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fig1

Aphrodite (détail), 1999.

Aphrodite (détail), 1999.

Marbre du Vermont, 150 x 30 x 18cm.

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Depuis quelques années, la sculpteure Suzanne Tardif-Berberi a orienté sa démarche créatrice vers la représentation du pied. Les formes sont belles, dignes, épurées. Mais, de façon délibérée, il ne s'agit surtout pas que d'un marbre. Le marbre est représentation : au-delà du pied sculpté, il y a un symbole ; et par delà l'empreinte, il y a un signifiant. « L'empreinte du pied de Vendredi que Robinson découvre au cours de sa promenade dans l'île n'est pas un signifiant. En revanche, à supposer que lui, Robinson, pour une raison quelconque, efface cette trace, là s'introduit nettement la dimension du signifiant », comme le dit Lacan. C'est que le signifiant « témoigne d'une présence passée »[1], il se donne comme tel dans ce qui est en dessous, il se love en creux. C'est par ce qu'elle recouvre que la trace fait sens et qu'elle institue une quête. Comme c'est par ce qu'elle manifeste que la sculpture recouvre du sens.

Aussi est-ce dans le discours mythologique que puise d'abord Suzanne Tardif-Berberi, car la littérature a créé le mythe comme le mythe a engendré la littérature. La littérature en premier n'a jamais cessé d'écrire la trace, mais aussi de la thématiser, donc de se faire trace de sa propre trace, comme pour mieux faire voir l'espace qu'ouvre le signe :

Le Robinson pensif.

(Manuel du Naufragé.)

Dieu et Robinson - (nouvel Adam) -

Tentation de Robinson.

Le pied marqué au sable lui fait croire à une femme.

Il imagine un Autre. Serait-ce un homme ou une femme ?

Robinson divisé - poème.

Coucher de soleil - Mer.[2]

C'est une démarche sculpturale comparable à celle du poète qui inspire le travail de Suzanne Tardif-Berberi, où le pied, par le biais des figures mythologiques, s'énonce, à sa manière particulière, à la fois comme métonymie du désir et comme emblème. Précisément, les oeuvres de la sculpteure sont exemplaires en ce qu'elles nous rappellent à la lettre la valeur signifiante et structurante que contient la trace, elles nous indiquent conséquemment la volonté de sens mise en jeu dans l'art. Pierre Vadeboncoeur file la métaphore :

Chaque bribe d'existence qu'elle [l'oeuvre] isole est comme une pierre où fermement poser le pied de l'absolu et de la pérennité. Il n'y a que sables mouvants, mais dans l'art il suffit d'y marcher pour que chaque pas y trouve un point d'appui. Ainsi, l'art emprunte sans cesse à la vie ses réalités décevantes, dont il fait et ne peut faire que des figures de ce qui ne l'est pas. On croirait que c'est à dessein qu'il les prend, pour en changer radicalement le sens. Il s'empare de tout ce qui tombe, pour lui faire tout supporter.[3]

Le travail de Suzanne Tardif-Berberi participe à la fois d'une recherche mythologique et d'une quête métaphysique. Ici, c'est « Héphaïstos le boiteux », handicapé parce que sa mère le jeta du haut de l'Olympe ; « Aphrodite », qui accepta de céder à Hermès afin de récupérer la sandale qu'il lui avait volée ; « Hermès au pied léger » ou encore « Le pied nu de Jason ». Là, c'est « Les mortels sont passés », une oeuvre qui rappelle notre passage sur terre, ou encore « L'axe sacré », un monolithe sur les croyances, rites et symboles de l'Antiquité enfouis dans notre mémoire collective. Cette dernière oeuvre, qui montre un pied édifié sur une colonne, célèbre « les pèlerins en marche vers des lieux qui exercent toujours des attraits d'ordre spirituel, écrit l'artiste : Stonehenge, Carnac, Saint-Jacques de Compostelle, La Mecque », etc. Empreinte royale de la vie humaine sur terre, dépositaire de toutes les histoires et de ses signes, ce pied magnifiquement sculpté propose ainsi l'orientation d'un savoir et d'un parcours, d'une traversée dans le temps et dans l'espace.

Fig2

Le retour d'Ulysse (détail), 2001.

Le retour d'Ulysse (détail), 2001.

Marbre du Vermont, 153 x 53 x 36cm.

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Fig3

Les mortels sont passés, 2000.

Les mortels sont passés, 2000.

Marbre du Vermont et pierre de Saint-Marc, 96 x 38 x 31cm et 94 x 36 x 7cm.

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Fig4

L'axe sacrée (2), 2001.

L'axe sacrée (2), 2001.

Marbre du Vermont, granit, mosaïque, 160 x 50 x 28cm.

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Fig5

Thésée (piédestal), 2003.

Thésée (piédestal), 2003.

Pierre d'Indiana, 59 x 19 x 17cm.

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Fig6

Héphaïstos le boiteux (détail), 1994.

Héphaïstos le boiteux (détail), 1994.

Pierre de Saint-Marc et fonte, 117 x 43 x 18cm.

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Fig7

Elles sont passées (1), 2000.

Elles sont passées (1), 2000.

Marbre du Vermont, 13 x 13 x 4cm.

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Fig8

Aphrodite, 1999.

Aphrodite, 1999.

Marbre du Vermont et acier, 150 x 30 x 18cm.

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