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Par cette étude sémiotique de la perception considérée comme énonciation visuelle, nous proposons d’examiner des figures de la contradiction lumineuse dans le domaine artistique. L’énoncé d’une contradiction de la lumière n’est pas propre au site de l’art dont nous savons le goût pour le paradoxe et les oxymores ; la complexité « endémique » de la lumière apparaît dans les divers domaines qui la prennent pour objet d’étude. Aussi la lumière physique a-t-elle connu des débats sur son homogénéité ou sa composition hétérogène en rayons différemment réfrangibles, également sur sa définition substantielle, ainsi que l’expose M. Elie en traitant des motifs de l’opposition entre Goethe, les Naturphilosophen et Newton (1993 : 19-41) – un débat qui s’est soldé par la victoire de la « mathématique mécaniste » en physique et par une postérité en phénoménologie des problématiques philosophiques désireuses de réconcilier, à l’encontre d’une tradition galiléenne, l’homme et la nature, le corps et l’esprit. Au sujet du caractère corpusculaire ou ondulatoire de la lumière, rappelons que la physique a résolu la contradiction des interprétations en optant pour une position quantique neutre et alternative : composée de photons, la lumière apparaîtrait « tantôt comme une onde tantôt comme un corpuscule » en fonction des expériences tentées ; « contrairement à la conjonction à la fois onde et corpuscule, la disjonction ni onde ni corpuscule serait ainsi logiquement possible » (P. Grangier, 1994 : 11). La psychophysiologie de la lumière n’est pas moins complexe avec les phénomènes, décrits dès Démocrite, Aristote ou Léonard de Vinci, d’accommodation visuelle, de modulations de contrastes, d’effets de concentration-expansion des sites lumineux, de rémanence, ou récemment ceux de création d’optogrammes ; de quoi illustrer la multiplicité des dimensions – intensités et extensités spatiales et temporelles – et des processus tensifs en jeu. Quant au sémantique ou à la symbolique, puisqu’il s’agit généralement de corrélations entre les catégories lumière versus ombre et celles du contenu jour-nuit, vie-mort, spirituel-matériel, agréable-désagréable, etc., la tendance des auteurs consiste, à grand renfort de références historiques, soit à les considérer comme naturels donc universels, soit à affirmer leur statut culturel et contextuel[1].

Différent de ces approches, notre point de vue est sémiotique ; une sémiotique qui ne peut néanmoins négliger complètement les apports de la physique, de la psychophysiologie, voire de la symbolique, non seulement parce qu’ils rendent compte des contraintes formelles du monde physique et des modalisations perceptivo-sensibles du sujet, mais aussi parce que les discriminations et interprétations des phénomènes font appel à ces discours sociolectaux. Conformément à la leçon greimassienne, nous considérons en effet le monde naturel ou visible comme « le paraître selon lequel l’univers se présente à l’homme comme un ensemble de qualités sensibles, doté d’une certaine organisation » (Greimas et Courtés, 1986 : 233-234), soit comme un ensemble signifiant, catégorisé, organisé et en devenir – et ce, en accord avec les approches cognitives et phénoménologiques. La thèse d’une « macrosémiotique du monde naturel » autorise ainsi une approche du visible comme produit d’une énonciation – une énonciation qui serait motivée par une imperfection de la saisie et par le caractère protensif de la perception, qui fait le besoin de remplissement de l’objet, dont parle E. Husserl, et qui serait nourrie par un savoir commun ou expérientiel convocable. Plus précisément, la sémiose énonciative ainsi dynamisée aurait pour plan de l’expression le perceptible ou, suivant l’exposé de J.-F. Bordron (2001), « le plan noématique » et, pour plan du contenu, le mode du « rapport intentionnel à l’objet » ou les modalités de faire et d’être du percevant manipulé par son objet. La définition de ces deux plans repose ainsi sur la mise en valeur de l’un ou l’autre pôle de l’interrelation qui définit les instances de la perception, le voyant modalisé par les configurations perceptives perçues et le visible soumis aux formes de l’attention et au savoir de son sujet. Et, dans le cas de la lumière, ce « visible » n’est pas évident ; nombre d’auteurs affirment en effet l’invisibilité de cet opérateur par excellence de la visibilité[2].

Un premier examen des catégories et des modalités de la configuration sémiotique de la lumière, manifestée dans les discours évoqués plus haut, nous permettra d’aborder le problème de cet apparaître de la lumière, de ce qui assurerait sa saillance perceptive – dispositif de visibilité et système de valeurs différentielles – et sa spécificité dans le monde de l’art. Préparant une étude de l’énonciation paradoxale que les objets choisis pour l’analyse semblent pouvoir provoquer, cette première partie laissera la place aux questions posées par nos études d’oeuvres d’art. Comment la substance lumineuse prend-elle forme ? Comment la signification se déploie-t-elle lors de la praxis énonciative ? Qu’en est-il de son apparition paradoxale ?

Notre examen consiste donc à explorer les processus de mise en forme du plan de l’expression de la lumière et à considérer ses modalités d’apparition – soit la problématique émergence du lumineux que posent de manière presque emblématique les « noirs » de Pierre Soulages. Avec les Light Pieces de James Turrell, il s’agira encore de considérer les modalités d’une énonciation provoquée par l’objet et de s’attarder à nouveau sur la définition paradoxale de sa présence et sur la modalisation de son instance subjective.

Des catégories pour l’expression de l’« effet lumière »

Comment rendre compte de la configuration perceptive de la lumière, de la lumière générale ou d’une lumière particulière au site de l’art ? Ces questions du comment et du quoi peuvent renvoyer à deux types d’approche. Celle, générale, de la construction d’un système à partir de traits pertinents et triés – et le tri est d’autant plus important que, comme le montre l’étude littéraire de T. Keane (1991), la catégorisation du monde est variable et complexe, synesthésique et inférentielle, nourrie de connotations thymiques et de « scenarii-images » offerts au déploiement énonciatif (« entrelacs des connaissances encyclopédiques acquises et des expériences vécues »). La deuxième approche prendrait plutôt pour appui un objet sémiotique dont l’analyse permettrait de dégager les catégories. Dans son étude de la lumière (1995), J. Fontanille juxtapose les deux approches : description théorique d’une sémiotique de la lumière sous quatre modalités principales rendant compte de la totalité du visible et études de manifestations diverses venant valider le système présenté. Dans la première partie de notre étude, il s’agira plus sommairement de poser les prémisses d’un paradigme de la lumière qui, compte tenu du problème posé par le choix des critères, est conçu comme ouvert, prêt à s’enrichir des traits relevés au cours de l’étude des objets sémiotiques.

Malgré la valeur abstraite et générale de cette première partie de notre étude qui vise in fine à préciser les caractères spécifiques de certains objets, il semble opportun de préciser dès maintenant le degré de généralité et de spécificité de l’objet lumineux auquel nous ferons référence. Pour cela, nous le différencierons de celui proposé par J. Fontanille en 1995.

Dans Sémiotique du visible. Des mondes de lumière, la lumière est étudiée en tant qu’opérateur de la totalité du visible et non comme signe – elle initialise ainsi une sémiotique du visible. Ce point de vue élargi rendrait peu pertinents les saillances figuratives et ce que verrait un éventuel sujet ; et, conformément au projet de la sémiotique, il conviendrait de poser, avec « l’autonomie de son objet à l’égard de la vision, tout comme d’ailleurs, à l’égard du monde physique », l’indifférence des supports de manifestation (1995 : 3, 27). Nous l’avons évoqué auparavant, si notre point de vue est sémiotique, l’autonomie de notre objet est relative, puisque le physique et le physiologique, en tant que savoir partagé et en devenir, sont convocables pour soutenir ou enrichir nos descriptions et interprétations du visible. De plus, la validité de nos lectures d’analyste est fonction de ce savoir commun que, pour le moins, elles ne peuvent contredire mais qu’elles doivent adapter au point de vue sémiotique. Quant à l’indifférence du support, elle semble pouvoir être postulée, puisque la perception des lumières présuppose une abstraction sémiotique minimale, une médiation par les catégories générales du perceptible, que nous évoquerons plus loin, et une mise en relation syntagmatique des catégories qui ne semble pas devoir être propre au domaine qui le manifeste. D’un point de vue moins abstrait, il semble néanmoins que des supports de manifestation peuvent développer précisément certaines modalités et qu’ils présentent, ainsi que le soutient U. Eco (1997)[3], des lignes de résistance schématique constituant des « champs de possibles orientés ».

Notre projet de traiter d’énonciation ou d’expérience artistique, puisque les objets choisis relèvent du site de l’art, invite à spécifier un objet-lumière. Ici, la lumière sera un « effet lumière », ce qui assure, en art, la valeur distinctive des dénominations de Light Arts, de luminaristes ou de tenebrosi, pour qualifier Piero della Francesca, Le Caravage, Georges de La Tour, ou les « néons » de Fontana, ou la valorisation des maîtrises de la lumière censée non seulement faire voir, mais aussi dessiner des espaces ou des formes, gommer ou souligner l’apparence d’objets, effacer ou imposer du relief – d’où la possible relation polémique entre la lumière et l’éclairage des choses. La difficulté afférente à cette spécification est la définition d’une saillance perceptive de la lumière dont nous avons noté qu’elle était sujette à caution. Défendre l’invisibilité de la lumière, c’est souvent prendre en compte son immatérialité, son caractère intangible et transparent, c’est aussi faire valoir sa puissance d’éclairage aux dépens de ses valeurs distinctives et différentielles – des valeurs non substantielles qui en font pourtant un objet sémiotique de choix. Défendre sa visibilité, c’est par exemple considérer la lumière en tant qu’éclairage qui s’autodésigne par ses fluctuations et les formes inhabituelles des objets éclairés (leurs éclats, une coloration, une dilution, une polarisation des formes), comme un opérateur manifesté par sa multipotentialité, ou encore en tant que lumière apparemment autonome lorsque les poussières réfléchissent des rais intenses et colorés dans un contexte contrasté et neutralisé par l’embrayage sur la configuration lumineuse. Éclairage visible par ses variations sur les objets ou bien éclat perceptible qui se signale par sa valeur contrastée dans un contexte d’apparition, la lumière est perçue par sa variété et par les sites de visibilité que constituent l’espace diaphane dans lequel elle est transmise et les objets qui la réfléchissent.

Outre ces sites ou supports de visibilité et les opérations afférentes de transmission et de réflexion, quelles sont les valeurs différentielles en jeu ? Comme J. Fontanille (1995), nous pouvons d’abord retenir celles d’ordre strictement visuel, qui sont généralement présentées dans les traités théoriques ou dans les ouvrages techniques contemporains. Trois prégnances ou modalités d’expression sont citées, à savoir l’intensité, le chromatisme et l’angularité ou la diffusion. L’intensité du lumineux est mesurable sur un axe du plus ou moins lumineux et ombreux, les points extrêmes de cette gradation étant l’éblouissant et l’obscur. Est également graduel le chromatisme, que celui-ci résulte, suivant Goethe, d’une altération de la lumière blanche et homogène, dans son interaction avec l’ombre, ou de l’hétérogénéité colorée de la lumière newtonienne. Quantifiable, l’angularité a trait à la forme étendue ou concentrée, diffuse ou directionnelle de la lumière, suivant la description précise de l’éclairagiste H. Alekan (1991).

Si ces valeurs permettent une définition essentiellement spatiale de l’objet sémiotique – comme il en va des analyses en visuel qui négligent la durée de la praxis énonciative constitutive du sujet et de l’objet sémiotiques –, il faut souligner l’importance de la dynamique sous-jacente au terme de diffusion. Plus généralement, l’intensité, la couleur et la forme de la lumière sont « expliquées » en termes d’extension, c’est-à-dire de transmission à travers un espace, d’absorption, de réflexion ou de réfraction contre une surface non translucide[4]. Ces explications « physiques » des états de la lumière à partir d’inférences sur les modalités de son parcours ne sont pas anodines du point de vue interprétatif. Elles semblent au contraire enrichir la lecture des configurations, donner prise à une aspectualisation et ainsi à une axiologie – celle de l’Éloge de l’ombre de J. Tanizaki (1933) ou celle plus secrète des vitraux de Pierre Soulages (Renoue, 2001) – ou fournir les bases d’une taxonomie des lumières, comme celle laissée par Léonard de Vinci. Celui-ci distingue la « lumière primitive : cause qui éclaire le corps ombreux, les lumières dérivées [luminosité] [qui sont les] parties du corps qu’éclaire la lumière primitive » (1987, t. 2 : 320) et « le lustre qui se révèle sur la surface lisse des corps opaques et varie avec le point de vue » (ibid. : 344). À ces distinctions, T. Keane ajoute, en parallèle au système léonardien de l’ombre[5], la « luminescence » pour désigner « la luminosité capable de réfléchir son éclairage sur un objet second » (1991 : 12).

Si nous croisons cette taxonomie fonctionnelle et positionnelle – distinction de source, cible et transmetteur – avec celle générée à partir des catégories descriptives évoquées plus haut, nous obtenons un espace paradigmatique relativement complexe, surtout si nous prenons en compte la variabilité temporelle des lumières et leur rythme d’apparition, ou le point de vue mobile du subjectif. Avec la description de la configuration perceptive de la lumière, l’analyse des modulations ou des covariations des valeurs – couleur et éclat, extension et intensité – semble pouvoir fournir un modèle descriptif, dynamique et génératif efficace pour décrire le plan de l’expression lumineuse.

Éclaircie noire et « noir lumière » de Pierre Soulages

Poète et universitaire maniant le paradoxe, H. Meschonnic présente Pierre Soulages, dans son chapitre intitulé « Un noir lumière », par ces mots : « Soulages est le peintre le plus noir de toute l’histoire de la peinture, et il a réinventé la lumière » (2000 : 183). Quelles sont donc les modalités d’apparition de ce noir lumière ? En 1985, l’artiste l’explique en résumant son parcours pictural (Soulages, 2000 : 101) :

Dans ma peinture où il domine, depuis l’enfance jusqu’à maintenant, je distingue objectivement trois voies du noir, trois différents champs d’action.

1° Le noir sur un fond : contraste plus actif que celui de toute autre couleur pour illuminer les clairs du fond.

2° Des couleurs, d’abord occultées par le noir, venant par endroits sourdre de la toile, exaltées par ce noir qui les entoure.

3° La texture du noir (avec ou sans directivité, dynamisant ou non la surface) : matière matrice de reflets changeants. […]

Les voies sont différenciées en fonction de composants actoriels, spatiaux et aspectuels. La disposition actantielle invite à séparer les deux premières périodes où le noir, la constante du « système », est conjoint à des couleurs seulement définies comme non noires[6]. D’après les propos du peintre, l’objet de valeur est dans les deux cas l’intensité de la clarté ou de la saturation des couleurs, et le noir vaudrait comme intensificateur ou, dans la seconde voie, il jouerait le rôle ambivalent d’opérateur d’intensité et de filtre contrôlant les degrés d’apparition – cette complication actantielle étant régie par la disposition juxtaposée et/ou superposée des couches picturales. La relation de codépendance entre intensité – de la couleur et de la clarté – et extensité – juxtaposition et superposition – qui apparaît ici peut encore être affinée eu égard aux effets prévisibles ou en référence aux tableaux.

La première voie offrirait ainsi, outre l’exaltation de contrastes intensifiés, les tensions de dynamiques contradictoires avec les effets de profondeur divergents du fond clair et du centre plus sombre[7]. Dans la deuxième voie, les tensions d’intensités seraient contenues dans un espace feuilleté et sporadiquement décomposé entre le plus clair dessous et le plus sombre dessus. Entre ces deux voies, l’esthétique tendrait vers un amenuisement et une contention des intensités et des extensions autour du plan pictural. La troisième voie marque l’ultime limite dans l’envahissement de l’espace par le noir et, corrélativement, l’apparition d’une lumière réfléchie. Avec la disparition des contrastes colorés, le noir perd son rôle d’exhausteur d’intensité ; c’est la texture dunoir qui génère et contrôle des « reflets ». Nous changeons ainsi de paradigmes : de « l’illumination, exaltation des couleurs en contraste », on passe à la production de reflets ; de la clarté et saturation des pigments, on passe à l’éclat de reflets lumineux. Si le lumineux pictural est généralement un effet de sens (la catégorie de l’expression blanc-noir – et de la tonalité ou luminosité : clair-foncé – étant corrélée à celle du contenu lumineux-ombreux[8]) ou d’explication physico-rayonnante (le blanc serait réflecteur et le noir absorbant), cette voie proposerait directement des éclats lumineux sur le plan de l’expression, tout en les associant paradoxalement à la couleur noire de réputation absorbante. La prise en compte de la texture lisse, donc réfléchissante, et l’examen de la désaturation du noir permettent cependant de lever en partie ce paradoxe.

Comme dans les deux premières « voies », il y a dans ces tableaux-ci les deux actants nécessaires à la mise en tension interactive de la configuration. Les deux actants ne sont plus des couleurs exclusives mais deux modalités de la matière picturale, la texture et le noir : deux modalités du paraître compatibles car de catégories différentes (une matière peut être noire et lisse, plus difficilement très noire et très bleue), mais aux pouvoirs réfléchissants divergents. Aussi, si la corrélation était converse entre intensifications de la clarté et saturation des couleurs et du noir, ici la profondeur[9] du noir et les éclats alternent en intensité. De ce noir devenu «  », P. Soulages dit ainsi :

Outrenoir pour dire : au-delà du noir une lumière reflétée, transmutée par le noir. Outrenoir, noir qui cessant de l’être devient émetteur de clarté, de lumière secrète. Outrenoir, un champ mental autre que celui du simple noir.

2000 : 102

Cette alternance du noir et du lumineux visible sur les toiles pourrait donner lieu à deux lectures narratives autrement orientées : celle qui, conforme à la réputation de la lumière comme modalisatrice des apparences, en ferait la désintensificatrice du noir – et la valorisatrice de la texture soulignée par des contrastes de luminosité –, ou celle, retenue par le peintre en cohérence avec l’orientation du système déployé, où le noir, tout en changeant d’être ou d’apparence[10], modaliserait et aspectualiserait le trajet et l’éclat de la lumière reçue – d’où le néologisme, « outrenoir » créé par le peintre et étudié par P. Encrevé (2000 : 15).

Ajoutons quelques précisions sur la forme et le devenir des contrastes. Le noir profond et les reflets forment des contrastes spatiaux bien délimités sur les tableaux d’outrenoir. L’espace est en effet organisé par la profondeur de la matière picturale traversée d’aplats satinés et de stries profondes aux rebords lumineux et au fond ombreux et sombre. Une variation aléatoire et discontinue, donc saillante, implique le spectateur de manière transitive et réflexive : les reflets changent avec ses déplacements. La mobilité du spectateur prend ainsi une nouvelle valeur ; il ne s’agit pas ou pas seulement de voir mieux, comme dans l’approche frontale, mais de voir autre chose lors d’un déplacement latéral – ce qui a pour effet de multiplier les points de vue pertinents et d’élargir l’espace de rencontre entre le spectateur et la peinture.

Autre variation généralement continue et nycthémérale, donc moins saillante : les reflets changent avec l’éclairage ambiant. Pour être perçues, ces lentes transformations impliquent, évidemment, soit l’arrêt prolongé du spectateur, soit son (ou ses) retour(s). En variant ainsi d’intensité au cours du temps, les modulations de luminosité varient aussi de valeurs distinctives ; ou elles sont relativement intenses et différentes ou elles sont toutes également éteintes – et corrélativement la texture paraît plus ou moins profonde ou plate. Avec ces variations, c’est donc l’apparence tensive globale du tableau qui est en jeu : un tableau qui passerait de la profondeur à peine modulée d’un plan noir à la vibration d’une surface dont la dé-composition est soulignée par des éclats lumineux.

Cette troisième voie inviterait donc, par sa génération de reflets lumineux, à une sémiotique de l’interaction et de la variation, de la mobilité et de la mouvance des apparences.

Émergence lumineuse en outrenoir et corps percevant

Notre étude des noirs de Pierre Soulages a consisté à prendre appui sur ses écrits pour déterminer un point de vue – la quête du lumineux – et à proposer une analyse des contrastes visibles et des tensions intensives et extensives sous-jacentes, nous inspirant ainsi de la sémiotique tensive inaugurée par C. Zilberberg. L’intérêt de cette analyse des valeurs en termes de valence est double : elle permet de rendre compte d’une sensibilité au visuel, des tensions du perceptible auxquelles le sujet peut être attentif, modulant sa manière d’être au monde en étant réceptif au visible qui apparaît et dont la résistance à la perception est d’autant plus modalisatrice. Elle permet également de rendre compte, en termes de tensions entre intensités et extensités, d’une régulation des valeurs ou de la constitution formelle d’un visible – qui émergerait de la matière-support qui, noire et lisse, lui insufflerait une dynamique contraire : retenir et renvoyer. L’instabilité et un manque d’évidence objectal nous incitent néanmoins à affiner l’analyse de l’émergence des reflets et du lumineux visibles et, au-delà, de l’émergence du perceptible.

La question de l’émergence de l’objet sémiotique est complexe. Nous pouvons tout d’abord essayer d’en mesurer les écarts en traitant des degrés de présence et d’assomption énonciative. L’expérience des tableaux d’outrenoir a affaire avec la rhétorique. L’oxymore d’H. Meschonnic ou le paradoxe du spectateur ne sont pas complètement résolus par un examen attentif de la désaturation du noir ; avec la désaturation et l’intensité des reflets, il s’agit non d’effacer mais de moduler les degrés de présence et d’absence du lumineux et du noir. La perception du noir ou du lumineux pose aussi le problème de l’assomption, et en particulier de celle du lumineux qui, s’il est l’attracteur de Pierre Soulages ou d’un connaisseur de son oeuvre, semble moins évident pour un profane – certains voyant dans les reflets des accidents anodins et extérieurs à la peinture[11]. L’énonciation du visuel présuppose, en effet, outre une sommation spatiale et une stabilisation du sensible et des figures, une reconnaissance sous la double modalité de l’identification catégorielle du visible et de la fiducie assurant la valeur des reflets lumineux.

Concrètement, cette reconnaissance des formes lumineuses est le plus souvent facilitée par le mode de présentation discursive des peintures ; les oeuvres sont, comme le dit A. Cauquelin, des « objets-textes ». Dans ce contexte, il s’agit de « donner une présence au sens des mots », suivant l’expression de R. Barbaras traitant des « actes intuitifs » d’E. Husserl (1994 : 37), de remplir ou de réaliser la signification par la mise en présence de ce qui était simplement visé ou, en termes sémiotiques, d’une sémiose de l’identification mettant en corrélation un signifié linguistique et un signifiant perceptible par un tri pré-orienté, nécessaire au repérage.

Ce parcours associatif évoque ce que J. Geninasca appelle, dans une analyse d’un texte de Stendhal (1984), la « saisie molaire ou vue objectivante » réglée par un savoir extérieur à la perception, soit ici le discours du peintre. Source discursive, Pierre Soulages évoque son expérience de l’émergence du lumineux de l’outrenoir comme un événement au sens phénoménologique du terme ; non pas le résultat d’une visée de la forme – la concrétisation d’une forme imaginée ou recherchée – mais l’apparition d’un visible imprévu et imprévisible, d’une occurrence sans modèle et sans type prédéfinis qui émergerait du faire et du voir comme un « ça s’est fait »[12]. Du point de vue du spectateur, il semble néanmoins complexe et réducteur à la fois de considérer seulement son « faire-perceptif » comme « au service d’opérations d’identification et de dénomination », suivant l’expression de J. Geninasca. Si l’identification est affaire de traductibilité – d’opérations assurant le passage d’un mode d’expression à un autre – et l’appariement entre signifié linguistique et expression perceptible un processus complexe, ce qui retiendra davantage notre attention c’est l’embrayage minimum sur le visible que présuppose cette identification, soit une sémiose entre signifiants perceptibles et signifiés noologique et corporel ou donation du perceptible.

« Comment se fait-il que les objets surgissent au bout de mon regard ? ». La question est phénoménologique, ainsi que l’énonce J.-L. Petit (2002). Et la réponse que donne le philosophe est husserlienne : elle pose comme fondatrice l’interrelation du sujet et de l’objet, la corrélation entre l’activité intentionnelle et la constitution du noème. L’objet n’est pas une donnée fixe mais le but de la visée, un moment d’unité de l’activité noétique, une synthèse transitoire d’esquisses successives qui fait qu’au fur et à mesure, entre protension et rétention de la dynamique intentionnelle, une chose se donne à nous. Dans ce cadre, l’esquisse serait l’expérience fondamentale dynamique, le passage du non-focalisé au focalisé de la visée.

J.-F. Bordron (2002) redéfinit la question en termes d’acte énonciatif et de « prise ». L’énonciation étant définie comme « faire-venir en présence », il s’agirait de savoir « comment, dans une énonciation sensible, les formes sensibles peuvent émerger sans que soit convoquée une subjectivité ? ». Cette mise à l’écart de l’intentionnalité, de sa dynamique et rection constitutives ou du « sujet monadique » husserlien, suivant l’expression d’E. Levinas, peut plus trivialement que chez J.-F. Bordron – qui étudie la cohérence du modèle sémiotique (le monde naturel vu à la fois comme signifiant et comme objectivité) – évoquer les propos de Pierre Soulages, dont l’agir ferait s’émerger une nouvelle oeuvre en outrenoir qui, tel un événement, s’imposerait d’elle-même à son auteur. Du point de vue du spectateur, cette apparition des reflets pourrait ressortir d’une sémiotique de la contemplation, du « laisser-faire » (J.-F. Bordron, 2001) ou de celle d’une attention qui ne serait pas attitude abstraite mais présence active au paraître du monde et ouverture sur de nouvelles possibilités (F. Varéla et alii, 1993 : 52s). Il s’agirait d’une prégnance du sensible qui viendrait fonder et enrichir la prédication au cours d’une énonciation attentive qui serait re-prises sur – et de – la « chose ».

« L’objet anticipe sa perception », écrit J.-F. Bordron (2001) en référence au M. Merleau-Ponty du Visible et l’Invisible et à H. Bergson, des philosophes qui expliciteraient cette émergence du visible par la médiation du corps. Pour M. Merleau-Ponty, qui utilise l’image de l’entrelacs, d’une participation du corps à la Chair du visible :

[…] ce qui fait le poids, l’épaisseur, la chair de chaque couleur, de chaque son, de chaque texture tactile, du présent et du monde, c’est que celui qui les saisit se sent émerger d’eux par une sorte d’enroulement et de dédoublement, foncièrement homogène à eux, qu’il est le sensible même venant à soi, et qu’en retour le sensible est à ses yeux comme son double ou une extension de sa chair.

1999 : 151

Et, souligne J.-F. Bordron, le passage du sensible au prédicatif est assuré par l’hypothèse du « Logos du monde ». Pour H. Bergson, le corps est une image parmi l’ensemble des images qu’est la matière et, comme elles, il est puissance d’action mais aussi d’affection (les « pouvoirs réflecteur et absorbant du corps », 1999 : 57). L’émergence de la perception et du corps percevant serait alors affaire de résistance et d’indétermination – un écart dans l’activité du corps qui contredirait l’immédiateté de la réaction et qui virtualiserait son action. De cette perception pure (« qui existe de droit plus que de fait »), impersonnelle et orientée vers l’action, un fond demeurerait, d’après le philosophe, et « la représentation de la matière serait la mesure de notre action possible sur les corps » ; mais aussi et surtout notre perception serait « toute pénétrée de notre passé », transformée par le pouvoir synthétique de la mémoire immédiate et du souvenir – les images mémorisées et convoquées par analogie (ibid. : 71, 30). En relation avec le sensible, l’idéalité retrouve donc sa place et ses prérogatives dans le système bergsonien, où, comme chez les phénoménologues, la distance entre le corps et les autres images, le mouvement de préhension du visible, le senti kinesthésique et la dimension « haptique » de la perception trouvent une justification.

H. Bergson explique plus précisément la discrétisation du « continuum mouvant du monde » ou des « solides contigus » en termes de besoins et de mouvements vitaux, et comme l’effet d’une soustraction et d’une distinction entre permanence des corps et changement des mouvements, des solides et des chocs (ibid. : 220s). Nous retrouvons ainsi les éléments de l’analyse sémiotique : le contraste est donné, il s’agit de faire des tris parmi le donné et de le différencier en catégories. Pour nos objets, il va sans dire que l’émergence des reflets de l’outrenoir est affaire de contraste, que leur mouvement et leur instabilité participent à leur saillance, mais c’est certainement leur répétition régulière qui invite à inférer leur valeur « voulue » et artistique. Avec James Turrell, le tri perd sa pertinence, l’espace lumineux est homogène et dense, et les récits de son expérience évoquent surtout le corps, la rencontre avec un espace dense, une impression haptique et « l’ébranlement des actions naissantes », dont parle H. Bergson. Ainsi que nous allons le voir, l’oeuvre turrellienne peut à plus d’un titre apparaître comme une figuration des thèses bergsoniennes et phénoménologiques.

Les Light Pieces et Wedgeworks de James Turrell

Volume de lumière colorée, l’oeuvre de James Turrell est souvent présentée comme minimaliste, même si l’on n’y voit pas la tendance à valoriser les formes épurées du courant américain. Les installations retenues ici sont celles des architectures imposées qu’il décrit ainsi : “ Within existing architecture, I create spaces that you look into and spaces that you enter and in which you become enveloped ” (J. Brown, Interview : 7). Le dispositif est constitué en fait de deux espaces conjoints, celui de l’exposition et celui où l’on regarde et, parfois, où l’on entre. Cependant, entre la réalité du dispositif et ce qui apparaît au visiteur, la différence est importante. C’est de cette apparence et de ses importantes variations que nous traiterons. Quand on pénètre et se déplace vers l’installation, on voit en effet :

  • sur le mur d’une salle sans fenêtres, un plan coloré frontal, fixe et invariable, une sorte de grand monochrome situé au centre du mur contre lequel il y a parfois un escalier ;

  • contre la paroi ou en haut de l’escalier, le monochrome « devient » un écran ou une pellicule de couleur opaque qui semble flotter vers soi et devant le mur ;

  • l’expansion diffusée et la dématérialisation de « l’objet » se poursuivent avec l’entrée de la main dans le poreux coloré, lumineux et opaque ;

  • avec la progression « dedans », ce qui apparaît est un volume opaque, lumineux, coloré, souvent comparé à un brouillard de lumière ou à une brume de couleur.

L’importance de ces variations situe le déplacement sous le sceau de l’imprévisible et oblige à une révision répétée du perceptible et du mouvement – le corps du sujet percevant accusant toujours un retard sur le potentiel d’action renouvelé. Les « habitus du corps », décrits par M. Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception (1993 : 94-99), sont mis à mal entre mouvements d’avancée et arrêts, rétention puis détention jusqu’à l’entrée dans un volume opaque, en fait peu détensif : le mouvement corporel devient ainsi le lieu de tensions contradictoires, dont l’élan est finalement contenu par l’opacité du volume où l’on pénètre. Précisons encore que les deux espaces semblent visuellement imperméables l’un à l’autre ; être dans le premier, c’est se buter contre un plan apparemment compact, et lorsqu’on peut entrer dans le second espace, le premier devient également un plan. C’est de ce second espace, le point ultime du parcours expérientiel et passionnel du visiteur, que nous traiterons.

Si la description des éclats d’outrenoir ne posait pas de problème particulier, invitant seulement à affiner et à préciser les modalités de son apparition et de son émission à la surface, celle de ces lieux de lumière est plus complexe. Notons d’abord que le point de vue est celui du dedans, d’un sujet enveloppé, suivant l’expression de James Turrell, donc sans distance avec la lumière. Le site de visibilité est l’espace ou plutôt le volume englobant – comme en architecture, si ce n’est que celle-ci est un englobant translucide et intérieurement transparent. Dans ce volume homogène, pas de source, pas de cible et pas de rai indiquant une transmission. La composante dynamique de la lumière semble donc virtualisée, d’autant plus qu’il n’y a aucune variation temporelle. L’absence de contrastes visibles et des tensions afférentes oblige l’analyste à se tourner vers le paradigmatique pour noter que la lumière est relativement intense et colorée ; il ne s’agit pas d’une contradiction entre lumière et couleur, comme en outrenoir, mais d’une apparente collaboration pour assurer l’opacité, donc la visibilité de la lumière et de la couleur, comme si la lumière était l’agent diffusant et la couleur l’opérateur de la visibilité de ce volume de lumière.

Cette première description permet de mesurer les limites d’une analyse positive, alors que les oeuvres d’outrenoir profitaient des lectures actantielles et tensives. Dire quelque chose des oeuvres turrelliennes, c’est donc souvent recourir à l’associationnisme analogique ou symbolique, ou bien considérer les termes catégoriels convoqués, dégager des paradoxes et inférer les modes d’être et de faire du subjectif. Pour cela, nous évoquerons, faute de place, deux axes de lecture : celui de l’opacité et celui de la densité cité par James Turrell :

I’m interested in the weights, pressures and felling of the light inhabiting space itself and in seeing this atmosphere […] atmosphere is volume, but it is within volume […] there are densities and structuring within a space.

J. Brown, Interview : 2

Le thème de l’opacité introduit un réseau de paradoxes. La lumière intense n’est pas transparente et invisible ; colorée, elle est opaque, « substance – compacte et tactile – du lieu tout entier », suivant l’expression de G. Didi-Huberman (2001: 46). Visible bien que sans support apparent, elle empêche de regarder l’espace qui, dépourvu de contrastes ou de limites visibles, ne présente aucun point focalisable. Ce que l’on peut voir, c’est le volume où l’on est, un brouillard de lumière sans limite, sans point ultime. D’où un second paradoxe : la lumière intense illimite le lieu où elle est ; et cette illimitation n’est pas celle de la proximité de l’obscurité, elle est celle, lumineuse, d’un infiniment visible ou d’un fini invisible. L’impression est donc contradictoire entre effets d’illimitation et effets de limitation visuelle par l’opacité du volume lumineux.

L’opacité lumineuse et la volumétrie du médium semblent également pouvoir être associées à l’impression de densité dont parle l’artiste : une impression qui signale l’intimité du visible et du tactile, mais peut-être aussi une logique corrélative sous-jacente régie par la catégorie du plein et du vide (M. Renoue, 2002), du résistant impénétrable ou du solide bergsonien. Du caractère tangible de la présence de la lumière, James Turrell précise : « it has a quality seemingly intangible, yet it is physically felt. Often people reach out to try to touch it » (J. Brown, Interview : 11). Et, assumant la réversibilité esthésique du toucher, G. Didi-Huberman écrit : « C’est à nous toucher que viseraient les oeuvres de J. Turrell » (2001 : 57 note). L’homme qui marche « s’éprouverait lui-même comme devenant flou » (ibid. : 29). Si le regard et la mobilité, la masse ou l’enveloppe corporelle semblent avoir affaire avec une certaine consistance haptique, une forme de résistance, la texture ne serait pas hors jeu. Le corps percevant n’est donc pas à l’abri, bon gré mal gré, des transformations du lieu – de la dilution des formes –, qui atteste de l’objectalité du visiteur et des pouvoirs de la lumière étrange de James Turrell.

Comparée à l’outrenoir de Pierre Soulages et à sa sémiotique de la variation, de la mobilité, de la ténuité et de l’émergence subtile des apparences, la sémiotique turrellienne aurait ainsi trait à la résistance du milieu et des enveloppes, du plein et de la pression constante qui contient l’action, à l’immobilité et à l’intemporalité d’un milieu particulièrement prégnant. Elle peut, à ce titre, apparaître comme excessive, forçant les limites sensorielles généralement admises du visible et du tangible, du percevoir et de la sensori-motricité.

En guise de petite conclusion

L’expression des paradoxes lumineux est, dans ces oeuvres de Pierre Soulages et de James Turrell, fort différente par son contenu et par sa saillance. Il s’agit, dans un cas, d’une étrangeté ténue qui contredirait les corrélations visuelles fixées par l’expérience et le savoir commun, et qui inviterait à un examen attentif. Dans l’autre cas, l’étrangeté concerne notre rapport corporel au monde, nos habitus – soit, dans un discours phénoménologique, la révélation d’une relation plus « originaire » au monde. Ce sont là deux esthétiques différentes, mais qui contredisent toutes deux le visible et son évidence, l’assurance de notre relation au monde et à la lumière.

Reprenons brièvement la notion de paradoxe à laquelle nous avons recouru. Le terme était entendu au sens courant et étymologique, comme ce qui va à l’encontre de la doxa, d’un « savoir » commun ou d’une expérience ordinaire. Il ne s’agit néanmoins pas de remplacer une « croyance » qui serait fausse par une autre vraie, suivant l’orientation axiologique du paradoxe ; le trouble produit naît plutôt de la co-présence d’un phénomène et d’un « savoir » actualisé par le phénomène lui-même, soit l’opposition entre le noir et le lumineux, l’intangibilité de la lumière. Dans la nomenclature de C. Zilberberg (2003), il pourrait s’agir d’une forme de concession. La concession, sous la forme phrastique : « certes p, mais q », introduirait à la place de la proposition p : la croyance assumée par le « on » de la généralité, et en q : l’événement singulier mis en scène par les artistes et perceptible par le sujet d’énonciation. Ajoutons encore que le paradoxe concerne, dans l’un et l’autre cas, des corrélations différentes : celle, inter-catégorielle, de convenance ou d’inconvenance – explicable en termes narratifs – du noir et du lumineux ; celle, plus substantielle et aristotélicienne, qui concerne les attributs ou les propriétés associés à un « substrat » ou encore le caractère substantiel de la lumière « immatérielle » (Renoue, 2002).