Recensions

La Révolution des droits, de Michael Ignatieff, Montréal, Boréal, 2001, 141 p. [Record]

  • Dimitrios Karmis

…more information

  • Dimitrios Karmis
    Université d’Ottawa

Ce petit ouvrage de Michael Ignatieff est issu de l’édition 2000 des Conférences Massey. Ces conférences annuelles, présentées à l’Université de Toronto et radiodiffusées sur les ondes de la CBC, constituent un défi de taille. Un auteur de renom y est appelé à présenter, dans un langage accessible, le fruit de recherches originales. L’ouvrage de M. Ignatieff s’adresse donc à la fois au milieu universitaire et au grand public. La thèse de l’ouvrage est simple, claire, mais pas particulièrement novatrice. Depuis les années 1960, les démocraties libérales sont marquées par une « révolution des droits ». Cette révolution consiste en une profonde mutation de l’ordre social et politique provoquée par la montée d’un « nouveau discours sur les droits » et son utilisation au bénéfice de l’accession à l’égalité de groupes exclus ou marginalisés (p. 13). En d’autres termes, il s’agit d’une appropriation du discours démocratique libéral par des minorités qui ont été historiquement plus ou moins radicalement exclues des bénéfices de la démocratie libérale. Sur la base de ce constat, M. Ignatieff cherche à répondre à quelques questions centrales : Pourquoi avons-nous des droits ? Quels sont les différents types de droits ? Quels sont les différentes conceptions de l’égalité des droits ? Quelles sont les implications de la révolution des droits pour la vie privée et la famille ? Que doivent faire les États démocratiques contemporains devant la pluralité des conceptions de l’égalité des droits ? Considérant la version canadienne de la révolution des droits comme la plus riche d’enseignements pour les sociétés multinationales, multilingues et multiculturelles, l’auteur répond à ces questions en se concentrant sur l’expérience canadienne. L’ouvrage est divisé en cinq chapitres. Dans le premier chapitre, M. Ignatieff jette les bases de sa réflexion en parlant des origines, de la signification et des implications de la « révolution des droits ». L’auteur est très peu loquace quant aux sources de cette révolution. Elle s’amorcerait symboliquement avec la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et commencerait réellement avec les luttes des Noirs, des femmes et autres exclus qui ont marqué les sociétés libérales occidentales dans les années 1960. On assisterait alors à l’ouverture d’une nouvelle ère de l’« Histoire » : « pour la première fois, on s’efforce de n’exclure personne des avantages de la démocratie » (p. 17). M. Ignatieff ne prétend pas ici qu’il y aura un jour un aboutissement définitif aux luttes pour les droits, ni que le langage des droits peut monopoliser le langage du bien. Il conçoit plutôt le langage des droits comme la base du compromis, comme le langage commun nécessaire dans les sociétés divisées. Selon lui, le défi fondamental de la révolution des droits consiste à « assurer l’égalité tout en permettant la différence » (p. 14). Ce défi est au coeur des quatre chapitres suivants. Au deuxième chapitre, M. Ignatieff s’interroge sur la raison d’être des droits, tout en distinguant entre droits liés à la citoyenneté et droits humains. Selon l’auteur, les droits attachés à la citoyenneté ont l’avantage de limiter le pouvoir de l’État et de favoriser la réciprocité dans les relations citoyennes. Plus généralement, ils constituent un idéal porteur et nécessaire qui donne de la légitimité aux griefs et « rappelle aux gouvernants et aux gouvernés que nous ne vivons pas selon nos principes » (p. 39). Enfin, bien que ces droits ne suffisent pas à créer un sentiment communautaire, une culture de droits peut contribuer au respect et à la confiance entre communautés. En ce qui concerne les droits humains, l’auteur précise d’abord qu’ils constituent une nécessité pour les milliards d’humains qui « vivent …