Recensions

L’introuvable écologisme français ? de Guillaume Sainteny, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Politique d’aujourd’hui », 2000, 537 p.[Record]

  • Nathalie Berny

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  • Nathalie Berny
    Université Laval et Institut d’Études politiques de Bordeaux

L’introuvable écologisme, c’est sous ce titre polémique que Guillaume Sainteny traite de l’écologisme électoral en France. L’exemple des Verts, le principal représentant de cette mouvance, permet de saisir rapidement le point de départ de l’ouvrage. Les Verts, parti issu du regroupement, en 1984, de deux structures antérieures, ne parviendront jamais à dépasser 5 % des suffrages exprimés sur un plan national entre 1974 et 1988. À l’élection législative de 1993, puis aux élections européennes de 1999, les résultats des différents partis écologistes présents avoisinent les 11,5 %, score jamais dépassé depuis. L’écologie est représentée dans des instances locales élues. Toutefois, les Verts n’obtiennent leurs premiers députés à l’Assemblée nationale qu’en 1999 et ce, avec 3,7 % des suffrages exprimés : l’alliance avec le Parti socialiste leur permet en effet d’obtenir six postes d’élus (p. 452). Les événements les plus récents affectant les Verts ne semblent pas démentir le constat pessimiste de G. Sainteny. Au-delà de sa pertinence pour l’actualité, l’ouvrage de G. Sainteny offre une analyse approfondie des métamorphoses et des faiblesses de l’écologie partisane en France. Il en aborde de multiples facettes par l’examen, entre autres, du vote écologiste, des profils des militants et des dirigeants, l’historique des principales organisations, l’étude de leurs programmes et ceux des autres partis traditionnels. Les sources invoquées par l’auteur sont également multiples : sondages, résultats électoraux, entretiens, enquête par questionnaire. L’introuvable écologisme est très informé et, par conséquent, il aborde de manière plus générale le mouvement écologiste en France, dont le rappel de l’évolution paraît indispensable pour comprendre ses stratégies partisanes. L’intérêt de cet ouvrage ne se place pas seulement sur le plan factuel. Le propos repose sur deux questions particulièrement éclairantes pour comprendre les processus d’émergence et d’affirmation politique de nouvelles revendications reliées à l’environnement : Qu’est-ce qu’un parti ? Qu’est-ce que l’écologisme ? Avec ces interrogations sous-jacentes à son développement, l’auteur décrit les atermoiements d’une stratégie électorale qui n’a pas toujours été poursuivie dans un but de conquête du pouvoir. L’écologie a, d’autre part, cristallisé des tendances qui sont présentes dans d’autres pays à l’intérieur de structures différenciées : les partis libertaires de gauche. Cette richesse des filiations explique des antagonismes d’ordre stratégique, mais également idéologique, lesquels, conjugués, ont contribué à affaiblir les structures écologistes constituées. Enfin, si l’auteur n’échappe pas à l’évocation, au moins à titre introductif, d’une possible nouvelle manifestation de « l’exception française », il n’explique pas pour autant la faiblesse des partis écologistes français par le seul facteur du contexte national. En fait, G. Sainteny attribue les échecs des écologistes aux acteurs eux-mêmes. Il illustre ainsi l’interaction entre un contexte politique, culturel et social, et les choix stratégiques d’un nouvel acteur politique. Cette analyse nourrit le questionnement sur les définitions de l’écologisme et du concept de parti. Les écologistes ont en effet tardé à s’assumer comme un parti avec une vocation de pouvoir et ceux qui ont imposé ce choix se sont par la suite divisés ; ils n’ont pas su saisir les occasions porteuses de succès électoraux quand celles-ci se présentaient. Il est intéressant de revenir sur les deux aspects de cette démonstration pour mieux apprécier l’originalité des analyses sur lesquelles elle repose. L’auteur évoque à plusieurs reprises le concept de structures des opportunités politiques tout en dépassant le cadre strictement politique de l’analyse de ces opportunités pour s’intéresser aux clivages sociaux susceptibles de faire émerger l’écologisme comme un enjeu politique. La fin des années 1970, puis la fin des années 1980 ont correspondu à deux moments particulièrement propices à l’expression d’une demande sociale congruente aux thèmes de l’écologie. La sensibilité de l’opinion publique aux questions …