Abstracts
Résumé
Il est courant aujourd’hui que des revendications politiques tirent argument de la pluralité et de l’irréductibilité des horizons moraux pour rejeter des modalités établies de gestion des conflits politiques. Postulant la possibilité du marchandage, celles-ci n’auraient aucune prise sur les logiques identitaires, ni aucune légitimité face à elles. La volonté de rendre compte de ces phénomènes a provoqué une réorientation majeure de la pensée théorique, où la notion de « pluralisme moral » occupe désormais une place centrale. Or, si des débats intenses tournent autour de la nature de la personnalité morale et les conséquences institutionnelles qu’il conviendrait d’en tirer, le pluralisme moral lui-même semble être passé dans le sens commun. Il est pourtant fragile, comme le montre son rapport avec le pluralisme classique des groupes d’intérêt. En dépit de son habillage « moral », la version contemporaine du pluralisme serait en fait impossible à distinguer, dans son fonctionnement politique effectif, du bon vieux pluralisme « polyarchique ». L’articulation théorique essentielle à cet égard est le jeu de la transparence et de l’opacité du conflit politique, ou encore la présence ou l’absence d’une norme d’interaction politique où les raisons d’une revendication sont un critère décisif de la légitimité de celle-ci. Or, de ce point de vue, le pluralisme « moral » est ambivalent, et finalement profondément contradictoire. À supposer que le défi du pluralisme des valeurs soit aussi important qu’on le prétend, la théorie politique du pluralisme moral n’y a pas vraiment répondu.
Abstract
Political claims commonly argue that the plurality of incommensurable moral horizons now renders traditional modes of conflict management obsolete. In particular, the bargaining model has no relevance or legitimacy with respect to identity politics. The desire to give an account of such phenomena has led to a major shift within political theory, where the notion of "moral pluralism" has a key role. While intense debate surrounds the nature of moral personhood and its institutional implications, moral pluralism itself appears taken for granted. Yet its fragility is revealed by a comparison with traditional interest group pluralism. Indeed, in spite of its "moral" language, the contemporary version of pluralism would be indistinguishable, in practical political terms, from good old polyarchy. The crucial theoretical issue in this respect is the play of transparency and opacity with respect to political conflict, in other words the presence or absence of a norm of political interaction in terms of which the reasons for making a claim are decisive in assessing the claim's legitimacy. In these terms, "moral" pluralism is ambivalent, and ultimately deeply contradictory. If the challenge of value pluralism is as important as is, the political theory of moral pluralism has not yet provided an adequate answer.
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