept semaines dans des services de chirurgie et de médecine interne en seconde année, un stage de seize semaines dans d’autres spécialités en troisième année. En situation de stage, lors de la première année et la seconde année, ils sont mis principalement en situation d’observation. Ils ne peuvent faire des actes de soins supervisés qu’à partir de la fin de seconde année. Le face à face pédagogique est à dominante transmissive, avec quelques séances de travaux pratiques et de séquences de pédagogies actives pour l’apprentissage de la communication d’équipe et de la relation de soins. L’activité scripturale est limitée à un mémoire de fin d’études.

Analyse conjecturale

Nous pouvons qualifier ce partenariat de fusionnel. En effet, même si la formation a été universitarisée, des membres du monde professionnel sont impliqués à tous les niveaux du dispositif. Néanmoins, à la différence d’une faculté de médecine souvent citée comme référence pour penser les processus de professionnalisation (Bourdoncle, 1997), les enseignants permanents n’ont pas conservé une activité en service de soins. La recherche y est moins développée. Cependant, les relations avec les milieux de pratique s’établissent sur un mode organique peu bureaucratisé car les réseaux et les codes professionnels sont de ce fait bien maîtrisés par l’équipe pédagogique. De plus, même si nous ne pouvons pas les qualifier d’objets-frontières, l’instrumentation conçue par la FSI semble être utilisée par les acteurs de terrain conformément aux prescriptions. Néanmoins, les étudiants de troisième année en fin de cursus que nous avons interrogés expriment une grande insécurité identitaire face à la transition professionnelle. La majorité d’entre eux ne se considère pas prête à entrer dans la vie active et à assumer un emploi en vraie grandeur. La poursuite d’études en master est systématiquement citée comme projet. Comment expliquer cet effet peu professionnalisant de la formation sur les étudiants ? Même si nous pouvons considérer le construit de reliances comme inducteurs de médiations et de liens sociaux solides entre acteurs académiques et acteurs professionnels, la reliance avec les étudiants va être paradoxalement plus distandue. Si nous reprenons la typologie de Wittorski (2009), il semble que ce sont les processus de professionnalisation par la traduction culturelle de l’action, par l’intégration/assimilation de savoirs théoriques ou méthodologiques, et dans une moindre mesure, par la réflexion sur l’action qui vont être principalement activés. Les discours des étudiants vont être très marqués par la socialisation à l’éthos professionnel. Par contre, les développements professionnels par l’action ou par la combinaison de la réflexion et de l’action vont être beaucoup moins présents. En effet, la progression des apprentissages de gestes professionnels sur le terrain va être très lente, car les étudiants ne pourront mener des actes de soins, même supervisés, qu’en fin de seconde année. La restitution à l’équipe des constats a permis de comprendre que l’universitarisation avait soumis la formation à une contrainte de la tutelle que nous qualifions d’idéologique. En effet, dans le système universitaire espagnol, les premières années sont davantage considérées comme une propédeutique académique que la première étape d’un apprentissage professionnel. Le compromis opératoire qu’a trouvé l’équipe est de donner la primauté lors des deux premières années à l’intégration de l’éthos infirmier (Jorro, 2010) notamment autour du bien-être du patient, de la déontologie et de l’éthique, et moins au développement de la dextérité technique dans les démarches de soins.

3.3.3 un modèle juxtaposé qui induit une construction identitaire différente que celle attendue par le dispositif : un master en entraînement et préparation sportive (MEPS)

Description du cas

Le dispositif étudié est un master en entraînement et préparation sportive implanté dans une faculté de sciences du sport d’une université française. Même si la faculté a développé une forte identité de recherche, le curriculum de la formation est professionnalisé. Par contre, les conceptions pédagogiques de l’équipe pédagogique restent très académiques et applicationnistes : cours magistraux, travaux pratiques et travaux dirigés. La pédagogie est à dominante transmissive sauf dans une unité d’enseignement en préparation mentale où certaines séances sont animées de manière active (jeux de rôle, simulation). Les terrains de stage sont considérés également comme des lieux d’application de savoirs théoriques. L’organisation des stages pratiques est la suivante :

  • En Master 1, les étudiants doivent faire trois stages pratiques éventuellement dans des structures différentes :

    • un micro-stage individuel d’application en préparation mentale de 18 heures,

    • un micro-stage en sous-groupes d’application en préparation physique de 18 heures,

    • un stage individuel principal de 150 heures.

  • En Master 2, il y a deux stages pratiques :

    • un micro-stage d’application en sous-groupe de préparation nutritionnelle,

    • un stage individuel principal de 300 heures.

Dans ces micro-stages, les étudiants sont mis dans des postures d’application de techniques apprises à l’université. Chaque semestre est organisé autour d’une thématique disciplinaire. Il existe ensuite un certain nombre d’enseignements non reliés au coeur du métier, mais qui s’inscrivent dans la perspective de la transition professionnelle. En termes d’écrits, les étudiants doivent réaliser des dossiers individuels et collectifs pour différentes unités d’enseignement : préparation mentale, préparation physique, préparation nutritionnelle dans lesquels ils sont censés décrire et analyser une situation d’application des outils présentés en cours. Pour les stages longs, ils ont à produire deux mémoires professionnels qui ressemblent à un mémoire de recherche en clinique médicale ou paramédicale. L’accompagnement réflexif des personnes se limite au suivi individualisé des mémoires.

Analyse conjecturale

Ce master professionnel reflète ce que les sociologues de l’université nomment une professionnalisation superficielle, car la « logique de l’offre » académique va persister au détriment d’une « logique de la demande » professionnelle (Mignot-Gérard, Musselin, 2001 ; Maillard & Veneau, 2003). Ainsi, le curriculum de formation va être professionnalisé pour répondre à l’injonction de la tutelle. Mais la faculté ne va pas développer réellement de partenariats avec le monde professionnel. Les terrains professionnels vont être considérés simplement comme des fournisseurs de stages pratiques. Mais paradoxalement, l’insertion professionnelle des étudiants de cette filière est l’une des meilleures de l’université française. Néanmoins, près de 53 % d’entre eux quittent définitivement les métiers du sport dans les deux ans après leur entrée dans la vie d’active (Giret & Michot, 2006). De plus, dès le Master 1, nous avons observé que près de 50 % des étudiants développaient une forte propension à l’entrepreneuriat. Comment expliquer cet esprit d’entreprise et cette polyvalence ?

Le développement professionnel est de plusieurs ordres. Ces étudiants vont pouvoir expérimenter quelques techniques de préparation mentale, de préparation nutritionnelle ou de préparation physique de manière officielle en stage, ou de façon clandestine dans le club sportif d’appartenance. Par contre, le développement de compétences dans ce domaine de l’entraînement de haut niveau sera beaucoup plus difficile, excepté pour ces ceux qui étaient intégrés préalablement dans ce type de milieu. Comment expliquer la dynamique de professionnalisation qui amène ces jeunes vers l’entrepreneuriat ou vers une reconversion professionnelle ?

Selon nous, paradoxalement, c’est grâce aux marges de liberté du dispositif que des dynamiques professionnalisantes intéressantes vont apparaître. En effet, comme la présence en cours n’est pas obligatoire, ces jeunes vont cumuler un nombre très important d’activités occupationnelles et professionnelles. Pendant la journée, le soir, en fin de semaine, pendant les vacances scolaires, ils vont développer une pratique sportive personnelle ou proposer d’entraîner autrui. Ils vont occuper des emplois d’étudiants liés ou non au sport, dans le cadre aussi de stages pratiques demandés par le Master. C’est à travers ces multiples expériences qu’ils vont se socialiser et développer des compétences comme l’implication professionnelle et des formes d’adaptablité aux situations de travail comme par exemple, la flexibilité horaire et statutaire. Ils vont aussi développer des compétences d’organisation et de leadership. Les mémoires, scientifiquement exigeants et demandés par le dispositif, vont les aider à développer de manière autonome une aptitude à l’abstraction. Nous voyons ici que les leviers identitaires et cognitifs du développement professionnel d’étudiants dans une formation initiale de l’enseignement supérieur peuvent être parfois non intentionnels et ne pas dépendre des construits de reliance élaborés avec le monde professionnel. Ce sont les étudiants grâce à l’autonomie développée qui, individuellement, vont provoquer des reliances avec des mondes professionnels.

Conclusion 

Dans cet article, nous avons voulu nuancer l’idée qu’une alternance réellement professionnalisante dépendait du partenariat que les acteurs académiques développaient avec le monde professionnel. En effet, si la reliance entre ces deux mondes était un facteur favorable de développement professionnel, notamment avec des apprenants peu autonomes, elle est loin d’être suffisante. En effet, nous avons observé avec le cas de la FSI qu’un partenariat fusionnel entre les deux mondes n’excluait pas une forme de déliance avec les apprenants s’exprimant en fin de parcours notamment par la prise de conscience des décalages de professionnalité entre le vécu universitaire et les attentes des services de soins. A contrario, avec le cas du MEPS, nous constatons que l’absence de partenariat avec le monde professionnel ne permettait pas toujours aux étudiants de se professionnaliser selon la direction attendue par le dispositif. Néanmoins, un tel dispositif leur permettait de développer des compétences transversales favorisant leur réorientation dans des champs professionnels connexes. En effet, ces étudiants n’étaient pas totalement déliés des milieux de pratique malgré l’absence de partenariat. Les apprentissages et la construction identitaire peuvent dépasser ainsi une alternance instituée en étant mobilisés, comme dans le cas du MEPS, par le monde domestique, par la mise en place d’activités occupationnelles et des expériences professionnelles pas forcément en lien avec le diplôme préparé. Il nous semble ainsi important d’adopter une vision moins normative du partenariat en essayant de s’intéresser de manière plus fine à l’alternance vécue et construite par le sujet apprenant.