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Bien que ce livre suggère, par son titre, une emphase sur la communication internationale, ses 20 chapitres traitent de sujets aussi variés que les mouvements sociaux, le terrorisme, la culture, le rôle de l’État, le développement international et la religion. Le but d’une telle variété est d’amorcer une nouvelle approche théorique et appliquée en communication internationale afin de permettre à ce champ d’études de se distancer des relations internationales. De plus, cette diversité a pour objectif de rendre le livre « utile tout autant à l’étudiant qu’au journaliste ou au public » qui s’intéressent aux questions soulevées par ces disciplines connexes. Enfin, Gilles Brunel et Claude-Yves Charron sont d’avis qu’un tel éclectisme est devenu nécessaire vu le contexte changeant dans lequel nous vivons. Ils associent ces changements à trois « tendances lourdes dans la formation sociale actuelle », lesquelles constituent les trois parties principales du livre.

La première partie, intitulée « Les enjeux de la mondialisation », comprend quatre chapitres. Les auteurs expliquent les concepts de mondialisation et de globalisation puis remettent en question la relation entre ces phénomènes et diverses actions collectives. Ces chapitres contribuent aux débats sur les effets de la mondialisation/globalisation tels que l’érosion du rôle de l’État, la primauté des droits commerciaux, les acquisitions ou fusions des sociétés d’affaires et les possibilités d’une société civile transnationale. Christian Deblock conclut son excellente analyse du système économique de l’après Deuxième Guerre mondiale en rejetant la thèse de l’érosion de l’État, car, comme le démontre le comportement hégémonique des États-Unis, les États « comptent toujours, particulièrement lorsqu’il s’agit pour eux de tourner la globalisation à leur avantage. » Ainsi, contrairement à l’objectif novateur des directeurs de l’ouvrage, le premier chapitre réaffirme l’utilité du concept d’hégémonie. G. Brunel décrit brièvement les multiples facettes et conceptualisations de la mondialisation et de la globalisation sur les plans économiques, politiques, militaires et culturels. Il souligne ainsi la complexité du phénomène et la nécessité de concevoir une « terminologie d’analyse plus fouillée que celle dont on dispose actuellement. »

Quant aux réponses sociales à la globalisation les auteurs qui abordent la question dans cette première partie sont d’avis, pour diverses raisons, que nous sommes encore loin de mouvements sociaux qui aient une signification quelconque au niveau international. Malheureusement, cette discussion n’examine pas en profondeur l’opposition à la mondialisation ni son évolution à la suite des campagnes contre l’ALENA. Chalmer Larose et Michel Duquette utilisent l’exemple des mouvements syndicaux et environnementaux qui luttèrent contre l’ALENA pour soutenir la thèse de Sydney Tarrow selon laquelle l’action collective est toujours limitée aux frontières de l’État. Soutenir cette thèse à partir d’une telle étude c’est ignorer les transformations qu’ont subies les participants à ces luttes. Il est évident que, depuis lors, des coalitions transfrontalières qui unissent les opposants à la mondialisation se sont formées. On trouve, par exemple, de telles explications dans l’article de Marc Lemire publié dans Politique et Sociétés (vol. 19, no 1, 2000, p. 49-78) et l’ouvrage intitulé Global Backlash, de Robin Broad (2002). On a manqué ainsi une occasion de discuter un aspect des nouvelles technologies de communication qui jouent un rôle important dans ces réseaux transnationaux. Le texte sur le mouvement féministe que présentent Diane Lamoureux et Évelyne Pedneault offre une réflexion plus à propos vu les conférences internationales du mouvement des femmes qui ont déjà eu lieu. Ce chapitre fournit un excellent survol des tensions entre diverses conceptions de l’oppression des femmes (entre femmes du Sud et du Nord par exemple) et une explication « de la progression vers une internationalisation du mouvement des femmes. »

La deuxième partie du livre, intitulée « Les nouvelles frontières médiatiques », contient sept chapitres qui, du moins pour les profanes, seraient considérés comme les plus représentatifs du champ de la communication internationale. On y aborde le paradigme des réseaux, les nouveaux médias, les télécommunications canadiennes, la transformation des médias occidentaux, la publicité et les relations publiques, l’autoroute de l’information en Asie et l’industrie cinématographique. Malgré la distinction thématique entre cette partie et la première, quatre de ses chapitres touchent explicitement la mondialisation. Les impacts multiples de la globalisation sur divers aspects de la communication internationale soulèvent une dimension intéressante et importante qui devrait captiver quiconque ignore les multiples ramifications du phénomène. On y trouve le thème des fusions et des acquisitions, traité par G. Brunel (chapitre 2), et les répercussions de cette concentration globale des industries de l’information sur divers domaines : l’industrie canadienne des télécommunications (chapitre 7) ; les contenus télévisuels et/ou leur contrôle et leur utilisation par les autorités politiques (chapitre 8) ; la publicité au niveau global (chapitre 9) ; et l’industrie cinématographique (chapitre 11). Tous ces chapitres reprennent les questions soulevées par la mondialisation/globalisation en ce qui concerne l’homogénéisation culturelle, le rôle de l’État et les tensions entre intérêts publics et privés.

C’est pourquoi on se demande si la rupture thématique entre ces chapitres et ceux qui touchent la mondialisation dans la première partie était vraiment nécessaire. Plutôt que d’encourager des liens analytiques, cette division les rend obscures. On se demande également pourquoi inclure une discussion qui soutient l’insignifiance des mouvements sociaux par rapport à la mondialisation dans la partie qui traite des « enjeux de la mondialisation » plutôt que dans ces chapitres sur les communications qui, eux, semblent suggérer certains enjeux réels reliés à la mondialisation ? Ces choix laissent perplexe.

Le titre de la troisième partie, « Vers de nouvelles alliances et mises en scène de pouvoir », et son contenu sont tout aussi surprenants. On discerne mal la relation entre le titre et le contenu des six chapitres qui la composent. En fait, 5 des chapitres traitent du développement international. On y trouve des discussions instructives sur diverses théories et pratiques du développement, mais très peu d’informations sur les « nouvelles alliances » ou la « mise en scène de pouvoir ». Il est plutôt question de sujets tels que les mérites et les risques observés dans l’application de diverses techniques de communication en développement (chapitres 12 et 16) ; les débats sur la conceptualisation et la pratique du développement durable (chapitre 13) ; le pour et le contre de l’approche participative (chapitre 14) ; ainsi que le potentiel des stratégies de survie au niveau local comme alternative valable de développement (chapitre 15).

Cette troisième partie du livre fournit un autre exemple instructif de la contribution du domaine de la communication au développement. On cherche toutefois en vain à discerner une relation entre cette partie et les précédentes. Exception faite de l’étude que signent Marie-Nicole Cossette, Rose Tiendrebeogo et Michel Verhas (chapitre 15), sur l’économie de survie au Burkina Faso dans un contexte de globalisation, on ne trouve aucun fil conducteur qui permette d’établir des liens significatifs entre les changements globaux profonds signalés jusqu’à présent et leur impact sur le développement. De plus, le sixième chapitre de cette partie explique l’aspect xénophobe de l’extrême droite française en réponse à la mondialisation. Mis à part le fait que l’auteur relie ce phénomène au discours de la mondialisation, on se demande à nouveau pourquoi ce chapitre se trouve parmi d’autres portant sur le développement international au Sud.

Outre ces trois parties principales, une quatrième a été ajoutée afin de donner « la parole à trois chercheurs qui ont joué un rôle important dans la communication internationale », Thérèse Paquet-Sévigny, Florian Sauvageau et René-Jean Ravault. Leurs trois chapitres offrent chacun des réflexions et des questionnements informés sur la complexité des changements globaux en cours depuis une quinzaine d’année, la nécessité de trouver de nouvelles pistes d’analyse tenant compte de cette complexité et les liens de causalité entre le phénomène de la mondialisation/globalisation et ces changements. Les auteurs soulignent la complexité des changements du point de vue des paradoxes qu’ils engendrent et du manque d’outils analytiques pour les comprendre. Ils répondent ainsi plus directement que les autres aux questionnements théoriques et empiriques suggérés dans l’introduction du volume.

La communication internationale, tout comme les relations internationales dont elle tente de se distancer, « cherche des voies nouvelles. » De toute évidence, comme l’expliquent les directeurs de La Communication internationale, « la multiplicité des démarches ne pose pas de problème en soi ». Cependant, la diversité de sujets abordés confirme leur crainte que c’est « la méthode de résolution qui devient elle-même douteuse. » Sans aucun doute, notre univers semble de plus en plus chaotique, la mondialisation/ globalisation est un concept contesté qui ne peut tout expliquer et l’analyse doit sortir des paramètres traditionnels tels que le pouvoir, l’État-nation, la communication au service de la politique, l’impérialisme ou l’économie comme facteurs déterminants. Comment procéder, voilà la question clé et c’est le projet ambitieux que proposent G. Brunel et C.-Y. Charron. Bien que l’inclusion de tant d’approches et de sujets dans un même volume illustre cet état des choses, elle ne résout par le problème.

La multiplicité d’approches et de sujets représente un attrait pour les curieux et avides de renseignements sur divers sujets d’actualité qui touchent la scène internationale. Bien qu’ils soient brefs, les chapitres présentent une interprétation des faits qui stimule la réflexion. Les étudiants y trouveront une diversité d’approches théoriques qui les guideront vers d’autres lectures dans les divers domaines d’études traités. Cependant, cette multiplicité n’offre pas de fil conducteur qui permettrait d’entrevoir les contours d’une nouvelle approche qui fournisse une image plus claire du chaos contemporain. Le regroupement de divers chapitres sous les thèmes des trois parties principales n’a pas contribué au projet d’intégration suggéré dans l’introduction du volume.

En fait, le seul thème unificateur — et l’intérêt du volume pour cette lectrice qui se spécialise en économie politique internationale — est celui de la mondialisation/globalisation. Cette impression est sans nul doute due à sa formation mais aussi aux deux premiers chapitres. Malgré l’intention des directeurs, pour qui « le bateau ivre de la mondialisation ne peut tout expliquer », ces deux chapitres fournissent un encadrement qui perdure et permet au livre d’offrir une dimension importante et particulière à la communication internationale.