Abstracts
Résumé
Dans un contexte de professionnalisation associative qui vient profondément modifier l’offre de formation destinée aux bénévoles dans les centres sociaux, notre contribution (issue d’une recherche doctorale) propose d’envisager l’accompagnement des bénévoles comme une occasion de développement professionnel pour les salariés en charge de les accueillir. La recherche concernée a mobilisé un cadre théorique qui articule les travaux sur la professionnalité émergente et l’éthos professionnel (Jorro, 2009 ; 2011) avec la théorie des communautés de pratique (Wenger, 2005). Nous proposons ici d’envisager ces situations d’accompagnement sous l’angle d’un engagement dans une pratique culturelle (Billett, 2008) à partir de la mise au jour des valeurs en acte qui viennent orienter les pratiques dans les espaces concernés.
Mots-clés :
- éthos professionnel,
- communautés de pratique,
- bénévoles,
- accompagnement,
- valeurs agies
Abstract
In a context of associational professionalization that is modifying deeply the training offer designed for volunteers in social centers, our contribution (stemming from a doctoral research) proposes to consider the volunteers› accompaniment as an opportunity for employees› professional development in charge of welcoming them. The involved research has mobilized a theoretical framework that articulates work on emerging professionalism and professional ethos (Jorro, 2009; 2011) with communities of practice theory (Wenger, 2005). We propose to consider these accompaniment situations as a cultural practice commitment (Billett, 2008) from the discovery of the acted-out-values that guide practices in the spaces concerned.
Keywords:
- professional ethos,
- communities of practice,
- volunteers,
- accompaniment,
- acted-out-values
Article body
Introduction
Depuis quinze ans, le renforcement de logiques exogènes de professionnalisation émanant des bailleurs entraîne de nouvelles formes d’organisation associatives axées sur la rationalisation du travail et la qualité des services rendus dont dépend la reconduite des financements. Les centres sociaux ont ainsi développé une formalisation plus grande de l’accueil des bénévoles (procédures de recrutement, compétences attendues) qui s’est accompagnée d’une logique de formation dépassant les objectifs traditionnels d’appropriation d’un projet centre social, ce qui n’est pas sans interroger les valeurs fondatrices d’éducation populaire qui sont au coeur même des pratiques investiguées (Tardif-Bourgoin, 2014). La professionnalisation des bénévoles s’engage dans les centres sociaux par la combinaison de différentes modalités de formation (stages fédéraux, analyses de pratiques...). Dans ce contexte, des pratiques d’accompagnement individuel se développent sous la responsabilité d’un salarié qui occupe une fonction de « tuteur » dont les missions se rapprochent des formes de « traduction culturelle de l’action » (Wittorski, 2007) que l’on retrouve par ailleurs dans des dispositifs classiques d’accueil/intégration en entreprise. Chaque activité en centre social est ainsi coordonnée par un salarié-coordinateur chargé du recrutement et de la formation des bénévoles placés sous sa « référence » d’accompagnement.
Les dispositifs développés par les centres sociaux s’organisent par ailleurs en fonction des contextes spécifiques dans lesquels ils sont déployés. Les formations en interne, auprès des réalités « territoriales » de la structure, permettent d’ajuster les compétences à l’environnement de travail immédiat. Ces pratiques déployées en contexte associatif se rapprochent des dispositifs d’accompagnement de Formations intégrées au travail qui permettent aux institutions de s’ajuster aux demandes d’efficacité et qui correspondent à une nécessité de rendre flexibles les situations de travail. Alors que la professionnalisation des activités (Wittorski, ibid) apparaît récurrente, l’accompagnement individuel lui répond dans une logique de « formations en situation de travail » évitant toute déperdition dans la transmission des informations. La logique du « résultat » qui encadre le rapprochement des individus de leurs situations de travail tend ainsi à articuler davantage la formation aux contextes « professionnels » en termes d’employabilité, de compétitivité et de flexibilité (Tardif-Bourgoin, 2013). L’activité « tutorale » déployée à l’égard des bénévoles interroge alors l’exercice de cette fonction en émergence dans un contexte associatif traversé par des mutations importantes. Pensées à l’origine dans une logique de coopération/mutualisation (éducation populaire), les formations de bénévoles visent aujourd’hui l’efficacité dans la prise en charge des publics et rapprochent les bénévoles des situations de travail dans lesquelles ils s’investissent. Les coordinateurs salariés, en charge d’accompagner les bénévoles dans l’appropriation de leurs missions, se retrouvent au coeur des dispositifs proposés (ces derniers étant d’ailleurs plus ou moins formalisés selon les structures) en veillant à préserver l’équilibre entre les projets de la structure dont ils se font le garant et les projets des bénévoles auxquels ils doivent s’adapter. Les centres sociaux impliqués dans le déroulement de l’enquête présentent ainsi des caractéristiques différentes selon leur taille, leur ancienneté et l’origine de leurs financements. Les coordinateurs, issus de parcours variés dans le champ de l’animation, du travail social et du développement local, se retrouvent néanmoins sur des lignes d’action communes (dans le cadre de leur adhésion à une fédération nationale).
Dans le cadre de notre recherche doctorale (Tardif-Bourgoin, 2017), nous avons choisi d’envisager ces pratiques d’accompagnement à travers l’émergence d’une professionnalité qui s’intègrerait dans un processus de développement professionnel pour le salarié-coordinateur. En se situant entre le développement professionnel et la professionnalité, la professionnalité émergente (Jorro, 2011) rend visible un espace de formation intermédiaire qui introduit la réflexion éthique à travers une affirmation du soi professionnel dans ses modes d’action. Aux côtés des registres de reconnaissance du genre (invariants de l’action) et du style (stratégies et tactiques), la reconnaissance de l’éthos professionnel (Jorro, 2009) repose sur une clarification des systèmes de valeurs qui orientent l’activité.
La reconnaissance de l’éthos professionnel en situation d’accompagnement de bénévoles s’engage alors à la faveur d’une mise au jour des valeurs qui irriguent la pratique des coordinateurs salariés. Nous proposons ici d’envisager l’engagement dans une pratique d’accompagnement de bénévoles comme une occasion de développement professionnel à partir des trois processus constitutifs de l’éthos professionnel (Jorro, ibid) et du cadre théorique des communautés de pratique (Wenger, 2005) permettant d’identifier ce qui se joue du développement professionnel en articulant ses dimensions culturelles, professionnelles et personnelles (Gosselin, Viau-Guay, Bourassa, 2014).
Après une présentation du contexte de la recherche (1), nous préciserons le cadre théorique de référence, notamment du point de vue d’une approche professionnalisante du développement professionnel (2). Nous préciserons ensuite la démarche méthodologique retenue (3) qui a reposé sur des entretiens (semi-directifs et d’explicitation) réalisés auprès de plusieurs coordinateurs en charge d’une activité « cours de français pour adultes » dans quatre centres sociaux. En suivant, l’analyse des résultats (4) permettra de mettre en lumière ce qui se joue du développement professionnel de ces salariés associatifs à travers la compréhension de leurs espaces d’engagement, leurs valeurs agies et les conditions de reconnaissance de leurs pratiques d’accompagnement. Nous conclurons (5) par l’identification de quelques perspectives de recherche et d’action qui pourraient s’engager dans la continuité de ce travail, considérant par exemple l’éventualité d’une opérationnalisation dans le champ de la formation et de l’analyse institutionnelle des pratiques.
Le contexte de la recherche
Les centres sociaux sont des associations qui s’articulent à l’action publique par le biais d’un agrément auprès de la CNAF[1] dont dépendent leurs financements, leurs missions, leurs actions auprès des publics (action sociale, insertion…). Leur fonctionnement relève à la fois d’une logique articulée aux politiques sociales et d’une pratique militante de défense des valeurs de l’éducation populaire (participation et citoyenneté). Le projet centre social est un projet de développement social qui s’appuie sur les valeurs de l’éducation populaire définies par la charte fédérale dans laquelle la FCSF[2] s’inscrit : dignité humaine (écoute, respect…), solidarité (coopérations réciproques, échanges de savoir-faire…), démocratie (engagement citoyen, débats participatifs...). Les centres sociaux sont ainsi présents dans les quartiers pour animer la vie locale dans un objectif de développement territorial. Ils proposent des activités telles que le soutien à la scolarité, l’apprentissage du français, l’accueil social et les loisirs. Ils s’adressent à tous les habitants (visée intergénérationnelle) en veillant à ce que les propositions répondent à leurs attentes (diagnostic des besoins locaux, comités d’habitants). Le projet centre social est donc à la fois un cadre contractuel avec la CNAF, un principe politique et une méthode participative qui implique la formation des acteurs (professionnels, habitants et bénévoles).
Le fonctionnement des centres sociaux repose ainsi sur une coopération entre salariés et bénévoles dans la mise en oeuvre des projets. La professionnalisation traditionnelle en centre social se déploie à l’articulation de l’animation socioculturelle et du travail social sans qu’une référence métier spécifique ne se soit plus particulièrement dessinée. Les bénévoles se sont progressivement associés à ces deux champs d’intervention tout en bénéficiant de formations plus spécifiques issues du développement culturel en milieu populaire (années 1960).
La formation des bénévoles, envisagée sous le prisme de l’éducation populaire qui prône la promotion sociale des individus et leur participation à la vie citoyenne, favorise aujourd’hui davantage l’acquisition de compétences en lien avec une activité donnée. Or les coordinateurs d’activité, issus de champs professionnels divers (travail social, développement local, animation socioculturelle), ne sont pas forcément préparés à « encadrer » des bénévoles dans leurs formations initiales. La professionnalité émergente ne relève donc pas ici d’un genre de métier, mais implique des coordinateurs expérimentés à la confluence de plusieurs champs d’intervention pour lesquels des formes renouvelées de soi professionnel s’engagent lorsqu’ils sont placés en situation d’accompagner des bénévoles. L’organisation du travail dans ce contexte mobilise de nouvelles attentes qui tendent à davantage d’autonomie et de responsabilisation à travers une mobilisation plus forte des ressources subjectives. Ces formes de délibération éthique valorisent la participation des professionnels et la construction de significations individuelles qui prennent place à côté de celles promues par les organisations (Barbier, 2003). L’accès aux valeurs en situation d’accompagnement de bénévoles devient alors une occasion de comprendre, au-delà des logiques institutionnelles qui les portent, ce qui se joue du « débat de normes » : « Ces normes que nous nous donnons dans une confrontation toujours problématique avec les normes antécédentes s’appuient chaque fois sur la présence en nous d’un monde de valeurs, présence obscure, sans doute, mais absolument incontestable » (Schwartz, 2014, p.4).
L’hypothèse centrale de la recherche repose sur l’idée que les pratiques d’accompagnement de bénévoles interviennent à la faveur d’une nouvelle réalité sociale qui les encourage à développer des gestes professionnels inédits (Jorro, 2011). La professionnalité émergente des coordinateurs associatifs se réalise plus particulièrement dans un contexte de pratiques non formalisé qui engage une approche « professionnalisante » du développement professionnel tout en impliquant une modélisation spécifique de l’éthos professionnel dans ce contexte.
Cadre théorique de référence
L’accompagnement des bénévoles ne s’apparente ni à un accompagnement social, ni à un accompagnement professionnel, ni à un accompagnement pédagogique. La conceptualisation que Paul en propose nous a néanmoins convaincus de la pertinence de son utilisation pour circonscrire les caractéristiques de l’accompagnement réalisé auprès des bénévoles : « En tant que pratique, l’accompagnement peut être défini comme un dispositif relationnel qui, à travers un échange et un questionnement, vise la compréhension d’une situation ou d’un projet » (Paul, 2015, p. 28). C’est plus particulièrement du côté du guidage (Paul, 2004) et du processus de médiation dans lequel il s’inscrit que nos choix théoriques se sont réalisés. Si la référence au tutorat encourage des formes de médiation dont l’objectif est d’accompagner l’apprenant (bénévole) à entrer dans une culture organisationnelle normée, les principes d’éducation populaire qui guident les centres sociaux nous ont amenés à envisager l’accompagnement des bénévoles à travers une conception de la médiation élargie au champ du développement culturel et de la citoyenneté (Lafortune, 2012).
Une approche « professionnalisante » du développement professionnel
L’accompagnement des bénévoles relève d’une pratique culturelle (Billett, 2008) qui engage de nouvelles formes d’action et l’émergence d’espaces démocratiques propices aux conflits de référence (Lafortune, 2008). Cette particularité nous a conduits à envisager, à travers l’offre de référentialisation (Mottier-Lopez, 2007 ; 2009) qu’ils proposent, la contribution des espaces socioculturels à la construction d’une professionnalité émergente informelle. Le cadre des communautés de pratique (Wenger, 2005) a alors été mobilisé pour accéder aux indices de reconnaissance d’une professionnalité émergente informelle. La construction du cadre conceptuel s’est ainsi adossée à une approche « professionnalisante » du développement professionnel (Frenay, Jorro, & Poumay, 2011) considérant un acteur qui évolue dans sa pratique à partir de situations d’activité finalisées. Cette approche vise la compréhension des processus d’apprentissage, mais aussi leurs effets sur l’évolution des modes de pensée. La professionnalité émergente suppose la construction d’un premier Soi professionnel ou la construction renouvelée du soi professionnel pour des acteurs confrontés à des évolutions. C’est dans sa deuxième acception que nous l’entendons ici. Le concept d’éthos renvoie alors au principe d’action éthique qui engage un acteur autonome évoluant dans un contexte, dans le sens d’un rapport renouvelé à la professionnalité. Il implique une compréhension articulée des composantes de l’agir professionnel qui permet l’accès à l’évolution de la pratique et à la perception des environnements dans lesquels elle se transforme.
Dans le cadre de notre recherche, le concept d’éthos professionnel a été plus particulièrement mobilisé à partir de ses processus constitutifs : l’acculturation, l’engagement, la projection (Jorro, 2009). Nous l’avons croisé avec la théorie sociale des apprentissages issue des communautés de pratique (Wenger, 2005).
Une modélisation de l’éthos professionnel en situation d’accompagnement de bénévoles
Pour Jorro (2009), l’éthos professionnel est entendu comme un engagement qui relève d’une dimension axiologique sur laquelle le sujet s’appuie pour affirmer son positionnement professionnel. Trois processus accompagnent sa construction : un processus d’acculturation influencé par des apprentissages professionnels, un processus d’engagement qui traduit une visée d’accomplissement, un processus de projection qui permet au désir de métier de se concrétiser. La modélisation de l’éthos en situation d’accompagnement de bénévoles associe, à chacun de ses processus constitutifs, une dualité caractéristique du design d’apprentissage propre aux communautés de pratique : une dualité conçue/émergente, des négociations de sens, des outils de réification (Wenger, 2005).
Un processus d’acculturation inscrit dans un rapport conçu/émergent
La construction de l’éthos professionnel suppose un processus d’acculturation des normes et des valeurs du genre professionnel visé. La conscientisation des valeurs permet alors à l’acteur d’entrer dans un processus d’identification à un genre professionnel. L’éthos professionnel correspond au positionnement souhaité en contexte de travail ; il agrège des valeurs qui relèvent de la professionnalité de l’acteur (Jorro, 2009). Le processus d’acculturation implique ainsi la découverte des valeurs professionnelles qui permettent une identification à l’identité de métier ; le contact avec les gens du métier est propice à l’identification des valeurs engagées dans les gestes professionnels. Ce processus s’engage à travers des échanges qui permettent d’entrer dans l’espace de travail et d’en connaître les règles du jeu. Il s’accompagne d’une prise de conscience de l’intériorisation des valeurs qui va consolider l’évolution identitaire. Les coordinateurs d’activité en centre social font l’expérience de cette acculturation en prenant appui sur leur environnement de travail davantage que sur l’identification à un genre de métier. Le recours à une dualité conçu/émergent (Wenger, 2005) permet ainsi d’appréhender les caractéristiques spécifiques des contextes de travail des coordinateurs (non formalisation des pratiques d’accompagnement). Le rapport au conçu dans ce contexte confronte l’offre institutionnelle existante en termes d’outils d’accompagnement avec les logiques individuelles à partir desquelles les coordinateurs construisent leur propre relation d’accompagnement avec les bénévoles (rapport à l’émergent).
Le processus d’acculturation vient alors caractériser des gestes professionnels qui reposent sur un équilibre entre les modèles institutionnels proposés et une certaine forme de créativité mise au service de l’accompagnement.
Un processus d’engagement appuyé par des négociations de sens
Le processus d’engagement est traversé par des mutations identitaires importantes (Jorro, 2009). L’apprentissage d’une posture professionnelle implique alors des efforts, mais elle est rendue valorisante par la négociation qu’elle implique avec l’espace socio-professionnel concerné. La prise de conscience qui s’opère révèle un « vouloir agir comme professionnel » qui engage des transactions professionnelles et implique une certaine vigilance (se faire admettre dans un espace de travail). En formation initiale, le stagiaire fait l’épreuve des contextes pour apprendre à se positionner comme un interlocuteur vis-à-vis du référent professionnel. L’enjeu pour les professionnels « confirmés » s’inscrit davantage dans l’intégration d’une nouvelle réalité professionnelle. Les coordinateurs font ainsi l’expérience d’une nouvelle réalité professionnelle qui les met à l’épreuve d’une négociabilité avec les contextes. L’apprentissage au sein d’une communauté de pratique peut alors être vu comme un parcours identitaire au cours duquel un professionnel développe ses connaissances et ses compétences en même temps que sa carrière, ses projets personnels et son appartenance à divers groupes professionnels. Wenger (2005) utilise le terme de trajectoire pour décrire le mouvement d’un parcours qui dispose à la fois de sa propre impulsion tout en s’inscrivant dans un réseau d’influences. Les communautés de pratique ne sont donc pas uniquement des lieux de partage et de construction de connaissances. Ce sont aussi des lieux de développement identitaire. Toutes les communautés de pratique offrent la coexistence de plusieurs modèles de négociations de trajectoires qui constituent autant d’occasions de s’engager. Le processus d’engagement en situation d’accompagnement de bénévoles, en l’absence d’un cadre de référence métier, se réalise à travers le développement d’une identité dans la pratique. La dualité identification/négociabilité est alors propice aux négociations de sens et à l’émergence de trajectoires d’apprentissage.
Un processus de projection soutenu par des outils de réification
Le processus de projection accompagne le désir de métier. Dans un contexte de formation, la clarification du projet de professionnalisation (Jorro, 2009) permet aux stagiaires de préciser leurs orientations selon les secteurs visés. Les professionnels en reconversion semblent disposer d’une projection professionnelle assurée même si l’expérience préalable peut venir contrarier l’intégration dans un nouveau contexte. Les situations d’accompagnement de bénévoles dans lesquelles les coordinateurs sont placés favorisent également l’acquisition d’une posture négociée. La négociation repose sur une dualité fondamentale (Wenger, 2005) : la participation et la réification. Leurs combinaisons donnent lieu à différentes expériences de signification : le processus de participation engage des significations structurées, pertinentes et créatrices ; les réifications permettent de stabiliser les règles. Wenger envisage la participation comme une source d’identité qui engage l’individu dans sa totalité (corps, esprit, émotions, relations). La réification consiste à donner forme à une expérience à travers des objets, des symboles. Le processus de projection des coordinateurs trouve sa matérialisation à travers des points de réification qui marquent l’expression du désir de participation et engage en même temps des conditions de reconnaissance spécifiques compte tenu de la quête de légitimité qu’il induit dans les espaces communautaires concernés.
L’analyse des données recueillies s’est adossée à l’identification des trois processus de l’éthos professionnel revisités du point de vue de la théorie des communautés de pratiques permettant d’identifier les espaces d’engagement communautaire des coordinateurs, leurs valeurs agies mobilisées en situation d’accompagnement et les conditions de reconnaissance susceptibles de favoriser le développement du soi professionnel dans ces pratiques émergentes.
Démarche méthodologique
Les quatre coordinateurs impliqués dans la recherche assurent la coordination de cours de français pour adultes (Activités sociolinguistiques dites ASL). Nous les avons rencontrés sur la base de deux temps d’entretien séparés de quelques semaines : des entretiens préparatoires semi-directifs (permettant d’accéder aux contextes de travail et d’identifier la façon dont les pratiques d’accompagnement s’y inscrivent) et des entretiens d’explicitation (Vermersch, 1994) et de décryptage du sens (Faingold, 1998) qui ont permis d’évoquer deux situations (l’une de recrutement de bénévole et l’autre d’un moment d’accompagnement choisi) et de verbaliser les valeurs agies en situation. Ces entretiens d’explicitation (dits Ede) ont été directement suivis de temps de réflexion nommé « post Ede » (Tardif-Bourgoin, 2016). Plusieurs catégories d’objectifs ont été associées aux différentes phases du recueil. La phase préalable d’entretiens a permis de situer les moments choisis en Ede dans l’environnement de travail du coordinateur (espaces d’engagement) et d’accéder à des généralisations au niveau des pratiques singulières. Les entretiens d’explicitation et de décryptage du sens ont permis l’accès à des moments significatifs d’accompagnement favorisant le repérage des valeurs agies sous-jacentes. La phase de réflexion (post Ede) a permis aux coordinateurs de se confronter à leurs contextes (en référence aux entretiens préparatoires menés et plus particulièrement en réaction à des prises d’initiatives). Cette dernière phase a permis d’accéder aux conditions de reconnaissance des pratiques grâce à l’identification d’occurrences (Astier, 2012, p. 65-66) sur des actions de même type « effectuées par le même sujet à d’autres moments » et combinant « l’articulation entre le singulier et le général dans l’organisation de l’action ».
Analyse des résultats
Les différentes étapes du recueil de données ont permis d’explorer successivement les contextes d’engagement, les valeurs agies et les conditions de reconnaissance qui caractérisent l’exercice professionnel des coordinateurs salariés en situation d’accompagnement de bénévoles. Cette modélisation de l’éthos professionnel met en jeu des dimensions complémentaires de développement professionnel : des contextes d’engagement mobilisés au niveau des communautés de référence, des valeurs agies susceptibles de favoriser le développement d’une communauté d’apprentissage et des initiatives singulières qui traduisent le Soi professionnel ainsi que les conditions de sa reconnaissance
L’engagement vis-à-vis des communautés de référence
L’analyse des entretiens préparatoires a permis de repérer trois espaces distincts de transmissions qui correspondent à des espaces d’engagement vis-à-vis des communautés de pratique en présence dans l’environnement de travail des coordinateurs : un espace macro (transmissions associées à l’organisation), un espace méso (transmissions liées à l’activité) et un espace micro (transmissions inhérentes aux relations interindividuelles).
Dans l’espace macro, les transmissions touchent aux règles de fonctionnement et au partage du projet associatif. Dans l’espace méso, les transmissions concernent directement l’activité « cours de français pour adultes » qui implique une entrée progressive dans la pratique (connaissance des apprenants, gestion des cours). Dans l’espace micro, les transmissions engagent la relation salarié/bénévole (respect mutuel des engagements, respect des publics).
Alors que les transmissions circulent dans des espaces formalisés (ou en voie de formalisation) dans les deux premiers espaces, nous identifions, dans l’espace micro, une construction non formalisée de l’ordre d’une professionnalité émergente. Les moments privilégiés des transmissions macro sont ainsi associés à des espaces formalisés dans et par l’institution. Ces transmissions se réalisent de façon invariante au moment du recrutement et s’organisent ensuite lors de temps formalisés tels que les séminaires ou les instances de concertation. Les moments associés aux transmissions méso diffèrent selon le degré de formalisation des espaces d’accompagnement concernés : périodes de découverte, évaluation, formations. Enfin, les moments qui caractérisent les transmissions micro entrent en jeu dans l’espace de la relation d’accompagnement et reposent sur la subjectivité de l’accompagnateur. Ces transmissions débutent le jour du recrutement et s’organisent ensuite lors de temps informels qui relèvent de l’initiative des coordinateurs (écoute, bilans).
Les transmissions réalisées participent d’une part d’un engagement organisationnel qui implique une logique de traduction des valeurs à l’égard des communautés de référence (organisation et activité) et d’autre part d’une logique personnelle d’engagement qui permet aux coordinateurs de réifier leur pratique d’accompagnement dans le prolongement des espaces offerts par les communautés de référence. Le processus d’acculturation engage alors à la fois des éléments venant caractériser le rapport au conçu à travers la référence aux communautés de pratiques existantes et des indices de professionnalité émergente qui viennent spécifier les orientations que les coordinateurs donnent à leurs pratiques d’accompagnement dans l’espace émergent d’une communauté de pratiques en construction. Le coordinateur agit ainsi à un double niveau : il « traduit » les valeurs véhiculées au sein des communautés de référence tout en mobilisant sa propre subjectivité dans une communauté émergente dont il cherche à construire les contours.
Les valeurs agies qui soutiennent la communauté d’apprentissage émergente
L’accès au processus d’engagement dans la construction de l’éthos professionnel s’est appuyé sur l’analyse des données recueillies lors de la phase des entretiens d’explicitation, plus particulièrement au regard de l’évocation d’une situation de recrutement de bénévoles. Les situations explicitées ont d’abord fait l’objet d’un premier récit permettant de guider ensuite les coordinateurs sur le choix de moments plus particuliers à explorer (un moment qui se détache).
Deux moments choisis se sont détachés au fil des entretiens en apparaissant invariablement chez les professionnels. Ces moments concernent la présentation du bénévole et le moment de la présentation de l’activité. Pour ces deux moments, nous nous sommes intéressés aux prises d’information et prises de décision (niveau expérientiel des stratégies chez Vermersch) complétées par la question récurrente « Et quand vous faites ça, qu’est-ce qui est important pour vous ? » permettant d’accéder au niveau expérientiel des identités (dans le modèle de Faingold, 1998). L’analyse de ces deux « moments qui se détachent » a permis de repérer des indices transversaux de professionnalité émergente qui caractérisent l’engagement dans une pratique d’accompagnement de bénévoles.
Les valeurs agies associées au moment de présentation du bénévole nous renseignent d’abord sur la nature de la relation dans ce contexte spécifique d’accompagnement salarié/bénévole. Le temps du recrutement ne se fonde pas sur une logique de compétences, mais participe d’une rencontre. Les coordinateurs adoptent une posture de guidage qui implique d’ajuster, au plus près des situations individuelles d’engagement qu’ils rencontrent, la construction d’une position d’accompagnement sous-tendue par des enjeux de reconnaissance mutuelle. Les valeurs agies associées au moment de la présentation du projet engagent par ailleurs la compréhension que le bénévole se fait de sa future place dans l’activité. Les coordinateurs sont alors attentifs à l’attitude exprimée par le bénévole quand il partage ses représentations quant aux publics visés par l’accompagnement.
Les manifestations d’éthos associées à ces deux moments vécus lors d’un entretien de recrutement permettent de saisir les valeurs engagées dans l’espace micro des relations interindividuelles (identification) : la rencontre avec un parcours bénévole singulier (relation bénévole/coordinateur) et les préoccupations inhérentes à l’accueil des publics (relation bénévole/publics). Ces valeurs agies soutiennent le développement du soi professionnel qui vient s’adosser à la construction émergente d’une communauté d’apprentissage salariés/bénévoles.
Nous avons par ailleurs relevé pour chaque coordinateur, en fonction du premier choix de moment exploré, des spécificités en termes de positionnement (négociabilité). Les coordinateurs développent ainsi des trajectoires qui constituent des occasions de renégociation identitaire. Chaque coordinateur se positionne sur une trajectoire singulière selon un intérêt plus particulièrement exprimé vis-à-vis du projet bénévole (et des enjeux de reconnaissance mutuelle qu’il engage) ou des valeurs associées à l’accueil des publics. La construction du soi professionnel mobilise alors chez les coordinateurs des formes de compromis intérieur (négociations de sens) qui viennent spécifier les caractéristiques des communautés d’apprentissage qu’ils cherchent à développer.
La reconnaissance de soi dans l’environnement communautaire
Le processus de projection a permis de faire émerger les conditions de reconnaissance du soi professionnel des coordinateurs. Les résultats viennent ainsi préciser les formes d’éthos que ces derniers développent en fonction des initiatives qu’ils prennent. Ces initiatives ont été repérées dans les entretiens préparatoires (semi-directifs) et restitués aux coordinateurs lors d’une phase post-Ede qui a suivi les moments d’explicitation. Les initiatives prises donnent à voir la diversité de ce qui se joue des relations salariés/bénévoles selon la représentation que les coordinateurs se font de l’engagement bénévole et plus particulièrement de ce que l’inscription de cet engagement en centre social est susceptible de produire. Parmi les initiatives qui soutiennent plus particulièrement l’intérêt exprimé vis-à-vis du projet bénévole, nous trouvons par exemple le développement d’une présence renforcée dans l’accompagnement qui va contribuer à une reconnaissance partagée des engagements respectifs salariés/bénévoles : une attention toute particulière est ainsi portée dès le recrutement au projet d’engagement bénévole et à son adéquation avec le projet de l’activité. Du côté des trajectoires portant sur la relation bénévole/publics, on va trouver des initiatives qui relèvent davantage de la formalisation d’outils permettant de favoriser l’entrée en relation des bénévoles avec des apprenants aux besoins spécifiques (création d’un jeu pédagogique, instauration de binôme anciens/nouveaux). Les outils d’accompagnement développés par les coordinateurs nous renseignent alors sur la façon dont ils envisagent le centre social comme un lieu d’intégration qui favorise une reconnaissance mutuelle (adéquation projet bénévole/projet d’activité), un lieu d’évolution personnelle (construction d’une adhésion individuelle pour faire évoluer l’engagement/jeu pédagogique) ou un lieu de coopération visant l’engagement collectif (apprentissage coopératif/binômes anciens-nouveaux). En contribuant au développement de la communauté d’apprentissage, ces initiatives engagent les coordinateurs dans une formalisation endogène des conditions de reconnaissance de leurs communautés (réification). Les initiatives prises permettent alors de repérer trois formes d’éthos : relationnel, pédagogique et technique qui contribuent à des modalités différenciées de participation.
Les initiatives prises (réifiées) appellent par ailleurs à la participation des communautés de référence permettant d’engager la formalisation de ces outils dans l’espace communautaire élargi et leur conférer une certaine légitimité. La reconnaissance de l’éthos professionnel en contexte informel met ainsi en évidence les conditions de son développement à l’articulation de plusieurs espaces qui mobilisent à la fois les ressources de la communauté d’apprentissage émergente (publics, bénévoles), mais également celles des communautés de référence à travers des acteurs périphériques qui viendront confirmer les conditions de son développement (pairs, institutions). La légitimité institutionnelle conférée au cadre de l’accompagnement par les directions (communauté centre social) et les réflexions partagées en équipe de coordinateurs (co-reconnaissance entre pairs dans le cadre d’une communauté d’activité) servent ainsi de promoteurs de reconnaissance (processus exogène de reconnaissance). Des acteurs secondaires issus des logiques de territoire ou de réseau peuvent en outre constituer des leviers qui se substituent à l’absence de reconnaissance institutionnelle. Les signaux de reconnaissance (Jorro, 2011) renvoyés par les communautés périphériques engagent alors la participation des coordinateurs en supportant les conditions du développement de leurs pratiques d’accompagnement.
L’ensemble des résultats engagent à la fois des manifestations d’éthos singuliers et les conditions du développement des communautés d’apprentissage qui participent à leur mise en oeuvre dans les espaces périphériques. Trois processus complémentaires sont alors en jeu : un processus d’acculturation qui repose sur des communautés de référence envisagées comme des espaces d’engagement, un processus d’engagement qui mobilise des valeurs agies déployées dans l’espace d’une communauté d’apprentissage émergente, un processus de projection qui engage les conditions de reconnaissance du soi professionnel dans l’environnement communautaire élargi.
Contribuant partiellement à une opérationnalisation éventuelle des résultats de cette recherche, le dispositif méthodologique nous semble engager quatre logiques conjointes de reconnaissance (De Ketele, 2013) qui peuvent servir des intérêts conjoints de recherche et de formation : la reconnaissance du genre à travers la référence aux communautés de pratique, la reconnaissance du style (ce que les coordinateurs verbalisent spontanément de leurs pratiques), la reconnaissance de l’éthos professionnel (les productions de sens exprimées à partir des valeurs agies lors de l’évocation des situations), la reconnaissance plus générale d’une culture d’accompagnement qui s’exprime dans la rencontre entre les contextes d’engagement et les projections que les coordinateurs y réalisent.
Conclusion et perspectives
Le développement professionnel des salariés-coordinateurs en charge de l’accompagnement des bénévoles en centre social repose sur la construction simultanée d’un positionnement à l’égard des communautés de référence (le centre social et l’activité) et d’une posture d’accompagnement favorisant l’émergence du soi professionnel dans l’espace d’une communauté d’apprentissage salariés-bénévoles. La construction de l’éthos professionnel repose alors sur deux orientations axiologiques sous-jacentes à la relation d’accompagnement. Ces orientations accompagnent la construction émergente de la communauté d’apprentissage sur les bases du respect de l’engagement bénévole (reconnaissance partagée) et de la connaissance des publics (co-construction de savoirs). Ces orientations s’inscrivent dans le prolongement des valeurs issues de l’éducation populaire mobilisées dans un projet de centre social (ouverture, participation, émancipation). Elles contribuent à la construction d’un éthos collectif au sein d’une communauté d’apprentissage qui implique des salariés, des bénévoles, mais aussi des publics dans leurs propres perspectives d’émancipation. L’identification des valeurs agies qui structurent la communauté émergente coordinateur/bénévoles donne à voir des négociations de trajectoires qui contribuent autant à la reconnaissance du soi professionnel qu’au renouvellement des pratiques dans l’espace communautaire élargi. Si l’attachement à ces valeurs participe d’une source de reconnaissance endogène qui traduit une quête de sécurité ontologique, les conditions exogènes de reconnaissance dans des espaces dédiés participent de la légitimation des pratiques. Les initiatives prises par les coordinateurs engagent ainsi une transformation des pratiques culturelles en s’intégrant dans le réseau d’apprentissages des communautés périphériques de référence. Ces communautés constituent un support de reconnaissance qui contribue en retour au développement des communautés émergentes.
Les résultats qui accompagnent la finalisation de notre recherche s’inscrivent ainsi dans l’idée que l’engagement dans une pratique d’accompagnement de bénévoles implique d’« aménager, au sein des exigences actuelles, un espace relationnel qui, de quelque manière, conserve son assise, autrement dit ce qui le fonde et lui donne sens » (Paul, 2015, p. 24). La formalisation d’un espace conjoint de reconnaissance endogène/exogène constitue certainement une voie d’opérationnalisation des résultats de cette recherche. Une reconnaissance des pratiques soutenue par l’analyse institutionnelle (Monceau, 2008), permettant de « travailler » les enjeux de l’implication professionnelle au regard des logiques institutionnelles qui la soutiennent, contribuerait certainement à une visibilité de ces pratiques en faisant de l’éthos un objet de développement professionnel dans un cadre formalisé de reconnaissance. Faire l’apprentissage de son éthos constitue alors pour les coordinateurs, et en l’absence d’une réfé-rence à un genre de métier, une modalité de reconnaissance de soi dans l’action et une occasion de mise à jour des cadres institutionnels de référence.
L’accompagnement des bénévoles s’inscrit dans une réflexion plus générale autour de la con-ribution des associations à la promotion des valeurs en lien avec le développement de la ci-toyenneté et du lien social : spécificités de l’engagement bénévole, mutualisation des savoirs (Ion, 2003), reconnaissance des activités formatives comme outils de développement . La formulation de ces perspectives s’articule à des attentes de reconnaissance intimement associées aux enjeux de visibilité des pratiques associatives dans un contexte de mutations (qualité, évaluation). Les apprentissages en milieu associatif, tels que ceux réalisés par les coordinateurs, représentent ainsi « une opportunité pour revaloriser l’expérience associative et, de surcroît, pour repenser de nouvelles pratiques de gestion des rapports sociaux » (Hanczyk, 2009, p. 241). Les enjeux associés aux questions d’accompagnement de bénévoles rejoignent les probléma-tiques rencontrées aujourd’hui par le secteur de la formation du champ social.
L’intérêt porté aux valeurs dans ce contexte constitue certainement une occasion de rendre compte des logiques individuelles et collectives de reconnaissance dont la formalisation est rendue nécessaire dans un environnement social faisant l’objet de multiples recompositions. S’engage notamment la question de la répartition des compétences salariées et bénévoles préconisée dans les politiques publiques pour faire face à une demande sociale qui se com-plexifie davantage. Cette préoccupation nécessite certainement une vigilance quant à la récu-pération de l’engagement bénévole comme opportunité d’aménager une professionnalisation à moindre coût (Hanczyk, ibid). Les résultats de cette recherche engagent à cet effet des pers-pectives scientifiques quant à la reconnaissance de l’éthos professionnel dans les espaces communautaires ; ces derniers étant susceptibles d’accompagner les évolutions pressenties dans la refonte des métiers du travail social élargis à l’intervention sociale .
Envisager les valeurs comme « la régulation des pensées professionnelles et des collectifs qui les portent » (Ratinaud, Labbé, Hammoud & Bataille, 2014, p. 346) permet alors d’envisager la transposition de nos résultats de recherche à des contextes professionnels, non stabilisés ou en voie de recomposition, pour lesquels le rapport aux valeurs engage des logiques différenciées de reconnaissance à l’interface de plusieurs communautés de pratique (projets innovants, métiers émergents).
Dans des environnements en transformation qui invitent à une certaine forme de distance quant aux prescriptions institutionnelles, le rôle des collectifs susceptibles de faciliter la médiation entre les sujets et les institutions semble ici particulièrement rejoindre les préoccupations des coordinateurs quant à la reconnaissance de leurs pratiques. Bezille (2010) note à cet effet que les ressources quotidiennes que les sujets puisent dans leur environnement permettent de soutenir la réalisation d’apprentissages informels : personnes ou expériences significatives, ob-jets-médiation. Les savoirs savants et quotidiens s’entrecroisent ainsi en constituant des res-sources « pour comprendre l’organisation de nos vies sociales et y développer de nouveaux savoirs » (Brougère & Ulmann, 2009, p. 14). Les communautés de pratique peuvent alors être envisagées comme des lieux d’expression des paradoxes constitutifs de nos appartenances plurielles (Wenger, 2008) permettant d’identifier et de reconnaître des types d’engagements différenciés relatifs aux apprentissages suscités par les pratiques collaboratives (Jorro, 2015).
Appendices
Notes
Bibliographie
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