Recensions

Que reste-t-il du PCF ?, de Marie-Claire Lavabre et François Platone, Paris, Autrement / CÉVIPOF (Centre d’études de la vie politique française), 2003, 158 p.[Record]

  • Serge Denis

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  • Serge Denis
    Université d’Ottawa

Voilà une étude importante et bien intéressante : par son objet (le Parti communiste français – PCF – a été le premier parti de France durant toute la IVe République et le premier parti de la gauche, de la Résistance à la deuxième moitié des années 1970, comme le soulignent les auteurs ; du fait, aussi et par exemple, de la place des partis ouvriers dans la culture politique de ce pays), par sa problématique (rendre compte du « déclin accéléré » et extrêmement prononcé du parti, en le présentant statistiquement et en le situant dans son histoire et son contexte actuel), de même que par les questionnements servant plus directement au traitement de cette problématique (le parti considéré en dimensions nationale, régionale, organisationnelle et militante). Par la notion de « déclin », les auteurs entendent sa « déroute électorale et l’effondrement des effectifs », la « déroute idéologique » (p. 7), les profonds éléments de déstructuration de l’organisation, enfin. L’intérêt de ce livre vient en plus de ce qu’il représente une contribution significative à l’histoire même du socialisme, à l’examen de son bilan comme mouvement de masse et à l’appréciation de sa situation contemporaine. « À s’en tenir à la production universitaire » française, font remarquer les auteurs, le PCF « est, de tous les partis, celui qui a suscité le plus de recherches » (p. 10). Ils prennent donc la peine de revoir les grands apports analytiques des dernières décennies, en les répartissant selon les questions privilégiées et les références théoriques. Ils notent que le « conflit des interprétations semble […] n’avoir jamais été aussi vif » qu’aujourd’hui, alors que le parti n’est plus l’ombre de ce qu’il était, conflit perceptible à la fois « dans la construction de l’objet, dans la problématique adoptée, comme dans le choix et l’usage des sources » (p. 18), de sorte que leur livre nous introduit aussi aux études les plus significatives sur le PCF et les communistes en France, la gauche dans ce pays, ses partis et son évolution, puis sur la classe ouvrière et son « destin » etc., ce qui n’est pas un mince mérite. Quant à eux, les auteurs visent d’abord, écrivent-ils, à « décrire l’état présent » de ce parti (p. 8). Ils sont bien modestes, puisque leur livre dépasse largement ce qu’on entend habituellement par l’idée de description. En tout état de cause, les trois premiers chapitres, « résolument descriptifs », tiennent-ils à préciser, veulent prendre la mesure des « mutations de l’organisation, l’évolution des effectifs et la régression électorale » qu’a connues le parti, cependant que les deux derniers cherchent à poser le moment présent dans un contexte général : « quels étaient les facteurs de la puissance passée du PCF ? Et quels sont les facteurs de son impuissance présente ? » ; doit-on parler, pour en rendre compte, d’une « inadéquation du PCF aux évolutions de la société » ou des « errements de [sa] stratégie » (p. 18-19) ? L’appréciation de l’évolution des effectifs donne lieu, en plus, à une discussion méthodologique fort instructive. On apprend ainsi qu’en 1978 l’organisation de base reposait sur quelque 28 000 cellules, dont peut-être 10 000 dans les entreprises, cependant que, « à l’exception de l’immédiat après-guerre […], l’apogée des effectifs du Parti communiste se situe entre 1978 et 1980 », officiellement « 762 864 adhérents » en 1979 (p. 23, 47). Ces données sont d’une grande valeur pour l’analyse du mouvement ouvrier, parce qu’elles expriment à nouveau ce qui a pu être établi ailleurs : la crise majeure que connaîtront les partis ouvriers traditionnels …