Recensions

Dictionnaire du vote, de Pascal Perrineau et Dominique Reynié, Paris, Presses universitaires de France, 2001, 997 p.[Record]

  • Anne-Marie Gingras

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  • Anne-Marie Gingras
    Université Laval

Il faut saluer la parution du Dictionnaire du vote, une entreprise fort utile dont l’heureuse initiative revient à Pascal Perrineau et Dominique Reynié, le premier étant directeur du CEVIPOF (Centre d’étude de la vie politique française) et tous deux étant professeurs des Universités à l’Institut d’études politiques de Paris. La publication d’un tel ouvrage illustre la capacité et le choix de certaines institutions de privilégier l’ambition intellectuelle avant tout et de créer des outils pédagogiques qui feront date. Avec près de quatre cent notices, le dictionnaire couvre un vaste éventail de sujets, certains tout à fait prévisibles (suffrage indirect, sondage à la sortie des urnes, scrutin proportionnel, etc.), d’autres plus étonnants (Moyen Âge, émeutes et manifestations, grève) qui permettent d’appréhender le vote dans ses composantes politiques, historiques, sociales et géographiques. Ce dictionnaire vise à promouvoir un renouvellement de la perspective sur le vote en dissociant vote et élections, écrit l’historien René Rémond dans la préface. Il ne faut pas « confondre la procédure de vote avec l’exercice du suffrage universel et le postulat qui fait de ce dernier la seule source de légitimation du pouvoir politique » (p. VIII). Le vote doit être pensé plutôt dans une histoire qui déborde largement les frontières du politique : il participe en fait d’une « universalité plurielle », inscrite à la fois dans le temps, l’espace et dans des collectivités qui le pratiquent de diverses manières. R. Rémond rappelle que le vote tranche entre les points de vue et détermine la vérité… mais que « rien ne garantit que la majorité ne puisse pas se tromper et que ce soit les minorités qui soient dans le vrai ». L’obtention de la majorité (même relative, doit-on ajouter dans le système électoral britannique) est « une règle destinée à réduire les oppositions et à faciliter la vie en société » (p. IX). Les directeurs de l’ouvrage ont voulu exposer la complexité du vote et transcender les frontières de ce qu’on appelle habituellement « les études électorales », resituant le vote dans une perspective plus large, plus globalisante, conforme à une certaine tradition intellectuelle européenne. Ce dictionnaire constitue aussi — implicitement — un appel à la prudence et à l’humilité dans l’évaluation de la signification du vote. R. Rémond met en garde contre l’approche rationnelle qui simplifie à outrance : le vote « n’est pas la conséquence d’un calcul de rentabilité : les quelques tentatives pour ramener les comportements électoraux à des raisonnements de type économique ont été des échecs. Au moment de déposer son bulletin dans l’urne, l’électeur ne se détermine pas uniquement en fonction de ses intérêts immédiats. Toutes sortes d’autres données entrent en ligne de compte, dont il fait la somme et qui ne relèvent pas du rationnel : souvenirs, sentiments, traditions familiale ou régionale, craintes, espérances, aspirations : autant de paramètres qui ne se laissent pas mettre en chiffres. C’est un des paradoxes du vote : il inscrit le calcul au coeur du politique mais lui-même ne se réduit pas à l’ordre des grandeurs quantifiables » (p. XI). Les entrées de ce dictionnaire peuvent être classées sous neuf catégories différentes, ce qui donne une idée de son contenu riche et diversifié : personnages politiques (Lénine, Pompidou, Mitterand, Clinton, Chirac, etc.), philosophes et spécialistes des élections (Montesquieu, Rousseau, Weber, Mill, Durkheim, André Siegfried, Vilfredo Pareto, Paul Lazarsfeld, etc.), procédures, objets et techniques concernant le vote (ballottage, suffrage indirect, modèles économétriques, statistiques électorales, émargement, élections intermédiaires, carte électorale, méthodes à diviseurs, vote bloqué, etc.), pays ou régions (Canada, Belgique, Portugal, Tunisie, Afrique noire, etc.), recherche savante autour du vote (paradigme de Michigan, béhaviorisme, …